
faisant suivre toujours de la même voyelle e : pai (futur) pe-pai (parfait) ; en latin,
c’est la première syllabe du verbe qui est doublée : curro (je cours), cucurri (j’ai
couru). Pour la dérivation, le français connaît ce mode de formation de mots :
fille/fifille (troisième tableau de la partie 3 dans l’exemplier).
Le procédé de l’affixation nous est plus familier : par exemple suffixe pour la
flexion des verbes (finit, finira, finiront) et préfixe pour la dérivation d’un verbe à partir
d’un autre verbe par exemple : faire/défaire/refaire (quatrième tableau de la partie 3
dans l’exemplier).
[Exemplier II]
Olivier Bonami et Gilles Boyé
L’expression du temps-aspect-mode (TAM) est morphologique en français
(tableau 3 de l’exemplier), mais ce n’est pas le cas dans toutes les langues : elle est
syntaxique en indonésien (tableau 4 dans l’exemplier) où le verbe n’est pas
conjugué ; si l’on veut spécifier le temps, on ajoute un mot : il s’agit bien d’un mot
autonome (donc d’un procédé syntaxique) puisque l’on peut par exemple insérer un
adverbe entre lui et le verbe. On a le cas en français avec ce que l’on appelle
traditionnellement les « périphrases verbales » : dans va partir, le verbe partir n’est
pas conjugué et le futur est exprimé par va (mot autonome puisqu’on peut le séparer
du verbe : va sans doute partir) ; l’impossibilité de formes telles que * ira partir résulte
d’un conflit entre syntaxe (le verbe, autonome, se conjugue à tous les temps) et
morphologie (le verbe marque ici le futur proche) : tableau 5 de l’exemplier. La
syntaxe construit aussi les temps composés en français : j’ai fait, j’ai peut-être fait, j’ai
peut-être parfois fait (tableau 6 de l’exemplier).
On peut alors se demander si la syntaxe peut construire les lexèmes : ce n’est
pas le cas des mots composés, malgré les apparences (ouvre-boîte : il ouvre les
boîtes) puisqu’il n’y a pas d’insertion possible (*ouvre-rapidement-boîte) donc ouvre-
boîte se comporte comme défaire (* dé-rapidement-faire). Ce n’est pas non plus le
cas des expressions figées : prendre une veste forme sémantiquement un seul mot
(« échouer ») et se prête à des manipulations syntaxiques (le verbe se conjugue, on
peut modifier le nom par un adjectif, changer l’article, cf. tableau 7 de l’exemplier)
mais la formation n’est pas productive, contrairement à ce qui se passe en allemand
(tableaux 8-9).
En tout état de cause, la flexion verbale en français relève de la morphologie ;
quel est le système des radicaux ? On a en effet des verbes à un radical tout au long
de la conjugaison (« 1er groupe » de type laver), mais aussi à deux radicaux (« 2ème
groupe » de type finir : fini- et finiss-, voir tableau 11) et plus (mourir, voir tableau 13).
Si l’on essaie de trouver une règle à la répartition, on voit par exemple que, pour finir,
le passé simple, le futur, le subjonctif imparfait et le conditionnel ont le même radical,
mais quel est le lien entre eux et avec les trois premières personnes du présent ? De
même, l’imparfait et le subjonctif présent ont le même radical, mais quel est le lien
entre eux, et avec les trois dernières personnes du présent ? Il n’est pas commode
de construire une classe morphosyntaxique claire expliquant la répartition des
radicaux (tableau 12).
A fortiori si l’on compare avec celle de mourir (tableau 13) : ici, l’imparfait est
homogène et le radical correspond aux deux premières personnes du pluriel du
présent (comme pour finir) mais la 3ème personne du pluriel de mourir au présent n’a
pas le même radical, contrairement à finir.