Dans le second cas, il s'agissait d'une césarienne de sauvetage, au cours de laquelle la mère a été sauvée, mais
le fœtus âgé de 6 mois, était déjà décédé.
Toujours est-il que ces deux affaires démontrent une nouvelle attitude dure de l'instruction judiciaire à
l'encontre des médecins dans sa manière d'aborder les décès survenant au cours ou dans les suites de
procédures médicales, quelle qu'en soit la cause. Cette attitude est-elle pour autant justifiée?
Le médecin n'est ni un bandit, ni un terroriste
A priori tout accusé étant innocent jusqu'à ce que sa culpabilité eût été établie, les juges d'instruction ne se sont
pas montrés très respectueux de l'habeas corpus; le médecin n'étant ni un bandit, ni un terroriste, dont la mise
en liberté eût pu menacer l'ordre public , ni un trafiquant de drogue susceptible de franchir les frontières
comme un oiseau, il n'y a à priori aucune raison de lui imposer l'emprisonnement pour les besoins de l'enquête,
d'autant moins que la preuve de sa culpabilité n'a été nullement établie.
Et dans le cas d'espèce, si le décès d'un patient expose toujours la justice à une pression de la famille, d'autant
plus importante lorsque celle-ci comprend des fonctionnaires chargés de l'application de la loi, ou de la
sécurité publique, le juge d'instruction opérant au sein d'une justice indépendante doit savoir conserver la
sérénité nécessaire pour éviter de satisfaire le désir naturel de vengeance des proches des victimes, pour qui
naturellement la responsabilité incombe toujours aux médecins.
Le ministre de la Justice, alerté sur la gravité de la situation, aurait répondu qu'il n'était nullement en son
pouvoir d'intervenir, par souci du nécessaire respect de l'institution judiciaire. Une réponse évidemment
éminemment politique puisque mis à part quelques pays, les nominations à la procurature de la république et à
la justice d'instruction partout dans le monde dépendent le plus souvent du ministère de tutelle. Pourtant
prétendre que la justice se fût montrée indépendante en prenant la décision d'écrouer les deux médecins serait
trop dire.
Pour ce qui est de la résidente de Sousse, une médecin encore en formation, c'est le chef de service et le sénior
de garde qui demeurent pénalement responsables, et pourtant, le juge d'instruction a prononcé son
incarcération à trois heures du matin, alors que, selon la représentante du syndicat hospitalo-universitaire,
aucune faute n'aurait pu lui être imputée.
La résidente faisant partie de la fonction publique, et les faits reprochés ayant trait à l'exercice du service, et ne
pouvant en être détachés, c'est aussi le devoir de l'autorité de tutelle de prendre la défense de son agent.
Seulement le ministère de la Santé publique ne semble désormais plus désireux d'assumer les prérogatives
inhérentes à ses fonctions, et ce pour des raisons probablement politiques; on risquerait de lui reprocher son
immixtion dans le fonctionnement de la justice, ce que tout ministre désire par dessus tout éviter, surtout quand
il appartient à un parti politique membre d'une majorité gouvernementale.
Durcissement soudain vis-à-vis du corps médical
Mais si on comparait ce durcissement soudain vis-à-vis du corps médical dans les deux cas précités, par
rapport à la complaisance étonnante dont les accusés ont bénéficié dans l'affaire des stents périmés, beaucoup
de questions se poseraient relativement au fonctionnement rationnel et serein de la justice.
L'incarcération de Sousse demeure incompréhensible, tout comme l'a été celle du médecin de Gabès,
transféré… à la prison de Kebili et qui, selon les dernières nouvelles, aurait fait, au cours de son incarcération,
un malaise cardiaque.