II : La Compagnie de Suez, fonctionnement et œuvre
1) La Compagnie universelle du canal de Suez
Cette compagnie possède pour objectif principal la construction d’un canal maritime « de grande navigation ».
C’est une compagnie anonyme avec son siège social à Alexandrie et son siège administratif à Paris. Pour
Lesseps, la Compagnie est avant tout « universelle » c'est-à-dire que son administration doit être dégagée de
toute arrière pensée égoïste ou nationale. Les droits payés pour transiter dans le canal seront ainsi les même pour
toutes les nations. Se dégage ainsi l’image d’un Lesseps désintéressé, héritier des saint-simoniens (servir la paix
universelle par la réalisation de grands travaux internationaux).
Pour ce qui est du financement, Lesseps constitue la société au capital de 200 millions de francs réparti en
400 000 actions de 500f. Il renonce à solliciter les banquiers car ils réclamaient une part de la société
d’exploitation du canal en échange de leur prêt. Lesseps fait donc appel à l’épargne publique et multiplie les
conférences en Angleterre et en France afin de séduire des futurs souscripteurs. Ainsi, 50% du capital est couvert
par la souscription française et émane de petits capitalistes issus des professions libérales par exemple.
Il faut tout de même noter que Lesseps tenta de répartir les actions en tranche par pays afin de garantir une
certaine égalité. Ce fut un échec, La France en possédant à elle seule plus de la moitié. Environ 85 000 actions
restent tout de même en suspens. Le vice-roi d’Egypte les prend à sa charge en plus de sa souscription
personnelle et devient ainsi le plus grand actionnaire de la compagnie naissante.
2) La difficile construction du canal
S’étalant sur une durée de 10 ans, la construction du canal ne fut pas de tout repos pour Lesseps. Des le 9 juin
1959, les Anglais, n’ayant pas supporté d’être mis devant le fait accompli, font pression sur Mohammed-Saïd qui
n’a d’autre choix que de stopper la construction du canal. Lesseps s’y refuse et suite à un voyage à Paris
(l’entrevue du 23 octobre 1859), il obtient le soutient de Napoléon III. En effet, depuis les défaites autrichiennes de
Magenta et de Solferino, le Second Empire prend de l’assurance sur la scène internationale et surtout vis-à-vis de
l’Angleterre. Cet appuie manifeste entraine un relâchement de la pression anglaise et la reprise des travaux.
Parmi les difficultés, on note également les épidémies de choléra qui font des milliers de morts chez les ouvriers.
Si le chantier accélère (et la situation hygiénique s’améliore), avec en 62 l’achèvement du canal permettant
d’approvisionner le centre de l’isthme en eau douce du Nil, la mort de Mohammed-Saïd en janvier 1863 y porte un
coup sévère. Ismaïl Pacha lui succède et avec lui Nubar Pacha, son ministre des affaires Etrangères acquis aux
Anglais. Sur l’initiative de ce dernier, le gouvernement ottoman adresse un ultimatum à la compagnie de Suez.
Cette dernière doit rendre aux Egyptiens 60 000 hectares de terrain que l’acte de concession lui accordait et elle
doit se séparer de sa main d’œuvre égyptienne soumise, selon la Porte, aux corvées (La main d’œuvre sera donc
obtenu au moyen de dépense énorme, l’objectif de la manœuvre étant la ruine de la compagnie). Lesseps en
appel une nouvelle fois à l’Empereur qui se place en position d’arbitre entre Empire Ottoman et Compagnie de
Suez. Si cette dernière cède, elle reçoit tout de même 84 millions de francs de compensation, et Lesseps se
félicite d’un arbitrage venant « d’en haut » qui donne une véritable légitimité au canal. Légitimité qui permet le 22
février 1866 la ratification de la concession du canal par l’Empire Ottoman. 15 000 ouvriers Européens sont
recrutés et afin d’éviter la ruine, la compagnie utilise massivement les machines.
Les difficultés financières se substituèrent aux problèmes politiques. En 1868 il manque 85 millions de francs pour
achever les travaux. La compagnie se lança dans l’émission de 100 millions de francs d’obligations (qui
n’atteignirent pas leur objectif campagne d’inspiration anglaise, les spéculateurs jouent à la baisse). Cette
émission se complète donc d’une suivante à lot qui permet de renflouer les caisses de la Compagnie et ainsi de
terminer le chantier et le 15 aout 1869, les deux mers accomplissent leur jonction.
3) Le canal
Le canal de Suez est inauguré en présence de l'impératrice Eugénie, épouse de Napoléon III, et de l'empereur
d'Autriche François-Joseph le 17 novembre 1869. D’une longueur de 163 kilomètres environ il relie les nouveaux
ports de Port-Saïd et de Suez. Il constitue une véritable bénédiction (même s’ils ne vont pas s’en rendre compte
immédiatement) pour les territoires et les ports de la Méditerranée Orientale éclipsés par l’essor économique de la
façade de la Mer du Nord. Ces ports redeviennent ainsi des étapes sur les routes commerciales du monde, ils ne
sont plus isolés de la route du Cap de Bonne-Espérance. Le canal participe également à l’image d’un monde
contracté, rétrécit : la distance entre Londres et Bombay étant par exemple réduite de 8 000 km.