Lire l`article complet

publicité
la vaccination rabique
par Nizar Ajjan
Pédiatre, Paris.
La rage est une maladie transmise accidentellement à l'homme à la suite d'une
morsure par un animal enragé, plus rarement par griffure, léchage d'une muqueuse
ou d'une plaie.
La maladie fut connue dès la plus haute antiquité, tant en Afrique qu'en Asie et en
Europe, mais il a fallu attendre la fin du XIXè siècle (1878-1885) pour que les
découvertes se succèdent à un rythme accéléré, grâce aux travaux de Victor Galtier
et Louis Pasteur qui ont abouti à la mise au point d'un vaccin, appliqué d'abord sur le
chien, puis pour la première fois en traitement post-exposition par Pasteur.
Pendant plus de 80 ans, tous les vaccins rabiques utilisés aussi bien chez l'animal
que chez l'homme étaient généralement préparés à partir de substances nerveuses
de divers animaux, pour une activité immunogène variable avec des incidents postvaccinaux graves qui les faisaient réserver aux seuls cas qui avaient eu un contact
quasi certains avec un animal atteint de rage.
Afin d'éliminer le risque encéphalomyélitique, on a cherché à produire des vaccins
rabiques dépourvus de facteur de sensibilisation. Les incidents post-vaccinaux ont
été réduits par l'utilisation de vaccins préparés à partir de substances nerveuses
d'animaux nouveau-nés, ou d'embryons aviaires.
Le développement du vaccin rabique moderne dès 1967, d'abord produit sur cellules
diploïdes humaines puis Véro, a permis pour la première fois une vaccination
préventive sans risque et un traitement après contamination dans des conditions
d'efficacité, d'innocuité et d'atoxicité totales.
I. Virus rabique
Le virus rabique appartient au groupe des rhabdovirus, genre lyssavirus. Vu au
microscope électronique, il ressemble à une "balle de fusil"; c'est un bâtonnet
cylindrique avec une extrémité en ogive de 70 à 80 nm de diamètre et 180 nm de
long ; l'autre extrémité est plate ou légèrement concave. Il comporte une
nucléocapside, constituée par un acide ribonucléique ARN négatif monobrin non
infectant, support de l'information génétique et d'unités protéiques de structure. La
nucléocapside est formée d'un filament enroulé en spirale et d'une enveloppe à
double paroi de nature glucido-lipido-protéïque. Sa face externe présente une
structure en nid d'abeilles, comportant aussi des spicules donnant à la surface de la
particule un aspect régulièrement strié. Il a été démontré que les glyco-protéïnes des
spicules sont responsables du pouvoir immunisant du virus.
Le virus rabique est d'une grande fragilité. Il est inactivé par la chaleur, les rayons
ultraviolets, la dessiccation et les solvants des lipides. Il est également inactivé par
les PH inférieurs à 3 ou supérieurs à 11, par l'alcool et les ammoniums quaternaires.
Le virus rabique atteint essentiellement les centres nerveux des animaux infectés
chez lesquels il provoque des troubles du comportement et des paralysies. Par
l'intermédiaire des nerfs, il gagne les glandes salivaires et passe dans la salive.
Le mouvement du virus le long de l'axone est passif et s'effectue à une très grande
vitesse, atteignant rapidement le cerveau où il se multiplie, puis les troncs nerveux
ainsi que toutes les parties du corps, y compris les glandes salivaires où le virus
continue à se multiplier, et par lesquelles il est transmis à d'autres animaux.
Le cycle peut durer plusieurs semaines ou mois et l'on ignore où séjourne le virus à
l'état latent au cours de la longue période d'incubation.
II. Épidémiologie
La rage est avant tout une zoonose des mammifères, transmise accidentellement à
l'homme.
La situation épidémiologique dans le monde reste préoccupante. La rage est
répandue dans le monde entier à l'exception de quelques territoires isolés, en
général des îles : l'Australie, la Nouvelle-Zélande, le Japon, l'Angleterre, l'Irlande et
quelques autres pays continentaux : Norvège, Suède.
La rage canine reste encore très répandue en Afrique, en Asie et dans certaines
régions d'Amérique latine. La vaccination des animaux sauvages constitue une
stratégie effective pour la protection des hommes. Les renards constituent les
principaux réservoirs et vecteurs en Europe, au Canada et en ex URSS. En
Amérique latine, les chauves-souris (vampires) sont infectées, mais contaminent
rarement l'homme. D'autres rongeurs sont aussi incriminés dans la transmission de
la maladie.
On distingue
 La rage canine enzootique, la rage des rues, qui touche les chiens domestiques
ou sauvages en ville ou à la campagne. Elle sévit surtout dans les pays en voie de
développement (en Afrique, en Asie et dans certaines régions d'Amérique du Sud).
Elle est à l'origine de plus de 90 % des cas de rage humaine dans le monde. En
Amérique du Nord, le réservoir du virus de la rage est constitué par les coyotes, les
chauves-souris (vampires) et de nombreuses espèces insectivores qui sont
responsables de nombreux cas de rage chez les bovins et de contaminations
humaines.
 La rage des animaux sauvages ou rage selvatique dont le réservoir est constitué
par les renards. Elle sévit en Europe, au Canada, aux Etats-Unis, en ex-URSS et
dans le nord-est de la France.
Sur le plan épidémiologique, quatre notions sont importantes :
 La rage humaine ne se contracte que là où y a des cas de rage animale. La
vaccination des animaux sauvages constitue une stratégie effective pour la
protection des hommes.
 La contamination inter-humaine est exceptionnelle, quoique signalée, à l'occasion
de greffe de cornée chez l'adulte. Toutefois, la transmission à partir d'un malade
atteint de rage clinique, au personnel soignant dans les unités de soins intensifs est
possible et impose la vaccination.
 La contamination aérienne n'a été décrite que chez des personnes qui s'étaient
introduites au Texas dans des grottes, avec une pollution virale aérienne très
importante, occasionnée par les colonies de chauves-souris infectées.
 Bien que toutes les classes d'âge puissent être touchées, la rage frappe surtout
les enfants, 35 % des sujets traités dans les centres antirabiques en 1995 en
France sont âgés de moins de 20 ans.
Le mode habituel de transmission de la rage est la morsure faite par un animal
enragé qui élimine du virus dans sa salive et l'inocule dans les tissus au moment de
la morsure. La contamination de l'homme peut aussi se réaliser par griffure qui
reste la plus dangereuse et le mode de contamination le plus fréquent, par léchage
d'une muqueuse ou d'une plaie par un animal contaminé (chien, chat, bovins).
L'excrétion du virus dans la salive d'un animal commence plusieurs jours avant
l'apparition des premiers signes de rage et se poursuit pendant la maladie. Dans 80
% des cas, elle débute de quelques heures à trois jours environ avant les premiers
signes de rage ; dans 15 % des cas, jusqu'à quatre ou cinq jours et dans 5 % des
cas jusqu'à 8 jours.
Ainsi, un animal qui mord une personne, mais ne présente à ce moment-là aucun
signe de rage peut très bien éliminer déjà du virus rabique. Pour cette raison, la
législation française prévoit la mise en observation des animaux mordeurs, pendant
14-15 jours avec contrôle vétérinaire, alors que l'OMS ne recommande qu'un délai
de 10 jours.
Le nombre de cas de rage humaine déclarés en 1994 à l'OMS était de :
- 141 en Afrique ;
- 150 en Amérique;
- 33 800 en Asie sans la Chine et le Pakistan, 18 en Europe dont 17 en Europe de
l'Est. Sauf pour l'Europe et les États-Unis, le nombre de cas déclarés est très sousestimé. L'OMS estime qu'en Inde, au moins 30 000 décès sont dus chaque année à
la rage humaine.
En 1995, ont été réalisées en France 11 464 consultations antirabiques, dont 6 243
traitements (53 %). 91 % d'entre elles ont pour origine un animal domestique, et
dans 9 % des cas un animal sauvage.
Ill. Vaccins rabiques
La fabrication des vaccins antirabiques a beaucoup évolué depuis la mise au point
du 1er vaccin par Pasteur. Actuellement, seuls sont admis des vaccins à virus
inactivés.
- Vaccins de première génération
Ils sont préparés sur tissus nerveux d'animaux adultes, moutons ou chèvres,
inactivés par la chaleur et ou le phénol. Ils ne sont utilisés que dans de très rares
pays nécessitant 14 à 21 injections.
Ils ont été remplacés par des vaccins préparés sur cerveau d'animaux nouveau-nés,
le plus souvent des souriceaux nouveau-nés d'un jour. Ces vaccins contiennent
moins de substances encéphalitogènes, mais ils déterminent des accidents
neurologiques post-vaccinaux graves liés essentiellement à la présence en
proportion variable de protéines hétérologues. L'existence de ces complications a
justifié la mise au point de vaccins préparés sur tissu embryonnaire de canard ou de
poulet, mieux tolérés, mais l'immunogénicité et l'efficacité de ces vaccins sont peu
satisfaisantes.
Parmi les vaccins de première génération, seul le vaccin purifié produit sur embryon
de canard est actuellement recommandé par le comité d'experts de l'OMS.
- Vaccins de deuxième génération
La présence d'éléments d'origine nerveuse provenant de broyats de cerveau ou
d'embryons et occasionnant des complications graves et souvent mortelles, a interdit
l'emploi préventif de ces vaccins sur des personnes qui n'ont pas été exposées à
l'infection rabique.
L'adaptation du virus rabique sur cultures cellulaires et la mise au point de
technologies nouvelles ont permis la production de vaccins de deuxième génération,
d'abord sur cellules primaires de rein de hamster, de chien ou sur fibroblastes
d'embryon de poulet, puis sur culture de cellules diploïdes humaines et plus
récemment sur lignée cellulaire continue hétéroploïde Véro à l'échelle industrielle, qui
est actuellement le seul vaccin commercialisé en France.
Ces vaccins sont hautement purifiés, inactivés, concentrés, bien tolérés, n'entraînant
que des réactions locales mineures et générales extrêmement rares. Leur pouvoir
antigénique élevé a permis une diminution du nombre d'injections nécessaires et leur
bonne tolérance, une vaccination avant exposition.
Les vaccins rabiques préparés sur culture cellulaire doivent titrer au moins 2,5
Ul/dose déterminé par le test NIH.
Le vaccin rabique cultivé sur cellules Véro préparé par Pasteur-Mérieux (VERORAB)
se présente sous la forme lyophilisée à dissoudre au moment de l'emploi. Le vaccin
doit être injecté aussitôt après reconstitution et la seringue doit être détruite après
usage.
1. Vaccination préventive
La vaccination préventive est indiquée en zone d'enzootie rabique ou le risque de
contamination est en fonction des chances de rencontre avec les animaux atteints de
rage.
Elle est actuellement recommandée au personnel des laboratoires travaillant sur le
virus rabique aux membres des professions en contact avec les animaux, aux
voyageurs et aux résidents en zone d'enzootie de la rage canine.
Le protocole de vaccination avant exposition, recommandé par l'OMS et le CDC
comporte trois injections aux jours 0-7-28 effectuées par voie intramusculaire dans le
deltoïde avec un rappel un à deux ans plus tard. Le protocole en trois injections est
largement utilisé en Allemagne et aux États-Unis. En France et en Grande-Bretagne,
c'est le protocole à deux injections : JO, J28 qui est utilisé, les injections de rappel
sont réalisées à un an, puis tous les 3 ans.
L'étude comparative de l'immunogénicité du vaccin Véro à celle du vaccin diploïde
selon les protocoles à 2 et 3 injections complétées d'un rappel à un an, que nous
avons menée chez 312 personnes volontaires, professionnellement exposées, a
montré que le protocole en trois injections, donne des taux d'anticorps neutralisants
plus élevés.
Tableau n°1. Récapitulatif des vaccinations
Vaccination préventive
 3 injections a :
J0, J7, J28 selon l'OMS et le CDC
J0, J28 et 1 an après, puis tous les 3 ans en France et en Grande-Bretagne
Vaccination préventive
 3 injections a :
J0, J7, J28 selon l'OMS et le CDC
J0, J28 et 1 an après, puis tous les 3 ans en France et en Grande-Bretagne
Téléchargement