Mais pour arriver à l’ouverture de notre identité à l’Esprit, nous devons aller à votre troisième mot ,
contemplation/méditation, parce que, en vérité, c’est la vie contemplative, la méditation qui vont ouvrir
notre vie, notre cœur, notre esprit à l’Esprit du Seigneur. Certes, la tradition franciscaine connaît la
prière vocale, les temps de contemplation et la méditation mais cela n’est pas le plus important. Parce
que la méditation et la contemplation, dans la tradition franciscaine, sont une manière d’être, une fa-
çon de voir, une façon d’écouter, une façon de toucher, une façon de goûter…c’est à dire, méditation
et contemplation franciscaine sont une manière particulière d’utiliser tous nos sens et toutes nos
forces pour voir, non seulement l’apparence, mais la profondeur des choses ; c’est à dire, non seule-
ment écouter et toucher l’apparence externe mais découvrir la profondeur des choses. Méditation et
contemplation franciscaines sont une manière de mettre en œuvre, dans la vie quotidienne, toutes
nos forces, tous nos sens pour découvrir en chaque chose la présence de Dieu, découvrir qu’Il est là.
Ceci est la contemplation particulièrement franciscaine: découvrir cet « être présent » de Dieu dans
les choses et dans tous les évènements de notre vie quotidienne. Le découvrir avec tous nos sens,
avec toutes nos forces pour pouvoir être unis au Christ dans la vie quotidienne. Et nous touchons ici
ce qui a été exprimé par l’une de vous, ce matin : la mystique franciscaine. Découvrir que Dieu est,
que Dieu n’est pas absent, qu’ Il est. Quoi que nous fassions, dans les moments tristes ou joyeux de
la vie… Dieu est présent dans la fatigue, dans la douleur, dans les souffrances, dans les larmes, dans
la joie, dans l’enthousiasme… Dieu est, parce qu’Il s’est Incarné, au vrai sens du mot, en notre vie.
Découvrir cette présence c’est la contemplation et la méditation franciscaine ; et cela, bien sûr,
s’exprime par la louange à Dieu, la prière, les temps de silence…
Cette contemplation et méditation dans la tradition franciscaine nous aident à mieux connaître Dieu
dans sa kénose et dans sa minorité : quatrième mot que vous avez utilisé. La tradition franciscaine
distingue une kénose externe de Dieu et une kénose interne de Dieu. Ce matin, quand vous avez par-
lé de la kénose de Dieu vous avez parlé de la kénose externe, c’est à dire, que Dieu, dans la kénose
de son Fils, dans sa souffrance, dans sa Passion, se donne entièrement. Mais la tradition franciscaine
reconnaît, avant la kénose externe, une kénose interne de Dieu. Je m’explique. Dans l’évangile de
Jean, il est dit que Dieu le Père glorifie son Fils et que le Fils glorifie le Père dans l’Esprit. Alors, pen-
sons profondément ce que veut dire glorifier : le Père glorifie le Fils, cela veut dire que le Père met le
Fils au centre, cela veut dire que le Père se retire, que le Père laisse espace et vie pour le Fils… Cela
est une kénose. Le Père glorifie le Fils : en ce sens le Père exprime une certaine kénose propre en
exaltant le Fils. .Maintenant, « le Fils glorifie le Père » cela veut dire que le Fils met au centre de sa
vie le Père ; le Fils se retire…il remet sa volonté au Père. De nouveau, nous avons une kénose du Fils
dans l’Esprit. La glorification réciproque entre le Père et le Fils dans l’Esprit, c’est une kénose. Cette
kénose interne s’exprime de façon externe dans la vie du Fils, parce que le Fils glorifie le pécheur ,
parce qu’il rachète le pécheur sur la croix ; le Fils glorifie le lépreux, l’aveugle, le boiteux… parce qu’il
les aide à guérir… La rédemption est une façon par laquelle le Fils glorifie l’homme et la création. Sur
cette base, la tradition franciscaine a élaboré le sens la dignité humaine, des droits humains, le sens
de la personne, parce que Dieu, dans sa kénose, nous glorifie, puisqu’il nous rachète et nous sauve.
C’est pourquoi, dans la « sequela »(= suite) du Christ et cette kénose de la glorification, nous sommes
appelés, dans la tradition franciscaine, unis à Dieu, à glorifier l’autre , particulièrement le pauvre,
l’exclu et toute la création. De cette manière, la kénose qui dans la réalité de l’histoire a été passion,
souffrance, mort et résurrection de Jésus, exprime la kénose profonde de la glorification entre le Père,
le Fils et l’Esprit Saint. A cause de cela, le pauvre, l’exclu, le pécheur, ont un grand prix à nos yeux
parce qu’ils sont estimés, aimés et glorifiés par Dieu dans sa kénose.
La kénose, cette attitude de minorité qui consiste à se retirer et à donner la première place à l’autre,
conduit aux relations, votre cinquième mot. Le caractère typique de la relation franciscaine, c’est l’aspect
familial. Dieu, dans sa kénose, crée entre lui-même, l’homme et la création, des relations familiales ;
par exemple, quand François parle des relations entre l’homme, les fidèles et Dieu, il utilise des mots
qui expriment les relations dans la famille : père, mère, époux, frère, sœur. Tous ces mots expriment
une relation familiale : les relations franciscaines sont effectives quand nous créons des relations fa-
miliales entre nous, la création et Dieu.
La base de cette relation familiale crée la réconciliation, votre sixième mot. Dans la tradition francis-
caine, la réconciliation a deux dimensions .La première est la miséricorde, c'est-à-dire avoir un cœur
pour l’autre, un cœur ouvert pour l’autre, pour le pécheur.. Dieu a un cœur ouvert pour nous, pé-
cheurs ; ce cœur ouvert de Dieu, pour nous pécheurs, nous le verrons sur la croix. Le cœur ouvert, le
côté ouvert de Jésus. Avoir un cœur ouvert pour les pécheurs, c’est la miséricorde. La seconde di-
mension de la réconciliation dans la tradition franciscaine, c’est le pardon. Le pardon, dans la tradition