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« hippie » un peu factice (ce qui n’empêchait pas Greg de savoir rêver et de nous faire rêver avec
Olivier Rameau ou Luc Orient). Il faut également tenir compte du fait que ce récit était à l’origine
destiné à une publication interne du Crédit Lyonnais en 1980 et il parut en album en 1985. La période
n’est pas innocente : avec les élections de Reagan en 1980 et Thatcher en 1979, la période est au
renouveau du libéralisme (même le retour des socialistes au pouvoir fait long feu avec le « tournant de
la rigueur » en 1982). Une appréciation positive de l’argent et du système de marché devient donc plus
facile à accepter que durant les années 1970.
Mais au delà de ces considérations idéologiques, on voit que les éléments utilisés dans ces récits ne
sont pas sans rappeler les démarches présentées précédemment. Dans Achille Talon, on retrouve les
références à un homme préhistorique idéalisé et à une île déserte, moyens privilégiés pour présenter un
individu en réalité désocialisé et capable depuis toujours de calculer précisément ses avantages et ses
coûts (comme le dit le Talon homo sapiens) afin de satisfaire de légitimes besoins.
Dans Astérix, il n’y a pas de besoins en tant que tels si ce n’est le désir d’être l’homme le plus
important (pour les gaulois) ou de conserver une image sociale valorisante (chez les romains) à
travers la consommation ostentatoire et donc à travers le désir d’argent. Le caractère rationnel de
l’individu ne suffit pas à expliquer son comportement, il faut également tenir comte de s relation aux
autres donc il faut prendre en compte un individu en société.
Pour conclure
On peut tirer pas mal de choses de ces quatre bande dessinées. La première réaction qui vient est de
remarquer que deux BD mettent plutôt en avant les avantages du marché et du libéralisme (c’est
particulièrement net pour Talon, un peu moins pour le récit de Bauman) alors que les deux autres
optent plutôt pour une critique du système de marché (Goodwyn et Astérix). C’est le plus évident mais
à mon avis, ce n’est pas le plus intéressant. Le plus intéressant c’est les aspects méthodologiques sous
jacents à ces BD. Le livre de Bauman et le Achille Talon essaient de comprendre les ressorts de
l’économie en partant de situations hypothétiques représentant des individus calculateurs et rationnels
dont les stéréotypes sont les naufragés sur ne île, les hommes préhistoriques et les prisonniers. Ces
différentes figure ont pour point communs de représenter des individus sans interactions avec autrui,
sans affects et uniquement préoccupés par la satisfaction maximum de leurs besoins.
Dans les récits de Goodwyn et de Goscinny, on a à fa ire à des individus qui sont avant tout
soucieux du regard des autres ; l’interaction entre individus est essentielle ; le prestige, les relations d
pouvoir et le désir d’argent sont au cœur de ces représentations. Nous avons à faire à des « individus e
société » et pour les comprendre, l’économie pure ne suffit plus, il faut aussi faire de la psychologie,
de la sociologie, de l’histoire, des sciences politiques, de l’ethnologie, etc…
On trouve ici une partition essentielle en économie entre les « économistes orthodoxes » (ou
« mainstream ») et les « économistes hétérodoxes ».
Les économistes orthodoxes, à la suite de Walras, ont une ambition élevée : faire de la science
économique une science dure, d’ailleurs calquée sur la physique classique, qui permettrait de dégager
des lois universelles et incontestables( la physique à l’égard de laquelle nombre de ces économistes
orthodoxes font un véritable complexe, confère cette blague classique circulant parmi les
économistes : un économiste qui meurt se transformera en physicien s’il a bien mené sa vie
d’économiste mais en sociologue dans le cas contraire). Evidemment, l’observation de la réalité
économique traversée de relations de pouvoirs et de réactions passionnelles ne permet guère de
dégager ces fameuses lois. Il faut alors s’en remettre au seul raisonnement sur des figures idéalisées.
L’homme est un être imparfait, passionné, colérique, capable des pires folies ? Certes : Mais