Exposé Vision Internationale des Affaires 1/51 Les enjeux économiques du XXème siècle : la biodiversité, l'eau et le pétrole Introduction Les enjeux économiques du XXIème siècle découlent de ceux du siècle précédent. L’essor industriel, débuté à la fin du 18ème siècle, a, en grande partie, bouleversé le monde occidental. Et pour cause, l’une de ses principales conséquences a été une transformation du monde (développement des transports, transformation dans le domaine de l’agriculture, urbanisation…). Mais, ce développement a eu des conséquences sur deux plans : un bien pour l’économie des pays mais un mal pour l’environnement. En effet, pour « bâtir, un faut détruire ». L’industrialisation a-t-elle été un bien pour un mal ? Lister des exemples d’enjeux économiques "Biodiversité": Un mot encore inconnu de la plupart des dictionnaires. Pourtant on en parle de plus en plus. La diversité des espèces végétales et animales s'amenuise rapidement tandis que l'appropriation du vivant devient l'enjeu d'une formidable confrontation économique, politique, sociale et culturelle... Sur les plans politique et économique, la biodiversité est devenue un enjeu majeur, faisant désormais l'objet d'un accord international global, la "Convention sur la diversité biologique". Celle-ci fut signée en 1992 à Rio de Janeiro par 157 pays et la Communauté européenne lors du Sommet de la Terre sur l'environnement et le développement. De même, sur les plans éthique et culturel, la diversité biologique apparaît comme un thème mobilisateur qui permette une meilleure définition de la place de l'homme, de sa responsabilité évolutive dans le monde vivant ainsi qu'à l'égard des générations futures. Exposé Vision Internationale des Affaires 2/51 Sommaire Introduction............................................................................................................... 1 1. La biodiversité, un enjeu économique important ........................................... 3 A. Une notion vaste ...................................................................................................... 3 Définition ................................................................................................................................ 3 La biodiversité est-elle menacée ?......................................................................................... 4 Le statut juridique de la biodiversité ....................................................................................... 5 Les acteurs de la biodiversité : protection, conservation… ................................. 6 B. Quels acteurs pour quelles actions ? ..................................................................................... 9 Des idées et des mesures .................................................................................................... 11 Quel avenir ? ........................................................................................................................ 21 C. 2. 3. Biodiversité et développement durable ................................................................25 Le développement durable en quelques dates .................................................................... 25 Préservation de l'environnement : enjeu par définition du développement durable ............ 27 Contraintes ou opportunités ................................................................................................. 27 L’eau : l'or bleu ................................................................................................ 32 Les enjeux de la gestion de l’eau ......................................................................................... 32 L’eau, l’or bleu : une marchandise comme les autres ? ...................................................... 35 La guerre de l’eau aura-t-elle lieu ? ..................................................................................... 36 Les idées et les actions menées : quelques solutions ......................................................... 39 Le pétrole : l'or noir ......................................................................................... 41 Epuisement des réserves ..................................................................................................... 42 Pétrole et mondialisation ...................................................................................................... 42 Compagnies pétrolières : des colosses aux pieds d’argile .................................................. 43 Conclusion .............................................................................................................. 47 Débat........................................................................................................................ 49 Glossaire ................................................................................................................. 50 Surligner tous les mots de vocabulaire à définir Exposé Vision Internationale des Affaires 3/51 1. La biodiversité, un enjeu économique important A. Une notion vaste Définition La biodiversité ou diversité biologique est un néologisme construit à partir des mots biologie et diversité. Le terme biodiversité a été utilisé pour la première fois par l'entomologiste E.O. Wilson en 1986, lors de la publication du compte-rendu du premier forum américain sur la diversité biologique, organisé par le National Research Council. Le mot biodiversité lui a été suggéré par le NRC, en remplacement de diversité biologique, jugé moins efficace en terme de communication. Le terme biological diversity lui même provient de Thomas Lovejoy en 1980. Depuis 1986, le terme et le concept sont très utilisés par les biologistes, les écologistes, les dirigeants et les citoyens. L'utilisation du terme a coïncidé avec la prise de conscience de l'extinction d'espèces au cours des dernières décennies du XXe siècle. La Convention de la Diversité biologique (1992) définit les termes de la biodiversité de la façon suivante : Diversité biologique : Variabilité des organismes vivants de toute origine y compris, entre autres, les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques et les complexes écologiques dont ils font partie ; cela comprend la diversité au sein des espèces et entre espèces ainsi que celle des écosystèmes. Ecosystèmes : le complexe dynamique formé de communautés de plantes, d’animaux et de micro-organismes et de leur environnement non vivant qui, par leur interaction, forment une unité fonctionnelle. (Extrait de l'article 2) En résumé, la biodiversité désigne la diversité du monde vivant, au sein de la nature. Elle est habituellement subdivisée en trois niveaux : Diversité génétique Diversité des gènes au sein d'une espèce (diversité intraspécifique) Pour les généticiens, la biodiversité est la diversité des gènes et des organismes. Ils étudient les processus, tels que mutations, échanges de gènes et dynamique des gènes se produisant à l'échelle de l'ADN et permettant l'évolution. Exposé Vision Internationale des Affaires Diversité spécifique Diversité écosystémique 4/51 Diversité des espèces (diversité interspécifique) Pour les biologistes, la biodiversité est la diversité des organismes et des espèces, mais aussi de la façon dont les organismes fonctionnent. Les espèces apparaissent et disparaissent, les sites sont colonisés par les organismes de la même espèce ou par une autre... Les organismes et les espèces n'utilisent pas les mêmes stratégies de reproduction, qui peuvent changer en fonction de l'environnement. Certaines espèces développent des organisations sociales pour améliorer leurs objectifs de reproduction ou utilisent les espèces voisines vivant en communautés. Diversité des écosystèmes1 présents sur Terre Pour les écologistes, la biodiversité est aussi la diversité des interactions durables entre espèces. Ces dernières font référence aux espèces, mais aussi à leur environnement et à l'écorégion colonisée. Dans chaque écosystème, les organismes vivants font partie d'un tout, ils interagissent les uns avec les autres, mais aussi avec l'air, l'eau et le sol qui les entourent Dans le cadre de notre exposé, nous retiendrons l’approche écologique de la biodiversité. Les aspects importants de la biodiversité sont : - sa dimension temporelle : elle n'est pas statique. La biodiversité est un système en évolution constante, du point de vue de l'espèce autant que celui de l'individu. - sa composante spatiale : la biodiversité n'est pas distribuée de façon régulière sur terre. La flore et la faune diffèrent selon de nombreux critères comme le climat, l'altitude, les sols ou les autres espèces. Parmi les pays riches en biodiversité, on peut citer : - Le Brésil, qui représente 1/5ème de la biodiversité mondiale, avec 50 000 espèces de plantes, 5 000 vertébrés, 10 à 15 millions d'insectes et des millions de microorganismes. - L'Inde, qui représente 8% des espèces connues, avec 47 000 espèces de plantes et 81 000 espèces animales. La biodiversité est-elle menacée ? Durant les dernières décennies, une dégradation de la biodiversité a pu être observée. La majorité des biologistes estiment qu'une extinction de masse est en train de se produire. Bien qu'il y ait un désaccord sur les nombres, la plupart des scientifiques pensent que le taux actuel de disparition d'espèces est plus élevé qu'il n'a jamais été dans les temps passés. Ecosystème : Ensemble écologique constitué par un milieu (sol, eau…) et une communauté d’êtres vivants, liés par des relations énergétiques. 1 Exposé Vision Internationale des Affaires 5/51 Plusieurs études montrent qu'environ une variété sur huit de plantes connues est menacée d'extinction. Chaque année, entre 17 000 et 100 000 variétés disparaissent de notre planète. Certains avancent également qu'un cinquième de toutes les espèces vivantes pourrait disparaître dans les 30 ans. Points de vue concernant les causes de cette dégradation : - La plupart disent que ces pertes sont dues aux activités humaines, en particulier causées par la destruction des écosystèmes abritant certaines plantes et animaux. - Certains expliquent cette situation non par la surexploitation des espèces ou une dégradation de leur écosystème, mais plutôt par la conversion des écosystèmes anciens en des écosystèmes standardisés (e.g. par exemple, déforestation suivie de monoculture). - D'autres ont mis en avant l'absence de droits de propriété ou de règles d'accès aux ressources amenant les ressources naturelles à être utilisées de façon anarchique. Parmi ces détracteurs, quelques-uns affirment que des extrapolations abusives sont faites, et que le rythme actuel de disparition des espèces ou de destruction des forêts tropicales, des récifs coralliens ou des mangroves (trois sortes d'habitats riches en biodiversité) n'est pas suffisant pour parler d'extinction de masse. Ainsi, la majorité des extinctions ont été observées sur des îles. Néanmoins, la quasidisparition de plus de 200 espèces de poissons dans le lac Victoria (seulement 129 espèces d'eau douce pour toute l'Europe), suite à l'introduction de la perche du Nil en 1954 démontre la possibilité, dans un temps très bref, d'une extinction de masse d'origine humaine. Le statut juridique de la biodiversité De nombreuses personnes estiment que la biodiversité doit être évaluée et son évolution analysée (à travers des observations, des inventaires...), puis devrait être prise en compte dans les décisions politiques. Les aspects juridiques établis sont : « Lois et écosystèmes » « Lois et espèces » Débat très ancien. Il est lié aux droits de propriété privée et publique. Il peut déterminer la protection d'écosystèmes menacés, mais aussi certains droits et devoirs (par exemple, les droits de pêche et de chasse). Ainsi, la directive Natura 2000 consiste t-elle à mettre en place un réseau cohérent à l'échelle de l'Europe de zones spéciales de conservation tout en prenant en compte les contingences économiques, sociales et culturelles des femmes et des hommes qui vivent et travaillent sur le territoire. Problème plus récent. Il détermine quelles espèces doivent être protégées pour cause de menace d'extinction. Certaines personnes mettent en question l'application de ces lois. Exposé Vision Internationale des Affaires « Lois et gènes » 6/51 N'existe que depuis un siècle. Alors que l'approche génétique n'est pas neuve (domestication, méthodes de sélection et de croisement classiques), le progrès des sciences génétiques au cours des vingt dernières années mène à l'obligation de renforcer les lois. (Avec les nouvelles technologies de la génétique et le génie génétique, on s'achemine vers un brevetage des gènes, brevetage des processus, et un tout nouveau concept de ressource génétique. Un débat très vif aujourd'hui cherche à définir si la ressource est l'organisme, l'ADN ou le processus). La convention de 1972 de l'UNESCO établit que les ressources biologiques, comme les plantes, sont considérées comme héritage commun de l'humanité. Ces règles ont inspiré probablement la création de grandes banques publiques de ressources génétiques, localisées en dehors des pays-sources. De nouveaux accords globaux (Convention on Biological Diversity), donnent maintenant des droits souverains sur les ressources biologiques (des droits, et non la propriété). L'idée de conservation statique de la biodiversité est en train de disparaître pour être remplacé au profit de l'idée d'une conservation dynamique, à travers la notion de ressource et d'innovation. Ces nouveaux accords enjoignent les pays à : - conserver la biodiversité, - développer l'entretien des ressources, - partager les bénéfices résultant de leur utilisation. Dans le cadre de ces nouvelles règles, il est attendu que la bioprospection ou la collecte de produits naturels soit permis par le pays à la biodiversité riche, en échange d'une partie des avantages retirés par le bio-prospecteur ou collecteur. Les principes de souveraineté s'appuient sur ce qui est mieux connu comme les Accords d'accès et de partage des bénéfices (ABAs : Access and Benefit Sharing Agreements). L'esprit de la Convention sur la biodiversité implique le consentement descriptif antérieur entre le pays source et le collecteur, pour établir quelle ressource sera utilisée et pour quel usage, pour aboutir sur un accord juste sur le partage des bénéfices résultant. La bioprospection peut devenir ce qui a été appelé biopiraterie quand ces règles ne sont pas respectées. B. Les acteurs de la biodiversité : protection, conservation… La valeur économique de la biodiversité Les rôles de la biodiversité L'industrie pharmaceutique est l'une des premières bénéficiaires de la biodiversité. De nombreux principes actifs de médicaments ont été mis au point à partir de molécules naturelles. Exposé Vision Internationale des Affaires 7/51 La biodiversité a contribué de nombreuses façons au développement de la culture humaine, et, en retour, les communautés humaines ont joué un rôle majeur en terme d'évolution de la diversité aux niveaux génétiques, spécifiques et systémiques. Pour les hommes, la biodiversité est avant tout une ressource naturelle pour la vie quotidienne, fournissant de la nourriture (cultures vivrières, bétail, poissons...), des fibres pour l'habillement, du bois pour le chauffage et la construction d'habitations, des médicaments et de l'énergie. Les usages de la biodiversité associés à l'agriculture et à la transformation en aliments sont aussi appelés agrobiodiversité. Les écosystèmes fournissent également des supports de production (fertilité du sol, prédateurs, décomposition des déchets...) et des services tels que la purification de l'air et de l'eau, la stabilisation et la modération du climat, la diminution des conséquences des sécheresses, inondations et autres désastres environnementaux. Si les ressources biologiques représentent un intérêt écologique pour la communauté, la valeur économique de la biodiversité est également de plus en plus mise en avant. De nouveaux produits sont développés grâce aux biotechnologies (ex : OGM, l’haploïdisation2, les protoplastes3…), et de nouveaux marchés créés. Pour la société, la biodiversité est aussi un secteur d'activité et de profit, et demande une gestion appropriée des ressources. Finalement, le rôle de la biodiversité est d'être un miroir de nos relations avec les autres espèces vivantes, une vue éthique avec des droits, des devoirs, et une nécessité éducative. L'aspect éducatif est souvent assuré par l'école (lors de sorties dans la nature par exemple) ou par des organisations de protection de la nature, telles que le WWF. Les écologues et les environnementalistes ont été les premiers à insister sur l'aspect économique de la protection de la diversité biologique. Ainsi, Edward Wilson écrivait en 1992, que la biodiversité est l'une des plus grandes richesses de la planète, et pourtant la moins reconnue comme telle. Nombreux sont ceux qui aujourd'hui considèrent la biodiversité comme un réservoir de ressources utilisables pour fabriquer des produits agro-alimentaires, pharmaceutiques, cosmétiques... Cette notion de mise en valeur des ressources est à l'origine des craintes de disparition des ressources liée à l'érosion de la biodiversité, mais aussi des nouveaux conflits portant sur les règles de partage et d'appropriation de ladite richesse. Un préalable à toute discussion sur la répartition des richesses est nécessaire : celui de l'évaluation économique du prix de la biodiversité. Cet objectif doit aussi permettre de déterminer les moyens financiers à consacrer à sa protection. Ce champ d'étude est appelé : Évaluation économique de la biodiversité. Au sens économique, l’idéal-type d’un bien4 est caractérisé de façon générale par les propriétés suivantes : Haploïde : permet de diminuer le temps de création d’une nouvelle variété végétale par le biais de la culture in vitro 3 Protoplastes : Cellules végétales dont la paroi a été hydrolysée. Exemple d’utilisation : hybridation sexuée entre deux espèces végétales. 2 4 Bien : Un « bien » peut être défini comme « une entité à la fois physiquement isolable et socialement échangeable, (...) caractérisable par des paramètres physiques et dénombrable à l’aide d’unités physiques ». (Walliser et Prou, 1988, p. 159). Exposé Vision Internationale des Affaires 8/51 une discontinuité spatio-temporelle permettant une délimitation physique du bien, sa distinction vis-à-vis d’autres biens, mais aussi son détachement de la personne des sujets humains, l’aptitude au dénombrement permettant de repérer n unités du bien, la définition de classes d’équivalences telles que toute unité appartenant à la classe de bien considérée soit équivalente à tout autre unité de la même classe, ce qui les rend parfaitement substituables ; lorsqu’il existe des différences significatives qui altèrent la parfaite substituabilité, c’est qu’on a affaire à des biens différents, l’insertion dans la fonction de production ou d’utilité d’au moins un agent humain, au côté d’autres biens qui lui sont complémentaires ou substituables ou simplement neutres ; les variations de la demande se font dans le même sens pour les biens complémentaires et en sens inverse pour les biens substituables, l’arbitrage se faisant en fonction d’indicateurs de rareté relative des biens considérés, les prix. Naturellement, les classes élémentaires de biens peuvent être regroupées dans des ensembles plus larges, permettant une représentation plus agrégée. Il existe cependant différentes stratégies de regroupements qui ne permettent pas de répondre aux mêmes questions. Des biens assez largement substituables pour les usages qu’on en fait, tels le charbon et le pétrole, peuvent être regroupés dans la même catégorie « énergie fossile ». On peut aussi vouloir associer dans les mêmes ensembles des biens complémentaires qui forment des ensembles fonctionnels : ainsi une usine sidérurgique agence tout un ensemble d’équipements, de matières, mais aussi des bureaux, une localisation à un noeud de réseaux de transports, etc. Ces deux manières de constituer des ensembles plus larges ne débouchent pas sur des entités de même statut : certains deviennent seulement des représentations agrégées sans plus désigner des biens, mais des ensembles de biens. D’autres forment des biens composites complexes, qui sont des biens à part entière, pour lesquels existe une demande spécifique : les usines clés en main s’évaluent et se vendent ; un parc naturel privé, offrant un paysage varié et l’opportunité d’observer une variété d’animaux sauvages est aussi un bien de ce type, dont la gestion peut être rémunérée, au moins en partie, par le prix d’entrée des visiteurs. Au vu de ces repères, comment qualifier la biodiversité ? Il paraît difficile de faire entrer directement l’idée englobante de biodiversité, avec ses trois niveaux d’expression (gènes, espèces, écosystèmes), dans la fonction d’utilité des agents, qu’ils soient producteurs ou consommateurs. Les uns et les autres trouvent les biens qui leur sont utiles dans des ressources naturelles élémentaires (eau, pétrole, bois, …) ou des aménités délimitées et identifiées, dont la jouissance requiert l’implication de biens composites locaux associés à des activités particulières (la pêche, la chasse, l’observation, la promenade,…) ; ces biens ne portent pas la problématique de la biodiversité dans son ensemble. De ce fait la biodiversité ne paraît pas pouvoir techniquement entrer dans la catégorie économique ou juridique du bien, au-delà de la valeur positive attachée à cette notion. La qualification de la biodiversité comme un bien serait également hasardeuse au regard du rapport de maîtrise. La biodiversité est engagée dans une évolution multiforme sur laquelle l’homme n’exerce aucune maîtrise, mais une influence collective importante. Les agents humains constatent cette évolution, bien imparfaitement, la déplorent souvent, mais n’en ont pas le contrôle. Tout au plus pourraient-ils réguler les actions à la source des atteintes les plus manifestes, même si on peut penser que ces dernières ne sont pas les plus déterminantes. À ces deux titres, la biodiversité apparaît davantage comme une condition favorable et, à certains niveaux d’organisation, nécessaire à l’existence ou à la production de différents biens simples et composites, que comme un bien per se5. Per se : « Sans que l’on n’en ait conscience, la biodiversité fait partie de notre vie quotidienne et conditionne nos moyens d’existence et ceux des générations futures. » (Barbault, 2000). 5 Exposé Vision Internationale des Affaires 9/51 Cette conclusion provisoire fait apparaître l’écart existant entre la représentation du monde sur laquelle s’appuie la discipline économique et celles qui émanent des sciences de la nature et en particulier de l’approche du monde comme biosphère : cette dernière est peuplée d’autres entités que des agents et des biens, mais l’économie n’a guère de noms pour elles, sinon, du bout des lèvres, celui de « contraintes », qui donne certes un étayage physique à l’idée économique de rareté. Au vu et au su des précédentes constatations sur la situation actuelle, la conservation de la biodiversité est devenue un motif de préoccupation mondiale. Bien que tout le monde ne soit pas forcément d'accord sur le fait qu'une extinction massive soit en cours, la plupart des observateurs admettent la disparition de nombreuses espèces, et considèrent essentiel que cette diversité soit préservée, selon le principe de précaution. Confrontation entre les intérêts scientifiques pour la biodiversité et les intérêts géopolitique et économiques pour les ressources naturelles Quels acteurs pour quelles actions ? Ce ne sont pas seulement les Etats qui ont la charge de la conservation de la biodiversité, mais aussi d’autres entités. Dans cette multiplicité d’acteurs se trouve la difficulté de la gestion de la biodiversité. Cet atelier devrait nous permettre de formuler des idées qui impliquent la collaboration des différents acteurs (entreprises, scientifiques et associations). Au moment de la signature de la Convention se posait déjà la question de l’intégration des ressources dans les politiques de développement. - Quel est le rôle des acteurs dans les stratégies locales et nationales ? - La question de l’accès et du partage des avantages. - Le débat devra évaluer ce qui pourra se faire ensemble ; ce que des acteurs qui ne sont pas des gouvernements pourront réaliser. Les lobbies des groupes pharmaceutiques Les organisations ONG : Greenpeace, ATAC Inra : L’approche pluri-disciplinaire et partenariale de la biodiversité est celle qui s’est imposée à l’Inra à mesure de l’avancée des recherches. Le développement durable était, lui, au cœur du contrat d’objectifs de l’Inra 2001-2004. Cette approche se traduit aujourd’hui dans : l’évolution du dispositif de recherche, faisant place à la biologie intégrative, l’ingénierie écologique et à l’interdisciplinarité avec les sciences humaines ; l’engagement dans la préservation et la gestion du bien public qu’est la biodiversité ; les partenariats mis en œuvre pour ces recherches et cette gestion depuis longue date et qui ont permis notamment la création du Bureau des ressources génétiques en 1983 et la fondation de l'Institut français de la biodiversité en 2000. Les gouvernements… Exposé Vision Internationale des Affaires 10/51 Kyoto ? David Brackett, de ‘Environment Canada’, a présidé la séance de l’atelier consacré à l’efficacité des mesures de préservation et d’utilisation durable. Joshua Bishop, de l’UICN a montré l’importance de la préservation de la biodiversité et de son utilisation de manière viable. A partir de l’étude des cas de la valorisation des forêts européennes, il a plaidé en faveur de l’ouverture de nouveaux marchés pour la préservation de la biodiversité (parcs naturels, écotourisme, produits « bio »), du comblement des disparités Nord/Sud dans le financement de la préservation et de l’accroissement de l’aide au développement destinée à la biodiversité. Outre ces mesures et les indicateurs des Objectifs du millénaire, il a préconisé la mise en place de « services de biodiversité », par exemple sur le fonctionnement des écosystèmes (tests et contrôle des maladies). Il a suggéré les formules suivantes pour mesurer l’efficacité de la préservation de la biodiversité: les coûts de la préservation par rapport au revenu par habitant; les coûts d’opportunité de la préservation; et l’analyse du rapport coût bénéfice de la préservation. Les intervenants ont suggéré la mise en place de systèmes de propriété foncière et de droits de propriété intellectuelle (DPI), en guise de nouveaux instruments. Au cours du débat qui a suivi, Aldo Consentino, du Ministère Italien de l’Environnement, a souligné le besoin de sensibiliser le public et d’intégrer diverses mesures favorisant la préservation. Leon Rajaobelina, Directeur Exécutif du Centre Malgache pour la Préservation de la Biodiversité, a parlé de l’expérience de son pays dans le domaine de l’amélioration de l’efficacité des mesures de préservation. Il a affirmé que le financement international, les politiques et les législations nationales, et les systèmes locaux de recouvrement direct, sont des éléments importants. Stefan Leiner, de la Direction Générale de l’Environnement de la CE, a déclaré que toutes les mesures et tous les instruments disponibles devraient s’apporter un soutien mutuel et être intégrés. Braulio Dias, du Ministère Brésilien de l’Environnement, a mis l’accent sur la nécessité d’intégrer la préservation de la biodiversité dans le développement économique et social. Il faut pourvoir lier la conservation (parcs nationaux) avec des activités économiques durables (agriculture, pêche). Jean-Marc Michel, du Ministère Français de l’Environnement, a déclaré que la protection et la bonne gestion sont également importantes pour la préservation de la biodiversité. Certains intervenants ont situé la biodiversité sur le marché, grâce à des instruments de régulation économique. Saurons-nous installer la biodiversité comme un facteur de développement, comme une stratégie fille du développement durable ? Tom Dedeurwaerdere, de l’Université Catholique de Louvain, a déclaré que les DPI (droits de propriété intellectuelle) peuvent servir à engendrer des ressources pour la préservation de la biodiversité et les profits tirés de la préservation de la biodiversité devraient être partagés avec les communautés locales. La discussion a porté sur la nécessité de définir clairement un plan d’action pour la biodiversité et les instruments nécessaires pour mettre en oeuvre une politique durable : - des indicateurs spécifiques - une politique nationale et locale - la participation des communautés locales dans le processus global Joshua Bishop a répondu qu’il ne disposait pas de mécanisme de coordination internationale ; les contrôles locaux pouvant représenter une alternative dans ce processus. Si la participation des ‘stakeholders’ (acteurs de développement) est indispensable, il reste encore des incertitudes sur les normes de développement d’un système écologique. Les objectifs de 2010 sont les seuls recommandations concrètes dont on dispose. Un intervenant du Costa Rica a fait remarquer que le problème principal est l’engagement. La biodiversité n’est pas un enjeu politique, ni au Nord, ni au Sud. Il faut consolider ces efforts : plus des décisions politiques majeures seront prises, plus important sera le défi... Un représentant de la Mauritanie a évoqué l’expérience de son pays qui a mis en place un site test pour les indicateurs de la biodiversité : des indicateurs d’impact expliqués à la population. Ces indicateurs entrent dans le processus d’exploitation du pétrole en Mauritanie. Paradoxalement, le pétrole est une ressource exploitée, mais aussi l’ennemi juré de la biodiversité ... La population demande à ce qu'un mécanisme semblable prenne en charge la gestion de la biodiversité. Laurence Tubiana est revenue sur les instruments économiques appliqués aux biens publics mondiaux. Cela concerne les ressources marines, bien sur, mais aussi d’autres ressources. On va bientôt se heurter à des litiges sur la rémunération des services concernant des biens publics mondiaux. En effet, celui qui paye, c’est celui qui décide, celui qui choisit (le consommateur). Il existe un biais sur cette décision, on n’arrivera pas à définir une rémunération pour les bien globaux. Exposé Vision Internationale des Affaires 11/51 Jean-Marc Michel, pour finir, remarque que les ‘aires protégées’ ne suffisent pas. Il faut arriver à des arrangements institutionnels pour la biodiversité ordinaire. On doit réfléchir à d’autres moyens comme les ‘permis d’échange’ dans le réchauffement climatique. Il faut une convergence des organisations internationales sur l’environnement. Des idées et des mesures Le Sommet de la terre organisé à Rio de Janeiro en 1992 a été l’étape fondatrice de la reconnaissance internationale de la biodiversité. Il a abouti à l’adoption d’une Convention de la diversité biologique (CDB), alors ratifiée par 175 pays, dont la France. Entrée en vigueur le 29 décembre 1993, la CDB compte aujourd’hui 188 signataires. Selon l’article 2 de cette convention "[La biodiversité est] la variabilité des organismes de toute origine, y compris, entre autres, les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques et les complexes écologiques dont ils font partie. Cela comprend la diversité au sein des espèces et entre les espèces, ainsi que celle des écosystèmes". L’article 1 précise les objectifs : conserver la diversité biologique, utiliser ses éléments de manière durable, établir un partage juste et équitable des avantages tirés de l’exploitation des ressources génétiques. La définition de la biodiversité formulée dans l’article 2 met en avant ses différentes dimensions : espèces, gènes, écosystèmes, paysages. L’article 8 reconnaît le rôle des savoirs locaux dans la biodiversité. Treize ans après le 1er sommet de la terre et l’élaboration de la Convention de la diversité biologique à Rio de Janeiro (1992), la biodiversité est largement reconnue comme un bien collectif qu’il faut préserver mais aussi gérer. En effet, il s’agit bien d’œuvrer en contribuant à une évolution bénéfique et non seulement de maintenir la biodiversité en l’état. Le 2e sommet de la terre à Johannesbourg en 2002, auquel participait une délégation Inra, l’a réaffirmé en reconnaissant la biodiversité comme l’un des cinq piliers d’un développement durable. Lors de ces deux sommets, la recherche a été sollicitée pour comprendre et trouver des solutions. La complexité des questions de recherche nécessite une approche pluri-disciplinaire ou intégrée, ainsi qu’un dispositif adéquat. Ces recherches et la gestion de ce bien public font appel à des partenariats entre pouvoirs publics, organismes de recherche, ONG, collectivités territoriales locales ou entreprises, c’est-à-dire à une gouvernance. Ce point était à l’ordre du jour de la Conférence internationale sur la biodiversité, organisée à Paris en janvier 2005. Intitulée "Biodiversité : science et gouvernance", elle avait pour ambition d’éclairer les relations entre biodiversité, connaissances et gestion en coopération ou en partenariat de ce bien public et d’établir le dialogue entre scientifiques, politiques et décideurs économiques. L'action en entreprise Ayant reconnu la valeur de s'engager avec les enjeux de la biodiversité, l'entreprise doit développer un plan d'action et intégrer la conservation de la nature au sein de ses activités. Il n'existe pas, bien entendu, de formule unique et chaque plan d'action devra répondre aux caractéristiques spécifiques de l'entreprise. On peut dès lors imaginer une feuille de route, ou liste de contrôle, permettant à l'entreprise d'élaborer progressivement un plan d'action. Cette liste de contrôle suggère les étapes suivantes: 1. Formuler les avantages commerciaux de l'intégration des enjeux de la biodiversité (business case); 2. Identifier un défenseur de la biodiversité parmi les cadres dirigeants; 3. Entreprendre une évaluation de la biodiversité; 4. S'assurer de l'appui du conseil d'administration; Exposé Vision Internationale des Affaires 12/51 5. Développer une stratégie pour la conservation de la biodiversité au niveau de l'entreprise; 6. Développer un plan d'action pour la conservation de la biodiversité; et 7. Mettre en œuvre le plan d'action. Sur la base des résultats concrets de l'évaluation de la biodiversité et de la direction donnée par la stratégie, le plan d'action se doit d'indiquer précisément comment la stratégie sera mise en œuvre. Il détaillera, pour chaque activité, les responsabilités de chacun, la localisation, les personnels impliqués, les modalités de financement, les outils d'évaluation et un calendrier clair. Il est probable que le plan couvre une vaste panoplie d'actions à travers de nombreux sites et unités de l'entreprise. Dans tous les cas, l'effort doit être mis sur le développement et l'application de programmes qui intègrent la biodiversité dans les systèmes de gestion existants, ainsi que sur l'établissement de priorités et d'objectifs pertinents au contexte local et national. + La Convention : La convention : Un accord pour agir Bien que l'histoire montre que l'environnement a toujours suscité de l'intérêt, dans les années soixante-dix, la destruction de milieux et la disparition d'espèces en si grand nombre engendrent de réelles inquiétudes qui débouchent sur une action concertée. En 1972, la Conférence des Nations Unies sur l'environnement humain (Stockholm) décide de créer le Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE). Les gouvernements signent un certain nombre d'accords régionaux et internationaux pour s'attaquer à des questions spécifiques, comme la protection des zones humides et le contrôle du commerce international des espèces menacées. Ces accords, ainsi que la réglementation touchant les substances chimiques toxiques et la pollution, ont contribué à ralentir la vague de destruction, mais n'ont pas permis d'inverser la tendance. Par exemple, l'interdiction et les restrictions apportées à la capture et à la vente d'animaux et de plantes spécifiques, au plan international, a seulement diminué la surexploitation et le braconnage. De plus, la survie de nombreuses espèces menacées est assurée par les zoos et les jardins botaniques, et des écosystèmes clés sont préservés grâce à l'adoption de mesures protectrices. Cependant, ce sont des mesures au coup par coup. A long terme, la viabilité des espèces et des écosystèmes dépend de leur faculté d'évoluer dans leur milieu naturel. Ce qui signifie que les hommes doivent apprendre à exploiter les ressources biologiques en les appauvrissant le moins possible. Le défi à relever consiste à identifier des politiques économiques, qui encouragent la conservation et l'utilisation durable des ressources, en procurant des avantages financiers à ceux qui auraient autrement surexploité ou endommagé les ressources biologiques. En 1987, la Commission mondiale de l'environnement et du développement (la Commission Brundtland) est parvenue à la conclusion qu'il fallait que le développement économique devienne moins destructeur pour l'écologie. Dans son rapport, qui a fait date: "Notre avenir à tous", elle disait que l'humanité pouvait faire en sorte que le développement soit durable - en s'assurant qu'il réponde aux besoins présents, sans toutefois compromettre la possibilité, pour les générations futures, de satisfaire leurs propres besoins. Elle appelait également à une nouvelle ère de développement économique écologiquement rationnel. Une nouvelle philosophie En 1992, la plus grande réunion de dirigeants mondiaux de l'histoire a eu lieu à l'occasion de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement de Rio de Janeiro, au Brésil. Une série d'accords, d'importance historique, a été signée lors de ce "Sommet de la Terre" et, notamment deux accords contraignants, la Convention sur les changements climatiques, qui fixe un seuil maximal aux émissions, d'origine industrielle et autre, de gaz à effet de serre, comme le dioxyde de carbone, et la Convention sur la diversité biologique, premier accord mondial sur la conservation et l'utilisation durable de la Exposé Vision Internationale des Affaires 13/51 diversité biologique. Ce dernier traité a été rapidement et largement accepté. Plus de 150 gouvernements ont signé le texte présenté à la Conférence de Rio, et maintenant, le nombre de pays qui l'ont ratifié s'élève à plus de 175. La Convention se fixe trois objectifs principaux: La conservation de la diversité biologique, L'utilisation durable de ses éléments constitutifs, et Le partage juste et équitable des avantages qui découlent de l'utilisation des ressources génétiques, à des fins commerciales et autres. La Convention a une portée si vaste et traite d'une question si vitale pour l'avenir de l'humanité qu'elle marque un tournant dans le droit international. Elle reconnaît - pour la première fois - que la conservation de la diversité biologique est "une préoccupation commune à l'humanité" et qu'elle fait partie intégrante du processus de développement. Elle couvre tous les écosystèmes, toutes les espèces, et toutes les ressources génétiques. Elle fait le lien entre les efforts traditionnels de conservation et le but, de nature économique, consistant à exploiter les ressources biologiques de façon à en assurer la pérennité. Elle pose le principe d'un partage juste et équitable des avantages découlant de l'exploitation des ressources génétiques, notamment, à des fins commerciales. Elle s'étend également au domaine de la biotechnologie, qui connaît une expansion extrêmement rapide, puisqu'elle traite des questions du transfert et du développement des biotechnologies, du partage des avantages qui en découlent et de la bio-sécurité. Il est important de noter le caractère juridiquement contraignant de la Convention : cela signifie que les pays qui y adhèrent sont dans l'obligation d'appliquer ses dispositions. La Convention rappelle aux décideurs que les ressources naturelles ne sont pas inépuisables et énonce le principe sur lequel repose la nouvelle philosophie du XXIème siècle, celui de l'utilisation durable. Alors que, par le passé, les mesures de conservation visaient à protéger des espèces particulières et leurs habitats, la Convention reconnaît que les écosystèmes, les espèces et les gènes doivent être exploités au bénéfice de l'humanité. Toutefois, cette exploitation doit se faire de telle manière et à un rythme tel qu'elle n'entraîne pas, à long terme, une diminution de la diversité biologique. La Convention offre également aux décideurs une ligne de conduite qui, basée sur le principe de précaution, qui préconise que devant une menace de diminution importante ou de perte de la diversité biologique, l'absence de certitude scientifique absolue ne peut être une raison valable pour retarder les mesures visant à éviter ou à réduire cette menace, autant que faire se peut. Si la Convention reconnaît que des investissements importants sont nécessaires pour conserver la diversité biologique, elle fait remarquer, toutefois, que l'on peut en escompter des avantages significatifs sur les plans environnemental, économique et social. La Convention traite de nombreuses questions, notamment: Des mesures incitant à conserver et à utiliser durablement la diversité biologique. De la réglementation de l'accès aux ressources génétiques. De l'accès à la technologie et au transfert de technologie, y compris de la biotechnologie. De la coopération technique et scientifique. Des études d'impact. De l'éducation et de la sensibilisation du public. De la mise à disposition de ressources financières. Des rapports nationaux faisant état des efforts déployés pour appliquer le traité. L’action nationale La Convention sur la diversité biologique, étant un traité international, identifie le problème commun, énonce des objectifs, des politiques, et des obligations de caractère général, et organise les modalités techniques et financières de la coopération. C'est, cependant, essentiellement aux pays qu'incombe la responsabilité de réaliser ces objectifs. Les entreprises privées, les propriétaires terriens, les pêcheurs et les agriculteurs effectuent la plupart des actes qui ont des conséquences directes sur la biodiversité. Les Etats doivent Exposé Vision Internationale des Affaires 14/51 assumer le rôle crucial qui consiste à montrer la voie à suivre, en fixant les règles d'exploitation des ressources naturelles et de protection de la biodiversité, particulièrement, dans les zones où la terre et l'eau sont directement sous leur juridiction. Aux termes de la Convention, les gouvernements s'engagent à conserver et à exploiter la biodiversité de façon à en assurer la pérennité. Il leur est demandé d'élaborer, à l'échelon national, des stratégies et des plans d'action en faveur de la biodiversité, et de les intégrer dans le cadre plus vaste des plans nationaux dans le domaine de l'environnement et du développement. Cela revêt une importance particulière pour des secteurs tels que la sylviculture, l'agriculture, la pêche, l'énergie, les transports et la planification urbaine. Aux termes du traité, ils souscrivent, notamment, aux engagements suivants: Identifier et surveiller les éléments constitutifs importants de la diversité biologique qui doivent être conservés et utilisés durablement. Créer des zones protégées où conserver la diversité biologique et promouvoir un développement durable et écologiquement rationnel dans les zones adjacentes. Remettre en état et restaurer les écosystèmes dégradés et favoriser la reconstitution des espèces menacées en collaboration avec la population locale. Respecter, préserver et maintenir les savoirs traditionnels qui permettent une utilisation durable de la diversité biologique grâce à l'implication des populations autochtones et des communautés locales. Prévenir l'introduction, contrôler, et éradiquer les espèces exotiques qui pourraient menacer des écosystèmes, des habitats ou des espèces. Réglementer les risques que présentent les organismes modifiés par la biotechnologie. Encourager la participation du public, particulièrement lors des études d'impact sur l'environnement des projets de développement qui menacent la diversité biologique. Eduquer les populations et les sensibiliser à l'importance de la diversité biologique et à la nécessité de la conserver. Présenter des rapports illustrant de quelle manière chaque pays remplit ses objectifs en matière de biodiversité. Etudes Pour assurer la réussite de la stratégie nationale en matière de biodiversité, il faut tout d'abord entreprendre des études pour connaître la diversité biologique existante, sa valeur, son importance, et ce qui est menacé. En se fondant sur le résultat de ces études, les gouvernements peuvent fixer des objectifs mesurables en matière de conservation et d'utilisation durable. C'est à ce stade qu'ils doivent élaborer ou adapter les stratégies et les programmes nationaux qui leur permettront d'atteindre ces objectifs. Conservation et utilisation durable La conservation de la diversité biologique dans chaque pays peut se faire de différentes manières. La conservation "in-situ" - premier moyen de conservation - concerne la conservation des gènes, des espèces, et des écosystèmes dans leurs milieux naturels en créant, par exemple, des zones protégées, en reconstituant les écosystèmes dégradés, et en adoptant une législation propre à assurer la protection des espèces menacées. La conservation "ex-situ" s'effectue dans les zoos, les jardins botaniques et les banques de gènes qui conservent les espèces. Il deviendra de plus en plus important d'encourager l'utilisation durable de la biodiversité, si l'on veut maintenir la diversité actuelle dans les années et les décennies à venir. Aux termes de la Convention, l'approche par écosystème de la conservation et de l'utilisation durable de la diversité biologique permet d'agir dans un cadre, où tous les biens et services fournis par la biodiversité dans les écosystèmes sont pris en compte. La Convention encourage les activités qui garantissent une répartition équitable de ces biens et services. Il existe de nombreux exemples d'initiatives visant à intégrer les objectifs de conservation et d'utilisation durable: En 1994, l'Ouganda a adopté un programme selon lequel une partie des revenus générés par le tourisme dans les zones naturelles protégées sera partagée avec les Exposé Vision Internationale des Affaires 15/51 populations locales. Cette approche est maintenant préconisée par plusieurs pays africains. Au Costa Rica, afin de reconnaître les bienfaits environnementaux fournis par les forêts, la loi sur les forêts, adoptée en 1996, contient des dispositions visant à indemniser les propriétaires terriens et les sylviculteurs qui maintiennent ou accroissent la superficie des forêts dans leurs domaines. Dans différentes parties du monde, les agriculteurs pratiquent l'agro-foresterie. Au Mexique, la culture de caféiers disséminés dans la forêt tropicale a été privilégiée par rapport à la monoculture du café, qui appauvrit la biodiversité. Les agriculteurs ayant fait ce choix s'en remettent entièrement aux prédateurs naturels qui font partie intégrante de l'écosystème resté intact, au lieu de recourir à des pesticides chimiques. À Ste Lucie, les touristes, attirés en grand nombre par la beauté spectaculaire de la diversité marine et littorale de la zone de la Soufrière, avaient des effets néfastes sur une industrie de la pêche séculaire et florissante. En 1992, plusieurs institutions, les pêcheurs et d'autres groupes intéressés à la conservation et à la gestion durable des ressources se sont rassemblés et ont créé ensemble la zone de gestion marine de la Soufrière. Ce cadre leur permet de régler les problèmes avec la participation de toutes les parties intéressées. En Asie, grâce aux cours hebdomadaires dispensés aux agriculteurs, les riziculteurs de plusieurs pays ont amélioré leur compréhension du mode de fonctionnement de l'écosystème des rizières tropicales - y compris des interactions entre les insectes ravageurs du riz, leurs ennemis naturels, les poissons élevés dans les rizières, et la culture même du riz - ce qui leur a permis de perfectionner leurs pratiques d'exploitation agricole. Ils ont ainsi obtenu un meilleur rendement, tout en éliminant pratiquement l'usage des insecticides. Cette approche a eu un effet aussi bénéfique sur le plan de l'environnement que sur celui de la santé. Près de 2 millions de riziculteurs ont bénéficié de ce dispositif. En Tanzanie, des problèmes ont surgi autour de l'utilisation durable du Lac Manyara, un grand lac d'eau douce, du fait d'un usage qui n'a cessé de s'intensifier au cours des dernières décennies. La constitution de la Réserve de la biosphère du Lac Manyara a permis d'allier la conservation du lac et des forêts adjacentes, d'une grande valeur, avec l'exploitation durable des zones humides et une agriculture à faible consommation d'intrants, réconciliant ainsi les principaux usagers avec les objectifs de gestion. La Réserve de la biosphère a lancé, notamment, des études sur la gestion durable des zones humides, sur la surveillance continue des eaux souterraines et sur la chimie des sources jaillissant d'escarpement. Au Canada, Clayoquot Sound, sur la côte occidentale de l'Ile de Vancouver, est composée de systèmes forestiers, marins et côtiers. Afin d'assurer une utilisation rationnelle des ressources forestières et marines locales, une gestion adaptée à l'approche par écosystème est en train de se mettre en place, avec la participation des communautés autochtones. Au Mexique, la Réserve de la biosphère de Sian Ka'an est un haut lieu de la culture, où l'on dénombre 23 sites archéologiques répertoriés, essentiellement de l'époque Maya, mais qui compte également quelques 800 habitants, principalement d'origine Maya. Cette réserve fait partie de la grande barrière de corail qui longe tout le littoral oriental de l'Amérique Centrale et comprend des dunes littorales, des mangroves, des marécages et des forêts inondées et des montagnes. La participation des populations locales à sa gestion contribue à maintenir l'équilibre entre la pure conservation et la nécessité pour ses habitants d'utiliser durablement les ressources qui s'y trouvent. Elaboration des rapports Tout gouvernement ayant rejoint la Convention doit formuler un rapport sur les actions qu'il a engagées pour sa mise en oeuvre, et expliquer dans quelle mesure elles permettent de Exposé Vision Internationale des Affaires 16/51 satisfaire les objectifs de la Convention. Ces rapports sont présentés à la Conférence des Parties (COP) - l'organe directeur qui réunit tous les pays ayant ratifié la Convention. Ces rapports peuvent être consultés par les ressortissants de tout pays. Le Secrétariat de la Convention oeuvre, avec les gouvernements nationaux, à améliorer la formulation des rapports par les différents pays, pour une plus grande cohérence et pour qu'ils soient plus facilement comparables, afin que la communauté mondiale puisse dégager plus clairement les tendances principales. Une partie de ce travail est consacrée à la mise au point d'indicateurs permettant d'évaluer les tendances en matière de biodiversité et, notamment les effets des mesures et des décisions relatives à la conservation et à l'utilisation durable de la biodiversité. Les rapports nationaux, en particulier lorsqu'ils sont considérés dans leur ensemble, constituent un outil essentiel de suivi des progrès effectués dans la réalisation des objectifs de la Convention. L'Action Internationale Le succès de la Convention dépend des efforts combinés des nations du monde entier. Si la responsabilité de la mise en oeuvre de la Convention incombe, individuellement, à chaque pays, le fait qu'il respecte ses engagements est largement tributaire d'un intérêt national bien compris, et de la pression exercée par les autres pays et par l'opinion publique. La Convention a créé une plate-forme mondiale - il s'agit, en réalité d'une série de réunions où les gouvernements, les organisations non gouvernementales, les instituts académiques, le secteur privé, et d'autres groupes ou personnes intéressés échangent des idées et comparent des stratégies. L'autorité ultime de la Convention est la Conférence des Parties (COP), qui consiste en la réunion de tous les gouvernements (et des organisations d'intégration économique régionale) ayant ratifié ce traité. Cet organe directeur passe en revue les progrès accomplis au titre de la Convention, identifie les nouvelles priorités, et élabore des plans de travail pour les Etats Parties. La COP peut également amender la Convention, créer des organes de conseil et d'expertise, passer en revue les rapports présentés par les pays membres, et collaborer avec d'autres organisations et d'autres accords internationaux. La Conférence des Parties peut compter sur l'expertise et l'appui de plusieurs autres organes créés par la Convention: L'Organe subsidiaire chargé de fournir des avis scientifiques, techniques et technologiques (SBSTTA) : Le SBSTTA est un comité composé d'experts des pays Parties, compétents dans les différents domaines pertinents. Il joue un rôle essentiel, puisque c'est lui qui fait des recommandations à la COP sur les questions scientifiques et techniques. Le Centre d'échange : Ce réseau, qui se trouve sur l'Internet, a pour vocation de favoriser la coopération technique et scientifique, et l'échange d'informations. Le Secrétariat : Bien que son siège se trouve à Montréal, il dépend administrativement du Programme des Nations Unies pour l'environnement. Ses principales fonctions consistent à organiser les réunions, à rédiger les documents, à aider les gouvernements membres de la Convention à mettre en oeuvre leur programme de travail, à coordonner les travaux de la Convention avec ceux d'autres organisations internationales, et à collecter et diffuser les informations. De plus, la COP crée des comités ou des mécanismes ad hoc lorsque nécessaire. Elle a, par exemple, créé le Groupe de travail de la biosécurité, qui s'est réuni de 1996 à 1999, ainsi qu'un Groupe de travail sur les connaissances traditionnelles des communautés autochtones et locales. Programmes thématiques et questions "intersectorielles" Les pays membres de la Convention échangent périodiquement leurs idées sur les pratiques et les politiques de conservation et d'utilisation durable de la biodiversité qui s'avèrent les plus concluantes dans une approche par écosystème. Ils étudient comment faire en sorte que les questions relatives à la biodiversité soient prises en compte pendant l'élaboration du plan de développement, comment encourager la coopération transfrontière, et comment impliquer les populations autochtones et les communautés locales dans la gestion des écosystèmes. La Conférence des Parties a donné le coup d'envoi à un certain nombre de Exposé Vision Internationale des Affaires 17/51 programmes thématiques couvrant la biodiversité des eaux intérieures, des forêts, des zones maritimes et côtières, des zones arides, et des terres agricoles. Les questions intersectorielles couvrent aussi des domaines tels que la lutte contre les espèces exotiques envahissantes, le renforcement des capacités des pays membres en matière de taxonomie, et la mise au point d'indicateurs propres à évaluer l'appauvrissement de la biodiversité. Partager les avantages découlant des ressources génétiques Un aspect important du débat portant sur la diversité biologique concerne l'accès aux avantages découlant de l'utilisation, notamment à des fins commerciales, du matériel génétique - sous forme de produit pharmaceutique, par exemple - et la répartition de ces avantages. La diversité biologique abonde particulièrement dans les pays en développement, qui la considèrent comme une ressource susceptible de financer leur développement économique et social. Historiquement, les ressources génétiques végétales étaient collectées en vue d'une utilisation hors de leur région d'origine, soit à des fins commerciales, soit à des fins de reproduction de ces plantes. Des bio-prospecteurs étrangers ont effectué des recherches pour développer, à partir de substances naturelles, de nouveaux produits commerciaux et, notamment, des médicaments. En règle générale, ces produits finis, protégés par un brevet, ou par un autre droit de propriété intellectuelle, sont mis sur le marché sans que les pays d'origine puissent profiter équitablement des profits réalisés. Le traité reconnaît que la souveraineté nationale s'étend à toutes les ressources génétiques, et précise que l'accès aux précieuses ressources biologiques doit se faire "à des conditions convenues d'un commun accord" et reste sujet à l'"accord préalable donné en connaissance de cause" du pays d'origine. Lorsqu'un micro-organisme, un végétal, ou un animal est utilisé à des fins commerciales, le pays dont il provient a le droit de tirer parti des avantages qui en découlent. Ces avantages peuvent prendre la forme de paiements en espèces, d'échantillons des ressources recueillies, de formation et de participation des chercheurs du pays d'origine, du transfert d'équipement ou de savoir-faire dans le domaine de la biotechnologie, d'une participation à toute forme de bénéfices réalisés grâce à l'exploitation de ces ressources. Les travaux accomplis ont permis de commencer à transformer cette idée en réalité et l'on connaît désormais des exemples contractuels de partage des avantages. Pas moins de douze pays ont arrêté des mesures pour réglementer l'accès à leurs ressources génétiques, et ils sont tout aussi nombreux à mettre sur pied une réglementation allant dans ce sens. A titre d'exemples: En 1995, les Philippines ont exigé que les bio-prospecteurs obtiennent "un consentement préalable en connaissance de cause" tant de l'administration que des populations locales, avant d'entreprendre toute investigation. Au Costa Rica, l'Institut national de la biodiversité (INBIO) a signé, avec une entreprise pharmaceutique de premier plan, un accord de bio-prospection qui fera date en vue de percevoir des redevances et d'obtenir une participation aux bénéfices tirés du matériel biologique commercialisé. Les pays du Pacte andin (Colombie, Equateur, Pérou, Bolivie et Venezuela) ont adopté une législation visant à réglementer l'accès à leurs ressources génétiques. Elle oblige le bio-prospecteur à remplir certaines conditions. Il doit, par exemple, présenter un duplicata des échantillons des ressources génétiques recueillies à une institution habilitée; faire participer une institution nationale au recueil des ressources génétiques; échanger les renseignements disponibles; partager le résultat de ses recherches avec les autorités nationales compétentes; apporter son appui pour renforcer les capacités dans le domaine institutionnel; partager les bénéfices, d'ordre financier, ou autres. Dans le cadre de la Convention, des pays se concertent pour élaborer des politiques communes en la matière. Les connaissances traditionnelles La Convention reconnaît également l'étroite dépendance ancestrale des communautés autochtones et locales vis à vis de leurs ressources biologiques et la nécessité de garantir Exposé Vision Internationale des Affaires 18/51 que ces communautés bénéficient équitablement des avantages découlant de l'utilisation de leurs connaissances et de leurs pratiques traditionnelles en matière de conservation et d'utilisation durable de la diversité biologique. Chaque pays membre "respecte, préserve et maintient" ces connaissances et ces pratiques, et s'engage aussi à favoriser leur application sur une plus grande échelle, avec l'accord et la participation active des communautés concernées, et à encourager un partage équitable des avantages qui découlent de leur utilisation. Appui financier et technique Lorsque la Convention a été adoptée, les pays en développement ont insisté sur le fait que leur capacité de prendre les mesures nationales qui s'imposent pour satisfaire aux objectifs planétaires en matière de biodiversité dépendrait de l'appui financier et technique qu'ils recevraient. Il est donc essentiel d'apporter cet appui, que ce soit par voie bilatérale ou multilatérale, pour renforcer les capacités et investir dans les projets et les programmes qui peuvent permettre aux pays en développement d'atteindre les objectifs de la Convention. Les activités menées par les pays en développement dans le cadre de la Convention satisfont aux conditions de financement du Fonds pour l'environnement mondial (FEM), au titre du mécanisme financier institué par la Convention. Le FEM, qui dépend conjointement du Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE), du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et de la Banque mondiale, finance des projets qui contribuent à renforcer la coopération internationale et à financer des mesures de lutte contre quatre menaces particulièrement graves pour l'environnement planétaire: la diminution de la biodiversité, l'évolution climatique, l'amincissement de la couche d'ozone et la dégradation de la qualité des eaux internationales. Fin 1999, le FEM avait contribué à financer, à hauteur de près d'un milliard de dollars, des projets visant à préserver la biodiversité dans plus de 120 pays. Le Protocole sur la prévention des risques biotechnologiques Depuis qu'ont été domestiqués les premières plantes et les premiers animaux de ferme, nous avons modifié leurs caractéristiques génétiques en sélectionnant les reproducteurs et en croisant les variétés. Il en est résulté une augmentation de la productivité agricole qui a permis de mieux nourrir l'espèce humaine. Ces dernières années, les progrès réalisés dans le domaine des biotechnologies ont permis de franchir les barrières entre les espèces en transférant les gènes d'une espèce à une autre espèce. Nous disposons maintenant de plantes transgéniques comme les tomates et les fraises, qui ont été modifiées en introduisant un gène de poisson des mers froides, pour les rendre résistantes au gel. Certaines variétés de pomme de terre et de maïs ont reçu les gènes d'une bactérie qui leur permet de produire leur propre insecticide, réduisant ainsi la nécessité des traitements par des insecticides chimiques. D'autres plantes ont été modifiées afin de résister aux herbicides répandus pour tuer les mauvaises herbes. Les organismes vivants modifiés (OVM) - connus plus généralement sous le nom d'organismes génétiquement modifiés (OGM) - se trouvent désormais dans un nombre croissant de produits, y compris des produits alimentaires et des additifs, des boissons, des médicaments, des colles, et des carburants. La production d'OVM pour l'agriculture et la pharmacie est devenue en peu de temps une industrie florissante, d'une valeur de plusieurs milliards de dollars. L'essor de la biotechnologie a été d'autant plus encouragé qu'elle constitue une méthode particulièrement efficace d'amélioration des produits agricoles et de production de médicaments, mais elle a soulevé des inquiétudes quant aux effets secondaires potentiels sur la santé et sur l'environnement, et notamment, quant aux risques qu'elle présente pour la diversité biologique. Si, dans certains pays, des produits agricoles génétiquement modifiés ont été mis sur le marché sans susciter de débat particulier, ailleurs, leur utilisation a provoqué des concerts de protestations, particulièrement lorsque les modalités de commercialisation de ces produits ne permettaient pas de les identifier comme tels. Pour répondre à ces préoccupations, les gouvernements ont négocié un accord subsidiaire à la Convention, qui traite des risques potentiels que présentent le commerce transfrontières et la libération non-intentionnelle des OVM. Adopté en janvier 2000, le Protocole de Cartagena Exposé Vision Internationale des Affaires 19/51 sur la prévention des risques biotechnologiques permet aux gouvernements de manifester leur volonté d'accepter, ou non, les importations de produits agricoles contenant des OVM en communiquant officiellement leur décision à la communauté internationale par l'intermédiaire du centre d'échange sur la bio-sécurité, mécanisme créé pour faciliter l'échange de renseignements et d'expériences dans le domaine des OVM. De plus, les produits qui sont susceptibles de contenir des OVM doivent, lors de leur exportation, porter une étiquette indiquant clairement cette caractéristique. Les procédures d'accord préalable donné en connaissance de cause sont plus strictes s'il s'agit de semences, de poissons vivants, et d'autres OVM introduits intentionnellement dans l'environnement. Dans un tel cas, l'exportateur est tenu de fournir des renseignements détaillés à chaque pays importateur avant tout envoi initial, et au vu de ces renseignements, l'importateur a l'obligation d'autoriser formellement l'importation de la marchandise. Il s'agit là de s'assurer que le pays récipiendaire ait en même temps l'opportunité et la capacité d'évaluer les risques inhérents à ces produits de la biotechnologie moderne. Le Protocole entrera en vigueur après avoir été ratifié par 50 états. Quelles sont les prochaines étapes? Le développement économique joue un rôle déterminant dans la satisfaction des besoins de l'humanité et dans l'élimination de la pauvreté, qui touche un si grand nombre de personnes dans le monde. L'utilisation durable de la nature est le facteur de réussite essentiel des stratégies de développement à long terme. Le grand défi du XXIème siècle est de faire en sorte que la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique devienne le fondement incontournable des politiques de développement, des décisions d'ordre financier et commercial, et de la demande des consommateurs. Privilégier le long terme La Convention a déjà parcouru un bon bout de chemin sur la voie qui mène au développement durable puisqu'elle a transformé l'approche de la communauté internationale à l'égard de la biodiversité. Ce progrès a été réalisé grâce à la force inhérente à la Convention, étayée par un caractère pratiquement universel, un mandat exhaustif au service de la science, une aide internationale pour assurer le financement des projets nationaux, des avis scientifiques et technologiques reconnus mondialement, et l'engagement politique des gouvernements. Elle a rassemblé, pour la première fois, des personnes ayant des intérêts très divers. Elle porte l'espoir d'un avenir meilleur en créant une nouvelle situation entre les gouvernements, les intérêts économiques, les écologistes, les populations autochtones, les communautés locales, et le citoyen engagé. Pourtant, il reste de nombreux défis à relever. Après le puissant mouvement d'intérêt qui s'est produit dans le sillage du Sommet de Rio, de nombreux observateurs sont déçus par la lenteur des progrès réalisés dans la voie du développement durable au cours des années quatre-vingt-dix. L'attention dont avaient bénéficié les problèmes environnementaux s'est relâchée, distraite par les crises économiques en série, les déficits budgétaires, et les conflits armés locaux et régionaux. Malgré les promesses de Rio, la croissance économique accompagnée de mesures adéquates de protection de l'environnement n'est pas devenue la règle, mais reste au contraire une exception. Quelques uns parmi les défis majeurs auxquels sont confrontés la mise en oeuvre de la Convention sur la diversité biologique et la promotion d'un développement durable: Satisfaire la demande croissante en matière de ressources biologiques (du fait de l'accroissement de la population et de l'augmentation de la consommation) compte tenu des conséquences à long terme de nos actions. Augmenter les capacités dans les domaines touchant à la documentation et à la compréhension de la biodiversité, de sa valeur, et des menaces qui pèsent sur elle. Acquérir l'expertise et l'expérience adéquates pour intégrer les mesures en faveur de la diversité biologique au processus de planification. Améliorer les politiques, la législation, les directives, et les mesures fiscales visant à réglementer l'utilisation de la biodiversité. Adopter des mesures incitatives pour encourager une exploitation durable de la biodiversité. Exposé Vision Internationale des Affaires 20/51 Encourager les règles et les pratiques commerciales qui favorisent l'utilisation durable de la biodiversité. Renforcer la coordination entre les gouvernements, et entre les gouvernements et les diverses parties prenantes. Obtenir, de source nationale et internationale, les ressources financières nécessaires à la conservation et à l'utilisation durable de la biodiversité. Faire un meilleur usage des technologies. Susciter un soutien politique en faveur des changements nécessaires pour garantir la conservation et l'utilisation durable de la biodiversité. Mieux éduquer et davantage sensibiliser le public pour qu'il soit à même d'apprécier la valeur de la diversité biologique. La Convention sur la diversité biologique et ses concepts fondamentaux peuvent se révéler des sujets ardus à communiquer, tant aux hommes politiques qu'au grand public. Il s'est déjà écoulé près d'une décennie depuis que la Convention a pris acte du manque d'informations et de connaissances en la matière et, pourtant, peu nombreux sont ceux qui comprennent les enjeux relatifs à la diversité biologique. Et, les débats sur la façon d'intégrer l'utilisation durable de la biodiversité au développement économique ne sont pas nombreux, non plus. L'obstacle auquel se heurtent les décisions en faveur d'un développement durable vient du cadre dans lequel s'inscrivent ces décisions: à court ou à long terme. Malheureusement, il semble encore souvent avantageux de privilégier le court terme et de surexploiter l'environnement par des récoltes, aussi abondantes et se succédant à un rythme aussi rapide que possible, puisque les règles qui gouvernent l'économie font fi de la protection des intérêts à long terme. Un développement véritablement durable exige des pays qu'ils redéfinissent leurs politiques, qu'il s'agisse de leurs politiques alimentaires, ou de celles qui touchent à l'utilisation des sols, à l'eau, à l'énergie, à l'emploi, au développement, à la conservation, à l'économie, et au commerce. Pour assurer la protection et l'utilisation durable de la biodiversité, il faut que les ministères chargés de l'agriculture, des forêts, de la pêche, de l'énergie, du tourisme, du commerce et des finances participent à l'élaboration de ces politiques. Le défi auquel sont confrontés les gouvernements, le monde des affaires, et les simples citoyens, consiste à élaborer des stratégies de transition conduisant vers un développement durable à long terme. Cela suppose de négocier des compromis, lorsque des voix s'élèvent pour réclamer à grands cris plus de terres, plus d'emplois et des concessions permettant de multiplier les récoltes. Plus nous attendons, plus l'éventail des choix dont nous disposons se rétrécit. Information, éducation, et formation La transition vers un développement durable suppose un vrai changement d'attitude du public qui doit faire de la nature un usage que cette dernière peut accepter. Cela ne peut se produire qu'à condition de disposer d'informations exactes, de compétences adéquates, et d'organismes aptes à comprendre et à relever les défis posés par la biodiversité. L'administration et les entreprises industrielles et commerciales doivent investir en recrutant et en formant du personnel, et doivent apporter leur soutien aux organisations, scientifiques notamment, qui sont à même de traiter les questions relatives à la diversité biologique et de fournir des avis en la matière. Il faut également mettre en place un système d'éducation du public à long terme afin de modifier les attitudes et les modes de vie, et de préparer la société aux changements nécessaires pour assurer notre pérennité. Améliorer l'éducation dans le domaine de la biodiversité répond à l'un des objectifs énoncés par la Convention. Et, moi, que puis-je faire pour la biodiversité? Bien qu'il revienne aux gouvernements, par l'intermédiaire de leurs administrations, de jouer un rôle-phare, il faut que d'autres secteurs de la société s'engagent activement. Après tout, ce sont les choix et les actes de milliards d'individus qui vont déterminer si, oui ou non, la biodiversité sera conservée et utilisée de manière à assurer sa pérennité. A l'ère où l'économie prime sur toutes les forces qui dirigent les affaires de ce monde, il est plus important que jamais que le monde des affaires adopte une attitude volontariste en Exposé Vision Internationale des Affaires 21/51 faveur de la protection de l'environnement et de l'utilisation durable de la nature. Certaines entreprises génèrent des revenus bien plus élevés que ceux dont disposent des pays entiers, et l'influence qu'elles exercent est immense. Heureusement, des entreprises, en toujours plus grand nombre, ont décidé d'intégrer le principe du développement durable à leurs opérations de fonctionnement. Par exemple, un certain nombre d'entreprises forestières - souvent sous la menace d'un boycott écologique - sont passées de la coupe rase à des formes d'abattage moins destructrices. De plus en plus d'entreprises ont également trouvé le moyen de réaliser des profits tout en réduisant leur impact sur l'environnement. Elles considèrent que le développement durable permet d'assurer leur rentabilité à long terme et de s'attirer les bonnes grâces de leurs associés, de leurs employés, et des consommateurs. Les communautés locales jouent un rôle-clé puisqu'elles sont les véritables "gestionnaires" des écosystèmes dans lesquels elles vivent, et par conséquent elles ont un impact majeur sur ces derniers. De nombreux projets, impliquant la participation des communautés locales à la gestion durable de la biodiversité, ont été réalisés avec succès ces dernières années, souvent avec l'appui fructueux d'ONG et d'organisations intergouvernementales. Enfin, l'ultime décideur en matière de biodiversité, c'est le simple citoyen. Ce sont ces choix de moindre importance, effectués au niveau de chaque individu, qui additionnés les uns aux autres finissent par avoir un impact considérable, parce que c'est la consommation individuelle qui conduit le développement, lequel en retour utilise et pollue la nature. En choisissant avec discernement les produits qu'il achète et les politiques qu'il soutient, le grand public peut commencer à aiguiller le monde sur la voie du développement durable. Il incombe aux gouvernements, aux entreprises, et à d'autres de conduire et d'informer le public, mais en fin de compte, ce sont les choix individuels, effectués des milliards de fois par jour, qui comptent le plus. Conclusion Bien que la Convention sur la diversité biologique soit encore dans sa prime enfance, ses effets se font déjà sentir. La philosophie du développement durable, l'approche par écosystème, et l'accent mis sur le partenariat contribuent ensemble à configurer l'action menée à l'échelle planétaire en faveur de la biodiversité. Les données, recueillies par les gouvernements, présentées dans les rapports nationaux et partagées avec toutes les parties intéressées, offrent une base solide pour comprendre les défis posés et permet de collaborer en vue de leurs solutions. Il y a encore beaucoup, et beaucoup, à faire. La façon dont la biodiversité va traverser le siècle qui commence, sera un test déterminant. Avec une population qui devrait augmenter considérablement, particulièrement dans les pays en développement, et la révolution de la consommation partie pour une expansion exponentielle - sans faire mention de l'aggravation des contraintes dues aux changements climatiques, à la raréfaction de l'ozone, aux produits chimiques dangereux - les espèces et les écosystèmes vont être confrontés à des menaces de plus en plus sérieuses. Si nous ne réagissons pas dès maintenant, les enfants nés aujourd'hui vivrons dans un monde appauvri. La Convention nous offre une stratégie globale de lutte pour prévenir une telle tragédie, à l'échelle planétaire. Un avenir plus fécond est vraiment à notre portée. Si les gouvernements et tous les secteurs de la société mettent en oeuvre les concepts énoncés par la Convention et font de la conservation et de l'utilisation durable de la diversité biologique une réelle priorité, un nouveau type de relation, dont pourront jouir les générations à venir, va s'établir durablement entre le genre humain et la nature. Quel avenir ? Il existe deux grands types d'options de conservation de la biodiversité : la conservation insitu c'est-à-dire dans le milieu naturel et la conservation ex-situ. La conservation in-situ est souvent vue comme la stratégie idéale. Toutefois, sa mise en place n'est pas toujours possible. Par exemple, les cas de destruction d'habitats d'espèces rares ou d'espèces en Exposé Vision Internationale des Affaires 22/51 voie de disparition requièrent la mise en place de stratégies de conservation ex-situ. Certains estiment que les deux types de conservation sont complémentaires. Un exemple de conservation in-situ est la mise en place de zones de protection. La conservation de gènes dans des banques de semences est un exemple de conservation exsitu, lequel permet la sauvegarde d'un grand nombre d'espèces avec un minimum d'érosion génétique. L'érosion de la biodiversité était un des sujets les plus discutés lors du Sommet pour le développement durable, dans l'espoir de la mise en place d'un fond de conservation global pour le maintien des collections. -Deux conventions internationales ont été adoptées lors du Sommet de la terre à Rio de Janeiro en juin 1992. L’une sur le changement climatique, l’autre sur la diversité biologique. Elles ont ensuite connu leur évolution propre. Celle sur le climat, qui formulait notamment des objectifs quantifiés non contraignants de stabilisation des gaz à effet de serre en 2000 par rapport à 1990 pour les pays industrialisés signataires, a débouché fin 1997 sur le Protocole de Kyoto. Ce dernier fixait de nouveaux objectifs quantifiés, juridiquement contraignants cette fois, aux pays industrialisés pour la période 2008-2012, mais les assortissait de différents mécanismes de flexibilité reposant sur l’échange international des droits et obligations résultant des engagements de réduction des émissions. Bien que ce Protocole ne soit pas encore entré en vigueur, il peut être considéré comme l’aboutissement d’un processus de traduction d’un enjeu de protection d’une composante essentielle de l’environnement à l’échelle planétaire en un rationnement volontaire des émissions pouvant lui porter atteinte. Le coeur en est l’adoption de mécanismes de marché pour atteindre l’objectif environnemental au moindre coût collectif et permettre aux États de se parer vis-à-vis d’événements ou d’évolutions imprévus. Pourrait-on procéder de la même façon pour préserver la diversité biologique ? La morphologie des problèmes à résoudre est-elle similaire ou bien des différences sensibles conduisent-elles à rechercher une autre organisation de l’action ? L’étude des ressemblances et des différences entre climat et biodiversité permettra de faire ressortir la manière dont il serait judicieux d’aborder la régulation des atteintes à la biodiversité. Finalement, la réflexion proposée conduit à remettre en cause l’idée que la biodiversité est un bien économique, ce qui n’exclut pas que certains pans des régimes de régulation puissent être organisés selon des principes économiques. Quels rapports établir entre la biodiversité, la notion de bien et la mise en place d’une gestion ? Les économistes sont tentés de considérer que puisqu’une rareté apparaît, leurs outils sont pertinents pour gérer le problème. Compte tenu des difficultés repérées, on doit cependant s’attendre à devoir faire preuve d’ingéniosité. Comme le climat planétaire, la biodiversité apparaît d’abord comme un effet émergent du fonctionnement de systèmes écologiques en interaction qui prennent appui sur la variété des conditions biophysiques sur la planète. On peut porter deux regards différents sur cette diversité : un regard centré sur l’identification de son effet sur le fonctionnement des systèmes aux différents niveaux pertinents ; un regard valorisant la richesse potentielle des ressources ainsi disponibles. Le premier regard sous-tend les démarches de connaissance qui visent les conditions écologiques générales d’équilibre ou de viabilité en amont de la disponibilité des biens naturels. Le second regard, qu’on pourrait caractériser par la métaphore du « gardemanger», débouche sur des logiques d’inventaire, de classement, d’identification et de Exposé Vision Internationale des Affaires 23/51 conservation centrées sur les éléments constitutifs des écosystèmes. L’existence du « garde-manger» préserve la variété du choix futur en fonction de la valorisation acquise par tel ou tel élément devenu ressource effective. Il est en prise plus directe avec la thématique économique des ressources, des techniques et des usages. Dans les deux cas, l’incertitude est une dimension essentielle de l’approche, mais elle n’est pas de la même nature. Elle porte dans le premier cas sur les exigences de régulation de systèmes complexes. Elle concerne dans le second cas l’identification des éléments susceptibles de devenir des ressources, les ressources identifiées ne représentant qu’une partie, jugée assez faible bien que déjà importante, de l’ensemble des éléments du « gardemanger». L’appréhension des potentiels dépend de l’avancée des connaissances : pour une part importante, nous avons affaire à une présomption de richesse possible. Gérer une richesse potentielle sous contrainte de moyens limités est une tâche complexe qui demande d’arbitrer entre l’étendue de la variété du fonds préservé et la capacité d’en faire un usage informé dans des délais satisfaisants au regard des conditions d’émergences d’une demande. La thématique du « garde-manger » permet de mettre en évidence le problème posé par l’aboutissement de la biodiversité sur le terrain d’une gestion. Si l’organisation économique de marché permet l’expression d’offres et demandes concurrentielles pour des biens individuels de type privé, elle ne permet guère l’expression de demandes et d’offres globales pour des « paniers de biens » étendus caractérisés par leur diversité interne. Ainsi, pas plus que le climat de la planète, la diversité biologique, prise comme entité englobante, ne peut faire directement l’objet d’une gestion décentralisée par des mécanismes de marché et ne peut, de façon rigoureuse, être considérée comme un bien. La biodiversité dirige vers des problèmes d’organisation aux échelles régionales et locales. À ces échelles, on trouve encore une structure déjà identifiée dans le cas du climat : l’influence humaine sur la biodiversité ne se présente pas d’emblée comme une production organisée par une autorité collective, mais s’exerce de façon décentralisée et inintentionnelle comme un à-côté d’activités ayant d’autres buts et menées par de nombreux agents. Le fait que la biodiversité se conçoive à une échelle plus proche des niveaux d’intervention des institutions humaines dédiées à l’administration des territoires et à l’organisation des activités économiques serait en soi un facteur favorable à la mise en place de dispositifs de gestion collective. Cependant, à la différence du climat, l’avancée d’une problématique gestionnaire pour la biodiversité est freinée par l’absence d’un équivalent général qui permettrait de comparer l’incidence des innombrables actions humaines qui l’affecte : d’un côté les cibles sont diverses et ne parviennent pas à se totaliser d’une manière convaincante, la réduction à une comptabilité des espèces disparues et en voie de disparition induisant une focalisation excessive à la fois sur l’espèce comme catégorie et sur le nombre comme principe de valeur ; de l’autre côté, les actions humaines agissent sur la biodiversité à travers de multiples influences, le plus souvent assez indirectes. Cela fait que le devenir de la biodiversité semble davantage dépendre du bruit de fond de l’activité humaine (changements de l’utilisation des sols, extension de l’emprise urbaine, développement de l’agriculture…) que d’actions précisément identifiées en nombre limité qui pourraient être reconsidérées en fonction de leur incidence écologique (ou alors actions temporelles pour changer façon de vivre). En d’autres termes, un système de régulation économique comme celui défini à Kyoto pour le climat, qui a pu s’étayer sur l’équivalent CO2 comme mesure universelle et comme vecteur central de l’articulation des actions locales et des enjeux planétaires, n’a pas de pendant dans le domaine de la biodiversité. Malgré tout, des sous-ensembles délimités et territorialisés de biodiversité peuvent être tenus pour des biens pour certains usages et en fonction de certaines techniques : ainsi les chercheurs en biologie travaillent en utilisant une certaine biodiversité comme matière Exposé Vision Internationale des Affaires 24/51 première soit pour sélectionner des variétés soit pour aboutir à de nouvelles constructions génétiques. L’écotourisme exploite également une certaine biodiversité locale qui s’étend à la dimension paysagère. Il y a là quelques points d’accroche pour la mise en place d’une gestion économique dès qu’on parviendrait à définir des équivalences et des droits ou bien à faire émerger une offre et une demande. Ce serait toutefois tromper son monde que de prétendre arrimer un régime d’ensemble visant la préservation de la biodiversité planétaire sur ces seuls éléments. Résumons-nous. De la façon la plus générale la manifestation de la biodiversité à un niveau donné de l’organisation écologique se présente comme une condition qui peut affecter la fonction de production des agents économiques c’est-à-dire leur aptitude technique à transformer des intrants en produits en mobilisant différents facteurs de production. Cette influence, qui peut jouer couramment pour les productions très dépendantes des écosystèmes comme la production agricole et forestière, a plusieurs visages : celui des menaces (insectes nuisibles ou attaques virales) d’un côté, celui de la résilience et de la viabilité fonctionnelle entretenue à plus long terme de l’autre côté. Sur cette dimension de la production, la biodiversité est ainsi une condition ambivalente, à apprécier au cas par cas, sans pouvoir compter comme une valeur absolue. Que les agents économiques aient à en tenir compte ne suffit pas à en faire un objet de gestion économique. Propriété émergente du fonctionnement et de l’évolution de systèmes vivants, la biodiversité se présente comme une variable d’influence de la productivité des activités humaines et parfois, lorsqu’elle est délimitée et encapsulée, comme une ressource. Ce rôle de ressource productive ne peut pas faire tenir à lui seul une problématique de régulation des activités humaines en fonction de leur incidence sur la biodiversité. Pour raccorder cette problématique à l’économie des hommes, il faut prendre appui sur les mille cheminements locaux, pratiques et culturels, par lesquels des hommes portent intérêt à des aspects et à des segments de la problématique d’ensemble. Evaluation du patrimoine de biodiversité mondial : S’agissant des principes d’évaluation, une mise en garde s’impose quant au maniement de l’argument reliant la rareté à la valeur. Pour l’analyse économique, le concept de rareté s’entend non au sens d’un faible taux de présence dans une distribution, mais d’une tension entre une offre et une demande. Un bien physiquement rare pour lequel il n’existe aucune demande n’est pas rare au sens économique du terme et un bien dont la disponibilité physique s’accroît mais qui, dans le même temps fait l’objet d’une demande qui s’accroît encore davantage sera considéré comme se raréfiant. Ce serait donc faire un contresens complet que d’assimiler toute rareté statistique à un indice de valeur. Aux yeux de l’économiste, ce n’est pas parce qu’une espèce est statistiquement rare qu’elle est précieuse. La valeur suppose que l’on mette en face un principe jouant le rôle de la demande pour les biens économiques. Ainsi, mesurer la valeur économique totale (VET) selon l’équation suivante semble inadapté : VET = valeurs d’usage directes + valeurs d’usage indirectes + valeurs d’option + valeurs d’existence Enfin un économiste voudra attirer l’attention sur la nécessité de penser les dispositifs de régulation en fonction des incitations et des formes d’intéressement qu’ils instaurent pour tous les agents dont le comportement importe du point de vue d’objectifs liés à la biodiversité. Accumuler les interdits, les zones-sanctuaires, les plans territoriaux ne mènera pas très loin dans la mesure où cela se traduit par des contraintes sans contrepartie pour les acteurs locaux et bute sur des difficultés importantes de contrôle et d’effectivité. En effet, certains acteurs peuvent vouloir consentir à des mesures de conservation d’écosystèmes et Exposé Vision Internationale des Affaires 25/51 de certaines des espèces qu’ils abritent, mais d’autres trouvent leur intérêt à ce que cette conservation ne puisse pas s’instaurer, ou se comportent en free-rider par rapport aux avantages qu’elle engendre. Une réflexion de ce type peut conduire à envisager des solutions institutionnelles contre-intuitives comme celle consistant à concéder la gestion d’opérations de conservation aux agents qui y sont le moins intéressés mais qui auraient la possibilité de porter atteinte à la bonne réalisation des actions de régulation : c’est un moyen pour ceux qui sont les plus intéressés de donner des garanties aux autres sur la pérennité des flux de compensation qui leur seront attribués. C. Biodiversité et développement durable Le développement durable est traduit de l’anglais : Sustainable development. Le développement durable s’efforce de répondre aux besoins présents sans compromettre la capacité des générations futures à satisfaire les leurs. Le développement durable est un mode de développement économique cherchant à concilier le progrès économique et social et la préservation de l'environnement, considérant ce dernier comme un patrimoine à transmettre aux générations futures. Le développement durable en quelques dates 1968 : création du Club de Rome Le Club de Rome est un groupe multinational et non politique réunissant des scientifiques, des humanistes, des économistes, des professeurs, des fonctionnaires nationaux et internationaux ainsi que des industriels de 53 pays, préoccupés des problèmes complexes auxquels doivent faire face toutes les sociétés, tant industrialisées qu'en développement. Il a été fondé en 1968 à l'initiative d'Aurelio Peccei, un Italien membre du conseil d'administration de Fiat, et d'Alexander King, un scientifique écossais de haut calibre et fonctionnaire, ancien directeur scientifique de l'Organisation de coopération et de développement économiques . Il doit son nom au lieu de sa première réunion à Rome, à l'Academia dei Lincei. Les membres du Club ont comme but de chercher des solutions pratiques aux problèmes planétaires. Ils visent à trouver et à proposer des solutions aux décideurs politiques, et à susciter des débats entre eux et (au besoin) dans le grand public. En 1972, le Club a publié son premier rapport, intitulé Halte à la croissance? qui a suscité la controverse avec la notion de « croissance zéro ». On a fait remarquer que le livre n'envisageait pas jusqu'à quel point le développement technologique pouvait empêcher ou au moins retarder la progression du monde vers ses limites matérielles. Pour répondre à ces critiques, le Club a publié Sortir de l'ère du gaspillage : demain. Depuis, il a produit plus de 20 publications dans une série appelée Rapports du Club de Rome. Toutefois, son rôle demeure surtout de sensibiliser les hauts dirigeants aux problèmes planétaires actuels. Le Club fait essentiellement ce pour quoi il a été fondé, c'est-à-dire de la diplomatie par des contacts personnels et la participation d'une petite élite restreinte. 1972 : publication du rapport « halte à la croissance » Alerte sur les risques que l'expansion économique font courir à la terre. 1972 : conférence de Stockholm sur l’environnement Exposé Vision Internationale des Affaires 26/51 Lors de la Conférence de Stockholm, il fut déclaré pour la première fois que l’amélioration des conditions de vie à long terme de toutes et de tous dépend de la préservation des bases naturelles de la vie et suppose une coopération internationale. Si la résolution des problèmes écologiques constituait alors la préoccupation prioritaire, les aspects sociaux, économiques et de politique de développement n’étaient pas oubliés pour autant. La même année, le Club de Rome publiait son rapport «Les limites de la croissance», qui eut un écho retentissant dans le contexte de la Conférence de Stockholm et de la crise pétrolière des années septante. La Déclaration de Stockholm adoptée lors de la Conférence a été élaborée conjointement par les pays industrialisés et les pays en développement. Elle contient des principes de protection de l’environnement et de développement, ainsi que des recommandations concernant leur mise en œuvre. On peut considérer cette déclaration comme le document de base de la politique internationale qu’on qualifiera par la suite de «développement durable». La création du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) et l’établissement de son siège à Nairobi, au Kenya, est une conséquence directe de cette Conférence, tout comme le Plan de Vigie à l'échelon du système des Nations Unies (Earthwatch), actuellement intégré au PNUE. 1972 : création du PNUE : programme des Nations Unies pour l’environnement Le Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE) a été établi en 1972, à la suite de la Conférence de Stockholm sur l'environnement humain. Le PNUE est la plus haute autorité au sein du système des Nations Unies pour les questions d’environnement. Le PNUE a joué un rôle majeur dans l’élaboration d’accords internationaux en matière d’environnement touchant la pollution de l’air, les espèces menacées, la couche d’ozone et la diversité biologique. Le mandat du PNUE consiste à analyser et à évaluer l'état de l'environnement mondial; à faire progresser l'élaboration des lois internationales sur l'environnement; à favoriser l'application des normes et des politiques internationales adoptées; à surveiller et à encourager la conformité dans ces domaines; à sensibiliser davantage et à faciliter une coopération efficace lors de la mise en œuvre du programme international sur l'environnement; et à fournir des conseils de politique générale dans les domaines clés du renforcement institutionnel. 1983 : création de la commission mondiale pour l’environnement et le développement 1987 : publication du rapport Brundtland Publié en 1987 par la Commission mondiale sur l’environnement et le développement, Notre Avenir à Tous (ou Rapport Brundtland du nom de la présidente de la commission, la Norvégienne Gro Harlem Brundtland), définit la politique nécessaire pour parvenir à un « development durable ». Le rapport définit le concept ainsi : « Le développement durable est un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs. Deux concepts sont inhérents à cette notion : le concept de « besoins », et plus particulièrement des besoins essentiels des plus démunis, à qui il convient d’accorder la plus grande priorité, et l’idée des limitations que l’état de nos techniques et de notre organisation sociale impose sur la capacité de l’environnement à répondre aux besoins actuels et à venir. » Depuis cette date, le concept de développement durable a été adopté dans le monde entier. 1992 : Sommet de Rio Le deuxième Sommet de la Terre s'est tenu à Rio de Janeiro en 1992, sous l'égide des Nations unies. Ce sommet est généralement considéré comme une réussite : les priorités mondiales ont changé en dix ans, et avec la participation d'une centaine de chefs d'État et Exposé Vision Internationale des Affaires 27/51 de gouvernement, ce sommet demeure aujourd'hui le plus grand rassemblement de dirigeants mondiaux. Plus de 1500 ONG y étaient également représentées. Le Sommet de Rio a donné le coup d'envoi à un programme ambitieux de lutte mondiale contre les changements climatiques, pour la protection de la biodiversité et l'élimination des produits toxiques dangereux. Il a abouti à la signature de la Déclaration de Rio. Cette déclaration, qui fixe les lignes d'action visant à assurer une meilleure gestion de la planète, fait progresser le concept des droits et des responsabilités des pays dans le domaine de l'environnement. Cependant elle n'est pas juridiquement contraignante. Au contraire, elle reconnaît la souveraineté des États à « exploiter leurs propres ressources selon leur politique d'environnement et de développement ». 2002 : Sommet de Johannesburg Le Sommet de Johannesburg est une opportunité majeure pour la communauté internationale d’avancer vers un avenir viable — un avenir qui permette aux gens de satisfaire leurs besoins sans pour autant détruire l’environnement. Le développement durable est un appel à une conception différente du développement et à un autre type de coopération internationale — il reconnaît que les décisions prises dans une partie du monde peuvent avoir des conséquences pour les personnes d’autres régions et il nécessite des actions basées sur une vision à long terme qui favorise la création d’un contexte mondial permettant à chacun de profiter des progrès et des bénéfices réalisés. Préservation de l'environnement développement durable : enjeu par définition du Contraintes ou opportunités Donnée aujourd'hui incontournable, le développement durable s'inscrit dans un mouvement sociétal de profondeur. Pour les acteurs socio-économiques, il constitue le socle d'une responsabilité éthique qu'ils doivent désormais placer au cœur de leur stratégie et sur laquelle il leur faut bâtir une communication appropriée au regard des nouvelles exigences des parties prenantes : actionnaires, consommateurs, fournisseurs, salariés, partenaires institutionnels (financiers, politiques...) et, au-delà, relais d'opinion. La société civile est exigeante : elle demande la transparence au regard des enjeux et conséquences relatives à l'environnement. Les médias sont exigeants : à l'instar de la société civile, il se font régulièrement l'écho des avancées et des mérites des acteurs économiques sur ce chapitre, sans épargner ceux qui voudraient paradoxalement l'utiliser à leur seul profit. Ils demandent des preuves à ceux qui s'en réclament. Le développement durable est exigeant : il suppose un engagement dans la durée ; par définition, il associe l'avenir au présent. La visibilité de l'investissement demandé change de perspective. Le long terme prend le pas sur l'immédiat. Désormais, dans le sillage des instances internationales ou de manière autonome, collectivités locales, établissements publics et entreprises se convertissent de plus en plus volontiers – du moins l'affirment-ils – à ce nouveau concept. Ils l'intègrent dans leur management, leur développement, leur marketing et leur communication. Si le bénéfice est planifié pour l'avenir que d'autres verront à notre place, il est aussi escompté – et avéré – pour le présent. Exposé Vision Internationale des Affaires 28/51 En effet, une stratégie de développement durable, mise en œuvre dans la transparence et preuves à l'appui, offre de multiples avantages : - elle permet de mobiliser les salariés, - elle devient un argument marketing, - elle représente un gage de crédibilité, - elle est facteur de progrès, - elle apporte, outre la bonne conscience, un bénéfice d'image. En réponse à l'engagement des entreprises dans une démarche de développement durable, les sondages démontrent qu'entre deux enseignes, l'une socialement responsable, l'autre non, le consommateur devenu consom'acteur donnera plus volontiers la préférence à la première. Des enjeux primordiaux A - Dans le monde Les principaux enjeux du développement durable sont à la mesure du diagnostic alarmant de l'état de notre planète et des conditions de vie d'une grande partie de la population mondiale. Ils concernent notamment : - La satisfaction des besoins fondamentaux de tous les habitants du globe. En 1999, 1,15 milliards de personnes subsistaient avec moins de 1 dollar par jour, soit 23% de la population mondiale, en particulier des habitants des pays du Sud . La satisfaction de leurs besoins en matière d'accès à l'eau potable, alimentation équilibrée, de santé et d'éducation nécessite une meilleure allocation des ressources naturelles et des richesses produites. A l'heure actuelle, 80% de ces richesses sont consommées chaque année par 20% des habitants de la planète . Selon les perspectives démographiques actuelles, la population mondiale, aujourd'hui aux alentours de 6,2 milliards d'individus, pourrait se stabiliser à 10 milliards d'habitants vers le milieu du siècle. La satisfaction des besoins de cette population nouvelle est un défi supplémentaire. - La sauvegarde des équilibres climatiques par la réduction des émissions de gaz à effet de serre comme le dioxyde de carbone. La concentration de ces gaz dans l'atmosphère, favorisée par les activités humaines, pourrait être à l'origine d'une hausse de la température moyenne du globe de 1,5°C à 6°C au cours du 21ème siècle. La hausse de température déjà constatée, 0,6°C sur l'ensemble du 20ème siècle, représente un coût important pour les pays devant faire face aux premiers signes de changements climatique : sécheresse, fonte des glaces, montée du niveau des océans, inondations, tempêtes et cyclones plus fréquents. - La préservation des écosystèmes et des ressources naturelles. Les grands réservoirs de biodiversité que constituent les forêts équatoriales et tropicales sont particulièrement menacés. Entre 1990 et 2000, 90 000 kilomètres carrés de surface forestière ont disparu en moyenne chaque année dans le monde, soit une superficie comparable à celle de la Belgique . - Les ressources du sol et du sous-sol, et notamment les sources d'énergie fossiles (pétrole, gaz), sont pareillement menacées. De même, le potentiel halieutique de certaines régions maritimes est en déclin :dans l'Atlantique Nord-Ouest, les prises ont diminué de 25% entre 1975 et 2000 . - Les atteintes les plus graves aux milieux naturels affectent le plus souvent des zones situées dans les pays en développement, qui ne sont pourtant pas les plus gros consommateurs de ressources. Ce paradoxe perdure avec la situation de dépendance de ces pays à l'égard de la rente financière procurée par l'exportation de minerais, d'hydrocarbures ou de produits "exotiques" issus d'une agriculture intensive. On peut bien évidemment allonger la liste des enjeux mondiaux du développement durable, en commençant par la paix, le respect des droits de l'Homme proclamés dans la Déclaration universelle des Nations Unies de 1946. B - En France Exposé Vision Internationale des Affaires 29/51 Le gouvernement a exposé le 3 juin 2003 la stratégie nationale de développement durable. Son élaboration a fait l'objet d'un travail interministériel en association avec les réflexions du Conseil national du développement durable (CNDD), une assemblée de 90 représentants des collectivités locales et de la société civile. La stratégie nationale décline pour les années à venir de grandes orientations et des programmes d'actions assortis d'indicateurs de suivi dans de nombreux domaines : - Dimension sociale et sanitaire du développement durable - Le citoyen, acteur du développement durable - Territoires - Activités économiques, entreprises et consommateurs - Changement climatique et énergie - Transports - Agriculture et pêche - Prévenir les risques, les pollutions et les autres atteints à la santé et à l'environnement - Vers un Etat exemplaire - Action internationale C - Pour l'Ile-de-France L'Ile-de-France concentre sur 2,2% de la surface du territoire français près de 19% de sa population, soit environ 12 millions d'habitants. A l'échelle de la planète, l'Ile-de-France se situe au troisième rang des régions métropoles les plus productives du monde, derrière Tokyo et New-York, sensiblement au même niveau que Los Angeles et Osaka. La région produit en effet chaque année près de 30% de la richesse nationale (Produit Intérieur Brut). Elle abrite plus de 40% des sièges sociaux des entreprises françaises, des pôles d'activités tertiaires de premier plan comme la Défense ou Marne-la-Vallée, et un tissu industriel diversifié de petites et moyennes entreprises (PME) et de grands groupes multinationaux. Le dynamisme économique régional s'accompagne toutefois de profonds contrastes entre populations et entre territoires. Ces contrastes se lisent dans le taux de chômage important et la misère sociale à laquelle sont confrontés plusieurs secteurs de l'agglomération. Ils se matérialisent aussi dans la forme urbaine de l'agglomération et dans le type d'habitat fortement différencié selon le profil socio-économique des communes. Autour de Paris et de ses couronnes largement urbanisées et densément peuplées, l'Ile-deFrance est aussi une région agricole, dont 60% des terres sont cultivées. La variété des sols, de la topographie et des micro-climats permet de pratiquer la culture de plusieurs céréales, de la betterave et de plantes fourragères. La culture intensive du blé dans de vastes parcelles "ouvertes" est prédominante dans les terres fertiles de la Beauce et de la Brie. Enfin, l'Ile-de-France présente encore de beaux restes de son cadre naturel "originel", avec des espaces boisés préservés. Ces vastes forêts de feuillus étaient jadis des terrains de chasse du Royaume à Villers-Cotterêts, à Rambouillet, à Compiègne ou à Fontainebleau. Elles sont aujourd'hui largement aménagées en lieux de loisirs et de détente pour les franciliens. Le cadre naturel est aussi celui des grands cours d'eau qui irriguent le territoire francilien ; Seine, Marne, Oise, Aisne, et de nombreuses rivières. Un territoire aussi peuplé et autant marqué par l'empreinte des activités économiques que l'est l'Ile-de-France doit faire face à des paradoxes et à de nombreuses problématiques d'un point de vue du développement durable. La classification des enjeux ici listée est reprise du guide méthodologique sur l'Agenda 21 local de l'association 4D (Repères pour l'Agenda 21 local : Une approche territoriale du développement durable, COMELIAU Laurent, HOLEC Nathalie, PIECHAUD Jean-Pierre, association 4D, Paris, 2001, 136 pages). Ces enjeux concernent : - L'organisation et l'aménagement de l'espace, et tout particulièrement la maîtrise de l'étalement urbain. Entre 1982 et 1999, 27 500 ha d'espaces naturels et agricoles ont été "consommés" par l'urbanisation dans le périmètre de la ceinture verte de l'agglomération, le rythme annuel ayant eu tendance à s'accélérer. Or, le modèle de la "ville durable" privilégie Exposé Vision Internationale des Affaires 30/51 la densité urbaine et le renouvellement de la ville sur elle-même, dans un souci d'économie de l'espace et de limitation des déplacements. - L'aménagement concerne aussi la combinaison harmonieuse des différentes "fonctions" de l'espace urbain dans un même quartier : habitat (locatif social, en accession à la propriété...), activités économiques, commerces, équipements publics, espaces verts et de loisirs... On parle de "mixité". - La démarche de haute qualité environnementale (HQE) tente d'intégrer, à l'échelle d'un bâtiment ou d'un quartier, l'ensemble des enjeux environnementaux d'un aménagement. - Le développement social, et en particulier la lutte contre les grands dysfonctionnements urbains. Cette lutte passe par la résorption de l'exclusion et du chômage, la réhabilitation des quartiers vétustes ou inadaptés, l'élargissement de l'accès à l'éducation, à la santé, aux pratiques culturelles et sportives, aux services publics locaux. - Le développement des activités économiques et de l'emploi, avec comme perspective l'approfondissement des liens entre les entreprises et les autres acteurs du territoire. Ces liens peuvent s'avérer fructueux dans le domaine de la recherche et de l'innovation, de la formation professionnelle ou du développement des réseaux de transport et de communication. L'intégration des sites industriels dans leur environnement est facilitée par un dialogue permanent avec les riverains et les Collectivités locales parties prenantes du développement des entreprises. - L'implication des salariés et des syndicats dans la gestion de l'entreprise, et en particulier dans sa gestion environnementale, doit être promue dans un souci de transparence et d'accès à l'information. Les questions d'environnement (émissions, pollutions, déplacements...), d'hygiène et de sécurité sont autant de terrains de négociation, mais une approche en termes de développement durable intègre aussi les conditions de travail, les relations avec les clients et fournisseurs, l'insertion de l'entreprise dans le système productif local et mondial. - Les déplacements et la mobilité. L'agglomération parisienne dispose d'un réseau de transports en commun parmi les plus performants, mais elle est comme les grandes métropoles européennes victime des nuisances liées aux déplacements automobiles. Bus, métro, tramway, train, vélo, marche à pied, véhicules propres et covoiturage sont autant de modes de déplacement à valoriser dans une approche intermodale. La valorisation de ces modes de déplacements implique parfois de limiter l'usage de la voiture en agissant sur la stationnement public, la répartition de la voirie... La réflexion en termes de mobilité intègre les questions des temps quotidiens, de l'organisation de la ville et de rationalisation des déplacements. - L'écogestion des ressources naturelles, de l'énergie et des déchets. L'objectif est de réduire l'empreinte écologique de la population francilienne dans tous les domaines : consommation et assainissement de l'eau, consommation de ressources naturelles rares (bois tropicaux, matériaux de construction, espaces naturels...), consommation énergétique (énergies fossiles, électricité...), production et valorisation des déchets... - Sur le plan énergétique, l'Ile-de-France, qui importe la quasi-totalité des sources d'énergie fossiles (pétrole, gaz, charbon) et 95% de l'électricité consommées par sa population, se doit de participer à l'effort national de lutte contre le changement climatique. Dans la perspective d'un développement durable, il importe de réduire significativement les consommations par des mesures d'utilisation rationnelle de l'énergie, et de promouvoir toutes les sources d'énergie renouvelables potentielles dont dispose le territoire : géothermie, biomasse, biogaz, éolien, solaire thermique et photovoltaïque, pompes à chaleur sur aquifère... - Les enjeux globaux et planétaires : la coopération Nord-Sud et la lutte contre les menaces globales. Classée parmi les régions les plus riches du monde, l'Ile-de-France se doit d'être solidaire avec d'autres populations et territoires moins bien dotés, qui contribuent parfois indirectement à la prospérité francilienne. Ceci implique de développer des actions de coopération décentralisée avec les territoires partenaires, de promouvoir le commerce équitable, de favoriser l'intégration et la participation à la vie publique des résidents étrangers, de contribuer à la lutte contre le changement climatique, l'appauvrissement de la biodiversité... Exposé Vision Internationale des Affaires 31/51 - Les autres enjeux : santé et sécurité alimentaire, agriculture durable, tourisme durable, culture et patrimoine, accès aux nouvelles technologies... Tous ces enjeux constituent autant de problématiques dont une démarche d'Agenda 21 local peut s'emparer... Exposé Vision Internationale des Affaires 32/51 2. L’eau : l'or bleu Des millions d’adultes meurent chaque jour faute de pouvoir accéder à une eau saine. En cause, un développement inégal et des gestions désastreuses à l’échelle locale, nationale et internationale. L’accès à l’eau pour tous est d’abord un problème de politiques publiques, qu’elles soient gérées par le privé ou par des administrations. Au-delà de son mode de gestion, l’eau a un coût que nous ne payons pas à sa juste valeur, d’où d’immenses gaspillages. Reste à savoir si nous serons capables d’en partager équitablement le prix entre riches et pauvres. Une question se pose donc : La guerre de l’eau aura-t-elle lieu ? Les enjeux de la gestion de l’eau La gestion des ressources en eau reste un des défis majeurs de l’humanité, et la coopération internationale y consacre une part importante de ses moyens. Les enjeux de cette gestion sont importants et les thèmes qu’elle traite sont typiques du développement. Ainsi, les enjeux de la gestion de l’eau peuvent être décrits en plusieurs termes : L’eau est la première cause de mortalité et de morbidité au monde de façon directe ou indirecte. Enjeux sanitaires 5 millions d’êtres humains meurent de maladies hydriques (diarrhée, choléra, typhoïde…) liées à un assainissement inexistant ou médiocre, dont la moitié d’enfants. (l'équivalent de 30 fois le raz de marée qui a ravagé l’Asie du Sud-Est mais en silence et loin des caméras) L’eau est un élément essentiel pour la production de cultures vivrières. Enjeux alimentaires On estime que 40 % de l’alimentation mondiale est produite par des systèmes d’agriculture irriguée. A l’avenir, la croissance de la population et l’évolution des modes d’alimentation nécessiteront une augmentation de production agricole qui ne pourra provenir que d’une meilleure utilisation de l’eau en agriculture. Exposé Vision Internationale des Affaires 33/51 Plus d’un milliard d’individus sont privés d’accès à l’eau potable : 2,4 milliards d’individus ne bénéficient pas de structures d’assainissement fiables. Enjeux sociaux Les populations les plus pauvres localisées dans les zones rurales et périurbaines des pays en développement sont les plus touchées. Les populations des quartiers défavorisés paient l’eau plus cher, jusqu’à vingt fois le prix payé en centre ville, pour un service de mauvaise qualité. Les inondations représentent 32 % des catastrophes naturelles, 55 % de la mortalité et 31 % des coûts liés à ces catastrophes. Enjeux économiques Enjeux financiers La consommation mondiale d’eau payée par les usagers, essentiellement dans les centres urbains, est d’environ 300 milliards de dollars par an, ce qui représente 1 % du produit mondial brut. Les investissements actuels dans le domaine de l’eau sont d’environ 75 milliards d’euros par an et se répartissant comme suit : - gouvernements et secteur public national 48 milliards, - secteur privé national, y compris les communautés 14 milliards, - aide publique au développement 9 milliards, - multinationales 4 milliards. Les besoins de financements totaux sont eux estimés à 180 milliards d’euros par an pour les 25 prochaines années. - Enjeux environnementaux - La moitié des grands fleuves et lacs mondiaux est polluée. La moitié des zones humides a disparu depuis le début du XXe siècle. La biodiversité a diminué de moitié dans les eaux douces. Les aquifères sont de plus en plus surexploités et pollués. L’eau est une ressource naturelle limitée. Cependant la demande augmente et la ressource est de plus en plus dégradée. Les perspectives laissent entrevoir une aggravation de ces tendances. Enfin, les problèmes liés aux changements climatiques concerneront au premier chef la ressource en eau. Exposé Vision Internationale des Affaires 34/51 Deux tiers des grands fleuves ou aquifères (soit plus de 300 dans le monde) sont partagés entre plusieurs pays. Deux personnes sur cinq dépendent de ces eaux partagées. 15 % des pays reçoivent plus de 50 % de leur eau de pays situés en amont. Peu d’accords internationaux de gestion existent. Toutefois la Convention de Genève de 1949 interdit toute attaque armée sur des barrages. La poussée urbaine continue : 16 % de la population mondiale en 1900, 45 % en 1990 et près de 320 villes de plus d’un million d’habitants en 2000. Cela représente 5 % de la surface du globe pour 25 % des besoins des populations (compte tenu des besoins des industries concentrées dans les zones urbaines). Ainsi, même si les actions dans ce domaine doivent être envisagées aux niveaux régionaux et locaux, l’eau apparaît comme un problème global qui concerne des domaines comme le changement climatique, la sécurité alimentaire mondiale ou encore la santé. Enjeux politiques et géopolitiques Par ailleurs, le secteur de l’eau illustre bien les questions liées aux programmes d’aide : - la place des femmes, - la participation des populations, - la bonne gouvernance, - l’amélioration de la santé, - l’impact du développement sur l’environnement, - la prévention des conflits, - le développement du secteur privé, - le partenariat public-privé, - le renforcement des capacités. La question de l’eau se situe ainsi au cœur des grands courants structurants : - la démocratisation, - la décentralisation, - l’organisation de la société civile, - la gestion durable, - la lutte contre la pauvreté - ou encore les réflexions sur les biens publics mondiaux. A cet égard, il peut fournir une illustration de la façon dont ces questions peuvent se traduire en pratique. Dans ce contexte, la France a un rôle particulier à jouer compte tenu de son expérience riche, variée et ancienne, de sa volonté de renforcer la solidarité internationale, de son engagement dans le développement de partenariats avec les pays du Sud, le plus souvent les plus concernés par ces défis de la gestion des ressources en eau. Exposé Vision Internationale des Affaires 35/51 L’eau, l’or bleu : une marchandise comme les autres ? Exemple concret Etats-Unis/Canada : La pénurie frappe l’Ouest et le Sud des Etats-Unis riches et gaspilleurs. Leur volonté d’acheter des réserves chez leur voisin a provoqué un tollé au Canada. L’eau est-elle un produit comme les autres ? Une question décisive pour l’avenir. La consommation d’eau de la Californie a augmenté de 41,5 % en vingt ans. En Floride, elle a crû sur la même période de 58,2 % et de 70 % en Arizona. La réserve géante de l’Ogallala pourrait être épuisée dans la seconde moitié de ce siècle. A l’ampleur des prélèvements agricoles s’ajoute une population qui ne cesse de croître et dont le mode de vie est très gourmand en eau. Ces Etats assoiffés lorgnent alors sur l’or bleu du Canada6 : puisque l’eau se raréfie aux Etats-Unis, pourquoi ne pas l’acheter là où elle est abonde ? Devant un tel marché potentiel, nombre de promoteurs ont initié des projets d’exportation d’eau par bateau. Ainsi durant les années 80, des licences d’exploitation ont été accordées pour l’exportation de l’eau à six entreprises, tandis que Terre-Neuve lançait des appels d’offres pour l’exploitation des eaux du lac Gisborne. - En 1989 L’opinion publique et des syndicats agricoles canadiens ont soulevés des inquiétudes puis des oppositions fortes. - En 1991 Le gouvernement de la Colombie Britannique prononçait un moratoire sur les exportations massives d’eau. - En 1994 L’Alena7 a relancé cet imbroglio juridico-politique. Il vise à offrir à ses signataires des conditions égales d’accès aux marchés. Il interdit notamment le refus par un Etat de restreindre la vente hors de ses frontières d’un produit dont la mise sur le marché nationale serait autorisée. L’Alena ne porte que sur les produits d’activité économique par exemple l’eau en bouteilles. Mais l’eau en vrac, celle des lacs et des rivières souterraines, transportée par navire ou canaux entre-t-elle dans cette définition ? L’eau est-elle un produit ? En tant que ressource naturelle, celle des rivières, lacs et aquifères n’est pas incluse dans l’Alena ni, du reste, dans les règles de l’OMC. Un produit est un bien destiné à la vente et qui incorpore une valeur ajoutée (fabrication, transport…). - En 1999 Une levée de boucliers prise au sérieux par le gouvernement fédéral qui a demandé aux provinces d’instaurer un moratoire sur les exportations massives d’eau : « Le gouvernement est contraint à une très grande prudence et il n’a promulgué aucune loi interdisant explicitement l’exportation de l’eau. Une telle loi, à caractère commercial, pourrait légitimer une interprétation selon laquelle l’eau est effectivement un produit, ce qui du coup la rendrait contradictoire avec les accords de l’Alena. » (Frédérique Lasserre) 6 7 Canada : 20 % des réserves mondiales d’eau douce et 9 % des ressources renouvelables. Alena : Accord de libre échange entre les Etats-Unis, le Canada et le Mexique. Exposé Vision Internationale des Affaires 36/51 La bataille de l’eau est donc une bataille de mots. Elles ont justifié leur moratoire en précisant que l’eau est une ressource naturelle épuisable et que de ce fait, admis par l’Alena (comme par les règles de l’OMC), des mesures restrictives peuvent être adoptées. « La seule solution serait d’exclure clairement l’eau des dispositions de l’Alena en renégociant le traité avec les Etats-Unis. Le Canada pourrait donc alors exporter son eau tout en conservant le contrôle de la politique. » (Louise Vandelac). Pour l’instant, la situation est gelée. La guerre de l’eau aura-t-elle lieu ? Dès les années 80, la CIA identifiait une dizaine de zones « à conflit hydrique » potentielle. 1995 : « Les guerres du XXIe siècle auront l’eau pour enjeu » Ismaïl Serageldin, alors vice président de la Banque mondiale. 2001 : dans le best-seller Resources Wars de Michael Klare identifiait pour sa part le contrôle des ressources naturelles, à commencer par l’eau, comme l’une des principales causes de conflit potentiel. Depuis 1950 : la raréfaction de l’eau devienne préoccupante. L’analyse de 1 831 discordes transfrontalières intervenues dans le monde est parlante : 1 228 se sont soldés par des accords de coopération, 507 furent conflictuelles mais seulement 21 ont donnés lieu à des opérations militaires violentes, avec Israël pour protagoniste dans 18 cas. De guerre proprement dite dont l’enjeu était l’eau, Aaron Wolf n’en cite qu’une, celle qui opposa il y a 4 500 ans les cités de Lagash et d’Umma, au sud de l’Irak. - Israël Israël était prête à se battre pour sa sécurité hydrique. 1951 : les heurts transfrontaliers commencent pour la jouissance des eaux du Jourdain. 1964 : Tel Aviv procède unilatéralement à une « dérivation » du fleuve par une station de pompage. La Syrie et la Liban ripostent avec la construction de barrages en amont. 1967 : la guerre des Six jours marque le paroxysme de cette tension. C’est la menace égyptienne, au Sud, qui a décidé au premier chef de la mobilisation d’Israël, même si les offensives « secondaires » contre la Jordanie, le Liban et la Syrie eurent pour conséquence une sécurisation spectaculaire de ses ressources hydriques : contrôle des nappes phréatiques de la Cisjordanie, large accès au Jourdain et à son principal affluent, le Yarmouk, sécurisation du « château d’eau » du Golan.8 Le conflit israélo-palestinien actuel n’est pas réductible à une guerre pour l’eau, même si la paix future dépend de sa redistribution : la consommation d’un Israélien est 4 à 5 fois supérieure à celle d’un Palestinien. 8 Exposé Vision Internationale des Affaires 37/51 - La Turquie et la Syrie Fin des années 70 : afin de valoriser les étendues délaissées du Sud de l’Anatolie, un vaste programme de construction d’une vingtaine de barrages est lancé. Il doit s’achever en 2010 pour l’irrigation principalement. Au terme de ce programme, il ne resterait que les deux tiers et le quart du débit du fleuve actuel du fleuve. En 1990, lors du remplissage du barrage Atatürk sur l’Euphrate, la tension devient très forte. En 1998, l’affrontement imminent entre la Syrie et la Turquie n’aura pas lieu. Les conflits armés n’offrent souvent qu’une faible garantie de règlement des litiges de l’eau. Pour sécuriser son approvisionnement, la Syrie aurait dû conquérir puis défendre la vaste partie turque du bassin de l’Euphrate. Turquie Exposé Vision Internationale des Affaires 38/51 - L’Egypte et l’Ethiopie Même cas de figure avec l’Egypte : l’Ethiopie entreprend des barrages sur le Nil bleu, menaçant le débit aval du fleuve « sacré », source de 90 % de son eau. Mais l’Egypte au contraire de la Syrie aurait les moyens militaires de s’imposer. Cette région est-elle pour autant une zone de conflit potentiel ? Apparemment non car ils peuvent régler leurs différends sous les auspices de la Convention Internationale de 19979. Une convention naissante : doctrine balbutiante, le droit international de l’eau s’appuie sur la Convention de 1997 concernant « les utilisations des cours d’eau internationaux à des fins autres autre la navigation ». Rejetant les principes de la « souveraineté territoriale » [l’eau qui se trouve sur mon territoire est à ma disposition pleine et entière – vision des pays amont], de « l’intégrité territoriale » [la répartition naturelle des eaux douces est intouchable – vision des pays d’aval], ou de la « première appropriation » [je suis le premier à avoir mis l’eau en valeur], ce texte veut promouvoir une coopération pour un usage juste et équilibré des ressources d’un bassin versant. On est encore loin de son entrée en vigueur : une douzaine de pays l’ont ratifié, il en faut 35 au minimum. 9 Exposé Vision Internationale des Affaires 39/51 La coopération, une solution à toute épreuve ? Il serait pourtant hâtif de tirer de l’histoire passée et présente la leçon que tous les conflits se règleront par la coopération. Croissance démographique, explosion des besoins, salinisation des sols, pollution… : les tensions présentes et à venir n’ont pas d’équivalent dans le passé. Et les raisons de la violence se multiplient objectivement. Thomas Homer-Dixon a étudié les mécanismes complexes de déstabilisation entraînés par la raréfaction des ressources : déplacements de population, conflits identitaires, soulèvement contre les gouvernements… L’aggravation des tensions locales pourrait alors faire du mythe des guerres de l’eau une sanglante réalité. Scan de la carte p 29 + carte p 31 Les idées et les actions menées : quelques solutions Selon l’Organisation mondiale de la Santé, 700 millions de personnes ont bénéficié d’un raccordement à l’eau potable depuis 1990, grâce aux efforts des Etats et à la coopération internationale publique et privée. Mais malgré ce progrès, un milliard d’hommes et de femmes – un sixième de l’humanité – continuent d’être privés d’accès aisé à l’eau. Dans le monde 2 milliards et demi de personnes ne bénéficient d’aucun assainissement. - Le Niger : les riches paient pour les pauvres Au Niger, l’un des pays les plus pauvres, Veolia Walter enregistre un taux de recouvrement de 95 % de ses factures, un niveau comparable à n’importe quelle grande ville française par exemple, alors que le revenu moyen par habitant ne dépasse pas 190 $ par an. Maintien du prix de l’eau à un niveau abordable (soit prix moyen de 0,3 euro) Pays aux inégalités très fortes, les riches paient pour les pauvres : des niveaux variable de facturation ont été établis par l’Etat et sont appliqués. Les tarifs augmentent par paliers, en fonction des volumes d’eau utilisés. « Une consommation normale est estimée en fonction du nombre de personnes par ménage. Si vous êtes dans une tranche de consommation qui relève que vous arrosez votre gazon ou lavez votre voiture, c’est que vous appartenez à la catégorie des plus riches. » Parmi les autres priorités, figurent aussi des branchements sociaux (11 250 réalisés en deux ans) et l’installation de bornes fontaines dans les zones les plus pauvres, en partenariat avec la Croix Rouge française. - L’exception française : un centime par facture pour aider les pays du Sud Faire payer le consommateur du Nord pour financer l’accès à l’eau au Sud. En France, la loi Oudin, voté le 2 février 2005 (à vérifier) officialise le « centime facturé », une pratique adoptée dès 1986 par le sydicat des eaux d’Ile de France (Sedif). Elle consiste à prélever sur chaque facture usager, 0,3 centimes d’euro par mètre cube d’eau utilisée – l’équivalent de 1 % du prix de vente moyen pratiqué en France. Cette manne, d’un montant de 1 million d’euros par an, a permis au Sedif de financer 170 opérations dans seize pays d’Afrique et d’Asie. Au total, 1,6 million de personnes ont aujourd’hui accès à l’eau potable grâce à ces actions. L’exemple du Sedif a été suivi par le Syndicat intercommunal de la vallée de l’Orge Aval (Essonne). Exposé Vision Internationale des Affaires 40/51 - La thèse libérale : équilibre importation d’eau / exportation de produit manufacturé Nombre d’économistes libéraux estiment que les pays arides devraient accroître leurs importations alimentaires en provenance des zones naturellement dotées d’eau, plutôt que d’augmenter la pression sur leurs ressources. Selon l’endroit où il est produit, un kilo de blé nécessite 500 et 4 000 litres d’eau. Cette thèse de l’eau virtuelle, qui alimente le moulin des partisans de la libéralisation accrue des marchés, présuppose que les pays concernés accroissent leurs exportations de biens manufacturés et de services. Rien n’est moins sûr que leur intérêt de développer leur dépendance à l’égard de marchés internationaux imprévisibles où, de plus, la manipulation de « l’armée du blé » n’est jamais à exclure. - Le Mexique : les entreprises ont un tarifs plus élevés Il existe un énorme problème de répartition des coûts de l’eau entre les différentes catégories d’usagers. L’industrie règle généralement l’eau qu’elle utilise au prix fort. Il est aisé pour les pouvoirs publics de faire accepter aux entreprises des tarifs élevés. C’est ce que le Mexique a compris et appliqué en faisant payé l’eau trois fois plus cher aux industriels qu’aux consommateurs individuels. - La Tunisie : les touristes paient plus cher La Tunisie a mis en place un système innovant : les touristes paient leur eau cinquante fois plus cher que les autochtones. - Anvers en Belgique : tarifs sociaux pour les quartiers défavorisés Une redistribution sociale par la fiscalité ou des prix différenciés est nécessaire. En Belgique, la ville d’Anvers a adopté des tarifs sociaux pour les quartiers défavorisés - Afrique du Sud L’Afrique du Sud a mis en place un système innovant : un tarif nul pour les premiers mètres cubes consommés, puis des prix progressifs. Exposé Vision Internationale des Affaires p 37 : faut-il avoir peur des privatisations ce qu’il ne faut pas faire l’exemple de la chine p 39 3. Le pétrole : l'or noir 41/51 Exposé Vision Internationale des Affaires 42/51 Epuisement des réserves Au XIXè siècle, l’Europe a construit sa prospérité industrielle sur le charbon. Au XXè siècle, l’Europe et les Etats-Unis ont bâti la leur sur le pétrole et le gaz. Il n’y aura bientôt plus dans les pays occidentaux ni pétrole ni gaz et très peu de charbon en Europe. Nous entrons dans une nouvelle ère, celle des énergies fossiles rares et durablement chères. Les hommes vont devoir imaginer et réaliser un monde sans pétrole. Au niveau mondial, l’ère de l’après-pétrole n’interviendra probablement pas avant quarante ou cinquante ans, peut-être même au-delà. Mais en Europe occidentale, il n’y aura plus ni pétrole ni gaz à un horizon de dix à vingt ans. Il en est de même pour les Etats-Unis, dont les besoins en énergie sont énormes. Les pays occidentaux vont devenir, très vite, largement dépendants de reste du monde pour leurs approvisionnements. L’énergie chère est une donnée durable, essentiellement pour des raisons d’équilibre entre l’offre et la demande. Il nous faut désormais vivre avec cette idée. D’autant plus que l’Europe a fait le choix, parfaitement légitime, de ratifier les accords de Kyoto avec à la clé un surcoût qu’elle est la seule à payer. Cela doit nous amener, nous autres Européens, à préparer activement ces échéances. Réserves prouvées de pétrole fin 2004, en milliards de barils Quantité de barils 830 733,9 730 630 530 430 330 230 130 41,1 61 Asie-Pacifique Amérique du Nord 101,2 112,2 Amérique Centrale et du Sud Afrique 139,2 30 Europe et Russie Moyen-Orient Région Les informations sur les réserves prouvées correspondent aux déclarations des sociétés pétrolières et des pays producteurs. Sujettes à caution, elles traduisent cependant une répartition inégale des ressources. L’approvisionnement européen, fondé sur le brut du Moyen-Orient, devrait dépendre de plus en plus du gaz russe. Pétrole et mondialisation Exposé Vision Internationale des Affaires 43/51 Le sens de la globalisation, dont la progression résulte de l’interconnexion croissante des marchés, n’est pas remis en question. Mais la position des pays, selon qu’ils sont consommateurs ou producteurs, va évoluer. Un pétrole cher modifie la donne entre les pays détenteurs d’énormes ressources pétrolières, source de mannes financières incroyables, et les autres. En quelques années, l’Algérie, par exemple, est devenu un pays riche, alors que le Maroc ou la Tunisie voisins n’ont pas du tout bénéficié de cette manne. Dans ces pays, comme dans d’autres beaucoup plus pauvres et privés de ressources pétrolières, le doublement du coût de l’énergie primaire est un vrai drame. Car tout développement est consommateur d’énergie. Cela déplace aussi les équilibres pour les unités de production. Les industries de transformation, par nature délocalisables, pourraient aller là où l’énergie sera moins chère. De plus, nous allons assister à des changements de niveaux de vie et de localisation des industries. C’est déjà le cas dans les pays du Golfe, où l’on observe un développement industriel considérable qui bénéficie à leurs marchés intérieurs et à leur économie. Les industries de raffinage, de pétrochimie ou de chimie de spécialités, toutes directement liées au pétrole, se sont implantées fortement dans ces pays. Les nouvelles générations au pouvoir anticipent dès à présent l’ère de l’après-pétrole et cherchent à attirer des industries, avec une énergie bon marché comme produit d’appel. Ils se tournent désormais vers des industries modernes et diversifiées, comme l’électronique ou le tourisme, ce qui contribue également à développer leur marché intérieur. Dubaï est ainsi passé de 50 000 à plus de 500 000 habitants. Le phénomène est identique en Russie, qui vend du gaz sur son marché domestique cinq fois moins cher que sur le marché international. Compagnies pétrolières : des colosses aux pieds d’argile Malgré des bénéfices records, les majors sont à la merci de réserves devenues rares et sous la menace de nouveaux concurrents. Des bénéfices records 6,3 milliards d’euros au premier semestre 2005 pour Total, 10,5 milliards de dollars pour la britannique BP et même 15,5 milliards de dollars pour l’américaine ExxonMobil. Dopés par l’envolée des prix du pétrole, les profits des grandes compagnies pétrolières ont augmenté en moyenne de 30 % sur les six premiers mois de l’année 2005, battant tous les records. Comme chaque semestre depuis 2002, quand les prix ont commencé à croître fortement. Le groupe des cinq majors du pétrole (Shell, BP, Total, Chevron Texaco et ExxonMobil) a ainsi vu son chiffre d’affaires global progresser de 55 % en deux ans, passant de 740 milliards à 1 150 milliards de dollars de 2002 à 2004, selon le ministère français de l’Economie. Dans le même temps, leurs bénéfices ont été multipliés par 2,4, passant de 35 milliards de dollars en 2002 à 85 milliards en 2004. Devenues partout les premières entreprises par la capitalisation boursière, jamais les compagnies pétrolières ne se sont aussi bien portées. Jamais, pourtant, leur avenir n’a paru aussi incertain : elles éprouvent de plus en plus de difficultés à mettre la main sur Exposé Vision Internationale des Affaires 44/51 de nouvelles réserves et elles doivent faire face à une nouvelle concurrence, en provenance le plus souvent des pays du Sud. Pénurie de réserves L’augmentation soutenue de la demande mondiale de pétrole, tirée par la forte croissance chinoise, est à l’origine de la bonne fortune des majors. En 2004, l’industrie pétrolière a dû répondre à une demande mondiale de produits pétroliers de 81,8 millions de barils par jour : le plus haut niveau jamais atteint. Les deux années précédentes avaient déjà donné lieu à la plus forte hausse de la demande depuis trente ans. La quasi-totalité des capacités de production installées a été mobilisée en 2004 et l’industrie ne disposait plus que d’une marge de manœuvre limitée à un ou deux millions de barils par jour. Selon les prévisions du ministère français de l’Economie, cette tendance devrait mener, dès cette année, à un déficit de 3,9 millions de barils par jour entre demande et production. Confrontées à ce défi, les majors peinent de plus en plus à augmenter leur production, voire même simplement à la maintenir, car elles manquent de réserves. C’est en particulier le cas de l’espagnole Repsol, de l’américaine Chevron Texaco ou de l’anglo-néerlandaise Shell. Cette dernière avait créé le scandale en 2004, en révisant à la baisse d’un tiers ses réserves prouvées : un trou qu’elle reconnaît ne pas être en mesure de combler avant cinq ans. BP et ExxonMobil prétendent, quant à elles, avoir trouvé plus de barils lors de leurs prospections en 2004 qu’elles n’en ont extraits du sol. Le problème, c’est que selon les critères de la SEC, le gendarme de la Bourse américaine, le compte n’y est pas. Total et l’italienne ENI semblent, pour leur part, mieux s’en sortir avec des taux de remplacement de leurs réserves atteignant les 100 %. Ce qui ne veut pas dire que ces entreprises ne rencontrent pas non plus de difficultés pour maintenir et accroître leur production. Ainsi Total, qui a vu ses profits croître de 53 % au deuxième trimestre 2005, a enregistré dans le même temps une baisse de sa production de 2,7 %. Un paradoxe seulement en apparence. La raison ? Les contrats de partage de production. Afin d’avoir accès à un gisement dans un pays, les majors l’exploitent le plus souvent en partenariat avec une compagnie locale. Elles réalisent les investissements et rétrocèdent une partie de la production extraite à leur partenaire local. De plus en plus, la quote-part qu’elles conservent est définie en valeur et non en quantité. Résultat : la quantité de pétrole qui revient à la major baisse quand le prix augmente. ENI voit ainsi sa production baisser de 4 000 barils par jour à chaque fois que leur prix augmente d’un dollar. Toutes les majors ont recours à ce type de contrat dans l’espoir de freiner la chute de leurs réserves, mais cette pratique est en train de se retourner contre elles. Nouvelle donne Ces difficultés reflètent l’évolution du rapport de force : alors que les multinationales ont longtemps eu la haute main sur le pétrole, les pays producteurs se sont progressivement réapproprié leurs ressources à partir des années 60, notamment en nationalisant les compagnies pétrolières présentes sur leur territoire. Au point que la part des majors dans la production mondiale de pétrole avoisine aujourd’hui les 15 %, tandis que celle des compagnies locales, comme l’Aramco en Arabie Saoudite ou la Sonatrach en Algérie, se situe autour de 70 %. Pour augmenter leur production, les majors n’ont guère le choix : la plupart d’entre elles se sont lancées depuis des années dans les fusions-acquisitions. Dernière en date, la bataille menée par Chevron Texaco pour ravir l’américaine Unocal au nez et à la barbe de la chinoise Cnooc : malgré une offre moins généreuse aux actionnaires, Chevron a finalement Exposé Vision Internationale des Affaires 45/51 emporté le morceau grâce à une campagne auprès de l’opinion et de l’establishment américains, jouant sur le patriotisme économique. L’enjeu était de taille pour Chevron qui voyait sa production décliner. Parallèlement, l’accès aux principaux gisements de pétrole dit « conventionnel »10 étant désormais verrouillé par les pays producteurs, notamment au Moyen-Orient, les majors se sont lancées dans la prospection et le développement de gisements de pétrole dit « non conventionnel » : le pétrole brut extra-lourd et les bitumes, appelés ainsi parce qu’ils sont beaucoup plus visqueux que le pétrole traditionnel. Ils représentent un potentiel énorme : le brut extra-lourd des rives de l’Orénoque au Venezuela et les bitumes de la province canadienne de l’Alberta – 85 % des ressources mondiales de pétrole non conventionnel – seraient équivalents aux 250 milliards de barils de réserves de pétrole conventionnel de l’Arabie Saoudite. Oui mais voilà : ces ressources exigent un raffinage plus important que le pétrole traditionnel, ce qui augmente le coût de revient du baril de pétrole de cinq à dix dollars. L’explosion des prix et les progrès des techniques de raffinage tendent cependant à améliorer la rentabilité de tels gisements. Pariant sur leur avenir, Shell a d’ailleurs prévu de porter la part du pétrole non conventionnel de 5 % à 15 % de sa production totale d’ici à 2014. L’une des majors la plus en pointe dans ce secteur reste sans doute Total : elle a été pionnière dans l’offshore très profond dans le Golfe du Mexique ou avec son projet Girasol en Angola et dans la valorisation du pétrole non conventionnel. Elle vient d’ailleurs, en mai dernier, de porter à 50 % sa participation dans les réservoirs de sables bitumineux du Canada. Les majors, acteurs historiques du secteur gazier, ont également cherché à renforcer leurs positions dans ce secteur en plein essor : Shell ou Total figurent parmi les principaux acteurs du GNL, le gaz naturel liquéfié, afin de l’acheminer vers le consommateur. Et Shell et ExxonMobil ont tous deux un projet géant au Qatar de GTL, le gaz transformé en pétrole. Enfin, même si cela représente une partie négligeable de leur chiffre d’affaires, la plupart des majors sont des acteurs importants des énergies renouvelables depuis les chocs pétroliers. Une concurrence élargie Ces concurrents sont légion. Des petites « juniors » pétrolières, présentes jusqu’ici sur un seul segment de la production ou seulement dans leur pays d’origine et auxquelles le prix élevé du brut donne des ailes à l’international. Ainsi la française Maurel & Prom, qui a quasiment triplé son chiffre d’affaires entre 2003 et 2004. Des concurrents plus importants, comme les compagnies d’Etat des grands pays du Sud, sortent de leur territoire d’origine pour garantir l’approvisionnement futur de leur pays. Ainsi l’indienne ONGC, qui a acquis quinze participations dans quatorze pays étrangers, aussi bien au Vietnam, en Russie, au Soudan, en Iran, en Libye, en Syrie, en Australie ou en Côte d’Ivoire. Et qui prospecte activement de nouveaux gisements en Algérie, aux Emirats arabes unis ou au Venezuela. La chinoise CNPC n’est pas en reste et développe ses activités à l’étranger à un rythme très soutenu : le volume de ses nouvelles réserves découvertes hors de son territoire est passé de 30 millions à 405 millions de tonnes de brut de 2001 à 2003. N’ayant pas de souci d’image de marque ou de comptes à rendre à des actionnaires soucieux de maximiser leurs dividendes, ces entreprises n’hésitent pas à aller dans les pays où les majors ne vont pas et à leur offrir un partage de la rente pétrolière plus favorable. 10 Pétrole conventionnel : pétrole facile à récupérer et à raffiner, par opposition au pétrole non conventionnel dont les taux de récupération dans les gisements sont généralement moindres et qui demande une transformation beaucoup plus lourde. Exposé Vision Internationale des Affaires 46/51 A terme, le risque existe donc pour les majors de se faire tailler des croupières. Les résultats, en janvier dernier, du premier appel d’offre lancé par la Libye depuis quarante ans en sont peut-être déjà une illustration. « Un test intéressant, parce qu’aucune major n’a décroché de permis d’exploration, à part Chevron Texaco. L’essentiel des permis est allé à des petites sociétés américaines ou à des acteurs qui ne venaient ni d’Europe ni des EtatsUnis. Pour les majors, c’est un véritable coup de semonce », analyse Francis Perrin. Même si elles refusent de le reconnaître officiellement, cette nouvelle concurrence les inquiète. « Nous surveillons de près ce que font ces entreprises qui bien souvent n’obéissent pas aux mêmes contraintes que nous, admet-on cependant à la direction d’une des majors. Mais nous ne sommes pas dépourvus d’atouts : notre puissance d’investissement, notre avance technologique, notre capacité à gérer de très gros projets de l’exploration à la production sont précieuses. » Le deuxième appel d’offre lancé par la Libye à l’automne sera l’occasion de voir si les grands pétroliers consentent désormais à faire des offres plus généreuses. « Un des moyens pour elles de s’en sortir par le haut, c’est d’utiliser leur caractère intégré, conclut Francis Perrin. De proposer aux Etats producteurs de combler leurs besoins domestiques souvent très importants en matière de raffinage ou de pétrochimie. Une capacité que très peu de leurs concurrents peuvent assurer à l’heure actuelle. » Exposé Vision Internationale des Affaires 47/51 Conclusion « Le XXIè siècle ne sera pas le siècle de la démocratie ni celui de la colonisation de l'espace, mais le siècle de l'environnement ». Le développement démographique et la consommation nous mènent à un goulot d'étranglement. À la fin du 21e siècle, la population humaine atteindra près de 10 milliards d'individus. C'est le maximum que la planète peut supporter, mais certainement pas si les pays industrialisés maintiennent leur niveau de consommation Exposé Vision Internationale des Affaires 48/51 Approche-toi petit, écoute-moi gamin, Je vais te raconter l'histoire de l'être humain Au début y avait rien au début c'était bien La nature avançait y avait pas de chemin Puis l'homme a débarqué avec ses gros souliers Des coups d'pieds dans la gueule pour se faire respecter Des routes à sens unique il s'est mis à tracer Les flèches dans la plaine se sont multipliées Et tous les éléments se sont vus maîtrisés En 2 temps 3 mouvements l'histoire était pliée C'est pas demain la veille qu'on fera marche arrière On a même commencé à polluer le désert Il faut que tu respires, et ça c'est rien de le dire Tu vas pas mourir de rire, et c'est pas rien de le dire D'ici quelques années on aura bouffé la feuille Et tes petits-enfants ils n'auront plus qu'un œil En plein milieu du front ils te demanderont Pourquoi toi t'en as 2 tu passeras pour un con Ils te diront comment t'as pu laisser faire ça T'auras beau te défendre leur expliquer tout bas C'est pas ma faute à moi, c'est la faute aux anciens Mais y aura plus personne pour te laver les mains Tu leur raconteras l'époque où tu pouvais Manger des fruits dans l'herbe allongé dans les prés Y avait des animaux partout dans la forêt, Au début du printemps, les oiseaux revenaient Il faut que tu respires, et ça c'est rien de le dire Tu vas pas mourir de rire, et c'est pas rien de le dire Il faut que tu respires, c'est demain que tout empire Tu vas pas mourir de rire, et c'est pas rien de le dire Le pire dans cette histoire c'est qu'on est des esclaves Quelque part assassin, ici bien incapable De regarder les arbres sans se sentir coupable A moitié défroqués, 100 pour cent misérables Alors voilà petit, l'histoire de l'être humain C'est pas joli joli, et j'connais pas la fin T'es pas né dans un chou mais plutôt dans un trou Qu'on remplit tous les jours comme une fosse à purin Chanson de Mickey 3D – Respire Exposé Vision Internationale des Affaires 49/51 Débat Jusqu’où aller dans l’exploitation des ressources pour permettre aux pays en voie de développement de rattraper leur retard ? Qu’est-ce que l’exploitation des ressources : utiliser la biodiversité comme vecteur de développement (fabrication de médicaments…) ou exploiter des matières premières ? Qu’est-ce qui est le plus rentable : une vision à CT (exploitation) ou à LT (exploration) ? Quel prix faut-il consentir pour mettre en œuvre une politique de protection de la biodiversité ? N’est-ce pas non plus une politique ou campagne de communication « marketing » pour beaucoup ? Où est le vrai intérêt ? Peut-on exclure de la biodiversité les contingences économiques, sociales et culturelles : les femmes et les hommes qui vivent et travaillent sur des territoires « sensibles » ? Si l’on s’intéresse tant à la biodiversité à l’heure actuelle, c’est qu’on la valorise et qu’on lui accorde une valeur économique. Si on pousse le raisonnement, la logique mène à se désintéresser de ce qui n’est pas « rentable » et qui ne porte aucun intérêt scientifique ou économique. En somme, tout ce qui n’aurait pas d’application permettant de générer des bénéfices pourrait être « exclu » de ce qu’on appelle la biodiversité. Exposé Vision Internationale des Affaires 50/51 Glossaire Biotechnologie : toute application technologique qui utilise des systèmes biologiques, des organismes vivants, ou des dérivés de ceux-ci, pour réaliser ou modifier des produits ou des procédés à usage spécifique. Conditions in situ : conditions caractérisées par l'existence de ressources génétiques au sein d'écosystèmes et d'habitats naturels et, dans le cas des espèces domestiquées et cultivées, dans le milieu où se sont développés leurs caractères distinctifs. Conservation ex situ : la conservation d'éléments constitutifs de la diversité biologique en dehors de leur milieu naturel. Conservation in situ : la conservation des écosystèmes et des habitats naturels et le maintien et la reconstitution de populations viables d'espèces dans leur milieu naturel et, dans le cas des espèces domestiquées et cultivées, dans le milieu où se sont développés leurs caractères distinctifs. Diversité biologique : Variabilité des organismes vivants de toute origine y compris, entre autres, les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques et les complexes écologiques dont ils font partie; cela comprend la diversité au sein des espèces et entre espèces ainsi que celle des écosystèmes. Ecosystème : le complexe dynamique formé de communautés de plantes, d'animaux et de micro-organismes et de leur environnement non vivant qui, par leur interaction, forment une unité fonctionnelle. Espèce domestiquée ou cultivée : toute espèce dont le processus d'évolution a été influencé par l'homme pour répondre à ses besoins. Habitat : le lieu ou type de site dans lequel un organisme ou une population existe à l'état naturel. Matériel génétique : le matériel d'origine végétale, animale, microbienne ou autre, contenant des unités fonctionnelles de l'hérédité. Organisation régionale d'intégration économique : toute organisation constituée par des Etats souverains d'une région donnée, à laquelle ces Etats membres ont transféré des compétences en ce qui concerne les questions régies par la présente Convention et qui a été dûment mandatée, conformément à ses procédures internes, pour signer, ratifier, accepter, approuver ladite Convention ou y adhérer. Pays d'origine des ressources génétiques : pays qui possède ces ressources génétiques dans des conditions in situ. Pays fournisseur de ressources génétiques : tout pays qui fournit des ressources génétiques récoltées auprès de sources in situ, y compris les populations d'espèces sauvages ou domestiquées, ou prélevées auprès de sources ex situ, qu'elles soient ou non originaires de ce pays. Ressources biologiques : les ressources génétiques, les organismes ou éléments de ceuxci, les populations, ou tout autre élément biotique des écosystèmes ayant une utilisation ou une valeur effective ou potentielle pour l'humanité. Exposé Vision Internationale des Affaires 51/51 Ressources génétiques : le matériel génétique ayant une valeur effective ou potentielle. Technologie : toute technologie y compris la biotechnologie. Utilisation durable : l'utilisation des éléments constitutifs de la diversité biologique d'une manière et à un rythme qui n'entraînent pas leur appauvrissement à long terme, et sauvegardent ainsi leur potentiel pour satisfaire les besoins et les aspirations des générations présentes et futures. Zone protégée : toute zone géographiquement délimitée qui est désignée, ou réglementée, et gérée en vue d'atteindre des objectifs spécifiques de conservation.