1. La biodiversité, un enjeu économique important

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Exposé Vision Internationale des Affaires
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Les enjeux économiques du XXème siècle :
la biodiversité, l'eau et le pétrole
Introduction
Les enjeux économiques du XXIème siècle découlent de ceux du siècle précédent.
L’essor industriel, débuté à la fin du 18ème siècle, a, en grande partie, bouleversé le monde
occidental. Et pour cause, l’une de ses principales conséquences a été une transformation
du monde (développement des transports, transformation dans le domaine de l’agriculture,
urbanisation…). Mais, ce développement a eu des conséquences sur deux plans : un bien
pour l’économie des pays mais un mal pour l’environnement. En effet, pour « bâtir, un faut
détruire ». L’industrialisation a-t-elle été un bien pour un mal ?
Lister des exemples d’enjeux économiques
"Biodiversité": Un mot encore inconnu de la plupart des dictionnaires. Pourtant on en parle
de plus en plus. La diversité des espèces végétales et animales s'amenuise rapidement
tandis que l'appropriation du vivant devient l'enjeu d'une formidable confrontation
économique, politique, sociale et culturelle...
Sur les plans politique et économique, la biodiversité est devenue un enjeu majeur, faisant
désormais l'objet d'un accord international global, la "Convention sur la diversité biologique".
Celle-ci fut signée en 1992 à Rio de Janeiro par 157 pays et la Communauté européenne
lors du Sommet de la Terre sur l'environnement et le développement. De même, sur les
plans éthique et culturel, la diversité biologique apparaît comme un thème mobilisateur qui
permette une meilleure définition de la place de l'homme, de sa responsabilité évolutive dans
le monde vivant ainsi qu'à l'égard des générations futures.
Exposé Vision Internationale des Affaires
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Sommaire
Introduction............................................................................................................... 1
1.
La biodiversité, un enjeu économique important ........................................... 3
A.
Une notion vaste ...................................................................................................... 3

Définition ................................................................................................................................ 3

La biodiversité est-elle menacée ?......................................................................................... 4

Le statut juridique de la biodiversité ....................................................................................... 5
Les acteurs de la biodiversité : protection, conservation… ................................. 6
B.

Quels acteurs pour quelles actions ? ..................................................................................... 9

Des idées et des mesures .................................................................................................... 11

Quel avenir ? ........................................................................................................................ 21
C.
2.
3.
Biodiversité et développement durable ................................................................25

Le développement durable en quelques dates .................................................................... 25

Préservation de l'environnement : enjeu par définition du développement durable ............ 27

Contraintes ou opportunités ................................................................................................. 27
L’eau : l'or bleu ................................................................................................ 32

Les enjeux de la gestion de l’eau ......................................................................................... 32

L’eau, l’or bleu : une marchandise comme les autres ? ...................................................... 35

La guerre de l’eau aura-t-elle lieu ? ..................................................................................... 36

Les idées et les actions menées : quelques solutions ......................................................... 39
Le pétrole : l'or noir ......................................................................................... 41

Epuisement des réserves ..................................................................................................... 42

Pétrole et mondialisation ...................................................................................................... 42

Compagnies pétrolières : des colosses aux pieds d’argile .................................................. 43
Conclusion .............................................................................................................. 47
Débat........................................................................................................................ 49
Glossaire ................................................................................................................. 50
Surligner tous les mots de vocabulaire à définir
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1. La biodiversité, un enjeu économique important
A. Une notion vaste
 Définition
La biodiversité ou diversité biologique est un néologisme construit à partir des mots biologie
et diversité.
Le terme biodiversité a été utilisé pour la première fois par l'entomologiste E.O. Wilson en
1986, lors de la publication du compte-rendu du premier forum américain sur la diversité
biologique, organisé par le National Research Council. Le mot biodiversité lui a été suggéré
par le NRC, en remplacement de diversité biologique, jugé moins efficace en terme de
communication. Le terme biological diversity lui même provient de Thomas Lovejoy en 1980.
Depuis 1986, le terme et le concept sont très utilisés par les biologistes, les écologistes, les
dirigeants et les citoyens. L'utilisation du terme a coïncidé avec la prise de conscience de
l'extinction d'espèces au cours des dernières décennies du XXe siècle.
La Convention de la Diversité biologique (1992) définit les termes de la biodiversité de la
façon suivante :
 Diversité biologique : Variabilité des organismes vivants de toute origine y compris,
entre autres, les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques et
les complexes écologiques dont ils font partie ; cela comprend la diversité au sein
des espèces et entre espèces ainsi que celle des écosystèmes.
 Ecosystèmes : le complexe dynamique formé de communautés de plantes,
d’animaux et de micro-organismes et de leur environnement non vivant qui, par leur
interaction, forment une unité fonctionnelle.
(Extrait de l'article 2)
En résumé, la biodiversité désigne la diversité du monde vivant, au sein de la nature.
Elle est habituellement subdivisée en trois niveaux :
Diversité génétique
Diversité des gènes au sein d'une espèce
(diversité intraspécifique)
Pour les généticiens, la biodiversité est la diversité des gènes et des
organismes.
Ils étudient les processus, tels que mutations, échanges de gènes et
dynamique des gènes se produisant à l'échelle de l'ADN et
permettant l'évolution.
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Diversité spécifique
Diversité
écosystémique
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Diversité des espèces (diversité interspécifique)
Pour les biologistes, la biodiversité est la diversité des organismes et
des espèces, mais aussi de la façon dont les organismes
fonctionnent.
Les espèces apparaissent et disparaissent, les sites sont colonisés
par les organismes de la même espèce ou par une autre...
Les organismes et les espèces n'utilisent pas les mêmes stratégies
de reproduction, qui peuvent changer en fonction de
l'environnement. Certaines espèces développent des organisations
sociales pour améliorer leurs objectifs de reproduction ou utilisent les
espèces voisines vivant en communautés.
Diversité des écosystèmes1 présents sur Terre
Pour les écologistes, la biodiversité est aussi la diversité des
interactions durables entre espèces.
Ces dernières font référence aux espèces, mais aussi à leur
environnement et à l'écorégion colonisée.
Dans chaque écosystème, les organismes vivants font partie d'un
tout, ils interagissent les uns avec les autres, mais aussi avec l'air,
l'eau et le sol qui les entourent
Dans le cadre de notre exposé, nous retiendrons l’approche écologique de la biodiversité.
Les aspects importants de la biodiversité sont :
- sa dimension temporelle : elle n'est pas statique. La biodiversité est un système en
évolution constante, du point de vue de l'espèce autant que celui de l'individu.
- sa composante spatiale : la biodiversité n'est pas distribuée de façon régulière sur
terre. La flore et la faune diffèrent selon de nombreux critères comme le climat,
l'altitude, les sols ou les autres espèces.
Parmi les pays riches en biodiversité, on peut citer :
- Le Brésil, qui représente 1/5ème de la biodiversité mondiale, avec 50 000 espèces de
plantes, 5 000 vertébrés, 10 à 15 millions d'insectes et des millions de microorganismes.
- L'Inde, qui représente 8% des espèces connues, avec 47 000 espèces de plantes et
81 000 espèces animales.
 La biodiversité est-elle menacée ?
Durant les dernières décennies, une dégradation de la biodiversité a pu être observée.
La majorité des biologistes estiment qu'une extinction de masse est en train de se produire.
Bien qu'il y ait un désaccord sur les nombres, la plupart des scientifiques pensent que le taux
actuel de disparition d'espèces est plus élevé qu'il n'a jamais été dans les temps passés.
Ecosystème : Ensemble écologique constitué par un milieu (sol, eau…) et une communauté d’êtres
vivants, liés par des relations énergétiques.
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Plusieurs études montrent qu'environ une variété sur huit de plantes connues est menacée
d'extinction. Chaque année, entre 17 000 et 100 000 variétés disparaissent de notre planète.
Certains avancent également qu'un cinquième de toutes les espèces vivantes pourrait
disparaître dans les 30 ans.
Points de vue concernant les causes de cette dégradation :
- La plupart disent que ces pertes sont dues aux activités humaines, en particulier
causées par la destruction des écosystèmes abritant certaines plantes et animaux.
- Certains expliquent cette situation non par la surexploitation des espèces ou une
dégradation de leur écosystème, mais plutôt par la conversion des écosystèmes
anciens en des écosystèmes standardisés (e.g. par exemple, déforestation suivie
de monoculture).
- D'autres ont mis en avant l'absence de droits de propriété ou de règles d'accès
aux ressources amenant les ressources naturelles à être utilisées de façon
anarchique.
Parmi ces détracteurs, quelques-uns affirment que des extrapolations abusives sont faites,
et que le rythme actuel de disparition des espèces ou de destruction des forêts tropicales,
des récifs coralliens ou des mangroves (trois sortes d'habitats riches en biodiversité) n'est
pas suffisant pour parler d'extinction de masse.
Ainsi, la majorité des extinctions ont été observées sur des îles. Néanmoins, la quasidisparition de plus de 200 espèces de poissons dans le lac Victoria (seulement 129 espèces
d'eau douce pour toute l'Europe), suite à l'introduction de la perche du Nil en 1954 démontre
la possibilité, dans un temps très bref, d'une extinction de masse d'origine humaine.
 Le statut juridique de la biodiversité
De nombreuses personnes estiment que la biodiversité doit être évaluée et son évolution
analysée (à travers des observations, des inventaires...), puis devrait être prise en compte
dans les décisions politiques.
Les aspects juridiques établis sont :
« Lois et écosystèmes »
« Lois et espèces »
Débat très ancien.
Il est lié aux droits de propriété privée et publique. Il peut
déterminer la protection d'écosystèmes menacés, mais
aussi certains droits et devoirs (par exemple, les droits de
pêche et de chasse).
Ainsi, la directive Natura 2000 consiste t-elle à mettre en place
un réseau cohérent à l'échelle de l'Europe de zones spéciales
de conservation tout en prenant en compte les contingences
économiques, sociales et culturelles des femmes et des
hommes qui vivent et travaillent sur le territoire.
Problème plus récent.
Il détermine quelles espèces doivent être protégées pour
cause de menace d'extinction.
Certaines personnes mettent en question l'application de ces
lois.
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« Lois et gènes »
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N'existe que depuis un siècle.
Alors que l'approche génétique n'est pas neuve (domestication,
méthodes de sélection et de croisement classiques), le
progrès des sciences génétiques au cours des vingt
dernières années mène à l'obligation de renforcer les lois.
(Avec les nouvelles technologies de la génétique et le génie
génétique, on s'achemine vers un brevetage des gènes,
brevetage des processus, et un tout nouveau concept de
ressource génétique. Un débat très vif aujourd'hui cherche à
définir si la ressource est l'organisme, l'ADN ou le processus).
La convention de 1972 de l'UNESCO établit que les ressources biologiques, comme les
plantes, sont considérées comme héritage commun de l'humanité. Ces règles ont inspiré
probablement la création de grandes banques publiques de ressources génétiques,
localisées en dehors des pays-sources.
De nouveaux accords globaux (Convention on Biological Diversity), donnent maintenant
des droits souverains sur les ressources biologiques (des droits, et non la propriété). L'idée
de conservation statique de la biodiversité est en train de disparaître pour être remplacé au
profit de l'idée d'une conservation dynamique, à travers la notion de ressource et
d'innovation.
Ces nouveaux accords enjoignent les pays à :
- conserver la biodiversité,
- développer l'entretien des ressources,
- partager les bénéfices résultant de leur utilisation.
Dans le cadre de ces nouvelles règles, il est attendu que la bioprospection ou la collecte
de produits naturels soit permis par le pays à la biodiversité riche, en échange d'une partie
des avantages retirés par le bio-prospecteur ou collecteur. Les principes de souveraineté
s'appuient sur ce qui est mieux connu comme les Accords d'accès et de partage des
bénéfices (ABAs : Access and Benefit Sharing Agreements).
L'esprit de la Convention sur la biodiversité implique le consentement descriptif antérieur
entre le pays source et le collecteur, pour établir quelle ressource sera utilisée et pour quel
usage, pour aboutir sur un accord juste sur le partage des bénéfices résultant.
La bioprospection peut devenir ce qui a été appelé biopiraterie quand ces règles ne sont
pas respectées.
B. Les acteurs de la biodiversité : protection, conservation…
La valeur économique de la biodiversité
Les rôles de la biodiversité
L'industrie pharmaceutique est l'une des premières bénéficiaires de la biodiversité. De
nombreux principes actifs de médicaments ont été mis au point à partir de molécules
naturelles.
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La biodiversité a contribué de nombreuses façons au développement de la culture humaine,
et, en retour, les communautés humaines ont joué un rôle majeur en terme d'évolution de la
diversité aux niveaux génétiques, spécifiques et systémiques.
Pour les hommes, la biodiversité est avant tout une ressource naturelle pour la vie
quotidienne, fournissant de la nourriture (cultures vivrières, bétail, poissons...), des fibres
pour l'habillement, du bois pour le chauffage et la construction d'habitations, des
médicaments et de l'énergie. Les usages de la biodiversité associés à l'agriculture et à la
transformation en aliments sont aussi appelés agrobiodiversité.
Les écosystèmes fournissent également des supports de production (fertilité du sol,
prédateurs, décomposition des déchets...) et des services tels que la purification de l'air et de
l'eau, la stabilisation et la modération du climat, la diminution des conséquences des
sécheresses, inondations et autres désastres environnementaux.
Si les ressources biologiques représentent un intérêt écologique pour la communauté, la
valeur économique de la biodiversité est également de plus en plus mise en avant. De
nouveaux produits sont développés grâce aux biotechnologies (ex : OGM, l’haploïdisation2,
les protoplastes3…), et de nouveaux marchés créés. Pour la société, la biodiversité est aussi
un secteur d'activité et de profit, et demande une gestion appropriée des ressources.
Finalement, le rôle de la biodiversité est d'être un miroir de nos relations avec les autres
espèces vivantes, une vue éthique avec des droits, des devoirs, et une nécessité éducative.
L'aspect éducatif est souvent assuré par l'école (lors de sorties dans la nature par exemple)
ou par des organisations de protection de la nature, telles que le WWF.
Les écologues et les environnementalistes ont été les premiers à insister sur l'aspect
économique de la protection de la diversité biologique.
Ainsi, Edward Wilson écrivait en 1992, que la biodiversité est l'une des plus grandes
richesses de la planète, et pourtant la moins reconnue comme telle.
Nombreux sont ceux qui aujourd'hui considèrent la biodiversité comme un réservoir
de ressources utilisables pour fabriquer des produits agro-alimentaires,
pharmaceutiques, cosmétiques... Cette notion de mise en valeur des ressources est à
l'origine des craintes de disparition des ressources liée à l'érosion de la biodiversité, mais
aussi des nouveaux conflits portant sur les règles de partage et d'appropriation de ladite
richesse.
Un préalable à toute discussion sur la répartition des richesses est nécessaire : celui de
l'évaluation économique du prix de la biodiversité. Cet objectif doit aussi permettre de
déterminer les moyens financiers à consacrer à sa protection. Ce champ d'étude est appelé :
Évaluation économique de la biodiversité.
Au sens économique, l’idéal-type d’un bien4 est caractérisé de façon générale par les
propriétés suivantes :
Haploïde : permet de diminuer le temps de création d’une nouvelle variété végétale par le biais de la
culture in vitro
3 Protoplastes : Cellules végétales dont la paroi a été hydrolysée. Exemple d’utilisation : hybridation
sexuée entre deux espèces végétales.
2
4
Bien : Un « bien » peut être défini comme « une entité à la fois physiquement isolable et socialement
échangeable, (...) caractérisable par des paramètres physiques et dénombrable à l’aide d’unités physiques ».
(Walliser et Prou, 1988, p. 159).
Exposé Vision Internationale des Affaires
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une discontinuité spatio-temporelle permettant une délimitation physique du bien, sa
distinction vis-à-vis d’autres biens, mais aussi son détachement de la personne des
sujets humains, l’aptitude au dénombrement permettant de repérer n unités du bien,
la définition de classes d’équivalences telles que toute unité appartenant à la classe
de bien considérée soit équivalente à tout autre unité de la même classe, ce qui les
rend parfaitement substituables ; lorsqu’il existe des différences significatives qui
altèrent la parfaite substituabilité, c’est qu’on a affaire à des biens différents,
l’insertion dans la fonction de production ou d’utilité d’au moins un agent humain, au
côté d’autres biens qui lui sont complémentaires ou substituables ou simplement
neutres ; les variations de la demande se font dans le même sens pour les biens
complémentaires et en sens inverse pour les biens substituables, l’arbitrage se
faisant en fonction d’indicateurs de rareté relative des biens considérés, les prix.
Naturellement, les classes élémentaires de biens peuvent être regroupées dans des
ensembles plus larges, permettant une représentation plus agrégée. Il existe cependant
différentes stratégies de regroupements qui ne permettent pas de répondre aux mêmes
questions. Des biens assez largement substituables pour les usages qu’on en fait, tels le
charbon et le pétrole, peuvent être regroupés dans la même catégorie « énergie fossile ».
On peut aussi vouloir associer dans les mêmes ensembles des biens complémentaires qui
forment des ensembles fonctionnels : ainsi une usine sidérurgique agence tout un ensemble
d’équipements, de matières, mais aussi des bureaux, une localisation à un noeud de
réseaux de transports, etc. Ces deux manières de constituer des ensembles plus larges ne
débouchent pas sur des entités de même statut : certains deviennent seulement des
représentations agrégées sans plus désigner des biens, mais des ensembles de biens.
D’autres forment des biens composites complexes, qui sont des biens à part entière, pour
lesquels existe une demande spécifique : les usines clés en main s’évaluent et se vendent ;
un parc naturel privé, offrant un paysage varié et l’opportunité d’observer une variété
d’animaux sauvages est aussi un bien de ce type, dont la gestion peut être rémunérée, au
moins en partie, par le prix d’entrée des visiteurs.
Au vu de ces repères, comment qualifier la biodiversité ? Il paraît difficile de faire entrer
directement l’idée englobante de biodiversité, avec ses trois niveaux d’expression (gènes,
espèces, écosystèmes), dans la fonction d’utilité des agents, qu’ils soient producteurs ou
consommateurs. Les uns et les autres trouvent les biens qui leur sont utiles dans des
ressources naturelles élémentaires (eau, pétrole, bois, …) ou des aménités délimitées et
identifiées, dont la jouissance requiert l’implication de biens composites locaux associés à
des activités particulières (la pêche, la chasse, l’observation, la promenade,…) ; ces biens
ne portent pas la problématique de la biodiversité dans son ensemble. De ce fait la
biodiversité ne paraît pas pouvoir techniquement entrer dans la catégorie économique ou
juridique du bien, au-delà de la valeur positive attachée à cette notion. La qualification de la
biodiversité comme un bien serait également hasardeuse au regard du rapport de maîtrise.
La biodiversité est engagée dans une évolution multiforme sur laquelle l’homme
n’exerce aucune maîtrise, mais une influence collective importante. Les agents
humains constatent cette évolution, bien imparfaitement, la déplorent souvent, mais
n’en ont pas le contrôle. Tout au plus pourraient-ils réguler les actions à la source des
atteintes les plus manifestes, même si on peut penser que ces dernières ne sont pas
les plus déterminantes. À ces deux titres, la biodiversité apparaît davantage comme une
condition favorable et, à certains niveaux d’organisation, nécessaire à l’existence ou à la
production de différents biens simples et composites, que comme un bien per se5.
Per se : « Sans que l’on n’en ait conscience, la biodiversité fait partie de notre vie quotidienne et conditionne
nos moyens d’existence et ceux des générations futures. » (Barbault, 2000).
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Cette conclusion provisoire fait apparaître l’écart existant entre la représentation du monde
sur laquelle s’appuie la discipline économique et celles qui émanent des sciences de la
nature et en particulier de l’approche du monde comme biosphère : cette dernière est
peuplée d’autres entités que des agents et des biens, mais l’économie n’a guère de noms
pour elles, sinon, du bout des lèvres, celui de « contraintes », qui donne certes un étayage
physique à l’idée économique de rareté.
Au vu et au su des précédentes constatations sur la situation actuelle, la conservation de la
biodiversité est devenue un motif de préoccupation mondiale.
Bien que tout le monde ne soit pas forcément d'accord sur le fait qu'une extinction massive
soit en cours, la plupart des observateurs admettent la disparition de nombreuses espèces,
et considèrent essentiel que cette diversité soit préservée, selon le principe de précaution.
Confrontation entre les intérêts scientifiques pour la biodiversité et les intérêts géopolitique et
économiques pour les ressources naturelles
 Quels acteurs pour quelles actions ?
Ce ne sont pas seulement les Etats qui ont la charge de la conservation de la biodiversité,
mais aussi d’autres entités. Dans cette multiplicité d’acteurs se trouve la difficulté de la
gestion de la biodiversité. Cet atelier devrait nous permettre de formuler des idées qui
impliquent la collaboration des différents acteurs (entreprises, scientifiques et associations).
Au moment de la signature de la Convention se posait déjà la question de l’intégration des
ressources dans les politiques de développement.
- Quel est le rôle des acteurs dans les stratégies locales et nationales ?
- La question de l’accès et du partage des avantages.
- Le débat devra évaluer ce qui pourra se faire ensemble ; ce que des acteurs qui ne sont
pas des gouvernements pourront réaliser.
Les lobbies des groupes pharmaceutiques
Les organisations ONG : Greenpeace, ATAC
Inra :
L’approche pluri-disciplinaire et partenariale de la biodiversité est celle qui s’est imposée à
l’Inra à mesure de l’avancée des recherches. Le développement durable était, lui, au cœur
du contrat d’objectifs de l’Inra 2001-2004. Cette approche se traduit aujourd’hui dans :



l’évolution du dispositif de recherche, faisant place à la biologie intégrative,
l’ingénierie écologique et à l’interdisciplinarité avec les sciences humaines ;
l’engagement dans la préservation et la gestion du bien public qu’est la biodiversité ;
les partenariats mis en œuvre pour ces recherches et cette gestion depuis longue
date et qui ont permis notamment la création du Bureau des ressources génétiques
en 1983 et la fondation de l'Institut français de la biodiversité en 2000.
Les gouvernements…
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Kyoto ?
David Brackett, de ‘Environment Canada’, a présidé la séance de l’atelier consacré à l’efficacité des
mesures de préservation et d’utilisation durable.
Joshua Bishop, de l’UICN a montré l’importance de la préservation de la biodiversité et de son
utilisation de manière viable. A partir de l’étude des cas de la valorisation des forêts européennes, il a
plaidé en faveur de l’ouverture de nouveaux marchés pour la préservation de la biodiversité (parcs
naturels, écotourisme, produits « bio »), du comblement des disparités Nord/Sud dans le financement
de la préservation et de l’accroissement de l’aide au développement destinée à la biodiversité. Outre
ces mesures et les indicateurs des Objectifs du millénaire, il a préconisé la mise en place de «
services de biodiversité », par exemple sur le fonctionnement des écosystèmes (tests et contrôle des
maladies).
Il a suggéré les formules suivantes pour mesurer l’efficacité de la préservation de la biodiversité: les
coûts de la préservation par rapport au revenu par habitant; les coûts d’opportunité de la préservation;
et l’analyse du rapport coût bénéfice de la préservation. Les intervenants ont suggéré la mise en place
de systèmes de propriété foncière et de droits de propriété intellectuelle (DPI), en guise de nouveaux
instruments.
Au cours du débat qui a suivi, Aldo Consentino, du Ministère Italien de l’Environnement, a souligné le
besoin de sensibiliser le public et d’intégrer diverses mesures favorisant la préservation. Leon
Rajaobelina, Directeur Exécutif du Centre Malgache pour la Préservation de la Biodiversité, a parlé de
l’expérience de son pays dans le domaine de l’amélioration de l’efficacité des mesures de
préservation. Il a affirmé que le financement international, les politiques et les législations nationales,
et les systèmes locaux de recouvrement direct, sont des éléments importants. Stefan Leiner, de la
Direction Générale de l’Environnement de la CE, a déclaré que toutes les mesures et tous les
instruments disponibles devraient s’apporter un soutien mutuel et être intégrés. Braulio Dias, du
Ministère Brésilien de l’Environnement, a mis l’accent sur la nécessité d’intégrer la préservation de la
biodiversité dans le développement économique et social. Il faut pourvoir lier la conservation (parcs
nationaux) avec des activités économiques durables (agriculture, pêche). Jean-Marc Michel, du
Ministère Français de l’Environnement, a déclaré que la protection et la bonne gestion sont également
importantes pour la préservation de la biodiversité. Certains intervenants ont situé la biodiversité sur le
marché, grâce à des instruments de régulation économique.
Saurons-nous installer la biodiversité comme un facteur de développement, comme une stratégie fille
du développement durable ? Tom Dedeurwaerdere, de l’Université Catholique de Louvain, a déclaré
que les DPI (droits de propriété intellectuelle) peuvent servir à engendrer des ressources pour la
préservation de la biodiversité et les profits tirés de la préservation de la biodiversité devraient être
partagés avec les communautés locales.
La discussion a porté sur la nécessité de définir clairement un plan d’action pour la biodiversité et les
instruments nécessaires pour mettre en oeuvre une politique durable :
- des indicateurs spécifiques
- une politique nationale et locale
- la participation des communautés locales dans le processus global
Joshua Bishop a répondu qu’il ne disposait pas de mécanisme de coordination internationale ; les
contrôles locaux pouvant représenter une alternative dans ce processus. Si la participation des
‘stakeholders’ (acteurs de développement) est indispensable, il reste encore des incertitudes sur les
normes de développement d’un système écologique. Les objectifs de 2010 sont les seuls
recommandations concrètes dont on dispose.
Un intervenant du Costa Rica a fait remarquer que le problème principal est l’engagement.
La biodiversité n’est pas un enjeu politique, ni au Nord, ni au Sud. Il faut consolider ces efforts : plus
des décisions politiques majeures seront prises, plus important sera le défi...
Un représentant de la Mauritanie a évoqué l’expérience de son pays qui a mis en place un site test
pour les indicateurs de la biodiversité : des indicateurs d’impact expliqués à la population. Ces
indicateurs entrent dans le processus d’exploitation du pétrole en Mauritanie. Paradoxalement, le
pétrole est une ressource exploitée, mais aussi l’ennemi juré de la biodiversité ... La population
demande à ce qu'un mécanisme semblable prenne en charge la gestion de la biodiversité.
Laurence Tubiana est revenue sur les instruments économiques appliqués aux biens publics
mondiaux. Cela concerne les ressources marines, bien sur, mais aussi d’autres ressources.
On va bientôt se heurter à des litiges sur la rémunération des services concernant des biens publics
mondiaux. En effet, celui qui paye, c’est celui qui décide, celui qui choisit (le consommateur). Il existe
un biais sur cette décision, on n’arrivera pas à définir une rémunération pour les bien globaux.
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Jean-Marc Michel, pour finir, remarque que les ‘aires protégées’ ne suffisent pas. Il faut arriver à des
arrangements institutionnels pour la biodiversité ordinaire. On doit réfléchir à d’autres moyens comme
les ‘permis d’échange’ dans le réchauffement climatique. Il faut une convergence des organisations
internationales sur l’environnement.
 Des idées et des mesures
Le Sommet de la terre organisé à Rio de Janeiro en 1992 a été l’étape fondatrice de la
reconnaissance internationale de la biodiversité. Il a abouti à l’adoption d’une Convention de
la diversité biologique (CDB), alors ratifiée par 175 pays, dont la France. Entrée en vigueur le
29 décembre 1993, la CDB compte aujourd’hui 188 signataires. Selon l’article 2 de cette
convention "[La biodiversité est] la variabilité des organismes de toute origine, y compris,
entre autres, les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques et les
complexes écologiques dont ils font partie. Cela comprend la diversité au sein des espèces
et entre les espèces, ainsi que celle des écosystèmes".
L’article 1 précise les objectifs : conserver la diversité biologique, utiliser ses éléments de
manière durable, établir un partage juste et équitable des avantages tirés de l’exploitation
des ressources génétiques. La définition de la biodiversité formulée dans l’article 2 met en
avant ses différentes dimensions : espèces, gènes, écosystèmes, paysages. L’article 8
reconnaît le rôle des savoirs locaux dans la biodiversité.
Treize ans après le 1er sommet de la terre et l’élaboration de la Convention de la diversité
biologique à Rio de Janeiro (1992), la biodiversité est largement reconnue comme un bien
collectif qu’il faut préserver mais aussi gérer. En effet, il s’agit bien d’œuvrer en contribuant à
une évolution bénéfique et non seulement de maintenir la biodiversité en l’état. Le 2e sommet
de la terre à Johannesbourg en 2002, auquel participait une délégation Inra, l’a réaffirmé en
reconnaissant la biodiversité comme l’un des cinq piliers d’un développement durable. Lors
de ces deux sommets, la recherche a été sollicitée pour comprendre et trouver des solutions.
La complexité des questions de recherche nécessite une approche pluri-disciplinaire ou
intégrée, ainsi qu’un dispositif adéquat. Ces recherches et la gestion de ce bien public font
appel à des partenariats entre pouvoirs publics, organismes de recherche, ONG, collectivités
territoriales locales ou entreprises, c’est-à-dire à une gouvernance. Ce point était à l’ordre du
jour de la Conférence internationale sur la biodiversité, organisée à Paris en janvier 2005.
Intitulée "Biodiversité : science et gouvernance", elle avait pour ambition d’éclairer les
relations entre biodiversité, connaissances et gestion en coopération ou en partenariat de ce
bien public et d’établir le dialogue entre scientifiques, politiques et décideurs économiques.
L'action en entreprise
Ayant reconnu la valeur de s'engager avec les enjeux de la biodiversité, l'entreprise doit
développer un plan d'action et intégrer la conservation de la nature au sein de ses activités. Il
n'existe pas, bien entendu, de formule unique et chaque plan d'action devra répondre aux
caractéristiques spécifiques de l'entreprise.
On peut dès lors imaginer une feuille de route, ou liste de contrôle, permettant à l'entreprise
d'élaborer progressivement un plan d'action. Cette liste de contrôle suggère les étapes
suivantes:
1. Formuler les avantages commerciaux de l'intégration des enjeux de la biodiversité
(business case);
2. Identifier un défenseur de la biodiversité parmi les cadres dirigeants;
3. Entreprendre une évaluation de la biodiversité;
4. S'assurer de l'appui du conseil d'administration;
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5. Développer une stratégie pour la conservation de la biodiversité au niveau de l'entreprise;
6. Développer un plan d'action pour la conservation de la biodiversité; et
7. Mettre en œuvre le plan d'action.
Sur la base des résultats concrets de l'évaluation de la biodiversité et de la direction donnée
par la stratégie, le plan d'action se doit d'indiquer précisément comment la stratégie sera
mise en œuvre. Il détaillera, pour chaque activité, les responsabilités de chacun, la
localisation, les personnels impliqués, les modalités de financement, les outils d'évaluation et
un calendrier clair.
Il est probable que le plan couvre une vaste panoplie d'actions à travers de nombreux sites
et unités de l'entreprise. Dans tous les cas, l'effort doit être mis sur le développement et
l'application de programmes qui intègrent la biodiversité dans les systèmes de gestion
existants, ainsi que sur l'établissement de priorités et d'objectifs pertinents au contexte local
et national.
+ La Convention :
La convention :
Un accord pour agir
Bien que l'histoire montre que l'environnement a toujours suscité de l'intérêt, dans les
années soixante-dix, la destruction de milieux et la disparition d'espèces en si grand nombre
engendrent de réelles inquiétudes qui débouchent sur une action concertée.
En 1972, la Conférence des Nations Unies sur l'environnement humain (Stockholm) décide
de créer le Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE). Les
gouvernements signent un certain nombre d'accords régionaux et internationaux pour
s'attaquer à des questions spécifiques, comme la protection des zones humides et le
contrôle du commerce international des espèces menacées. Ces accords, ainsi que la
réglementation touchant les substances chimiques toxiques et la pollution, ont contribué à
ralentir la vague de destruction, mais n'ont pas permis d'inverser la tendance. Par exemple,
l'interdiction et les restrictions apportées à la capture et à la vente d'animaux et de plantes
spécifiques, au plan international, a seulement diminué la surexploitation et le braconnage.
De plus, la survie de nombreuses espèces menacées est assurée par les zoos et les jardins
botaniques, et des écosystèmes clés sont préservés grâce à l'adoption de mesures
protectrices. Cependant, ce sont des mesures au coup par coup. A long terme, la viabilité
des espèces et des écosystèmes dépend de leur faculté d'évoluer dans leur milieu naturel.
Ce qui signifie que les hommes doivent apprendre à exploiter les ressources biologiques en
les appauvrissant le moins possible. Le défi à relever consiste à identifier des politiques
économiques, qui encouragent la conservation et l'utilisation durable des ressources, en
procurant des avantages financiers à ceux qui auraient autrement surexploité ou
endommagé les ressources biologiques.
En 1987, la Commission mondiale de l'environnement et du développement (la Commission
Brundtland) est parvenue à la conclusion qu'il fallait que le développement économique
devienne moins destructeur pour l'écologie. Dans son rapport, qui a fait date: "Notre avenir à
tous", elle disait que l'humanité pouvait faire en sorte que le développement soit durable - en
s'assurant qu'il réponde aux besoins présents, sans toutefois compromettre la possibilité,
pour les générations futures, de satisfaire leurs propres besoins. Elle appelait également à
une nouvelle ère de développement économique écologiquement rationnel.
Une nouvelle philosophie
En 1992, la plus grande réunion de dirigeants mondiaux de l'histoire a eu lieu à l'occasion de
la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement de Rio de
Janeiro, au Brésil. Une série d'accords, d'importance historique, a été signée lors de ce
"Sommet de la Terre" et, notamment deux accords contraignants, la Convention sur les
changements climatiques, qui fixe un seuil maximal aux émissions, d'origine industrielle et
autre, de gaz à effet de serre, comme le dioxyde de carbone, et la Convention sur la
diversité biologique, premier accord mondial sur la conservation et l'utilisation durable de la
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diversité biologique. Ce dernier traité a été rapidement et largement accepté. Plus de 150
gouvernements ont signé le texte présenté à la Conférence de Rio, et maintenant, le nombre
de pays qui l'ont ratifié s'élève à plus de 175.
La Convention se fixe trois objectifs principaux:
La conservation de la diversité biologique,
L'utilisation durable de ses éléments constitutifs, et
Le partage juste et équitable des avantages qui découlent de l'utilisation des
ressources génétiques, à des fins commerciales et autres.
La Convention a une portée si vaste et traite d'une question si vitale pour l'avenir de
l'humanité qu'elle marque un tournant dans le droit international. Elle reconnaît - pour la
première fois - que la conservation de la diversité biologique est "une préoccupation
commune à l'humanité" et qu'elle fait partie intégrante du processus de développement. Elle
couvre tous les écosystèmes, toutes les espèces, et toutes les ressources génétiques. Elle
fait le lien entre les efforts traditionnels de conservation et le but, de nature économique,
consistant à exploiter les ressources biologiques de façon à en assurer la pérennité. Elle
pose le principe d'un partage juste et équitable des avantages découlant de l'exploitation des
ressources génétiques, notamment, à des fins commerciales. Elle s'étend également au
domaine de la biotechnologie, qui connaît une expansion extrêmement rapide, puisqu'elle
traite des questions du transfert et du développement des biotechnologies, du partage des
avantages qui en découlent et de la bio-sécurité. Il est important de noter le caractère
juridiquement contraignant de la Convention : cela signifie que les pays qui y adhèrent sont
dans l'obligation d'appliquer ses dispositions.
La Convention rappelle aux décideurs que les ressources naturelles ne sont pas
inépuisables et énonce le principe sur lequel repose la nouvelle philosophie du XXIème
siècle, celui de l'utilisation durable. Alors que, par le passé, les mesures de conservation
visaient à protéger des espèces particulières et leurs habitats, la Convention reconnaît que
les écosystèmes, les espèces et les gènes doivent être exploités au bénéfice de l'humanité.
Toutefois, cette exploitation doit se faire de telle manière et à un rythme tel qu'elle n'entraîne
pas, à long terme, une diminution de la diversité biologique.
La Convention offre également aux décideurs une ligne de conduite qui, basée sur le
principe de précaution, qui préconise que devant une menace de diminution importante ou
de perte de la diversité biologique, l'absence de certitude scientifique absolue ne peut être
une raison valable pour retarder les mesures visant à éviter ou à réduire cette menace,
autant que faire se peut.
Si la Convention reconnaît que des investissements importants sont nécessaires pour
conserver la diversité biologique, elle fait remarquer, toutefois, que l'on peut en escompter
des avantages significatifs sur les plans environnemental, économique et social.
La Convention traite de nombreuses questions, notamment:
Des mesures incitant à conserver et à utiliser durablement la diversité biologique.
De la réglementation de l'accès aux ressources génétiques.
De l'accès à la technologie et au transfert de technologie, y compris de la
biotechnologie.
De la coopération technique et scientifique.
Des études d'impact.
De l'éducation et de la sensibilisation du public.
De la mise à disposition de ressources financières.
Des rapports nationaux faisant état des efforts déployés pour appliquer le traité.
L’action nationale
La Convention sur la diversité biologique, étant un traité international, identifie le problème
commun, énonce des objectifs, des politiques, et des obligations de caractère général, et
organise les modalités techniques et financières de la coopération. C'est, cependant,
essentiellement aux pays qu'incombe la responsabilité de réaliser ces objectifs.
Les entreprises privées, les propriétaires terriens, les pêcheurs et les agriculteurs effectuent
la plupart des actes qui ont des conséquences directes sur la biodiversité. Les Etats doivent
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assumer le rôle crucial qui consiste à montrer la voie à suivre, en fixant les règles
d'exploitation des ressources naturelles et de protection de la biodiversité, particulièrement,
dans les zones où la terre et l'eau sont directement sous leur juridiction.
Aux termes de la Convention, les gouvernements s'engagent à conserver et à exploiter la
biodiversité de façon à en assurer la pérennité. Il leur est demandé d'élaborer, à l'échelon
national, des stratégies et des plans d'action en faveur de la biodiversité, et de les intégrer
dans le cadre plus vaste des plans nationaux dans le domaine de l'environnement et du
développement. Cela revêt une importance particulière pour des secteurs tels que la
sylviculture, l'agriculture, la pêche, l'énergie, les transports et la planification urbaine. Aux
termes du traité, ils souscrivent, notamment, aux engagements suivants:
Identifier et surveiller les éléments constitutifs importants de la diversité biologique qui
doivent être conservés et utilisés durablement.
Créer des zones protégées où conserver la diversité biologique et promouvoir un
développement durable et écologiquement rationnel dans les zones adjacentes.
Remettre en état et restaurer les écosystèmes dégradés et favoriser la reconstitution
des espèces menacées en collaboration avec la population locale.
Respecter, préserver et maintenir les savoirs traditionnels qui permettent une
utilisation durable de la diversité biologique grâce à l'implication des populations
autochtones et des communautés locales.
Prévenir l'introduction, contrôler, et éradiquer les espèces exotiques qui pourraient
menacer des écosystèmes, des habitats ou des espèces.
Réglementer les risques que présentent les organismes modifiés par la
biotechnologie.
Encourager la participation du public, particulièrement lors des études d'impact sur
l'environnement des projets de développement qui menacent la diversité biologique.
Eduquer les populations et les sensibiliser à l'importance de la diversité biologique et
à la nécessité de la conserver.
Présenter des rapports illustrant de quelle manière chaque pays remplit ses objectifs
en matière de biodiversité.
Etudes
Pour assurer la réussite de la stratégie nationale en matière de biodiversité, il faut tout
d'abord entreprendre des études pour connaître la diversité biologique existante, sa valeur,
son importance, et ce qui est menacé. En se fondant sur le résultat de ces études, les
gouvernements peuvent fixer des objectifs mesurables en matière de conservation et
d'utilisation durable. C'est à ce stade qu'ils doivent élaborer ou adapter les stratégies et les
programmes nationaux qui leur permettront d'atteindre ces objectifs.
Conservation et utilisation durable
La conservation de la diversité biologique dans chaque pays peut se faire de différentes
manières. La conservation "in-situ" - premier moyen de conservation - concerne la
conservation des gènes, des espèces, et des écosystèmes dans leurs milieux naturels en
créant, par exemple, des zones protégées, en reconstituant les écosystèmes dégradés, et
en adoptant une législation propre à assurer la protection des espèces menacées. La
conservation "ex-situ" s'effectue dans les zoos, les jardins botaniques et les banques de
gènes qui conservent les espèces.
Il deviendra de plus en plus important d'encourager l'utilisation durable de la biodiversité, si
l'on veut maintenir la diversité actuelle dans les années et les décennies à venir. Aux termes
de la Convention, l'approche par écosystème de la conservation et de l'utilisation durable de
la diversité biologique permet d'agir dans un cadre, où tous les biens et services fournis par
la biodiversité dans les écosystèmes sont pris en compte. La Convention encourage les
activités qui garantissent une répartition équitable de ces biens et services.
Il existe de nombreux exemples d'initiatives visant à intégrer les objectifs de conservation et
d'utilisation durable:
En 1994, l'Ouganda a adopté un programme selon lequel une partie des revenus
générés par le tourisme dans les zones naturelles protégées sera partagée avec les
Exposé Vision Internationale des Affaires
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populations locales. Cette approche est maintenant préconisée par plusieurs pays
africains.
Au Costa Rica, afin de reconnaître les bienfaits environnementaux fournis par les
forêts, la loi sur les forêts, adoptée en 1996, contient des dispositions visant à
indemniser les propriétaires terriens et les sylviculteurs qui maintiennent ou
accroissent la superficie des forêts dans leurs domaines.
Dans différentes parties du monde, les agriculteurs pratiquent l'agro-foresterie. Au
Mexique, la culture de caféiers disséminés dans la forêt tropicale a été privilégiée par
rapport à la monoculture du café, qui appauvrit la biodiversité. Les agriculteurs ayant
fait ce choix s'en remettent entièrement aux prédateurs naturels qui font partie
intégrante de l'écosystème resté intact, au lieu de recourir à des pesticides
chimiques.
À Ste Lucie, les touristes, attirés en grand nombre par la beauté spectaculaire de la
diversité marine et littorale de la zone de la Soufrière, avaient des effets néfastes sur
une industrie de la pêche séculaire et florissante. En 1992, plusieurs institutions, les
pêcheurs et d'autres groupes intéressés à la conservation et à la gestion durable des
ressources se sont rassemblés et ont créé ensemble la zone de gestion marine de la
Soufrière. Ce cadre leur permet de régler les problèmes avec la participation de
toutes les parties intéressées.
En Asie, grâce aux cours hebdomadaires dispensés aux agriculteurs, les riziculteurs
de plusieurs pays ont amélioré leur compréhension du mode de fonctionnement de
l'écosystème des rizières tropicales - y compris des interactions entre les insectes
ravageurs du riz, leurs ennemis naturels, les poissons élevés dans les rizières, et la
culture même du riz - ce qui leur a permis de perfectionner leurs pratiques
d'exploitation agricole. Ils ont ainsi obtenu un meilleur rendement, tout en éliminant
pratiquement l'usage des insecticides. Cette approche a eu un effet aussi bénéfique
sur le plan de l'environnement que sur celui de la santé. Près de 2 millions de
riziculteurs ont bénéficié de ce dispositif.
En Tanzanie, des problèmes ont surgi autour de l'utilisation durable du Lac Manyara,
un grand lac d'eau douce, du fait d'un usage qui n'a cessé de s'intensifier au cours
des dernières décennies. La constitution de la Réserve de la biosphère du Lac
Manyara a permis d'allier la conservation du lac et des forêts adjacentes, d'une
grande valeur, avec l'exploitation durable des zones humides et une agriculture à
faible consommation d'intrants, réconciliant ainsi les principaux usagers avec les
objectifs de gestion. La Réserve de la biosphère a lancé, notamment, des études sur
la gestion durable des zones humides, sur la surveillance continue des eaux
souterraines et sur la chimie des sources jaillissant d'escarpement.
Au Canada, Clayoquot Sound, sur la côte occidentale de l'Ile de Vancouver, est
composée de systèmes forestiers, marins et côtiers. Afin d'assurer une utilisation
rationnelle des ressources forestières et marines locales, une gestion adaptée à
l'approche par écosystème est en train de se mettre en place, avec la participation
des communautés autochtones.
Au Mexique, la Réserve de la biosphère de Sian Ka'an est un haut lieu de la culture,
où l'on dénombre 23 sites archéologiques répertoriés, essentiellement de l'époque
Maya, mais qui compte également quelques 800 habitants, principalement d'origine
Maya. Cette réserve fait partie de la grande barrière de corail qui longe tout le littoral
oriental de l'Amérique Centrale et comprend des dunes littorales, des mangroves,
des marécages et des forêts inondées et des montagnes. La participation des
populations locales à sa gestion contribue à maintenir l'équilibre entre la pure
conservation et la nécessité pour ses habitants d'utiliser durablement les ressources
qui s'y trouvent.
Elaboration des rapports
Tout gouvernement ayant rejoint la Convention doit formuler un rapport sur les actions qu'il a
engagées pour sa mise en oeuvre, et expliquer dans quelle mesure elles permettent de
Exposé Vision Internationale des Affaires
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satisfaire les objectifs de la Convention. Ces rapports sont présentés à la Conférence des
Parties (COP) - l'organe directeur qui réunit tous les pays ayant ratifié la Convention. Ces
rapports peuvent être consultés par les ressortissants de tout pays. Le Secrétariat de la
Convention oeuvre, avec les gouvernements nationaux, à améliorer la formulation des
rapports par les différents pays, pour une plus grande cohérence et pour qu'ils soient plus
facilement comparables, afin que la communauté mondiale puisse dégager plus clairement
les tendances principales. Une partie de ce travail est consacrée à la mise au point
d'indicateurs permettant d'évaluer les tendances en matière de biodiversité et, notamment
les effets des mesures et des décisions relatives à la conservation et à l'utilisation durable de
la biodiversité. Les rapports nationaux, en particulier lorsqu'ils sont considérés dans leur
ensemble, constituent un outil essentiel de suivi des progrès effectués dans la réalisation
des objectifs de la Convention.
L'Action Internationale
Le succès de la Convention dépend des efforts combinés des nations du monde entier. Si la
responsabilité de la mise en oeuvre de la Convention incombe, individuellement, à chaque
pays, le fait qu'il respecte ses engagements est largement tributaire d'un intérêt national bien
compris, et de la pression exercée par les autres pays et par l'opinion publique.
La Convention a créé une plate-forme mondiale - il s'agit, en réalité d'une série de réunions où les gouvernements, les organisations non gouvernementales, les instituts académiques,
le secteur privé, et d'autres groupes ou personnes intéressés échangent des idées et
comparent des stratégies.
L'autorité ultime de la Convention est la Conférence des Parties (COP), qui consiste en la
réunion de tous les gouvernements (et des organisations d'intégration économique
régionale) ayant ratifié ce traité. Cet organe directeur passe en revue les progrès accomplis
au titre de la Convention, identifie les nouvelles priorités, et élabore des plans de travail pour
les Etats Parties. La COP peut également amender la Convention, créer des organes de
conseil et d'expertise, passer en revue les rapports présentés par les pays membres, et
collaborer avec d'autres organisations et d'autres accords internationaux.
La Conférence des Parties peut compter sur l'expertise et l'appui de plusieurs autres
organes créés par la Convention:
L'Organe subsidiaire chargé de fournir des avis scientifiques, techniques et
technologiques (SBSTTA) : Le SBSTTA est un comité composé d'experts des pays
Parties, compétents dans les différents domaines pertinents. Il joue un rôle essentiel,
puisque c'est lui qui fait des recommandations à la COP sur les questions
scientifiques et techniques.
Le Centre d'échange : Ce réseau, qui se trouve sur l'Internet, a pour vocation de
favoriser la coopération technique et scientifique, et l'échange d'informations.
Le Secrétariat : Bien que son siège se trouve à Montréal, il dépend
administrativement du Programme des Nations Unies pour l'environnement. Ses
principales fonctions consistent à organiser les réunions, à rédiger les documents, à
aider les gouvernements membres de la Convention à mettre en oeuvre leur
programme de travail, à coordonner les travaux de la Convention avec ceux d'autres
organisations internationales, et à collecter et diffuser les informations.
De plus, la COP crée des comités ou des mécanismes ad hoc lorsque nécessaire. Elle a, par
exemple, créé le Groupe de travail de la biosécurité, qui s'est réuni de 1996 à 1999, ainsi
qu'un Groupe de travail sur les connaissances traditionnelles des communautés autochtones
et locales.
Programmes thématiques et questions "intersectorielles"
Les pays membres de la Convention échangent périodiquement leurs idées sur les pratiques
et les politiques de conservation et d'utilisation durable de la biodiversité qui s'avèrent les
plus concluantes dans une approche par écosystème. Ils étudient comment faire en sorte
que les questions relatives à la biodiversité soient prises en compte pendant l'élaboration du
plan de développement, comment encourager la coopération transfrontière, et comment
impliquer les populations autochtones et les communautés locales dans la gestion des
écosystèmes. La Conférence des Parties a donné le coup d'envoi à un certain nombre de
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programmes thématiques couvrant la biodiversité des eaux intérieures, des forêts, des zones
maritimes et côtières, des zones arides, et des terres agricoles. Les questions
intersectorielles couvrent aussi des domaines tels que la lutte contre les espèces exotiques
envahissantes, le renforcement des capacités des pays membres en matière de taxonomie,
et la mise au point d'indicateurs propres à évaluer l'appauvrissement de la biodiversité.
Partager les avantages découlant des ressources génétiques
Un aspect important du débat portant sur la diversité biologique concerne l'accès aux
avantages découlant de l'utilisation, notamment à des fins commerciales, du matériel
génétique - sous forme de produit pharmaceutique, par exemple - et la répartition de ces
avantages. La diversité biologique abonde particulièrement dans les pays en
développement, qui la considèrent comme une ressource susceptible de financer leur
développement économique et social. Historiquement, les ressources génétiques végétales
étaient collectées en vue d'une utilisation hors de leur région d'origine, soit à des fins
commerciales, soit à des fins de reproduction de ces plantes. Des bio-prospecteurs
étrangers ont effectué des recherches pour développer, à partir de substances naturelles, de
nouveaux produits commerciaux et, notamment, des médicaments. En règle générale, ces
produits finis, protégés par un brevet, ou par un autre droit de propriété intellectuelle, sont
mis sur le marché sans que les pays d'origine puissent profiter équitablement des profits
réalisés.
Le traité reconnaît que la souveraineté nationale s'étend à toutes les ressources génétiques,
et précise que l'accès aux précieuses ressources biologiques doit se faire "à des conditions
convenues d'un commun accord" et reste sujet à l'"accord préalable donné en connaissance
de cause" du pays d'origine. Lorsqu'un micro-organisme, un végétal, ou un animal est utilisé
à des fins commerciales, le pays dont il provient a le droit de tirer parti des avantages qui en
découlent. Ces avantages peuvent prendre la forme de paiements en espèces,
d'échantillons des ressources recueillies, de formation et de participation des chercheurs du
pays d'origine, du transfert d'équipement ou de savoir-faire dans le domaine de la
biotechnologie, d'une participation à toute forme de bénéfices réalisés grâce à l'exploitation
de ces ressources.
Les travaux accomplis ont permis de commencer à transformer cette idée en réalité et l'on
connaît désormais des exemples contractuels de partage des avantages. Pas moins de
douze pays ont arrêté des mesures pour réglementer l'accès à leurs ressources génétiques,
et ils sont tout aussi nombreux à mettre sur pied une réglementation allant dans ce sens. A
titre d'exemples:
En 1995, les Philippines ont exigé que les bio-prospecteurs obtiennent "un
consentement préalable en connaissance de cause" tant de l'administration que des
populations locales, avant d'entreprendre toute investigation.
Au Costa Rica, l'Institut national de la biodiversité (INBIO) a signé, avec une
entreprise pharmaceutique de premier plan, un accord de bio-prospection qui fera
date en vue de percevoir des redevances et d'obtenir une participation aux bénéfices
tirés du matériel biologique commercialisé.
Les pays du Pacte andin (Colombie, Equateur, Pérou, Bolivie et Venezuela) ont
adopté une législation visant à réglementer l'accès à leurs ressources génétiques.
Elle oblige le bio-prospecteur à remplir certaines conditions. Il doit, par exemple,
présenter un duplicata des échantillons des ressources génétiques recueillies à une
institution habilitée; faire participer une institution nationale au recueil des ressources
génétiques; échanger les renseignements disponibles; partager le résultat de ses
recherches avec les autorités nationales compétentes; apporter son appui pour
renforcer les capacités dans le domaine institutionnel; partager les bénéfices, d'ordre
financier, ou autres.
Dans le cadre de la Convention, des pays se concertent pour élaborer des politiques
communes en la matière.
Les connaissances traditionnelles
La Convention reconnaît également l'étroite dépendance ancestrale des communautés
autochtones et locales vis à vis de leurs ressources biologiques et la nécessité de garantir
Exposé Vision Internationale des Affaires
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que ces communautés bénéficient équitablement des avantages découlant de l'utilisation de
leurs connaissances et de leurs pratiques traditionnelles en matière de conservation et
d'utilisation durable de la diversité biologique. Chaque pays membre "respecte, préserve et
maintient" ces connaissances et ces pratiques, et s'engage aussi à favoriser leur application
sur une plus grande échelle, avec l'accord et la participation active des communautés
concernées, et à encourager un partage équitable des avantages qui découlent de leur
utilisation.
Appui financier et technique
Lorsque la Convention a été adoptée, les pays en développement ont insisté sur le fait que
leur capacité de prendre les mesures nationales qui s'imposent pour satisfaire aux objectifs
planétaires en matière de biodiversité dépendrait de l'appui financier et technique qu'ils
recevraient. Il est donc essentiel d'apporter cet appui, que ce soit par voie bilatérale ou
multilatérale, pour renforcer les capacités et investir dans les projets et les programmes qui
peuvent permettre aux pays en développement d'atteindre les objectifs de la Convention.
Les activités menées par les pays en développement dans le cadre de la Convention
satisfont aux conditions de financement du Fonds pour l'environnement mondial (FEM), au
titre du mécanisme financier institué par la Convention. Le FEM, qui dépend conjointement
du Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE), du Programme des Nations
Unies pour le développement (PNUD) et de la Banque mondiale, finance des projets qui
contribuent à renforcer la coopération internationale et à financer des mesures de lutte
contre quatre menaces particulièrement graves pour l'environnement planétaire: la
diminution de la biodiversité, l'évolution climatique, l'amincissement de la couche d'ozone et
la dégradation de la qualité des eaux internationales. Fin 1999, le FEM avait contribué à
financer, à hauteur de près d'un milliard de dollars, des projets visant à préserver la
biodiversité dans plus de 120 pays.
Le Protocole sur la prévention des risques biotechnologiques
Depuis qu'ont été domestiqués les premières plantes et les premiers animaux de ferme,
nous avons modifié leurs caractéristiques génétiques en sélectionnant les reproducteurs et
en croisant les variétés. Il en est résulté une augmentation de la productivité agricole qui a
permis de mieux nourrir l'espèce humaine.
Ces dernières années, les progrès réalisés dans le domaine des biotechnologies ont permis
de franchir les barrières entre les espèces en transférant les gènes d'une espèce à une autre
espèce. Nous disposons maintenant de plantes transgéniques comme les tomates et les
fraises, qui ont été modifiées en introduisant un gène de poisson des mers froides, pour les
rendre résistantes au gel. Certaines variétés de pomme de terre et de maïs ont reçu les
gènes d'une bactérie qui leur permet de produire leur propre insecticide, réduisant ainsi la
nécessité des traitements par des insecticides chimiques. D'autres plantes ont été modifiées
afin de résister aux herbicides répandus pour tuer les mauvaises herbes. Les organismes
vivants modifiés (OVM) - connus plus généralement sous le nom d'organismes
génétiquement modifiés (OGM) - se trouvent désormais dans un nombre croissant de
produits, y compris des produits alimentaires et des additifs, des boissons, des
médicaments, des colles, et des carburants. La production d'OVM pour l'agriculture et la
pharmacie est devenue en peu de temps une industrie florissante, d'une valeur de plusieurs
milliards de dollars.
L'essor de la biotechnologie a été d'autant plus encouragé qu'elle constitue une méthode
particulièrement efficace d'amélioration des produits agricoles et de production de
médicaments, mais elle a soulevé des inquiétudes quant aux effets secondaires potentiels
sur la santé et sur l'environnement, et notamment, quant aux risques qu'elle présente pour la
diversité biologique. Si, dans certains pays, des produits agricoles génétiquement modifiés
ont été mis sur le marché sans susciter de débat particulier, ailleurs, leur utilisation a
provoqué des concerts de protestations, particulièrement lorsque les modalités de
commercialisation de ces produits ne permettaient pas de les identifier comme tels.
Pour répondre à ces préoccupations, les gouvernements ont négocié un accord subsidiaire à
la Convention, qui traite des risques potentiels que présentent le commerce transfrontières et
la libération non-intentionnelle des OVM. Adopté en janvier 2000, le Protocole de Cartagena
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sur la prévention des risques biotechnologiques permet aux gouvernements de manifester
leur volonté d'accepter, ou non, les importations de produits agricoles contenant des OVM en
communiquant officiellement leur décision à la communauté internationale par l'intermédiaire
du centre d'échange sur la bio-sécurité, mécanisme créé pour faciliter l'échange de
renseignements et d'expériences dans le domaine des OVM. De plus, les produits qui sont
susceptibles de contenir des OVM doivent, lors de leur exportation, porter une étiquette
indiquant clairement cette caractéristique.
Les procédures d'accord préalable donné en connaissance de cause sont plus strictes s'il
s'agit de semences, de poissons vivants, et d'autres OVM introduits intentionnellement dans
l'environnement. Dans un tel cas, l'exportateur est tenu de fournir des renseignements
détaillés à chaque pays importateur avant tout envoi initial, et au vu de ces renseignements,
l'importateur a l'obligation d'autoriser formellement l'importation de la marchandise. Il s'agit là
de s'assurer que le pays récipiendaire ait en même temps l'opportunité et la capacité
d'évaluer les risques inhérents à ces produits de la biotechnologie moderne. Le Protocole
entrera en vigueur après avoir été ratifié par 50 états.
Quelles sont les prochaines étapes?
Le développement économique joue un rôle déterminant dans la satisfaction des besoins de
l'humanité et dans l'élimination de la pauvreté, qui touche un si grand nombre de personnes
dans le monde. L'utilisation durable de la nature est le facteur de réussite essentiel des
stratégies de développement à long terme. Le grand défi du XXIème siècle est de faire en
sorte que la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique devienne le
fondement incontournable des politiques de développement, des décisions d'ordre financier
et commercial, et de la demande des consommateurs.
Privilégier le long terme
La Convention a déjà parcouru un bon bout de chemin sur la voie qui mène au
développement durable puisqu'elle a transformé l'approche de la communauté internationale
à l'égard de la biodiversité. Ce progrès a été réalisé grâce à la force inhérente à la
Convention, étayée par un caractère pratiquement universel, un mandat exhaustif au service
de la science, une aide internationale pour assurer le financement des projets nationaux, des
avis scientifiques et technologiques reconnus mondialement, et l'engagement politique des
gouvernements. Elle a rassemblé, pour la première fois, des personnes ayant des intérêts
très divers. Elle porte l'espoir d'un avenir meilleur en créant une nouvelle situation entre les
gouvernements, les intérêts économiques, les écologistes, les populations autochtones, les
communautés locales, et le citoyen engagé.
Pourtant, il reste de nombreux défis à relever. Après le puissant mouvement d'intérêt qui
s'est produit dans le sillage du Sommet de Rio, de nombreux observateurs sont déçus par la
lenteur des progrès réalisés dans la voie du développement durable au cours des années
quatre-vingt-dix. L'attention dont avaient bénéficié les problèmes environnementaux s'est
relâchée, distraite par les crises économiques en série, les déficits budgétaires, et les conflits
armés locaux et régionaux. Malgré les promesses de Rio, la croissance économique
accompagnée de mesures adéquates de protection de l'environnement n'est pas devenue la
règle, mais reste au contraire une exception.
Quelques uns parmi les défis majeurs auxquels sont confrontés la mise en oeuvre de la
Convention sur la diversité biologique et la promotion d'un développement durable:
Satisfaire la demande croissante en matière de ressources biologiques (du fait de
l'accroissement de la population et de l'augmentation de la consommation) compte
tenu des conséquences à long terme de nos actions.
Augmenter les capacités dans les domaines touchant à la documentation et à la
compréhension de la biodiversité, de sa valeur, et des menaces qui pèsent sur elle.
Acquérir l'expertise et l'expérience adéquates pour intégrer les mesures en faveur de
la diversité biologique au processus de planification.
Améliorer les politiques, la législation, les directives, et les mesures fiscales visant à
réglementer l'utilisation de la biodiversité.
Adopter des mesures incitatives pour encourager une exploitation durable de la
biodiversité.
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Encourager les règles et les pratiques commerciales qui favorisent l'utilisation durable
de la biodiversité.
Renforcer la coordination entre les gouvernements, et entre les gouvernements et les
diverses parties prenantes.
Obtenir, de source nationale et internationale, les ressources financières nécessaires
à la conservation et à l'utilisation durable de la biodiversité.
Faire un meilleur usage des technologies.
Susciter un soutien politique en faveur des changements nécessaires pour garantir la
conservation et l'utilisation durable de la biodiversité.
Mieux éduquer et davantage sensibiliser le public pour qu'il soit à même d'apprécier
la valeur de la diversité biologique.
La Convention sur la diversité biologique et ses concepts fondamentaux peuvent se révéler
des sujets ardus à communiquer, tant aux hommes politiques qu'au grand public. Il s'est déjà
écoulé près d'une décennie depuis que la Convention a pris acte du manque d'informations
et de connaissances en la matière et, pourtant, peu nombreux sont ceux qui comprennent
les enjeux relatifs à la diversité biologique. Et, les débats sur la façon d'intégrer l'utilisation
durable de la biodiversité au développement économique ne sont pas nombreux, non plus.
L'obstacle auquel se heurtent les décisions en faveur d'un développement durable vient du
cadre dans lequel s'inscrivent ces décisions: à court ou à long terme. Malheureusement, il
semble encore souvent avantageux de privilégier le court terme et de surexploiter
l'environnement par des récoltes, aussi abondantes et se succédant à un rythme aussi
rapide que possible, puisque les règles qui gouvernent l'économie font fi de la protection des
intérêts à long terme.
Un développement véritablement durable exige des pays qu'ils redéfinissent leurs politiques,
qu'il s'agisse de leurs politiques alimentaires, ou de celles qui touchent à l'utilisation des sols,
à l'eau, à l'énergie, à l'emploi, au développement, à la conservation, à l'économie, et au
commerce. Pour assurer la protection et l'utilisation durable de la biodiversité, il faut que les
ministères chargés de l'agriculture, des forêts, de la pêche, de l'énergie, du tourisme, du
commerce et des finances participent à l'élaboration de ces politiques.
Le défi auquel sont confrontés les gouvernements, le monde des affaires, et les simples
citoyens, consiste à élaborer des stratégies de transition conduisant vers un développement
durable à long terme. Cela suppose de négocier des compromis, lorsque des voix s'élèvent
pour réclamer à grands cris plus de terres, plus d'emplois et des concessions permettant de
multiplier les récoltes. Plus nous attendons, plus l'éventail des choix dont nous disposons se
rétrécit.
Information, éducation, et formation
La transition vers un développement durable suppose un vrai changement d'attitude du
public qui doit faire de la nature un usage que cette dernière peut accepter. Cela ne peut se
produire qu'à condition de disposer d'informations exactes, de compétences adéquates, et
d'organismes aptes à comprendre et à relever les défis posés par la biodiversité.
L'administration et les entreprises industrielles et commerciales doivent investir en recrutant
et en formant du personnel, et doivent apporter leur soutien aux organisations, scientifiques
notamment, qui sont à même de traiter les questions relatives à la diversité biologique et de
fournir des avis en la matière.
Il faut également mettre en place un système d'éducation du public à long terme afin de
modifier les attitudes et les modes de vie, et de préparer la société aux changements
nécessaires pour assurer notre pérennité. Améliorer l'éducation dans le domaine de la
biodiversité répond à l'un des objectifs énoncés par la Convention.
Et, moi, que puis-je faire pour la biodiversité?
Bien qu'il revienne aux gouvernements, par l'intermédiaire de leurs administrations, de jouer
un rôle-phare, il faut que d'autres secteurs de la société s'engagent activement. Après tout,
ce sont les choix et les actes de milliards d'individus qui vont déterminer si, oui ou non, la
biodiversité sera conservée et utilisée de manière à assurer sa pérennité.
A l'ère où l'économie prime sur toutes les forces qui dirigent les affaires de ce monde, il est
plus important que jamais que le monde des affaires adopte une attitude volontariste en
Exposé Vision Internationale des Affaires
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faveur de la protection de l'environnement et de l'utilisation durable de la nature. Certaines
entreprises génèrent des revenus bien plus élevés que ceux dont disposent des pays
entiers, et l'influence qu'elles exercent est immense. Heureusement, des entreprises, en
toujours plus grand nombre, ont décidé d'intégrer le principe du développement durable à
leurs opérations de fonctionnement. Par exemple, un certain nombre d'entreprises
forestières - souvent sous la menace d'un boycott écologique - sont passées de la coupe
rase à des formes d'abattage moins destructrices. De plus en plus d'entreprises ont
également trouvé le moyen de réaliser des profits tout en réduisant leur impact sur
l'environnement. Elles considèrent que le développement durable permet d'assurer leur
rentabilité à long terme et de s'attirer les bonnes grâces de leurs associés, de leurs
employés, et des consommateurs.
Les communautés locales jouent un rôle-clé puisqu'elles sont les véritables "gestionnaires"
des écosystèmes dans lesquels elles vivent, et par conséquent elles ont un impact majeur
sur ces derniers. De nombreux projets, impliquant la participation des communautés locales
à la gestion durable de la biodiversité, ont été réalisés avec succès ces dernières années,
souvent avec l'appui fructueux d'ONG et d'organisations intergouvernementales. Enfin,
l'ultime décideur en matière de biodiversité, c'est le simple citoyen. Ce sont ces choix de
moindre importance, effectués au niveau de chaque individu, qui additionnés les uns aux
autres finissent par avoir un impact considérable, parce que c'est la consommation
individuelle qui conduit le développement, lequel en retour utilise et pollue la nature. En
choisissant avec discernement les produits qu'il achète et les politiques qu'il soutient, le
grand public peut commencer à aiguiller le monde sur la voie du développement durable. Il
incombe aux gouvernements, aux entreprises, et à d'autres de conduire et d'informer le
public, mais en fin de compte, ce sont les choix individuels, effectués des milliards de fois
par jour, qui comptent le plus.
Conclusion
Bien que la Convention sur la diversité biologique soit encore dans sa prime enfance, ses
effets se font déjà sentir. La philosophie du développement durable, l'approche par
écosystème, et l'accent mis sur le partenariat contribuent ensemble à configurer l'action
menée à l'échelle planétaire en faveur de la biodiversité. Les données, recueillies par les
gouvernements, présentées dans les rapports nationaux et partagées avec toutes les parties
intéressées, offrent une base solide pour comprendre les défis posés et permet de collaborer
en vue de leurs solutions.
Il y a encore beaucoup, et beaucoup, à faire. La façon dont la biodiversité va traverser le
siècle qui commence, sera un test déterminant. Avec une population qui devrait augmenter
considérablement, particulièrement dans les pays en développement, et la révolution de la
consommation partie pour une expansion exponentielle - sans faire mention de l'aggravation
des contraintes dues aux changements climatiques, à la raréfaction de l'ozone, aux produits
chimiques dangereux - les espèces et les écosystèmes vont être confrontés à des menaces
de plus en plus sérieuses. Si nous ne réagissons pas dès maintenant, les enfants nés
aujourd'hui vivrons dans un monde appauvri. La Convention nous offre une stratégie globale
de lutte pour prévenir une telle tragédie, à l'échelle planétaire. Un avenir plus fécond est
vraiment à notre portée. Si les gouvernements et tous les secteurs de la société mettent en
oeuvre les concepts énoncés par la Convention et font de la conservation et de l'utilisation
durable de la diversité biologique une réelle priorité, un nouveau type de relation, dont
pourront jouir les générations à venir, va s'établir durablement entre le genre humain et la
nature.
 Quel avenir ?
Il existe deux grands types d'options de conservation de la biodiversité : la conservation insitu c'est-à-dire dans le milieu naturel et la conservation ex-situ. La conservation in-situ est
souvent vue comme la stratégie idéale. Toutefois, sa mise en place n'est pas toujours
possible. Par exemple, les cas de destruction d'habitats d'espèces rares ou d'espèces en
Exposé Vision Internationale des Affaires
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voie de disparition requièrent la mise en place de stratégies de conservation ex-situ. Certains
estiment que les deux types de conservation sont complémentaires.
Un exemple de conservation in-situ est la mise en place de zones de protection. La
conservation de gènes dans des banques de semences est un exemple de conservation exsitu, lequel permet la sauvegarde d'un grand nombre d'espèces avec un minimum d'érosion
génétique.
L'érosion de la biodiversité était un des sujets les plus discutés lors du Sommet pour le
développement durable, dans l'espoir de la mise en place d'un fond de conservation global
pour le maintien des collections.
-Deux conventions internationales ont été adoptées lors du Sommet de la terre à Rio de
Janeiro en juin 1992. L’une sur le changement climatique, l’autre sur la diversité biologique.
Elles ont ensuite connu leur évolution propre. Celle sur le climat, qui formulait notamment
des objectifs quantifiés non contraignants de stabilisation des gaz à effet de serre en 2000
par rapport à 1990 pour les pays industrialisés signataires, a débouché fin 1997 sur le
Protocole de Kyoto. Ce dernier fixait de nouveaux objectifs quantifiés, juridiquement
contraignants cette fois, aux pays industrialisés pour la période 2008-2012, mais les
assortissait de différents mécanismes de flexibilité reposant sur l’échange international des
droits et obligations résultant des engagements de réduction des émissions. Bien que ce
Protocole ne soit pas encore entré en vigueur, il peut être considéré comme l’aboutissement
d’un processus de traduction d’un enjeu de protection d’une composante essentielle de
l’environnement à l’échelle planétaire en un rationnement volontaire des émissions pouvant
lui porter atteinte.
Le coeur en est l’adoption de mécanismes de marché pour atteindre l’objectif
environnemental au moindre coût collectif et permettre aux États de se parer vis-à-vis
d’événements ou d’évolutions imprévus. Pourrait-on procéder de la même façon pour
préserver la diversité biologique ? La morphologie des problèmes à résoudre est-elle
similaire ou bien des différences sensibles conduisent-elles à rechercher une autre
organisation de l’action ?
L’étude des ressemblances et des différences entre climat et biodiversité permettra de faire
ressortir la manière dont il serait judicieux d’aborder la régulation des atteintes à la
biodiversité. Finalement, la réflexion proposée conduit à remettre en cause l’idée que la
biodiversité est un bien économique, ce qui n’exclut pas que certains pans des régimes de
régulation puissent être organisés selon des principes économiques.
Quels rapports établir entre la biodiversité, la notion de bien et la mise en place d’une
gestion ? Les économistes sont tentés de considérer que puisqu’une rareté apparaît, leurs
outils sont pertinents pour gérer le problème. Compte tenu des difficultés repérées, on doit
cependant s’attendre à devoir faire preuve d’ingéniosité. Comme le climat planétaire, la
biodiversité apparaît d’abord comme un effet émergent du fonctionnement de systèmes
écologiques en interaction qui prennent appui sur la variété des conditions biophysiques sur
la planète. On peut porter deux regards différents sur cette diversité : un regard centré sur
l’identification de son effet sur le fonctionnement des systèmes aux différents niveaux
pertinents ; un regard valorisant la richesse potentielle des ressources ainsi disponibles. Le
premier regard sous-tend les démarches de connaissance qui visent les conditions
écologiques générales d’équilibre ou de viabilité en amont de la disponibilité des biens
naturels. Le second regard, qu’on pourrait caractériser par la métaphore du « gardemanger», débouche sur des logiques d’inventaire, de classement, d’identification et de
Exposé Vision Internationale des Affaires
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conservation centrées sur les éléments constitutifs des écosystèmes. L’existence du «
garde-manger» préserve la variété du choix futur en fonction de la valorisation acquise par
tel ou tel élément devenu ressource effective. Il est en prise plus directe avec la thématique
économique des ressources, des techniques et des usages.
Dans les deux cas, l’incertitude est une dimension essentielle de l’approche, mais elle n’est
pas de la même nature. Elle porte dans le premier cas sur les exigences de régulation de
systèmes complexes. Elle concerne dans le second cas l’identification des éléments
susceptibles de devenir des ressources, les ressources identifiées ne représentant qu’une
partie, jugée assez faible bien que déjà importante, de l’ensemble des éléments du « gardemanger». L’appréhension des potentiels dépend de l’avancée des connaissances : pour une
part importante, nous avons affaire à une présomption de richesse possible. Gérer une
richesse potentielle sous contrainte de moyens limités est une tâche complexe qui demande
d’arbitrer entre l’étendue de la variété du fonds préservé et la capacité d’en faire un usage
informé dans des délais satisfaisants au regard des conditions d’émergences d’une
demande.
La thématique du « garde-manger » permet de mettre en évidence le problème posé par
l’aboutissement de la biodiversité sur le terrain d’une gestion. Si l’organisation économique
de marché permet l’expression d’offres et demandes concurrentielles pour des biens
individuels de type privé, elle ne permet guère l’expression de demandes et d’offres globales
pour des « paniers de biens » étendus caractérisés par leur diversité interne. Ainsi, pas plus
que le climat de la planète, la diversité biologique, prise comme entité englobante, ne peut
faire directement l’objet d’une gestion décentralisée par des mécanismes de marché et ne
peut, de façon rigoureuse, être considérée comme un bien.
La biodiversité dirige vers des problèmes d’organisation aux échelles régionales et locales. À
ces échelles, on trouve encore une structure déjà identifiée dans le cas du climat : l’influence
humaine sur la biodiversité ne se présente pas d’emblée comme une production organisée
par une autorité collective, mais s’exerce de façon décentralisée et inintentionnelle comme
un à-côté d’activités ayant d’autres buts et menées par de nombreux agents.
Le fait que la biodiversité se conçoive à une échelle plus proche des niveaux d’intervention
des institutions humaines dédiées à l’administration des territoires et à l’organisation des
activités économiques serait en soi un facteur favorable à la mise en place de dispositifs de
gestion collective. Cependant, à la différence du climat, l’avancée d’une problématique
gestionnaire pour la biodiversité est freinée par l’absence d’un équivalent général qui
permettrait de comparer l’incidence des innombrables actions humaines qui l’affecte : d’un
côté les cibles sont diverses et ne parviennent pas à se totaliser d’une manière
convaincante, la réduction à une comptabilité des espèces disparues et en voie de
disparition induisant une focalisation excessive à la fois sur l’espèce comme catégorie et sur
le nombre comme principe de valeur ; de l’autre côté, les actions humaines agissent sur la
biodiversité à travers de multiples influences, le plus souvent assez indirectes.
Cela fait que le devenir de la biodiversité semble davantage dépendre du bruit de fond
de l’activité humaine (changements de l’utilisation des sols, extension de l’emprise
urbaine, développement de l’agriculture…) que d’actions précisément identifiées en
nombre limité qui pourraient être reconsidérées en fonction de leur incidence
écologique (ou alors actions temporelles pour changer façon de vivre). En d’autres
termes, un système de régulation économique comme celui défini à Kyoto pour le
climat, qui a pu s’étayer sur l’équivalent CO2 comme mesure universelle et comme
vecteur central de l’articulation des actions locales et des enjeux planétaires, n’a pas
de pendant dans le domaine de la biodiversité.
Malgré tout, des sous-ensembles délimités et territorialisés de biodiversité peuvent être
tenus pour des biens pour certains usages et en fonction de certaines techniques : ainsi les
chercheurs en biologie travaillent en utilisant une certaine biodiversité comme matière
Exposé Vision Internationale des Affaires
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première soit pour sélectionner des variétés soit pour aboutir à de nouvelles constructions
génétiques. L’écotourisme exploite également une certaine biodiversité locale qui s’étend à
la dimension paysagère. Il y a là quelques points d’accroche pour la mise en place d’une
gestion économique dès qu’on parviendrait à définir des équivalences et des droits ou bien à
faire émerger une offre et une demande. Ce serait toutefois tromper son monde que de
prétendre arrimer un régime d’ensemble visant la préservation de la biodiversité planétaire
sur ces seuls éléments.
Résumons-nous. De la façon la plus générale la manifestation de la biodiversité à un niveau
donné de l’organisation écologique se présente comme une condition qui peut affecter la
fonction de production des agents économiques c’est-à-dire leur aptitude technique à
transformer des intrants en produits en mobilisant différents facteurs de production. Cette
influence, qui peut jouer couramment pour les productions très dépendantes des
écosystèmes comme la production agricole et forestière, a plusieurs visages : celui des
menaces (insectes nuisibles ou attaques virales) d’un côté, celui de la résilience et de la
viabilité fonctionnelle entretenue à plus long terme de l’autre côté. Sur cette dimension de la
production, la biodiversité est ainsi une condition ambivalente, à apprécier au cas par cas,
sans pouvoir compter comme une valeur absolue. Que les agents économiques aient à en
tenir compte ne suffit pas à en faire un objet de gestion économique.
Propriété émergente du fonctionnement et de l’évolution de systèmes vivants, la biodiversité
se présente comme une variable d’influence de la productivité des activités humaines et
parfois, lorsqu’elle est délimitée et encapsulée, comme une ressource. Ce rôle de ressource
productive ne peut pas faire tenir à lui seul une problématique de régulation des activités
humaines en fonction de leur incidence sur la biodiversité. Pour raccorder cette
problématique à l’économie des hommes, il faut prendre appui sur les mille cheminements
locaux, pratiques et culturels, par lesquels des hommes portent intérêt à des aspects et à
des segments de la problématique d’ensemble.
Evaluation du patrimoine de biodiversité mondial :
S’agissant des principes d’évaluation, une mise en garde s’impose quant au maniement de
l’argument reliant la rareté à la valeur. Pour l’analyse économique, le concept de rareté
s’entend non au sens d’un faible taux de présence dans une distribution, mais d’une tension
entre une offre et une demande. Un bien physiquement rare pour lequel il n’existe aucune
demande n’est pas rare au sens économique du terme et un bien dont la disponibilité
physique s’accroît mais qui, dans le même temps fait l’objet d’une demande qui s’accroît
encore davantage sera considéré comme se raréfiant. Ce serait donc faire un contresens
complet que d’assimiler toute rareté statistique à un indice de valeur. Aux yeux de
l’économiste, ce n’est pas parce qu’une espèce est statistiquement rare qu’elle est
précieuse. La valeur suppose que l’on mette en face un principe jouant le rôle de la
demande pour les biens économiques.
Ainsi, mesurer la valeur économique totale (VET) selon l’équation suivante semble inadapté :
VET = valeurs d’usage directes + valeurs d’usage indirectes + valeurs d’option + valeurs d’existence
Enfin un économiste voudra attirer l’attention sur la nécessité de penser les dispositifs de
régulation en fonction des incitations et des formes d’intéressement qu’ils instaurent pour
tous les agents dont le comportement importe du point de vue d’objectifs liés à la
biodiversité. Accumuler les interdits, les zones-sanctuaires, les plans territoriaux ne mènera
pas très loin dans la mesure où cela se traduit par des contraintes sans contrepartie pour les
acteurs locaux et bute sur des difficultés importantes de contrôle et d’effectivité. En effet,
certains acteurs peuvent vouloir consentir à des mesures de conservation d’écosystèmes et
Exposé Vision Internationale des Affaires
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de certaines des espèces qu’ils abritent, mais d’autres trouvent leur intérêt à ce que cette
conservation ne puisse pas s’instaurer, ou se comportent en free-rider par rapport aux
avantages qu’elle engendre. Une réflexion de ce type peut conduire à envisager des
solutions institutionnelles contre-intuitives comme celle consistant à concéder la gestion
d’opérations de conservation aux agents qui y sont le moins intéressés mais qui auraient la
possibilité de porter atteinte à la bonne réalisation des actions de régulation : c’est un moyen
pour ceux qui sont les plus intéressés de donner des garanties aux autres sur la pérennité
des flux de compensation qui leur seront attribués.
C. Biodiversité et développement durable
Le développement durable est traduit de l’anglais : Sustainable development.
Le développement durable s’efforce de répondre aux besoins présents sans compromettre la
capacité des générations futures à satisfaire les leurs.
Le développement durable est un mode de développement économique cherchant à
concilier le progrès économique et social et la préservation de l'environnement, considérant
ce dernier comme un patrimoine à transmettre aux générations futures.
 Le développement durable en quelques dates
1968 : création du Club de Rome
Le Club de Rome est un groupe multinational et non politique réunissant des scientifiques,
des humanistes, des économistes, des professeurs, des fonctionnaires nationaux et
internationaux ainsi que des industriels de 53 pays, préoccupés des problèmes complexes
auxquels doivent faire face toutes les sociétés, tant industrialisées qu'en développement. Il a
été fondé en 1968 à l'initiative d'Aurelio Peccei, un Italien membre du conseil d'administration
de Fiat, et d'Alexander King, un scientifique écossais de haut calibre et fonctionnaire, ancien
directeur scientifique de l'Organisation de coopération et de développement économiques . Il
doit son nom au lieu de sa première réunion à Rome, à l'Academia dei Lincei.
Les membres du Club ont comme but de chercher des solutions pratiques aux problèmes
planétaires. Ils visent à trouver et à proposer des solutions aux décideurs politiques, et à
susciter des débats entre eux et (au besoin) dans le grand public. En 1972, le Club a publié
son premier rapport, intitulé Halte à la croissance? qui a suscité la controverse avec la notion
de « croissance zéro ». On a fait remarquer que le livre n'envisageait pas jusqu'à quel point
le développement technologique pouvait empêcher ou au moins retarder la progression du
monde vers ses limites matérielles. Pour répondre à ces critiques, le Club a publié Sortir de
l'ère du gaspillage : demain. Depuis, il a produit plus de 20 publications dans une série
appelée Rapports du Club de Rome. Toutefois, son rôle demeure surtout de sensibiliser les
hauts dirigeants aux problèmes planétaires actuels. Le Club fait essentiellement ce pour quoi
il a été fondé, c'est-à-dire de la diplomatie par des contacts personnels et la participation
d'une petite élite restreinte.
1972 : publication du rapport « halte à la croissance »
Alerte sur les risques que l'expansion économique font courir à la terre.
1972 : conférence de Stockholm sur l’environnement
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Lors de la Conférence de Stockholm, il fut déclaré pour la première fois que l’amélioration
des conditions de vie à long terme de toutes et de tous dépend de la préservation des bases
naturelles de la vie et suppose une coopération internationale. Si la résolution des problèmes
écologiques constituait alors la préoccupation prioritaire, les aspects sociaux, économiques
et de politique de développement n’étaient pas oubliés pour autant.
La même année, le Club de Rome publiait son rapport «Les limites de la croissance», qui eut
un écho retentissant dans le contexte de la Conférence de Stockholm et de la crise pétrolière
des années septante.
La Déclaration de Stockholm adoptée lors de la Conférence a été élaborée conjointement
par les pays industrialisés et les pays en développement. Elle contient des principes de
protection de l’environnement et de développement, ainsi que des recommandations
concernant leur mise en œuvre. On peut considérer cette déclaration comme le document de
base de la politique internationale qu’on qualifiera par la suite de «développement durable».
La création du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) et
l’établissement de son siège à Nairobi, au Kenya, est une conséquence directe de cette
Conférence, tout comme le Plan de Vigie à l'échelon du système des Nations Unies
(Earthwatch), actuellement intégré au PNUE.
1972 : création du PNUE : programme des Nations Unies pour l’environnement
Le Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE) a été établi en 1972, à la
suite de la Conférence de Stockholm sur l'environnement humain. Le PNUE est la plus haute
autorité au sein du système des Nations Unies pour les questions d’environnement. Le
PNUE a joué un rôle majeur dans l’élaboration d’accords internationaux en matière
d’environnement touchant la pollution de l’air, les espèces menacées, la couche d’ozone et
la diversité biologique.
Le mandat du PNUE consiste à analyser et à évaluer l'état de l'environnement mondial; à
faire progresser l'élaboration des lois internationales sur l'environnement; à favoriser
l'application des normes et des politiques internationales adoptées; à surveiller et à
encourager la conformité dans ces domaines; à sensibiliser davantage et à faciliter une
coopération efficace lors de la mise en œuvre du programme international sur
l'environnement; et à fournir des conseils de politique générale dans les domaines clés du
renforcement institutionnel.
1983 : création de la commission mondiale pour l’environnement et le développement
1987 : publication du rapport Brundtland
Publié en 1987 par la Commission mondiale sur l’environnement et le développement, Notre
Avenir à Tous (ou Rapport Brundtland du nom de la présidente de la commission, la
Norvégienne Gro Harlem Brundtland), définit la politique nécessaire pour parvenir à un
« development durable ».
Le rapport définit le concept ainsi : « Le développement durable est un développement qui
répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de
répondre aux leurs. Deux concepts sont inhérents à cette notion : le concept de « besoins »,
et plus particulièrement des besoins essentiels des plus démunis, à qui il convient d’accorder
la plus grande priorité, et l’idée des limitations que l’état de nos techniques et de notre
organisation sociale impose sur la capacité de l’environnement à répondre aux besoins
actuels et à venir. »
Depuis cette date, le concept de développement durable a été adopté dans le monde entier.
1992 : Sommet de Rio
Le deuxième Sommet de la Terre s'est tenu à Rio de Janeiro en 1992, sous l'égide des
Nations unies. Ce sommet est généralement considéré comme une réussite : les priorités
mondiales ont changé en dix ans, et avec la participation d'une centaine de chefs d'État et
Exposé Vision Internationale des Affaires
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de gouvernement, ce sommet demeure aujourd'hui le plus grand rassemblement de
dirigeants mondiaux. Plus de 1500 ONG y étaient également représentées. Le Sommet de
Rio a donné le coup d'envoi à un programme ambitieux de lutte mondiale contre les
changements climatiques, pour la protection de la biodiversité et l'élimination des produits
toxiques dangereux. Il a abouti à la signature de la Déclaration de Rio. Cette déclaration, qui
fixe les lignes d'action visant à assurer une meilleure gestion de la planète, fait progresser le
concept des droits et des responsabilités des pays dans le domaine de l'environnement.
Cependant elle n'est pas juridiquement contraignante. Au contraire, elle reconnaît la
souveraineté des États à « exploiter leurs propres ressources selon leur politique
d'environnement et de développement ».
2002 : Sommet de Johannesburg
Le Sommet de Johannesburg est une opportunité majeure pour la communauté
internationale d’avancer vers un avenir viable — un avenir qui permette aux gens de
satisfaire leurs besoins sans pour autant détruire l’environnement. Le développement
durable est un appel à une conception différente du développement et à un autre type de
coopération internationale — il reconnaît que les décisions prises dans une partie du monde
peuvent avoir des conséquences pour les personnes d’autres régions et il nécessite des
actions basées sur une vision à long terme qui favorise la création d’un contexte mondial
permettant à chacun de profiter des progrès et des bénéfices réalisés.
 Préservation de l'environnement
développement durable
:
enjeu
par
définition
du
 Contraintes ou opportunités
Donnée aujourd'hui incontournable, le développement durable s'inscrit dans un mouvement
sociétal de profondeur.
Pour les acteurs socio-économiques, il constitue le socle d'une responsabilité éthique qu'ils
doivent désormais placer au cœur de leur stratégie et sur laquelle il leur faut bâtir une
communication appropriée au regard des nouvelles exigences des parties prenantes :
actionnaires, consommateurs, fournisseurs, salariés, partenaires institutionnels (financiers,
politiques...) et, au-delà, relais d'opinion.
La société civile est exigeante : elle demande la transparence au regard des enjeux et
conséquences relatives à l'environnement.
Les médias sont exigeants : à l'instar de la société civile, il se font régulièrement l'écho des
avancées et des mérites des acteurs économiques sur ce chapitre, sans épargner ceux qui
voudraient paradoxalement l'utiliser à leur seul profit. Ils demandent des preuves à ceux qui
s'en réclament.
Le développement durable est exigeant : il suppose un engagement dans la durée ; par
définition, il associe l'avenir au présent. La visibilité de l'investissement demandé change de
perspective. Le long terme prend le pas sur l'immédiat.
Désormais, dans le sillage des instances internationales ou de manière autonome,
collectivités locales, établissements publics et entreprises se convertissent de plus en plus
volontiers – du moins l'affirment-ils – à ce nouveau concept. Ils l'intègrent dans leur
management, leur développement, leur marketing et leur communication.
Si le bénéfice est planifié pour l'avenir que d'autres verront à notre place, il est aussi
escompté – et avéré – pour le présent.
Exposé Vision Internationale des Affaires
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En effet, une stratégie de développement durable, mise en œuvre dans la transparence et
preuves à l'appui, offre de multiples avantages :
- elle permet de mobiliser les salariés,
- elle devient un argument marketing,
- elle représente un gage de crédibilité,
- elle est facteur de progrès,
- elle apporte, outre la bonne conscience, un bénéfice d'image.
En réponse à l'engagement des entreprises dans une démarche de développement durable,
les sondages démontrent qu'entre deux enseignes, l'une socialement responsable, l'autre
non, le consommateur devenu consom'acteur donnera plus volontiers la préférence à la
première.
Des enjeux primordiaux
A - Dans le monde
Les principaux enjeux du développement durable sont à la mesure du diagnostic alarmant de
l'état de notre planète et des conditions de vie d'une grande partie de la population mondiale.
Ils concernent notamment :
- La satisfaction des besoins fondamentaux de tous les habitants du globe. En 1999, 1,15
milliards de personnes subsistaient avec moins de 1 dollar par jour, soit 23% de la
population mondiale, en particulier des habitants des pays du Sud . La satisfaction de leurs
besoins en matière d'accès à l'eau potable, alimentation équilibrée, de santé et d'éducation
nécessite une meilleure allocation des ressources naturelles et des richesses produites. A
l'heure actuelle, 80% de ces richesses sont consommées chaque année par 20% des
habitants de la planète .
Selon les perspectives démographiques actuelles, la population mondiale, aujourd'hui aux
alentours de 6,2 milliards d'individus, pourrait se stabiliser à 10 milliards d'habitants vers le
milieu du siècle. La satisfaction des besoins de cette population nouvelle est un défi
supplémentaire.
- La sauvegarde des équilibres climatiques par la réduction des émissions de gaz à effet de
serre comme le dioxyde de carbone. La concentration de ces gaz dans l'atmosphère,
favorisée par les activités humaines, pourrait être à l'origine d'une hausse de la température
moyenne du globe de 1,5°C à 6°C au cours du 21ème siècle. La hausse de température
déjà constatée, 0,6°C sur l'ensemble du 20ème siècle, représente un coût important pour les
pays devant faire face aux premiers signes de changements climatique : sécheresse, fonte
des glaces, montée du niveau des océans, inondations, tempêtes et cyclones plus fréquents.
- La préservation des écosystèmes et des ressources naturelles. Les grands réservoirs de
biodiversité que constituent les forêts équatoriales et tropicales sont particulièrement
menacés. Entre 1990 et 2000, 90 000 kilomètres carrés de surface forestière ont disparu en
moyenne chaque année dans le monde, soit une superficie comparable à celle de la
Belgique .
- Les ressources du sol et du sous-sol, et notamment les sources d'énergie fossiles (pétrole,
gaz), sont pareillement menacées. De même, le potentiel halieutique de certaines régions
maritimes est en déclin :dans l'Atlantique Nord-Ouest, les prises ont diminué de 25% entre
1975 et 2000 .
- Les atteintes les plus graves aux milieux naturels affectent le plus souvent des zones
situées dans les pays en développement, qui ne sont pourtant pas les plus gros
consommateurs de ressources. Ce paradoxe perdure avec la situation de dépendance de
ces pays à l'égard de la rente financière procurée par l'exportation de minerais,
d'hydrocarbures ou de produits "exotiques" issus d'une agriculture intensive.
On peut bien évidemment allonger la liste des enjeux mondiaux du développement durable,
en commençant par la paix, le respect des droits de l'Homme proclamés dans la Déclaration
universelle des Nations Unies de 1946.
B - En France
Exposé Vision Internationale des Affaires
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Le gouvernement a exposé le 3 juin 2003 la stratégie nationale de développement durable.
Son élaboration a fait l'objet d'un travail interministériel en association avec les réflexions du
Conseil national du développement durable (CNDD), une assemblée de 90 représentants
des collectivités locales et de la société civile.
La stratégie nationale décline pour les années à venir de grandes orientations et des
programmes d'actions assortis d'indicateurs de suivi dans de nombreux domaines :
- Dimension sociale et sanitaire du développement durable
- Le citoyen, acteur du développement durable
- Territoires
- Activités économiques, entreprises et consommateurs
- Changement climatique et énergie
- Transports
- Agriculture et pêche
- Prévenir les risques, les pollutions et les autres atteints à la santé et à l'environnement
- Vers un Etat exemplaire
- Action internationale
C - Pour l'Ile-de-France
L'Ile-de-France concentre sur 2,2% de la surface du territoire français près de 19% de sa
population, soit environ 12 millions d'habitants. A l'échelle de la planète, l'Ile-de-France se
situe au troisième rang des régions métropoles les plus productives du monde, derrière
Tokyo et New-York, sensiblement au même niveau que Los Angeles et Osaka.
La région produit en effet chaque année près de 30% de la richesse nationale (Produit
Intérieur Brut). Elle abrite plus de 40% des sièges sociaux des entreprises françaises, des
pôles d'activités tertiaires de premier plan comme la Défense ou Marne-la-Vallée, et un tissu
industriel diversifié de petites et moyennes entreprises (PME) et de grands groupes
multinationaux.
Le dynamisme économique régional s'accompagne toutefois de profonds contrastes entre
populations et entre territoires. Ces contrastes se lisent dans le taux de chômage important
et la misère sociale à laquelle sont confrontés plusieurs secteurs de l'agglomération. Ils se
matérialisent aussi dans la forme urbaine de l'agglomération et dans le type d'habitat
fortement différencié selon le profil socio-économique des communes.
Autour de Paris et de ses couronnes largement urbanisées et densément peuplées, l'Ile-deFrance est aussi une région agricole, dont 60% des terres sont cultivées. La variété des sols,
de la topographie et des micro-climats permet de pratiquer la culture de plusieurs céréales,
de la betterave et de plantes fourragères. La culture intensive du blé dans de vastes
parcelles "ouvertes" est prédominante dans les terres fertiles de la Beauce et de la Brie.
Enfin, l'Ile-de-France présente encore de beaux restes de son cadre naturel "originel", avec
des espaces boisés préservés. Ces vastes forêts de feuillus étaient jadis des terrains de
chasse du Royaume à Villers-Cotterêts, à Rambouillet, à Compiègne ou à Fontainebleau.
Elles sont aujourd'hui largement aménagées en lieux de loisirs et de détente pour les
franciliens. Le cadre naturel est aussi celui des grands cours d'eau qui irriguent le territoire
francilien ; Seine, Marne, Oise, Aisne, et de nombreuses rivières.
Un territoire aussi peuplé et autant marqué par l'empreinte des activités économiques que
l'est l'Ile-de-France doit faire face à des paradoxes et à de nombreuses problématiques d'un
point de vue du développement durable. La classification des enjeux ici listée est reprise du
guide méthodologique sur l'Agenda 21 local de l'association 4D (Repères pour l'Agenda 21
local : Une approche territoriale du développement durable, COMELIAU Laurent, HOLEC
Nathalie, PIECHAUD Jean-Pierre, association 4D, Paris, 2001, 136 pages). Ces enjeux
concernent :
- L'organisation et l'aménagement de l'espace, et tout particulièrement la maîtrise de
l'étalement urbain. Entre 1982 et 1999, 27 500 ha d'espaces naturels et agricoles ont été
"consommés" par l'urbanisation dans le périmètre de la ceinture verte de l'agglomération, le
rythme annuel ayant eu tendance à s'accélérer. Or, le modèle de la "ville durable" privilégie
Exposé Vision Internationale des Affaires
30/51
la densité urbaine et le renouvellement de la ville sur elle-même, dans un souci d'économie
de l'espace et de limitation des déplacements.
- L'aménagement concerne aussi la combinaison harmonieuse des différentes "fonctions" de
l'espace urbain dans un même quartier : habitat (locatif social, en accession à la propriété...),
activités économiques, commerces, équipements publics, espaces verts et de loisirs... On
parle de "mixité".
- La démarche de haute qualité environnementale (HQE) tente d'intégrer, à l'échelle d'un
bâtiment ou d'un quartier, l'ensemble des enjeux environnementaux d'un aménagement.
- Le développement social, et en particulier la lutte contre les grands dysfonctionnements
urbains. Cette lutte passe par la résorption de l'exclusion et du chômage, la réhabilitation des
quartiers vétustes ou inadaptés, l'élargissement de l'accès à l'éducation, à la santé, aux
pratiques culturelles et sportives, aux services publics locaux.
- Le développement des activités économiques et de l'emploi, avec comme perspective
l'approfondissement des liens entre les entreprises et les autres acteurs du territoire. Ces
liens peuvent s'avérer fructueux dans le domaine de la recherche et de l'innovation, de la
formation professionnelle ou du développement des réseaux de transport et de
communication. L'intégration des sites industriels dans leur environnement est facilitée par
un dialogue permanent avec les riverains et les Collectivités locales parties prenantes du
développement des entreprises.
- L'implication des salariés et des syndicats dans la gestion de l'entreprise, et en particulier
dans sa gestion environnementale, doit être promue dans un souci de transparence et
d'accès à l'information. Les questions d'environnement (émissions, pollutions,
déplacements...), d'hygiène et de sécurité sont autant de terrains de négociation, mais une
approche en termes de développement durable intègre aussi les conditions de travail, les
relations avec les clients et fournisseurs, l'insertion de l'entreprise dans le système productif
local et mondial.
- Les déplacements et la mobilité. L'agglomération parisienne dispose d'un réseau de
transports en commun parmi les plus performants, mais elle est comme les grandes
métropoles européennes victime des nuisances liées aux déplacements automobiles. Bus,
métro, tramway, train, vélo, marche à pied, véhicules propres et covoiturage sont autant de
modes de déplacement à valoriser dans une approche intermodale. La valorisation de ces
modes de déplacements implique parfois de limiter l'usage de la voiture en agissant sur la
stationnement public, la répartition de la voirie... La réflexion en termes de mobilité intègre
les questions des temps quotidiens, de l'organisation de la ville et de rationalisation des
déplacements.
- L'écogestion des ressources naturelles, de l'énergie et des déchets. L'objectif est de réduire
l'empreinte écologique de la population francilienne dans tous les domaines : consommation
et assainissement de l'eau, consommation de ressources naturelles rares (bois tropicaux,
matériaux de construction, espaces naturels...), consommation énergétique (énergies
fossiles, électricité...), production et valorisation des déchets...
- Sur le plan énergétique, l'Ile-de-France, qui importe la quasi-totalité des sources d'énergie
fossiles (pétrole, gaz, charbon) et 95% de l'électricité consommées par sa population, se doit
de participer à l'effort national de lutte contre le changement climatique. Dans la perspective
d'un développement durable, il importe de réduire significativement les consommations par
des mesures d'utilisation rationnelle de l'énergie, et de promouvoir toutes les sources
d'énergie renouvelables potentielles dont dispose le territoire : géothermie, biomasse,
biogaz, éolien, solaire thermique et photovoltaïque, pompes à chaleur sur aquifère...
- Les enjeux globaux et planétaires : la coopération Nord-Sud et la lutte contre les menaces
globales. Classée parmi les régions les plus riches du monde, l'Ile-de-France se doit d'être
solidaire avec d'autres populations et territoires moins bien dotés, qui contribuent parfois
indirectement à la prospérité francilienne. Ceci implique de développer des actions de
coopération décentralisée avec les territoires partenaires, de promouvoir le commerce
équitable, de favoriser l'intégration et la participation à la vie publique des résidents
étrangers, de contribuer à la lutte contre le changement climatique, l'appauvrissement de la
biodiversité...
Exposé Vision Internationale des Affaires
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- Les autres enjeux : santé et sécurité alimentaire, agriculture durable, tourisme durable,
culture et patrimoine, accès aux nouvelles technologies...
Tous ces enjeux constituent autant de problématiques dont une démarche d'Agenda 21 local
peut s'emparer...
Exposé Vision Internationale des Affaires
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2. L’eau : l'or bleu
Des millions d’adultes meurent chaque jour faute de pouvoir accéder à une eau saine. En
cause, un développement inégal et des gestions désastreuses à l’échelle locale,
nationale et internationale.
L’accès à l’eau pour tous est d’abord un problème de politiques publiques, qu’elles soient
gérées par le privé ou par des administrations. Au-delà de son mode de gestion, l’eau a un
coût que nous ne payons pas à sa juste valeur, d’où d’immenses gaspillages. Reste à savoir
si nous serons capables d’en partager équitablement le prix entre riches et pauvres. Une
question se pose donc : La guerre de l’eau aura-t-elle lieu ?
 Les enjeux de la gestion de l’eau
La gestion des ressources en eau reste un des défis majeurs de l’humanité, et la coopération
internationale y consacre une part importante de ses moyens.
Les enjeux de cette gestion sont importants et les thèmes qu’elle traite sont typiques du
développement.
Ainsi, les enjeux de la gestion de l’eau peuvent être décrits en plusieurs termes :
L’eau est la première cause de mortalité et de morbidité au monde
de façon directe ou indirecte.
Enjeux sanitaires
5 millions d’êtres humains meurent de maladies hydriques (diarrhée,
choléra, typhoïde…) liées à un assainissement inexistant ou médiocre,
dont la moitié d’enfants.
(l'équivalent de 30 fois le raz de marée qui a ravagé l’Asie du Sud-Est
mais en silence et loin des caméras)
L’eau est un élément essentiel pour la production de cultures
vivrières.
Enjeux
alimentaires
On estime que 40 % de l’alimentation mondiale est produite par des
systèmes d’agriculture irriguée.
A l’avenir, la croissance de la population et l’évolution des modes
d’alimentation nécessiteront une augmentation de production agricole
qui ne pourra provenir que d’une meilleure utilisation de l’eau en
agriculture.
Exposé Vision Internationale des Affaires
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Plus d’un milliard d’individus sont privés d’accès à l’eau potable :
2,4 milliards d’individus ne bénéficient pas de structures
d’assainissement fiables.
Enjeux sociaux
Les populations les plus pauvres localisées dans les zones rurales et
périurbaines des pays en développement sont les plus touchées.
Les populations des quartiers défavorisés paient l’eau plus cher,
jusqu’à vingt fois le prix payé en centre ville, pour un service de
mauvaise qualité.
Les inondations représentent 32 % des catastrophes naturelles,
55 % de la mortalité et 31 % des coûts liés à ces catastrophes.
Enjeux
économiques
Enjeux financiers
La consommation mondiale d’eau payée par les usagers,
essentiellement dans les centres urbains, est d’environ 300 milliards
de dollars par an, ce qui représente 1 % du produit mondial brut.
Les investissements actuels dans le domaine de l’eau sont
d’environ 75 milliards d’euros par an et se répartissant comme suit :
- gouvernements et secteur public national 48 milliards,
- secteur privé national, y compris les communautés 14 milliards,
- aide publique au développement 9 milliards,
- multinationales 4 milliards.
Les besoins de financements totaux sont eux estimés à 180 milliards
d’euros par an pour les 25 prochaines années.
-
Enjeux
environnementaux
-
La moitié des grands fleuves et lacs mondiaux est polluée.
La moitié des zones humides a disparu depuis le début du XXe
siècle.
La biodiversité a diminué de moitié dans les eaux douces.
Les aquifères sont de plus en plus surexploités et pollués.
L’eau est une ressource naturelle limitée.
Cependant la demande augmente et la ressource est de plus en
plus dégradée. Les perspectives laissent entrevoir une aggravation
de ces tendances. Enfin, les problèmes liés aux changements
climatiques concerneront au premier chef la ressource en eau.
Exposé Vision Internationale des Affaires
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Deux tiers des grands fleuves ou aquifères (soit plus de 300 dans le
monde) sont partagés entre plusieurs pays. Deux personnes sur
cinq dépendent de ces eaux partagées. 15 % des pays reçoivent
plus de 50 % de leur eau de pays situés en amont. Peu d’accords
internationaux de gestion existent. Toutefois la Convention de Genève
de 1949 interdit toute attaque armée sur des barrages.
La poussée urbaine continue : 16 % de la population mondiale en
1900, 45 % en 1990 et près de 320 villes de plus d’un million
d’habitants en 2000. Cela représente 5 % de la surface du globe pour
25 % des besoins des populations (compte tenu des besoins des
industries concentrées dans les zones urbaines).
Ainsi, même si les actions dans ce domaine doivent être envisagées
aux niveaux régionaux et locaux, l’eau apparaît comme un problème
global qui concerne des domaines comme le changement climatique,
la sécurité alimentaire mondiale ou encore la santé.
Enjeux politiques
et géopolitiques
Par ailleurs, le secteur de l’eau illustre bien les questions liées aux
programmes d’aide :
- la place des femmes,
- la participation des populations,
- la bonne gouvernance,
- l’amélioration de la santé,
- l’impact du développement sur l’environnement,
- la prévention des conflits,
- le développement du secteur privé,
- le partenariat public-privé,
- le renforcement des capacités.
La question de l’eau se situe ainsi au cœur des grands courants
structurants :
- la démocratisation,
- la décentralisation,
- l’organisation de la société civile,
- la gestion durable,
- la lutte contre la pauvreté
- ou encore les réflexions sur les biens publics mondiaux.
A cet égard, il peut fournir une illustration de la façon dont ces
questions peuvent se traduire en pratique.
Dans ce contexte, la France a un rôle particulier à jouer compte tenu
de son expérience riche, variée et ancienne, de sa volonté de
renforcer la solidarité internationale, de son engagement dans le
développement de partenariats avec les pays du Sud, le plus souvent
les plus concernés par ces défis de la gestion des ressources en eau.
Exposé Vision Internationale des Affaires
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 L’eau, l’or bleu : une marchandise comme les autres ?
Exemple concret Etats-Unis/Canada :
La pénurie frappe l’Ouest et le Sud des Etats-Unis riches et gaspilleurs. Leur volonté
d’acheter des réserves chez leur voisin a provoqué un tollé au Canada. L’eau est-elle un
produit comme les autres ? Une question décisive pour l’avenir.
La consommation d’eau de la Californie a augmenté de 41,5 % en vingt ans. En Floride, elle
a crû sur la même période de 58,2 % et de 70 % en Arizona. La réserve géante de l’Ogallala
pourrait être épuisée dans la seconde moitié de ce siècle. A l’ampleur des prélèvements
agricoles s’ajoute une population qui ne cesse de croître et dont le mode de vie est très
gourmand en eau.
Ces Etats assoiffés lorgnent alors sur l’or bleu du Canada6 : puisque l’eau se raréfie aux
Etats-Unis, pourquoi ne pas l’acheter là où elle est abonde ? Devant un tel marché potentiel,
nombre de promoteurs ont initié des projets d’exportation d’eau par bateau. Ainsi durant les
années 80, des licences d’exploitation ont été accordées pour l’exportation de l’eau à six
entreprises, tandis que Terre-Neuve lançait des appels d’offres pour l’exploitation des eaux
du lac Gisborne.
- En 1989
L’opinion publique et des syndicats agricoles canadiens ont soulevés des inquiétudes puis
des oppositions fortes.
- En 1991
Le gouvernement de la Colombie Britannique prononçait un moratoire sur les exportations
massives d’eau.
- En 1994
L’Alena7 a relancé cet imbroglio juridico-politique. Il vise à offrir à ses signataires des
conditions égales d’accès aux marchés. Il interdit notamment le refus par un Etat de
restreindre la vente hors de ses frontières d’un produit dont la mise sur le marché nationale
serait autorisée. L’Alena ne porte que sur les produits d’activité économique par exemple
l’eau en bouteilles. Mais l’eau en vrac, celle des lacs et des rivières souterraines,
transportée par navire ou canaux entre-t-elle dans cette définition ?
L’eau est-elle un produit ? En tant que ressource naturelle, celle des rivières, lacs et
aquifères n’est pas incluse dans l’Alena ni, du reste, dans les règles de l’OMC. Un produit
est un bien destiné à la vente et qui incorpore une valeur ajoutée (fabrication,
transport…).
- En 1999
Une levée de boucliers prise au sérieux par le gouvernement fédéral qui a demandé aux
provinces d’instaurer un moratoire sur les exportations massives d’eau : « Le gouvernement
est contraint à une très grande prudence et il n’a promulgué aucune loi interdisant
explicitement l’exportation de l’eau. Une telle loi, à caractère commercial, pourrait légitimer
une interprétation selon laquelle l’eau est effectivement un produit, ce qui du coup la rendrait
contradictoire avec les accords de l’Alena. » (Frédérique Lasserre)
6
7
Canada : 20 % des réserves mondiales d’eau douce et 9 % des ressources renouvelables.
Alena : Accord de libre échange entre les Etats-Unis, le Canada et le Mexique.
Exposé Vision Internationale des Affaires
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La bataille de l’eau est donc une bataille de mots. Elles ont justifié leur moratoire en
précisant que l’eau est une ressource naturelle épuisable et que de ce fait, admis par l’Alena
(comme par les règles de l’OMC), des mesures restrictives peuvent être adoptées. « La
seule solution serait d’exclure clairement l’eau des dispositions de l’Alena en renégociant le
traité avec les Etats-Unis. Le Canada pourrait donc alors exporter son eau tout en
conservant le contrôle de la politique. » (Louise Vandelac). Pour l’instant, la situation est
gelée.
 La guerre de l’eau aura-t-elle lieu ?
Dès les années 80, la CIA identifiait une dizaine de zones « à conflit hydrique »
potentielle.
1995 : « Les guerres du XXIe siècle auront l’eau pour enjeu » Ismaïl Serageldin, alors
vice président de la Banque mondiale.
2001 : dans le best-seller Resources Wars de Michael Klare identifiait pour sa part le
contrôle des ressources naturelles, à commencer par l’eau, comme l’une des
principales causes de conflit potentiel.
Depuis 1950 : la raréfaction de l’eau devienne préoccupante. L’analyse de
1 831 discordes transfrontalières intervenues dans le monde est parlante : 1 228 se
sont soldés par des accords de coopération, 507 furent conflictuelles mais seulement
21 ont donnés lieu à des opérations militaires violentes, avec Israël pour protagoniste
dans 18 cas. De guerre proprement dite dont l’enjeu était l’eau, Aaron Wolf n’en cite
qu’une, celle qui opposa il y a 4 500 ans les cités de Lagash et d’Umma, au sud de
l’Irak.
- Israël
Israël était prête à se battre pour sa sécurité hydrique.
1951 : les heurts transfrontaliers commencent pour la
jouissance des eaux du Jourdain.
1964 : Tel Aviv procède unilatéralement à une « dérivation »
du fleuve par une station de pompage. La Syrie et la Liban
ripostent avec la construction de barrages en amont.
1967 : la guerre des Six jours marque le paroxysme de cette
tension.
C’est la menace égyptienne, au Sud, qui a décidé au
premier chef de la mobilisation d’Israël, même si les
offensives « secondaires » contre la Jordanie, le Liban et la
Syrie eurent pour conséquence une sécurisation
spectaculaire de ses ressources hydriques : contrôle des
nappes phréatiques de la Cisjordanie, large accès au
Jourdain et à son principal affluent, le Yarmouk, sécurisation
du « château d’eau » du Golan.8
Le conflit israélo-palestinien actuel n’est pas réductible à une guerre pour l’eau, même si la paix future dépend
de sa redistribution : la consommation d’un Israélien est 4 à 5 fois supérieure à celle d’un Palestinien.
8
Exposé Vision Internationale des Affaires
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- La Turquie et la Syrie
Fin des années 70 : afin de valoriser les étendues délaissées du Sud de l’Anatolie, un vaste
programme de construction d’une vingtaine de barrages est lancé. Il doit s’achever en 2010
pour l’irrigation principalement.
Au terme de ce programme, il ne resterait que les deux tiers et le quart du débit du fleuve
actuel du fleuve.
En 1990, lors du remplissage du barrage Atatürk sur l’Euphrate, la tension devient très forte.
En 1998, l’affrontement imminent entre la Syrie et la Turquie n’aura pas lieu.
Les conflits armés n’offrent souvent qu’une faible garantie de règlement des litiges de l’eau.
Pour sécuriser son approvisionnement, la Syrie aurait dû conquérir puis défendre la vaste
partie turque du bassin de l’Euphrate.
Turquie
Exposé Vision Internationale des Affaires
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- L’Egypte et l’Ethiopie
Même cas de figure avec l’Egypte : l’Ethiopie entreprend des barrages sur le Nil bleu,
menaçant le débit aval du fleuve « sacré », source de 90 % de son eau.
Mais l’Egypte au contraire de la Syrie aurait les moyens militaires de s’imposer. Cette région
est-elle pour autant une zone de conflit potentiel ? Apparemment non car ils peuvent régler
leurs différends sous les auspices de la Convention Internationale de 19979.
Une convention naissante : doctrine balbutiante, le droit international de l’eau s’appuie sur la Convention de
1997 concernant « les utilisations des cours d’eau internationaux à des fins autres autre la navigation ». Rejetant
les principes de la « souveraineté territoriale » [l’eau qui se trouve sur mon territoire est à ma disposition pleine
et entière – vision des pays amont], de « l’intégrité territoriale » [la répartition naturelle des eaux douces est
intouchable – vision des pays d’aval], ou de la « première appropriation » [je suis le premier à avoir mis l’eau en
valeur], ce texte veut promouvoir une coopération pour un usage juste et équilibré des ressources d’un bassin
versant. On est encore loin de son entrée en vigueur : une douzaine de pays l’ont ratifié, il en faut 35 au
minimum.
9
Exposé Vision Internationale des Affaires
39/51
La coopération, une solution à toute épreuve ?
Il serait pourtant hâtif de tirer de l’histoire passée et présente la leçon que tous les conflits se
règleront par la coopération. Croissance démographique, explosion des besoins, salinisation
des sols, pollution… : les tensions présentes et à venir n’ont pas d’équivalent dans le passé.
Et les raisons de la violence se multiplient objectivement.
Thomas Homer-Dixon a étudié les mécanismes complexes de déstabilisation entraînés par
la raréfaction des ressources : déplacements de population, conflits identitaires, soulèvement
contre les gouvernements…
L’aggravation des tensions locales pourrait alors faire du mythe des guerres de l’eau
une sanglante réalité.
Scan de la carte p 29 + carte p 31
 Les idées et les actions menées : quelques solutions
Selon l’Organisation mondiale de la Santé, 700 millions de personnes ont bénéficié
d’un raccordement à l’eau potable depuis 1990, grâce aux efforts des Etats et à la
coopération internationale publique et privée. Mais malgré ce progrès, un milliard
d’hommes et de femmes – un sixième de l’humanité – continuent d’être privés d’accès aisé à
l’eau. Dans le monde 2 milliards et demi de personnes ne bénéficient d’aucun
assainissement.
- Le Niger : les riches paient pour les pauvres
Au Niger, l’un des pays les plus pauvres, Veolia Walter enregistre un taux de recouvrement
de 95 % de ses factures, un niveau comparable à n’importe quelle grande ville française par
exemple, alors que le revenu moyen par habitant ne dépasse pas 190 $ par an.
Maintien du prix de l’eau à un niveau abordable (soit prix moyen de 0,3 euro)
Pays aux inégalités très fortes, les riches paient pour les pauvres : des niveaux variable de
facturation ont été établis par l’Etat et sont appliqués.
Les tarifs augmentent par paliers, en fonction des volumes d’eau utilisés. « Une
consommation normale est estimée en fonction du nombre de personnes par ménage. Si
vous êtes dans une tranche de consommation qui relève que vous arrosez votre gazon ou
lavez votre voiture, c’est que vous appartenez à la catégorie des plus riches. »
Parmi les autres priorités, figurent aussi des branchements sociaux (11 250 réalisés en deux
ans) et l’installation de bornes fontaines dans les zones les plus pauvres, en partenariat avec
la Croix Rouge française.
- L’exception française : un centime par facture pour aider les pays du Sud
Faire payer le consommateur du Nord pour financer l’accès à l’eau au Sud. En France, la loi
Oudin, voté le 2 février 2005 (à vérifier) officialise le « centime facturé », une pratique
adoptée dès 1986 par le sydicat des eaux d’Ile de France (Sedif). Elle consiste à prélever sur
chaque facture usager, 0,3 centimes d’euro par mètre cube d’eau utilisée – l’équivalent de
1 % du prix de vente moyen pratiqué en France. Cette manne, d’un montant de 1 million
d’euros par an, a permis au Sedif de financer 170 opérations dans seize pays d’Afrique et
d’Asie. Au total, 1,6 million de personnes ont aujourd’hui accès à l’eau potable grâce à ces
actions. L’exemple du Sedif a été suivi par le Syndicat intercommunal de la vallée de l’Orge
Aval (Essonne).
Exposé Vision Internationale des Affaires
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-
La thèse libérale : équilibre importation d’eau / exportation de produit
manufacturé
Nombre d’économistes libéraux estiment que les pays arides devraient accroître leurs
importations alimentaires en provenance des zones naturellement dotées d’eau, plutôt que
d’augmenter la pression sur leurs ressources. Selon l’endroit où il est produit, un kilo de blé
nécessite 500 et 4 000 litres d’eau.
Cette thèse de l’eau virtuelle, qui alimente le moulin des partisans de la libéralisation accrue
des marchés, présuppose que les pays concernés accroissent leurs exportations de biens
manufacturés et de services. Rien n’est moins sûr que leur intérêt de développer leur
dépendance à l’égard de marchés internationaux imprévisibles où, de plus, la manipulation
de « l’armée du blé » n’est jamais à exclure.
- Le Mexique : les entreprises ont un tarifs plus élevés
Il existe un énorme problème de répartition des coûts de l’eau entre les différentes
catégories d’usagers. L’industrie règle généralement l’eau qu’elle utilise au prix fort. Il est
aisé pour les pouvoirs publics de faire accepter aux entreprises des tarifs élevés. C’est ce
que le Mexique a compris et appliqué en faisant payé l’eau trois fois plus cher aux industriels
qu’aux consommateurs individuels.
- La Tunisie : les touristes paient plus cher
La Tunisie a mis en place un système innovant : les touristes paient leur eau cinquante fois
plus cher que les autochtones.
- Anvers en Belgique : tarifs sociaux pour les quartiers défavorisés
Une redistribution sociale par la fiscalité ou des prix différenciés est nécessaire. En Belgique,
la ville d’Anvers a adopté des tarifs sociaux pour les quartiers défavorisés
- Afrique du Sud
L’Afrique du Sud a mis en place un système innovant : un tarif nul pour les premiers mètres
cubes consommés, puis des prix progressifs.
Exposé Vision Internationale des Affaires
p 37 : faut-il avoir peur des privatisations
ce qu’il ne faut pas faire l’exemple de la chine p 39
3. Le pétrole : l'or noir
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Exposé Vision Internationale des Affaires
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 Epuisement des réserves
Au XIXè siècle, l’Europe a construit sa prospérité industrielle sur le charbon. Au XXè
siècle, l’Europe et les Etats-Unis ont bâti la leur sur le pétrole et le gaz.
Il n’y aura bientôt plus dans les pays occidentaux ni pétrole ni gaz et très peu de charbon en
Europe. Nous entrons dans une nouvelle ère, celle des énergies fossiles rares et
durablement chères. Les hommes vont devoir imaginer et réaliser un monde sans pétrole.
Au niveau mondial, l’ère de l’après-pétrole n’interviendra probablement pas avant quarante
ou cinquante ans, peut-être même au-delà. Mais en Europe occidentale, il n’y aura plus ni
pétrole ni gaz à un horizon de dix à vingt ans. Il en est de même pour les Etats-Unis, dont les
besoins en énergie sont énormes. Les pays occidentaux vont devenir, très vite, largement
dépendants de reste du monde pour leurs approvisionnements. L’énergie chère est une
donnée durable, essentiellement pour des raisons d’équilibre entre l’offre et la
demande. Il nous faut désormais vivre avec cette idée. D’autant plus que l’Europe a fait le
choix, parfaitement légitime, de ratifier les accords de Kyoto avec à la clé un surcoût qu’elle
est la seule à payer. Cela doit nous amener, nous autres Européens, à préparer activement
ces échéances.
Réserves prouvées de pétrole fin 2004,
en milliards de barils
Quantité de barils
830
733,9
730
630
530
430
330
230
130
41,1
61
Asie-Pacifique
Amérique du
Nord
101,2
112,2
Amérique
Centrale et du
Sud
Afrique
139,2
30
Europe et Russie
Moyen-Orient
Région
Les informations sur les réserves prouvées correspondent aux déclarations des sociétés pétrolières et des pays
producteurs.
Sujettes à caution, elles traduisent cependant une répartition inégale des ressources.
L’approvisionnement européen, fondé sur le brut du Moyen-Orient, devrait dépendre de plus en plus du gaz russe.
 Pétrole et mondialisation
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Le sens de la globalisation, dont la progression résulte de l’interconnexion croissante des
marchés, n’est pas remis en question. Mais la position des pays, selon qu’ils sont
consommateurs ou producteurs, va évoluer.
Un pétrole cher modifie la donne entre les pays détenteurs d’énormes ressources
pétrolières, source de mannes financières incroyables, et les autres. En quelques années,
l’Algérie, par exemple, est devenu un pays riche, alors que le Maroc ou la Tunisie voisins
n’ont pas du tout bénéficié de cette manne.
Dans ces pays, comme dans d’autres beaucoup plus pauvres et privés de ressources
pétrolières, le doublement du coût de l’énergie primaire est un vrai drame. Car tout
développement est consommateur d’énergie. Cela déplace aussi les équilibres pour les
unités de production. Les industries de transformation, par nature délocalisables, pourraient
aller là où l’énergie sera moins chère.
De plus, nous allons assister à des changements de niveaux de vie et de localisation des
industries. C’est déjà le cas dans les pays du Golfe, où l’on observe un développement
industriel considérable qui bénéficie à leurs marchés intérieurs et à leur économie. Les
industries de raffinage, de pétrochimie ou de chimie de spécialités, toutes directement liées
au pétrole, se sont implantées fortement dans ces pays.
Les nouvelles générations au pouvoir anticipent dès à présent l’ère de l’après-pétrole et
cherchent à attirer des industries, avec une énergie bon marché comme produit d’appel. Ils
se tournent désormais vers des industries modernes et diversifiées, comme l’électronique ou
le tourisme, ce qui contribue également à développer leur marché intérieur. Dubaï est ainsi
passé de 50 000 à plus de 500 000 habitants. Le phénomène est identique en Russie, qui
vend du gaz sur son marché domestique cinq fois moins cher que sur le marché
international.
 Compagnies pétrolières : des colosses aux pieds d’argile
Malgré des bénéfices records, les majors sont à la merci de réserves devenues rares et sous
la menace de nouveaux concurrents.
Des bénéfices records
6,3 milliards d’euros au premier semestre 2005 pour Total, 10,5 milliards de dollars pour la
britannique BP et même 15,5 milliards de dollars pour l’américaine ExxonMobil. Dopés par
l’envolée des prix du pétrole, les profits des grandes compagnies pétrolières ont augmenté
en moyenne de 30 % sur les six premiers mois de l’année 2005, battant tous les records.
Comme chaque semestre depuis 2002, quand les prix ont commencé à croître fortement. Le
groupe des cinq majors du pétrole (Shell, BP, Total, Chevron Texaco et ExxonMobil) a ainsi
vu son chiffre d’affaires global progresser de 55 % en deux ans, passant de 740 milliards à
1 150 milliards de dollars de 2002 à 2004, selon le ministère français de l’Economie. Dans le
même temps, leurs bénéfices ont été multipliés par 2,4, passant de 35 milliards de dollars en
2002 à 85 milliards en 2004.
Devenues partout les premières entreprises par la capitalisation boursière, jamais les
compagnies pétrolières ne se sont aussi bien portées. Jamais, pourtant, leur avenir
n’a paru aussi incertain : elles éprouvent de plus en plus de difficultés à mettre la main sur
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de nouvelles réserves et elles doivent faire face à une nouvelle concurrence, en
provenance le plus souvent des pays du Sud.
Pénurie de réserves
L’augmentation soutenue de la demande mondiale de pétrole, tirée par la forte croissance
chinoise, est à l’origine de la bonne fortune des majors. En 2004, l’industrie pétrolière a dû
répondre à une demande mondiale de produits pétroliers de 81,8 millions de barils par jour :
le plus haut niveau jamais atteint. Les deux années précédentes avaient déjà donné lieu à la
plus forte hausse de la demande depuis trente ans. La quasi-totalité des capacités de
production installées a été mobilisée en 2004 et l’industrie ne disposait plus que d’une marge
de manœuvre limitée à un ou deux millions de barils par jour. Selon les prévisions du
ministère français de l’Economie, cette tendance devrait mener, dès cette année, à un déficit
de 3,9 millions de barils par jour entre demande et production.
Confrontées à ce défi, les majors peinent de plus en plus à augmenter leur production, voire
même simplement à la maintenir, car elles manquent de réserves. C’est en particulier le
cas de l’espagnole Repsol, de l’américaine Chevron Texaco ou de l’anglo-néerlandaise
Shell. Cette dernière avait créé le scandale en 2004, en révisant à la baisse d’un tiers ses
réserves prouvées : un trou qu’elle reconnaît ne pas être en mesure de combler avant cinq
ans. BP et ExxonMobil prétendent, quant à elles, avoir trouvé plus de barils lors de leurs
prospections en 2004 qu’elles n’en ont extraits du sol. Le problème, c’est que selon les
critères de la SEC, le gendarme de la Bourse américaine, le compte n’y est pas.
Total et l’italienne ENI semblent, pour leur part, mieux s’en sortir avec des taux de
remplacement de leurs réserves atteignant les 100 %. Ce qui ne veut pas dire que ces
entreprises ne rencontrent pas non plus de difficultés pour maintenir et accroître leur
production. Ainsi Total, qui a vu ses profits croître de 53 % au deuxième trimestre 2005, a
enregistré dans le même temps une baisse de sa production de 2,7 %. Un paradoxe
seulement en apparence. La raison ? Les contrats de partage de production. Afin d’avoir
accès à un gisement dans un pays, les majors l’exploitent le plus souvent en
partenariat avec une compagnie locale. Elles réalisent les investissements et rétrocèdent
une partie de la production extraite à leur partenaire local. De plus en plus, la quote-part
qu’elles conservent est définie en valeur et non en quantité. Résultat : la quantité de pétrole
qui revient à la major baisse quand le prix augmente. ENI voit ainsi sa production baisser de
4 000 barils par jour à chaque fois que leur prix augmente d’un dollar. Toutes les majors
ont recours à ce type de contrat dans l’espoir de freiner la chute de leurs réserves,
mais cette pratique est en train de se retourner contre elles.
Nouvelle donne
Ces difficultés reflètent l’évolution du rapport de force : alors que les multinationales ont
longtemps eu la haute main sur le pétrole, les pays producteurs se sont
progressivement réapproprié leurs ressources à partir des années 60, notamment en
nationalisant les compagnies pétrolières présentes sur leur territoire. Au point que la
part des majors dans la production mondiale de pétrole avoisine aujourd’hui les 15 %, tandis
que celle des compagnies locales, comme l’Aramco en Arabie Saoudite ou la Sonatrach en
Algérie, se situe autour de 70 %.
Pour augmenter leur production, les majors n’ont guère le choix : la plupart d’entre elles se
sont lancées depuis des années dans les fusions-acquisitions. Dernière en date, la bataille
menée par Chevron Texaco pour ravir l’américaine Unocal au nez et à la barbe de la
chinoise Cnooc : malgré une offre moins généreuse aux actionnaires, Chevron a finalement
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emporté le morceau grâce à une campagne auprès de l’opinion et de l’establishment
américains, jouant sur le patriotisme économique. L’enjeu était de taille pour Chevron qui
voyait sa production décliner.
Parallèlement, l’accès aux principaux gisements de pétrole dit « conventionnel »10 étant
désormais verrouillé par les pays producteurs, notamment au Moyen-Orient, les
majors se sont lancées dans la prospection et le développement de gisements de
pétrole dit « non conventionnel » : le pétrole brut extra-lourd et les bitumes, appelés
ainsi parce qu’ils sont beaucoup plus visqueux que le pétrole traditionnel. Ils
représentent un potentiel énorme : le brut extra-lourd des rives de l’Orénoque au Venezuela
et les bitumes de la province canadienne de l’Alberta – 85 % des ressources mondiales de
pétrole non conventionnel – seraient équivalents aux 250 milliards de barils de réserves de
pétrole conventionnel de l’Arabie Saoudite.
Oui mais voilà : ces ressources exigent un raffinage plus important que le pétrole
traditionnel, ce qui augmente le coût de revient du baril de pétrole de cinq à dix dollars.
L’explosion des prix et les progrès des techniques de raffinage tendent cependant à
améliorer la rentabilité de tels gisements. Pariant sur leur avenir, Shell a d’ailleurs prévu de
porter la part du pétrole non conventionnel de 5 % à 15 % de sa production totale d’ici à
2014. L’une des majors la plus en pointe dans ce secteur reste sans doute Total : elle a été
pionnière dans l’offshore très profond dans le Golfe du Mexique ou avec son projet Girasol
en Angola et dans la valorisation du pétrole non conventionnel. Elle vient d’ailleurs, en mai
dernier, de porter à 50 % sa participation dans les réservoirs de sables bitumineux du
Canada.
Les majors, acteurs historiques du secteur gazier, ont également cherché à renforcer leurs
positions dans ce secteur en plein essor : Shell ou Total figurent parmi les principaux acteurs
du GNL, le gaz naturel liquéfié, afin de l’acheminer vers le consommateur. Et Shell et
ExxonMobil ont tous deux un projet géant au Qatar de GTL, le gaz transformé en pétrole.
Enfin, même si cela représente une partie négligeable de leur chiffre d’affaires, la plupart des
majors sont des acteurs importants des énergies renouvelables depuis les chocs pétroliers.
Une concurrence élargie
Ces concurrents sont légion. Des petites « juniors » pétrolières, présentes jusqu’ici sur un
seul segment de la production ou seulement dans leur pays d’origine et auxquelles le prix
élevé du brut donne des ailes à l’international. Ainsi la française Maurel & Prom, qui a
quasiment triplé son chiffre d’affaires entre 2003 et 2004. Des concurrents plus
importants, comme les compagnies d’Etat des grands pays du Sud, sortent de leur
territoire d’origine pour garantir l’approvisionnement futur de leur pays. Ainsi l’indienne
ONGC, qui a acquis quinze participations dans quatorze pays étrangers, aussi bien au
Vietnam, en Russie, au Soudan, en Iran, en Libye, en Syrie, en Australie ou en Côte d’Ivoire.
Et qui prospecte activement de nouveaux gisements en Algérie, aux Emirats arabes unis ou
au Venezuela. La chinoise CNPC n’est pas en reste et développe ses activités à l’étranger à
un rythme très soutenu : le volume de ses nouvelles réserves découvertes hors de son
territoire est passé de 30 millions à 405 millions de tonnes de brut de 2001 à 2003. N’ayant
pas de souci d’image de marque ou de comptes à rendre à des actionnaires soucieux de
maximiser leurs dividendes, ces entreprises n’hésitent pas à aller dans les pays où les
majors ne vont pas et à leur offrir un partage de la rente pétrolière plus favorable.
10
Pétrole conventionnel : pétrole facile à récupérer et à raffiner, par opposition au pétrole non conventionnel
dont les taux de récupération dans les gisements sont généralement moindres et qui demande une transformation
beaucoup plus lourde.
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A terme, le risque existe donc pour les majors de se faire tailler des croupières. Les
résultats, en janvier dernier, du premier appel d’offre lancé par la Libye depuis quarante ans
en sont peut-être déjà une illustration. « Un test intéressant, parce qu’aucune major n’a
décroché de permis d’exploration, à part Chevron Texaco. L’essentiel des permis est allé à
des petites sociétés américaines ou à des acteurs qui ne venaient ni d’Europe ni des EtatsUnis. Pour les majors, c’est un véritable coup de semonce », analyse Francis Perrin.
Même si elles refusent de le reconnaître officiellement, cette nouvelle concurrence les
inquiète. « Nous surveillons de près ce que font ces entreprises qui bien souvent
n’obéissent pas aux mêmes contraintes que nous, admet-on cependant à la direction d’une
des majors. Mais nous ne sommes pas dépourvus d’atouts : notre puissance
d’investissement, notre avance technologique, notre capacité à gérer de très gros projets de
l’exploration à la production sont précieuses. »
Le deuxième appel d’offre lancé par la Libye à l’automne sera l’occasion de voir si les grands
pétroliers consentent désormais à faire des offres plus généreuses. « Un des moyens pour
elles de s’en sortir par le haut, c’est d’utiliser leur caractère intégré, conclut Francis Perrin.
De proposer aux Etats producteurs de combler leurs besoins domestiques souvent très
importants en matière de raffinage ou de pétrochimie. Une capacité que très peu de leurs
concurrents peuvent assurer à l’heure actuelle. »
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Conclusion
« Le XXIè siècle ne sera pas le siècle de la démocratie ni celui de la colonisation de
l'espace, mais le siècle de l'environnement ».
Le développement démographique et la consommation nous mènent à un goulot
d'étranglement.
À la fin du 21e siècle, la population humaine atteindra près de 10 milliards d'individus. C'est
le maximum que la planète peut supporter, mais certainement pas si les pays industrialisés
maintiennent leur niveau de consommation
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Approche-toi petit, écoute-moi gamin,
Je vais te raconter l'histoire de l'être humain
Au début y avait rien au début c'était bien
La nature avançait y avait pas de chemin
Puis l'homme a débarqué avec ses gros souliers
Des coups d'pieds dans la gueule pour se faire respecter
Des routes à sens unique il s'est mis à tracer
Les flèches dans la plaine se sont multipliées
Et tous les éléments se sont vus maîtrisés
En 2 temps 3 mouvements l'histoire était pliée
C'est pas demain la veille qu'on fera marche arrière
On a même commencé à polluer le désert
Il faut que tu respires, et ça c'est rien de le dire
Tu vas pas mourir de rire, et c'est pas rien de le dire
D'ici quelques années on aura bouffé la feuille
Et tes petits-enfants ils n'auront plus qu'un œil
En plein milieu du front ils te demanderont
Pourquoi toi t'en as 2 tu passeras pour un con
Ils te diront comment t'as pu laisser faire ça
T'auras beau te défendre leur expliquer tout bas
C'est pas ma faute à moi, c'est la faute aux anciens
Mais y aura plus personne pour te laver les mains
Tu leur raconteras l'époque où tu pouvais
Manger des fruits dans l'herbe allongé dans les prés
Y avait des animaux partout dans la forêt,
Au début du printemps, les oiseaux revenaient
Il faut que tu respires, et ça c'est rien de le dire
Tu vas pas mourir de rire, et c'est pas rien de le dire
Il faut que tu respires, c'est demain que tout empire
Tu vas pas mourir de rire, et c'est pas rien de le dire
Le pire dans cette histoire c'est qu'on est des esclaves
Quelque part assassin, ici bien incapable
De regarder les arbres sans se sentir coupable
A moitié défroqués, 100 pour cent misérables
Alors voilà petit, l'histoire de l'être humain
C'est pas joli joli, et j'connais pas la fin
T'es pas né dans un chou mais plutôt dans un trou
Qu'on remplit tous les jours comme une fosse à purin
Chanson de Mickey 3D – Respire
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Débat
 Jusqu’où aller dans l’exploitation des ressources pour permettre aux pays en voie de
développement de rattraper leur retard ?
 Qu’est-ce que l’exploitation des ressources : utiliser la biodiversité comme vecteur de
développement (fabrication de médicaments…) ou exploiter des matières premières ?
 Qu’est-ce qui est le plus rentable : une vision à CT (exploitation) ou à LT (exploration) ?
 Quel prix faut-il consentir pour mettre en œuvre une politique de protection de la
biodiversité ?
 N’est-ce pas non plus une politique ou campagne de communication « marketing » pour
beaucoup ? Où est le vrai intérêt ?
 Peut-on exclure de la biodiversité les contingences économiques, sociales et culturelles :
les femmes et les hommes qui vivent et travaillent sur des territoires « sensibles » ?
 Si l’on s’intéresse tant à la biodiversité à l’heure actuelle, c’est qu’on la valorise et qu’on
lui accorde une valeur économique. Si on pousse le raisonnement, la logique mène à se
désintéresser de ce qui n’est pas « rentable » et qui ne porte aucun intérêt scientifique ou
économique. En somme, tout ce qui n’aurait pas d’application permettant de générer des
bénéfices pourrait être « exclu » de ce qu’on appelle la biodiversité.
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Glossaire
Biotechnologie : toute application technologique qui utilise des systèmes biologiques, des
organismes vivants, ou des dérivés de ceux-ci, pour réaliser ou modifier des produits ou des
procédés à usage spécifique.
Conditions in situ : conditions caractérisées par l'existence de ressources génétiques au
sein d'écosystèmes et d'habitats naturels et, dans le cas des espèces domestiquées et
cultivées, dans le milieu où se sont développés leurs caractères distinctifs.
Conservation ex situ : la conservation d'éléments constitutifs de la diversité biologique en
dehors de leur milieu naturel.
Conservation in situ : la conservation des écosystèmes et des habitats naturels et le
maintien et la reconstitution de populations viables d'espèces dans leur milieu naturel et,
dans le cas des espèces domestiquées et cultivées, dans le milieu où se sont développés
leurs caractères distinctifs.
Diversité biologique : Variabilité des organismes vivants de toute origine y compris, entre
autres, les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques et les
complexes écologiques dont ils font partie; cela comprend la diversité au sein des espèces
et entre espèces ainsi que celle des écosystèmes.
Ecosystème : le complexe dynamique formé de communautés de plantes, d'animaux et de
micro-organismes et de leur environnement non vivant qui, par leur interaction, forment une
unité fonctionnelle.
Espèce domestiquée ou cultivée : toute espèce dont le processus d'évolution a été
influencé par l'homme pour répondre à ses besoins.
Habitat : le lieu ou type de site dans lequel un organisme ou une population existe à l'état
naturel.
Matériel génétique : le matériel d'origine végétale, animale, microbienne ou autre,
contenant des unités fonctionnelles de l'hérédité.
Organisation régionale d'intégration économique : toute organisation constituée par des
Etats souverains d'une région donnée, à laquelle ces Etats membres ont transféré des
compétences en ce qui concerne les questions régies par la présente Convention et qui a
été dûment mandatée, conformément à ses procédures internes, pour signer, ratifier,
accepter, approuver ladite Convention ou y adhérer.
Pays d'origine des ressources génétiques : pays qui possède ces ressources génétiques
dans des conditions in situ.
Pays fournisseur de ressources génétiques : tout pays qui fournit des ressources
génétiques récoltées auprès de sources in situ, y compris les populations d'espèces
sauvages ou domestiquées, ou prélevées auprès de sources ex situ, qu'elles soient ou non
originaires de ce pays.
Ressources biologiques : les ressources génétiques, les organismes ou éléments de ceuxci, les populations, ou tout autre élément biotique des écosystèmes ayant une utilisation ou
une valeur effective ou potentielle pour l'humanité.
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Ressources génétiques : le matériel génétique ayant une valeur effective ou potentielle.
Technologie : toute technologie y compris la biotechnologie.
Utilisation durable : l'utilisation des éléments constitutifs de la diversité biologique d'une
manière et à un rythme qui n'entraînent pas leur appauvrissement à long terme, et
sauvegardent ainsi leur potentiel pour satisfaire les besoins et les aspirations des
générations présentes et futures.
Zone protégée : toute zone géographiquement délimitée qui est désignée, ou réglementée,
et gérée en vue d'atteindre des objectifs spécifiques de conservation.
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