aussi un principe pragmatique : il conditionne l’action administrative à la disponibilité des solutions,
qui doivent être économiquement acceptables. Selon ce principe, dès qu’il existe une technologie
moins polluante, l’Etat intervient pour obtenir des entreprises son adoption.
On peut avoir plusieurs interprétations de ce principe, et la Commission Européenne, selon les
thèmes, oscille entre les deux :
- normes de rejets génériques (avec des valeurs censée être les mêmes pour tous les sites
industriels) à partir du moment où une technologie de traitement est disponible ;
- normes de rejets spécifiques, adaptées aux entreprises dans leurs spécifiés techniques,
environnementales, économiques.
De son côté, l’Etat français est toujours resté fidèle à sa doctrine des normes de rejet spécifiques.
Ainsi, l'Arrêté Intégré du 2 février 1998, texte qui traduit en droit français un ensemble de directives
européennes fondées sur des normes de rejets génériques (avec des valeurs censées être les mêmes
pour tous les sites industriels), ne prévoit pas une application unilatérale, mais une adaptation site par
site pour les installations existantes. Ce texte offre des marges d’interprétation. Du point de vue de
certains industriels et inspecteurs, une mise en œuvre trop stricte des exigences génériques pourrait
conduire à des aberrations : par exemple, pour la pollution de l’air, l’Arrêté impose des limites de
concentration d’un polluant donné dans l’air rejeté, ce qui peut conduire à un très haut niveau
d’exigence sur une source minime de pollution quand celle-ci est peu diluée, et à l’absence d’action
sur des sources importantes mais très diluées. Pour avoir du sens, une norme générique doit être
accompagnée d’autres prescriptions (par exemple sur les équipements, pour éviter une dilution) et par
une connaissance du site industriel.
L’action administrative fondée sur le principe de prévention, a fortiori quand elle vise à établir des
obligations spécifiques à chaque activité, rencontre une difficulté majeure : en effet, l’acteur public ne
peut agir qu’à condition qu’une technologie moins polluante soit effectivement disponible. Or, dans la
majorité des cas, il n’est pas de l’intérêt du pollueur de développer une telle technologie (nous verrons
plus loin les exceptions). Si le droit des installations classées a pu conduire à de vrais progrès, c’est
aussi parce que s’est développée conjointement une industrie de la dépollution (ou éco-industrie).
Cette industrie s’est fortement mobilisée dans des politiques d’innovation et de développement
technologique. Selon le principe des meilleures technologies disponibles, de nouvelles exigences
réglementaires ont été définies à partir de cette offre (par exemple, la valeur limite de concentration
d’un polluant dans un rejet dans l’air correspond exactement à la capacité des équipements de
traitement de l’air). Et les nouvelles exigences réglementaires ont créé un marché important pour ces
industriels de la dépollution (qui par ailleurs, n’avaient pas à subir les coûts de cette réglementation).
En 1996, avec la directive IPPC (IPPC signifie Integrated Pollution Prevention and Control),
l’Union européenne a voulu créer une dynamique européenne de partage des connaissances entre les
pays sur les technologies de production utilisées et leur performance environnementale : des
documents détaillés ont été rédigés sur la base d’enquêtes auprès des industriels et administrations des