Hiérophanies, théophanies, territoire sacré, temps sacré
A la base et à l’origine de toute religion, il y a une manifestation du divin (hiérophanie)
vécue par l’homme ou une manifestation de Dieu (théophanie).
Finalement, comme l’a souligné Mircea Eliade, toute l’histoire des religions de la plus
primitive aux plus éléborées est constituée par une accumulation de hiérophanies et de
théophanies : de la manifestation du sacré dans un objet quelconque (pierre, arbre)
jusqu’à la manifestation de Dieu dans une personne : Jésus (pour le christianisme) ou
Krishna (pour l’hindouisme).
A l’origine du judaïsme se trouvent plusieurs théophanies :
Gen 18 : Abraham au chêne de Mamré (trois hommes, en fait trois anges, lui
apparaissent)
Ex 3.1 : Moïse et le buisson ardent
Ex 19-20 : Moïse dans le Sinaï.
Le mont Sinaï L'archange Gabriel révélant le Coran à
Mohammed
A l’origine de l’islam se trouve l’apparition de l’ange Gabriel à Mohammed en 610, qui
selon la Sîra, apporta au Prophète un Livre, le Coran.
On voit d’après ces quelques exemples qu’il n’y a pas de théophanie brute, toute
théophanie est toujours diatisée. On voit aussi la diversité des supports de
théophanie :
une personne (christianisme, krishnaïsme)
un ange ou un livre (islam)
un arbre (buisson ardent)
une nuée (Dieu parle dans une nuée, par le tonnerre en Ex 19-20)
une pierre (dans toutes sortes de religions)….
On voit aussi le problème que posent ces théophanies. L’objet ou la personne qui sont
support de la théophanie , dans lesquels se manifeste le sacré ou Dieu reste un objet
comme les autres :
le Coran est apparemment, à première vue, un livre comme les autres. Cependant, pour
les musulmans il révèle une réalité surnaturelle (Dieu), et l’ange Gabriel se présentait
souvent sous la forme d’un jeune homme
de même Jésus (ou Yoshoua) était apparemment un homme comme les autres :
cependant pour les chrétiens, il est fils de Dieu
de même encore : telle pierre qui est l’objet de vénération dans telle religion africaine
est apparemment une pierre comme les autres (même composition chimique).
Cependant, pour le croyant, il s’agit d’une pierre pas comme les autres, d’une pierre
sacrée, c-à-d qui manifeste, révèle une autre dimension de l’existence.
Bien remarquer : ce n’est jamais la pierre, l’arbre etc… que l’on adore, mais la divinité, la
puissance qui un jour s’est manifestée dans cette pierre. C’est ce que l’on appelle
l’irrécognoscibilité du sacré. Le sacré n’est pas reconnaissable a priori.
Dans toute hiérophanie, il convient donc de reconnaître trois éléments :
l’objet naturel (pierre, arbre…) qui continue à se situer dans son contexte normal
la réalité invisible qui donne un autre caractère à l’objet support de théolophanie
le médiateur qui est l’objet naturel revêtu des nouvelles dimensions de la sacralité.
A partir du concept d’hiérophanie, on comprendra mieux ce qu’on entend en histoire des
religions par territoire sacré et par temps sacré.
Territoire sacré
Un territoire sacré est un territoire où un jour a eu lieu une théophanie ou une hiérophanie
et qui à cause de cela est devenu marqué, tabou.
Le Sinaï est territoire sacré, parce que Dieu s’y est révélé à Moïse
Vrindavân, en Inde, est territoire sacré, parce que Krishna y a passé sa jeunesse. Or
Krishna est l’incarnation de Vichnou.
La Mecque est territoire sacré, parce que, selon la tradition islamique, Abraham y
planta sa tente et l’emplacement du haram a été délimité par Dieu lui-mêm qui fit
souffler un vent qui dessina sur le sable su sol les contours de la Ka’ba
Jérusalem est ville sainte pour le judaïsme notamment parce qu’elle est considérée par
le judaïsme comme le centre du monde, autour duquel le reste du monde a été créé.
D’après tous ces exemples, on voit également qu’un lieu sacré peut être à l’origine une
simple place, non construite.
L’habilitation à pénétrer dans un lieu saint
On ne pénètre pas n’importe comment, ni n’importe quand dans un lieu saint.
Ex 3.5 (buisson ardent) : N’approche pas d’ici, dit le Seigneur à Moïse, ôte la chaussure
de tes pieds, car le lieu ou tu entres est une terre sainte
Ôter les chaussures est ici un rite de pureté. La délimitation entre profane et sacré exige
que l’on ne transporte rien (poussière…) d’une zone à l’autre.
Avant d’entrer dans une mosquée (et aussi dans un temple bouddhiste), on ôte de
même les chaussures. Avant la prière (où l’on s’approche encore plus intimement de
Dieu), il faut procéder à diverses ablutions.
1. Fontaine à ablutions, dans une mosquée du Caire 2. Ablutions au Gange
3. Bassin aux ablutions d'un temple hindou (pour agrandir ces deux photos cliquer dessus)
(autres photos d'ablutions: Mahâ Kumbh Melâ)
Souvent à l’intérieur d’un territoire sacré, il y a une zone de sacralité maximale
l’accès est soumis à des restrictions plus sévères encore.
Au centre des temples hindous, il y une cella où se trouve la statue de la divinité, c’est
le garbhagriha (ou saint des saints, en sanskrit). Pour pouvoir y pénétrer, il faut être
prêtre, c-à-d brahmane, c-à-d être soumis à des rites de pureté plus exigeants que pour
le commun des mortels (végétarisme). Pour entrer dans le reste du temple, les
restrictions sont au contraire minimales : il suffit d’être hindou.
Dans le christianisme, la restriction ne se fait pas au niveau du sanctuaire, mais du rite.
Dans le catholicisme, seul un prêtre peut célébrer la messe ; or le prêtre est, lui aussi,
soumis à des exigences de pureté plus grande que le reste des fidèles (célibat).
Pour participer au rite central du culte chrétien, l’Eucharistie, il faut être chrétien, c-à-d
être passé par le baptême qui, lui, a aussi un aspect de purification, par l’eau du baptême
et le Saint-Esprit. Le rituel chrétien commence par la confessions des péchés, qui est une
purification intérieure.
Plus un territoire est sacré, plus il y a des restrictions d’accès : si, à la rigueur, on permet
en général à des non-musulmans d’entrer dans une mosquée (en dehors des heures de
prière), l’accès au haram de La Mecque, où se trouve la Ka’ba, le sanctuaire central de
l’islam, est réservé aux seuls musulmans.
En résumé, on peut dire qu’un espace sacré est un endroit où un jour il y eu une
hiérophanie quelconque et qui est caractérisé par des restrictions d’accès.
Autrement dit pour l’homo religiosus, l’espace n’est pas homogène, il présente des
ruptures et des cassures.
Il y a des espaces sacrés, forts, significatifs, et d’autres, sans structure, ni consistance,
pour tout dire a-morphe.
Plus encore, pour l’homme religieux, cette hétérogénéité de l’espace se traduit par
l’expérience d’une opposition entre l’espace sacré, le seul qui soit réel pour lui, parce que
c’est le lieu de la foi, et tout le reste, l’étendue informe qui l’entoure (l’espace profane).
Voir le livre du Lévitique.
Le temps sacré
Pas plus que l’espace, le temps n’est pour l’homo religiosus, ni homogène, ni continu. Il y
a un temps sacré qui est le temps des fêtes, qui se distingue de la masse amorphe du
temps du reste du calendrier.
Le temps sacré par excellence, c’est le temps liturgique qui est toujours cyclique et qui
réactualise, année après année, les événements fondamentaux de la religion.
La liturgie chrétienne a un caractère cyclique très accentué. L’année liturgique
commence par la période de l’avent (où l’on attend le Christ), puis Noël, le temps du
carême, Pâques, l’Ascension et Pentecôte.
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Bibliographie Définition Mircea Eliade Le sacré Théophanies Le Ciel Le Sanctuaire Personnes sacrées Le Mythe
Hindouisme Judaïsme Bouddhisme Christianisme Islam Histoire des Religions
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