Ce fut alors l'accord d'association signé en 1995 et l'établissement progressif de la zone de libre-échange (ZLE,
1995-2008) avec l'Union européenne (UE), qui a certes donné du tonus à de grandes entreprises industrielles
(appartenant à des groupes solides financièrement et cautionnés par les banques), mais a causé la torture à
moult PMI privées, ainsi qu'à des entreprises publiques presque toutes vendues à la casse (Sofomeca,
Socomena, Tabrid, Siter, Sogitex, Tismok, CMT, MMB, AMS, Stia, Stip, El-Fouledh, etc.).
Si le régime de Ben Ali s'est activé depuis ses premières années à déverrouiller les mécanismes de protection
administrative de notre industrie, et à démanteler les barrières tarifaires face aux tsunamis de produits
européens et chinois, tous les gouvernements transitoires post-révolution n'ont pas remis en cause le
libéralisme suicidaire et n'ont pas osé faire le bilan de 20 ans de dé-protection de notre marché. Bien au
contraire, ils se sont évertués à consolider les accords établis par la dictature arguant une obligation d'honorer
nos engagements vis-à-vis de l'OMC et des «Amis de la Tunisie» quelles que soient les conséquences
préjudiciables subies tant sur le plan économique que sur le plan social.
Pourtant les accords prévoyaient des «clauses d'atténuation» ou «clauses de sauvegarde» (voire de déchéance)
en cas de dérapage de l'écart des flux par rapport au référentiel prospectif, surtout quand il s'agit d'un pays
ayant traversé des circonstances atténuantes : révolution populaire, revendications sociales, transition
démocratique, risque terroriste, etc., qui ont eu des conséquences déplaisantes sur les fondamentaux socio-
économiques de la Tunisie.
Pire encore, le code des hydrocarbures, brillant par ses failles historiques non réparées, demeure en vigueur,
alors que la constitution («destour») de Ben Ali a été abolie depuis le 15 janvier 2011. A ce titre, les
multinationales pétrolières continuent de se couvrir par les contrats de concession d'extraction d'hydrocarbures
établies sous Ben Ali, tout en jouissant des souplesses et des indulgences consignées. D'ailleurs, la Cour des
comptes n'a pas hésité à tirer les sonnettes d'alarme et d'attirer l'attention du pouvoir exécutif et du pouvoir
législatif en vue d'engager les réparations requises, mais en vain.
Aujourd'hui, les casseroles s'accumulent: aggravation de la dépendance alimentaire et énergétique, gel de
l'investissement de création de projets industriels, intensification de la précarité des PMI avec fermeture
d'usines, accentuation du chômage, amplification du déficit de la balance commerciale, recours au
surendettement pour boucher les trous de la balance des paiements, etc.
Tous les gouvernants consécutifs ont répété la même chanson : «Nous avons tout intérêt à respecter nos
engagements. Sinon nous savons bien que les aides financières nous seront coupées et les marchés
d'exportations nous seront fermés». Terrible!
C'est l'organisation de la grande braderie des intérêts nationaux. C'est le sacrifice de nos PME-PMI et de nos
richesses naturelles.
C'est la poursuite de la destruction de notre industrie, de nos services publics et des marchés publics ouverts au
pied de biche, jusqu'à la livraison en pâture de nos données personnelles et de nos vies intimes aux
mastodontes pour nous surveiller et en faire commerce. C'est notre souveraineté qui est sacrifiée sur l'autel du
libre-échangisme capitaliste, dont on n'a vu jusque-là que l'allongement des tristes files de chômeurs et de
travailleurs précarisés.
Vers un bilan de 20 ans de libre-échange
La politique d'autruche continue de régner, et les négociations se poursuivent avec l'UE pour intégrer le soi-
disant «statut avancé» et pour massacrer notre agriculture, déjà en détresse depuis des années. Parallèlement,
des voix se sont levées pour dénoncer les accords inéquitables et asymétriques, qui conduiront à hypothéquer
l'avenir de plusieurs générations et d'anéantir tout effort visant à faire de la Tunisie une société de stabilité et
de prospérité.