Congrès Marx International V - Section Philosophie –Capital – Paris-Sorbonne et Nanterre – 3/6
octobre 2007
Jacques BIDET
Lecture philosophique du commencement du Capital : l’erreur de Marx et du marxisme
classique
[Avec une note introductive
]
. Note introductive
En complément à cet exposé, présenté oralement lors du Congrès Marx V, voici d’une part quelques
éléments concernant la bibliographie et d’autre part un éclaircissement préalable du propos.
1/ Bibliographie
Cet exposé reprend, de façon succincte, certaines idées que j'avance dans mon livre Explication et
reconstruction du Capital, PUF, 2004, qui a précisément pour objet premier l'explication des
Sections 1 à 3 du Livre I du Capital, soit les chapitres 1 à 5 de la version allemande. Ce livre prend
appui sur plusieurs autres ouvrages et articles que j’ai précédemment consacrés à ce
« commencement » du Capital. Il présente un tableau assez complet des diverses interprétations
proposées, ainsi qu’une bibliographie très étendue concernant les diverses interprétations du
Capital. « L’explication » peut être lue à part de la « reconstruction ».
On trouvera sur mon site personnel, http://perso.orange.fr/jacques.bidet/ , d'une part un ensemble de
travaux qui complètent Explication…, et d'autre part un Commentaire du Capital Livre I, Sections
1 et 2, alinéa par alinéa, dans le même esprit.
2/ Eclaircissement préalable
Je m'oppose notamment à l'interprétation la plus courante du Capital, celle qui en cherche les clés
dans les Grundrisse, cette première ébauche dans laquelle Marx fait un usage largement
expérimental des catégories hégéliennes dans son travail d'élaboration de la forme moderne (ou
capitaliste) de société. Au cours de cette recherche, Marx vient notamment à se confronter à la
prétention (déjà !) du libéralisme selon laquelle, dans la modernité, prévaut une économie de
marché, une logique marchande de la production. Grundrisse se divisait en deux « chapitres », l'un
consacré à « l'argent » et plus généralement à la « circulation », c'est-à-dire au système des
échanges marchands ; et la question de la production n'était abordée que dans le contexte de
l’analyse du procès proprement capitaliste. Dans Le Capital, au contraire, et notamment dans ses
ultimes versions, jusqu'à la version française (dite « version Roy », son traducteur, mais où toute
innovation est le fait de l’auteur), Marx comprend qu'il doit commencer par définir la pure « logique
de la production marchande », dont il montrera ensuite par contraste, à la Section III, que telle n'est
pas la « logique du capital », laquelle cependant l’implique.
Je considère la lecture « grundrissienne » comme « dogmatique » parce qu'elle tend à aborder la
pensée de Marx comme une sorte de totalité, de telle sorte que l'on peut expliquer un écrit par un
autre. Après Barthes, Foucault et Althusser, on aurait pu penser que cette catégorie d'auteur et
d'oeuvre est un peu sujette à caution. Je prends Marx pour un chercheur ordinaire, qui n'écrit jamais
une nouvelle version que parce que la précédente lui semble insatisfaisante.
On se rappellera que Le Capital n'est pas un livre de philosophie, mais un fragment de théorie de la
société moderne. Le contenu en est certes principalement économique. Mais Marx inaugure une
nouvelle approche, celle qui s'impose aujourd'hui dans les « hétérodoxies » économiques : il refuse
une idée abstraite et éternelle de l'économie, il insère le système des relations économiques dans le
« phénomène social total » d'une forme de société, en l'occurrence l'économie capitaliste dans la
société moderne. Le Capital est à cet égard à considérer du point de vue de l'histoire des sciences,
en l'occurrence des sciences sociales. C'est-à-dire d'une façon telle qu'il n'est pas seulement une
doctrine à interpréter, mais aussi une « théorie » à propos de laquelle se pose la question de sa
pertinence, c'est-à-dire de sa « vérité » relative. Et donc aussi à traiter, à l'instar de toute autre