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ORTHODOXIE ET HETERODOXIE EN ECONOMIE ET EN BD
PARTIE VI
Le problème c’est qu’il faut écouler tous ces menhirs
(Source : Goscinny Uderzo « Obélix et compagnie » - Dargaud 1976)
Et pour cela, rien ne vaut la publicité qui ne va pas s’appuyer sur les besoins préalables des individus
mais sur la comparaison envieuse
(Source : Goscinny Uderzo « Obélix et compagnie » - Dargaud 1976)
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(Source : Goscinny Uderzo « Obélix et compagnie » - Dargaud 1976)
Qui aboutit à l’apparition de concurrents mais au lieu d’avoir un bel équilibre offre-demande on
assiste à l’apparition d’une jolie bulle (une bulle de menhirs, ça en jette !)
(Source : Goscinny Uderzo « Obélix et compagnie » - Dargaud 1976)
Il est également intéressant de faire un point sur la représentation de l’argent dans ces deux BD. Dans
le rit d’Achille Talon, l’argent n’est qu’un moyen pratique pour faciliter le troc (les économistes
préfèrent are de « monnaie ») ce qui est une représentation fréquent mais historiquement fausse.
Dans Astérix, l’argent est d’bord un instrument permettant l’expression de son pouvoir et la
démonstration de son prestige et l’argent est d’abord désir pour lui-même et non pour faciliter le troc.
Le contexte de développement de ces histoires
Il n’est pas inintéressant de s’arrêter sur les différences entre l’histoire de Greg (Achille Talon)
et celle de Goscinny et Uderzo (Obélix). La BD de Goscinny et Uderzo est chronologiquement la
première. On y voit bien sûr une critique du système capitaliste mais Goscinny ne cherchait pas à faire
œuvre de critique politique (il n’était certainement pas « gauchiste » et d’après Nicolas Rouvière, avait
plutôt des sympathies endésistes); il cherchait simplement à s’amuser de certains aspects et travers de
la société française (les congés payés dans «Le tour de gaule », les élection présidentielles avec « Le
combat des chefs », le système fiscal dans « Le chaudron » etc,…) ; mais trois ans après le premier
choc pétrolier (l’album parait en 1976) on pouvait s’attendre à ce qu’il s’empare du thème de
l’économie et que sa parodie soi influencée par les thématiques en cours depuis 1968.
La démarche, très différente, adoptée par Michel Greg peut probablement se comprendre en
partie par ses opinions politiques (je crois qu’il ne cachait pas ses préférences politiques plutôt à
droite) et par l’agacement qu’on retrouve dans certaines de ses BD vis-à-vis d’une contestation
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« hippie » un peu factice (ce qui nempêchait pas Greg de savoir rêver et de nous faire rêver avec
Olivier Rameau ou Luc Orient). Il faut également tenir compte du fait que ce récit était à l’origine
destiné à une publication interne du Crédit Lyonnais en 1980 et il parut en album en 1985. La période
n’est pas innocente : avec les élections de Reagan en 1980 et Thatcher en 1979, la période est au
renouveau du libéralisme (même le retour des socialistes au pouvoir fait long feu avec le « tournant de
la rigueur » en 1982). Une appréciation positive de l’argent et du système de marché devient donc plus
facile à accepter que durant les années 1970.
Mais au delà de ces considérations idéologiques, on voit que les éléments utilisés dans ces récits ne
sont pas sans rappeler les démarches présentées précédemment. Dans Achille Talon, on retrouve les
références à un homme préhistorique idéalisé et à une île déserte, moyens privilégiés pour présenter un
individu en réalité désocialisé et capable depuis toujours de calculer précisément ses avantages et ses
coûts (comme le dit le Talon homo sapiens) afin de satisfaire de légitimes besoins.
Dans Astérix, il n’y a pas de besoins en tant que tels si ce n’est le désir d’être l’homme le plus
important (pour les gaulois) ou de conserver une image sociale valorisante (chez les romains) à
travers la consommation ostentatoire et donc à travers le sir d’argent. Le caractère rationnel de
l’individu ne suffit pas à expliquer son comportement, il faut également tenir comte de s relation aux
autres donc il faut prendre en compte un individu en société.
Pour conclure
On peut tirer pas mal de choses de ces quatre bande dessinées. La première réaction qui vient est de
remarquer que deux BD mettent plutôt en avant les avantages du marché et du libéralisme (c’est
particulièrement net pour Talon, un peu moins pour le récit de Bauman) alors que les deux autres
optent plutôt pour une critique du système de marché (Goodwyn et Astérix). C’est le plus évident mais
à mon avis, ce n’est pas le plus intéressant. Le plus intéressant c’est les aspects méthodologiques sous
jacents à ces BD. Le livre de Bauman et le Achille Talon essaient de comprendre les ressorts de
l’économie en partant de situations hypothétiques représentant des individus calculateurs et rationnels
dont les stéréotypes sont les naufragés sur ne île, les hommes préhistoriques et les prisonniers. Ces
différentes figure ont pour point communs de représenter des individus sans interactions avec autrui,
sans affects et uniquement préoccupés par la satisfaction maximum de leurs besoins.
Dans les récits de Goodwyn et de Goscinny, on a à fa ire à des individus qui sont avant tout
soucieux du regard des autres ; l’interaction entre individus est essentielle ; le prestige, les relations d
pouvoir et le désir d’argent sont au cœur de ces représentations. Nous avons à faire à des « individus e
société » et pour les comprendre, l’économie pure ne suffit plus, il faut aussi faire de la psychologie,
de la sociologie, de l’histoire, des sciences politiques, de l’ethnologie, etc…
On trouve ici une partition essentielle en économie entre les « économistes orthodoxes » (ou
« mainstream ») et les « économistes hétérodoxes ».
Les économistes orthodoxes, à la suite de Walras, ont une ambition élevée : faire de la science
économique une science dure, d’ailleurs calquée sur la physique classique, qui permettrait de dégager
des lois universelles et incontestables( la physique à l’égard de laquelle nombre de ces économistes
orthodoxes font un véritable complexe, confère cette blague classique circulant parmi les
économistes : un économiste qui meurt se transformera en physicien s’il a bien mené sa vie
d’économiste mais en sociologue dans le cas contraire). Evidemment, l’observation de la réalité
économique traversée de relations de pouvoirs et de réactions passionnelles ne permet guère de
dégager ces fameuses lois. Il faut alors s’en remettre au seul raisonnement sur des figures idéalisées.
L’homme est un être imparfait, passionné, colérique, capable des pires folies ? Certes : Mais
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généralement il s’agit d’un individu plutôt raisonnable qui pèse le pour et le contre de ses décisions,
voit ce qu’il risque et sont ses avantages. C’est un individu rationnel et maximisateur qui cherche à
maximiser sa satisfaction, son plaisir ou son profit.
Dans sa version la plus extrême, l’économiste orthodoxe privilégie donc l’analyse logique du
comportement humain mais rejette tout ce qui peut ressembler à d e l’humain, justement, la sociologie,
l’histoire et les sciences sociales en général. Evidemment, c’est un cas extrême et les orthodoxes
peuvent prendre en compte ces diverses sciences sociales, mais plus ou moins. Souvent moins que
plus.
On confond souvent cette démarche avec une apologie du libéralisme. Ce n’est pas tout à fait exact car
certains économistes en rendant l’homo oeconomicus plus complexe (il est mal informé par exemple)
peuvent montrer que le marché n’est pas toujours efficace et que l’intervention de l’Etat peut
s’imposer. Ceci dit, le lien avec le libéralisme es quand même fort et s’est imposé ces trente dernières
années.
Les économistes hétérodoxes, aussi divers soient ils, ont en commun l’idée qu’on ne peut pas se
contenter d’une analyse logique du comportement individuel mais qu’il faut considérer la science
économique comme une science sociale parmi d’autres. Il ut donc prendre en compte l’environnement
de l’individu, les groupes sociaux, les institutions, etc… il ne faut donc pas hésiter à convoquer
l’histoire, la sociologie ou d’ethnologie, par exemple. Ici aussi, il ne faut pas confondre hétérodoxie et
critique des mécanismes d e marché car si c’est plutôt la tendance dominante, des « ultralibéraux »
comme les disciples de Friedrich Von Hayek sont fréquemment classés parmi les hétérodoxes.
En tant que telle l’approche orthodoxe est sympathique, intellectuellement stimulante et peut
aider à comprendre beaucoup de choses (j’apprécie d’ailleurs son importation en sociologie). Le
problème n’est pas celui de son existence mais de sa domination dans le champ économique qui a
abouti à pratiquement exclure les approches hétérodoxes. Il est bien probable que cette fascination
pour la beauté de l’analyse logique et des mathématiques soit pour quelque chose dans la cécité de
certains face à la crise financière de 2008 (cf Krugman : « les économistes se sont égarés, car ils ont,
en tant que groupe, confondu la beauté - revêtue d’imposants atours mathématiques - avec la vérité »
- « nous nous sommes tant trompés » - http://contreinfo.info/article.php3?id_article=2778 ).
Vous voyez bien qu’Achille Talon et Obélix disent des choses intelligentes.
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