Évolution des flux mondiaux 1970 - 2008 L’évolution des échanges internationaux de 1970 à 2008 permet-il de conclure à la création d'une économie mondialisée ? 1) La dynamique incontestable des échanges traduits une intégration croissante des secteurs économiques au niveau mondial a) L'augmentation des échanges internationaux Les échanges internationaux doublent environ tous les dix ans depuis 1975. Ils ont augmenté deux fois plus vite que la production depuis 1945. Cela est dû principalement à la diffusion des nouvelles technologies et à la libéralisation des échanges. i) Les échanges de marchandises Il est possible de formuler quelques remarques sur la structure du commerce international de marchandises. Tout d’abord, les produits manufacturés restent le groupe le plus dynamique dans le commerce des marchandises. Ensuite, le commerce international est aujourd'hui surtout un commerce intra-branche, c'est-à-dire de produits appartenant à la même industrie ou à la même catégorie de produits. Ce phénomène a débuté dans les années 80, en même temps que le développement du commerce intra-firmes. Les firmes transnationales se sont multipliées : on en dénombrait 7000 en 1960, 37 000 en 1990, et en 2007 elles sont 78 000 pour 780 000 filiales. Elles effectuent deux tiers du commerce mondial, dont un tiers au sein de leurs filiales. Les produits manufacturés ont connu la plus forte croissance, jusqu'à représenter 78 % des échanges de marchandises à la fin des années 90. ii) Énergie, matières premières et agricoles En valeur, la part de l'énergie dans le commerce mondial varie en fonction du prix du pétrole : elle augmente de 1973 à 1980, diminue de 1982 à 1988, stagne de 1988 à 2000, puis connaît une forte augmentation à partir de 2000. Bien que les volumes échangés des matières agricoles aient explosé à partir des années 1970, la part dans les échanges internationaux des produits primaires en général a fortement régressé. Leur variation en valeur est heurtée, notamment du fait des variations des cours du pétrole. Schématiquement, leur prix a augmenté de 1970 à 1980 puis a diminué de 1980 à 2000, pour ensuite réaugmenter. A noter qu’au cours des 20 dernières années, la valeur du commerce mondial des produits agricoles transformés a augmenté plus rapidement que le commerce des produits agricoles primaires. Cependant, la donne est actuellement brouillée par la demande des pays développés en biocarburants. iii) Les échanges de services De 1980 à 2000, le commerce des services dans les pays industrialisés a augmenté deux fois plus vite que celui des marchandises. En 2007, ils représentaient 20 % des échanges mondiaux, et presque un quart des échanges entre pays de l'OCDE. La tertiarisation des économies et la libéralisation des échanges de services expliquent ce fort développement. Dans les années 1970, les services échangés étaient surtout liés au commerce de biens (transport). Aujourd'hui, les services les plus échangés restent le transport et le tourisme, mais ce sont les services de l'assurance, de la banque et des télécommunications qui progressent le plus fortement ; en 2006, les services commerciaux représentaient près de la moitié des services échangés. iv) Moyens de transports et flux mondiaux de personnes Le trafic aérien, en passagers par kilomètre et tonnes par kilomètre a plus que doublé tous les 10 ans depuis 1970, passant de 15 millions à 115 millions en 2000. Le nombre de migrants a également plus que doublé de 1965 à 2000, passant de 75 millions à 175 millions. 60 % des migrants se dirigent vers les pays du Nord, dont les immigrés représentent 8,7 % en moyenne de la population totale. Cependant, les immigrés représentent moins de 3% de la population mondiale. 40 % des migrations ont lieu entre pays du Sud. Le trafic aérien 1970 : 15 millions 1980 : 35 millions 1990: 60 millions 2000: 115 millions 1 b) l'accroissement des mouvements de capitaux i) Augmentation des investissements directs à l'étranger (IDE) La libéralisation et le développement rapide des marchés financiers internationaux à partir de 1985 ont eu pour conséquence une forte Explosion des IDE dans les années augmentation du volume des investissements directs à l'étranger. De 1995 à 2000. 2000, le montant total des IDE dans le monde a été multiplié par cinq, pour IDE sortants sur le PIB mondial culminer à 1 393 milliards de dollars en 2000. en 1982 : 5,5 % Le ralentissement de l’activité économique mondiale et le contexte en 1990 : 8,2 % d’incertitude consécutif aux événements du 11 septembre 2001 expliquent la en 2006 : 26 % régression sensible de ces flux de 2000 à 2003. Après la crise des pays endettés dans les années 80, la part des fusions-acquisitions dans les investissements directs étrangers a augmenté : à la fin des années 80, elles Stock d'IDE en pourcentage du PIB représentaient 80 % des entrées d'IDE dans le monde. Pays en pays riches développement En général, les pays en développement sont exportateurs 4,5 (1973:) 10,9 nets de capitaux, tandis que les pays riches, surtout les Etats-Unis, 1975 1985 8,4 16,4 sont importateurs nets. 9,3 14,8 Les Nord concentrent 70 % à 80 % des flux d’IDE entrant 1990 depuis 1998 (60 %dans les années 80-90). 1995 10,3 16,6 2000 19,6 31,1 2002 22,3 36 *** 2) l'intégration de nouveaux acteurs reflète des tendances contradictoires sur l'intégration de l'économie mondiale a) La diversification des acteurs reste limitée On observe l'intégration commerce mondial de plus en plus de pays mais une accentuation des disparités. i) La concentration des flux dans les Nord Depuis 30 ans, la place des pays riches dans les échanges mondiaux des biens reste stable et prédominante. Ils constituent environ 70 % des échanges de biens (moyenne des exportations et des importations) et 80 % des échanges de services. De plus, les 7 pays les plus riches (États-Unis, Canada, France, Grande-Bretagne, Allemagne, Italie) effectuent à eux seuls presque la moitié des exportations et des importations de marchandises. Il en résulte que les Sud échangent principalement avec les Nord, tandis que les Nord échangent principalement entre eux. À peu près 50 % des échanges mondiaux sont réalisés exclusivement entre pays riches. Le développement du commerce des Sud avec les Sud reste très marginal : un maximum est atteint dans le cas des échanges de l'Afrique avec l'Amérique du Sud à 3 % du commerce total de la zone Afrique. Les échanges internationaux sont Classement des puissances commerciales, 2007 traditionnellement caractérisés par l'hégémonie de la « - Allemagne (10 % des exportations mondiales), Triade » (Japon, Europe de l'Ouest, Amérique du Nord), - États-Unis (près de 9 %), qui effectue constamment les deux tiers du commerce - Chine (plus de 7 %), mondial. - Japon (près de 6 %), En son sein, les flux atlantiques dominent. Cependant, - France (4,4 %). depuis les années 60, on assiste à une re-hiérarchisation des pôles de la Triade avec une montée en puissance de l'Europe par rapport à l'Amérique du Nord. ii) Intégration ou marginalisation des Sud ? Les années 80 et 90 ont été marquées par l'émergence des pays d'Asie, ainsi que du Brésil, de l'Argentine, du Mexique, de l'Afrique du Sud... Leur intégration dans le commerce mondial est observable par la croissance rapide de leurs exportations. Les pays émergeants échangent surtout avec l'Asie et Océanie (plus de 50 %), l'Europe et l'Amérique du Nord (40 %). 2 (1) La participation au commerce mondial De nombreux pays émergeants de l'Asie participent au commerce mondial des produits manufacturés. À titre d'exemple, la Chine est aujourd'hui le deuxième exportateur mondial de produits manufacturés après l'Allemagne. Sa part dans les exportations mondiales de biens est passée de 1 % en 1985 à 7 % en 2005. La flambée initiale des cours des matières premières et des produits agricoles a été déclenchée par l’accélération de la croissance de la production et la forte demande des grandes économies émergentes ou « BRIC » (Brésil, Russie, Inde et Chine). Par exemple, la Chine est aujourd’hui le premier importateur mondial de soja, le deuxième consommateur mondial de pétrole. Sous l'impulsion de mouvements de délocalisations et externalisation de la recherche et du développement des firmes étrangères, le rattrapage technologique est en marche : en 2008 la production high-tech la Chine représentait 25 % de sa production totale. En outre, dans le secteur des services, on observe l’entrée de nouveaux acteurs comme l'Inde. (2) La tendance nouvelle de ces dernières années est la participation des pays émergeant au flux d'investissements mondiaux. Les Suds sont devenus des acteurs importants des IDE mondiaux. De 1995 à 2005, les flux d’IDE à destination des Sud ont augmenté de 45 %. Ainsi, pour la première fois en 2002, la Chine est devenue la première destination d’IDE dans le monde, devant les pays membres de l’OCDE. De plus, les pays du Sud sont aussi devenus des investisseurs directs à l’étranger : la quantité d’IDE sortants des pays en développement est passée de 335 milliards de dollars en 1995 à 1400 milliards de dollars en 2005. En Chine, par exemple, les investissements directs à l'étranger sortants sont passés, de 1 milliard de dollars en 1990 à 111 milliards de dollars en 2006. La Chine investit aussi bien dans les Nord que dans les Sud. Les flux monétaires se sont tournés vers le Pacifique : on parle de « nouveau Bretton-Woods ». Ainsi, les réserves de change de la Chine sont passées de 29 milliards de dollars en 1990 à 1066 milliards de dollars en 2006, tandis que les réserves de change des États-Unis sont passées de 52 à 42 milliards de dollars sur la même période. (3) Cependant les disparités Nord-Sud et Sud-Sud s’accentuent Les échanges restent polarisés. Dans le secteur commercial, la majeure partie des échanges réalisés par les Sud sont en fait effectuées par des firmes transnationales étrangères implantées dans les pays. Par exemple en 2006, 60 % des exportations de la Chine étaient réalisées par des firmes transnationales étrangères. De plus, l'écart de participation au commerce mondial est toujours très important et le rattrapage lent : la Chine et l'Inde ne représentent chacune que 5 % des importations mondiales de pétrole brut. Pour ce qui est du secteur financier, les capitaux sont généralement attirés dans les nord où la rentabilité est supérieure (à l’exception de la Chine), ou dans les paradis fiscaux. Ces derniers absorbaient plus de 50 % des flux financiers en 2000. La divergence des pays en voie de développement. Si l'Asie s'intègre de plus en plus en économie mondiale, l'Europe de l'Est et l'Afrique et l'Amérique du Sud restent « exclues ». Par exemple, la CEI (Communauté des états indépendants, Ex-URSS) a historiquement une faible part dans l'exportation mondiale, part qui a encore diminué après la désintégration du bloc soviétique (pour la Russie par exemple : 5 % de l'exportation mondiale en 1983, 3 % en 2006). L'Amérique du Sud et l'Afrique ont vu leur part dans les échanges mondiaux divisées par trois de 1948 à 1993. L’Afrique se reprend récemment avec l’augmentation du prix des produits primaires. De plus, les écarts entre pays émergents et non-émergents s’aggravent. De plus, les écarts entre pays émergents et non-émergents s’aggravent. En 1967, les pays non émergents représentent 20 %des exportations mondiales contre 10,6 % pour les pays émergents. En 1997, la situation est inversée : les pays non émergents ne représentent plus que 9,5 % des exportations mondiales contre plus de 21 % pour les pays émergents. Les Investissements en direction des pays du Sud se concentrent pour 75 % sur cinq pays (hors paradis fiscaux) : la Chine et Hong Kong (54 %), le Brésil, le Mexique, Singapour et l’Inde (environ 10% chacun). 10 milliards de dollars sont partagés entre 160 pays en développement. Par exemple, en 2002, l'Afrique subsaharienne recevait 0,1 % des IDE mondiaux, et participaient à 1 % au commerce mondial. b) L’ouverture et la régulation des échanges 3 i) La déréglementation encourage les échanges Les accords GATT et OMC, en vigueur dans 153 pays (au 23 juillet 2008) représentant plus de 90% du commerce mondial, ont permis la diminution les droits de douane de près 90%, passant de 40% à 6.5% entre 1947 (Genève Round) et 1994 (Uruguay Round). En conséquence, le taux d'ouverture (moyenne des exportations et des importations sur le PIB), s'est accrut pour l’ensemble des pays. Il reste à des niveaux plus faibles (10 %) pour des pays qui disposent d'un vaste marché intérieur comme les États-Unis. Il peut au contraire s'élever à plus de 50 % pour les Nouveaux pays industrialisés d’Asie. ii) La régionalisions des échanges : régulation dynamisante ou frein aux échanges ? La « Dérive des continents » ou la régionalisation des échanges Le commerce intra-régional augmente plus vite que les échanges interrégionaux. La part du commerce régional dans le commerce total est importante en Union Européenne (60 % en 1990 est près de 75 % en 2005), Amérique du Nord, Asie et Océanie (50 %), tandis qu’elle est moins importantes en Europe de l'Est et Amérique du Sud (20 %), et en Afrique et au Moyen-Orient (10 %). les échanges régionaux sont donc en réalité concentrés dans quelques régions. Le nombre d'accords régionaux ou bilatéraux est passé de 5 à 190 entre 1970 et 2007. L'OMC on attend plus de 300 en 2008. Les échecs du multilatéralisme et le retour du protectionnisme : les stratégies de sécurisation économique devant la concurrence de nouveaux acteurs, et l'échec du cycle de Doha (2001 - 2005) de l'OMC sur le thème des produits agricoles a entraîné, d'une part, la multiplication de mesures de rétorsion unilatérales des Nord contre les Sud accusés de non-respect des règles internationales (dumping, aide de l'État, protection intellectuelle, finance...) et d'autre part, l'accroissement des accords commerciaux bilatéraux. Aujourd'hui, 40 % des échanges mondiaux sont aujourd'hui effectués au travers d'accords préférentiels, bilatéraux ou régionaux. *** Il y a mondialisation croissante des flux des toutes natures, mais l’intégration mondiale de l’économie est incomplète Bibliographie : - OMC (Statistiques du commerce international, 2005 et 2007), PNUD, OCDE, FMI, ONU, CNUCED, BCE, CEPII - Cahiers Français n°341, Problèmes Économiques n°2926, Alternatives Économiques n°59HS, Questions Internationales n°22, décembre 2006. - L'Économie Mondiale 2007, CEPII, collection Repères, éd. la Découverte, 2006, - Exporter.gouv.fr 4