Séance 5: Présentation sur la théorie de la structure de capital
Article de Milton Harris et Artur Raviv
Plan de la présentation:
I. Introduction
II. Modèle selon les coûts d'agence
2.1 Conflits entre actionnaires et gestionnaires
2.2 Conflits entre actionnaires et créanciers
III. Modèle selon l'asymétrie d'information
3.1 Investissement et structure de capital
3.2 La proportion de dette comme signal
3.3 Modèles construits à partir de l'aversion au risque des gestionnaires
3.4 Résumé des principaux résultats
IV. Conclusion
I. Introduction
La détermination de la structure de capital est probablement une des décisions les plus
difficiles à prendre pour des gestionnaires. Plusieurs chercheurs se sont donc intéressés a ce sujet
et les pionniers dans ce domaine sont Modigliani & Miller (1958). Depuis ce temps, plusieurs
articles ont été écrit sur le sujet et le but de Harris et Raviv est donc de synthétiser la récente
littérature, résumer les résultats, relier ces résultats aux évidences empiriques et suggérer de
nouvelles avenues pour de futures recherches.
L’article constitue une étude sous forme de revue de littérature des théories de la structure
de capital, plus particulièrement sur les forces qui déterminent celle-ci. Les auteurs ont exclu les
théories basées sur les impôts et ont éliminé les articles qui n’avaient pas la théorie de structure
de capital comme but central. Ainsi, les théories présentées dans cet article sont basées sur 4 des
facteurs influençant la structure de capital. Ces facteurs sont: les coûts d’agence, l’asymétrie
d’information, l’organisation industrielle et le contrôle corporatif. Par contre, cette présentation
ne touchera que les 2 premiers facteurs. Pour chaque modèle, les auteurs synthétisent les articles
les plus importants écrits sur le sujet et discutent de ces modèles.
II. Modèle selon les coûts d'agence
Les coûts d’agences sont des coûts qui résultent de conflits d’intérêts entre divers groupes
d'une entreprise. Plusieurs recherches ont été menées pour étudier la théorie de structure de
capital basée sur ce facteur. Ces recherches ont débuté avec Fama et Miller en 1972 et Jensen et
Meckling en 1976. Jensen et Meckling ont identifié plus spécifiquement deux types de conflits
d’intérêts, soit le conflit entre actionnaires et gestionnaires et le conflit entre créanciers et
actionnaires.
2.1 Conflits entre actionnaires et gestionnaires
Jensen & Meckling
Selon Jensen & Meckling les conflits entre actionnaires et gestionnaires proviennent du
fait que les gestionnaires ne possèdent pas la totalité des fonds propres de l’entreprise. Ainsi, les
gestionnaires ne bénéficient pas du gain total accumulé par l’entreprise bien qu'ils soient
responsables presqu’à 100% de la gestion. La conséquence de cette situation est que les
gestionnaires auront tendance à diminuer leurs efforts et transférer des ressources de la firme
pour leur propre compte. Dans ces circonstances, les gestionnaires ne maximisent plus l’avoir des
actionnaires et c’est à ce moment qu'on peut assister à des conflits. Ainsi, selon le modèle, cette
inefficience est réduite si une partie plus importante des fonds propres est possédée par les
gestionnaires.
De plus, Jensen insiste sur le fait que le financement par la dette réduit les «free cash
flow» disponibles aux gestionnaires et empêchent ceux-ci de détourner indûment les fonds. La
dette a donc un effet disciplinaire sur les gestionnaires, d’autant plus qu’avec moins d’argent
disponible, les gestionnaires doivent faire plus d’efforts pour trouver des investissements
rentables. La dette est donc un moyen de réduire le conflit entre gestionnaires et actionnaires.
Un autre avantage de la dette, cette fois-ci énonpar Grossman & Hart, est que si les
coûts de faillite sont élevés pour les gestionnaires, du fait qu'ils perdent les bénéfices du contrôle
ou leur réputation, alors la dette peut créer un incitatif pour ceux-ci à travailler plus fort, à
prendre de meilleures décisions d'investissement, etc. Ces nouveaux comportements de la part
des gestionnaires réduisent donc la probabilité de faillite de l'entreprise.
Harris & Raviv
Dans cet article, Harris et Raviv supposent que les gestionnaires veulent poursuivre les
opérations de la firme même si les investisseurs préfèrent la liquidation. Selon les auteurs, la
dette peut réduire les coûts d’agence en donnant aux investisseurs créanciers l’option de forcer la
liquidation de l’entreprise dans le cas les flux monétaires sont mauvais. Selon leur modèle, la
structure de capital optimale améliore les décisions de liquidation mais entraîne des coûts
d’investigation plus élevés, ces coûts étant reliés aux informations utilisées dans la décision de
liquidation. Le niveau de dette aura donc une influence sur la probabilide liquidation de la
firme puisqu'il influencera la probabilité de faut de celle-ci. L’augmentation de la valeur de
liquidation d'une firme fait en sorte que cette option (la liquidation) devient plus profitable, et ce,
parce que la probabilité d’avoir une restructuration va décroître avec cette valeur. Le modèle
prédit donc que les firmes avec une valeur de liquidation élevée (ex: firmes avec actifs tangibles)
et/ou celles avec des coûts d’investigation faibles auront plus de dette, un risque de défaut plus
important et une valeur marchande élevée.
Stulz
De son côté, Stulz suppose que les gestionnaires veulent toujours investir tous les fonds
disponibles même si un paiement en espèces aux investisseurs s'avérerait plus profitable. Dans ce
modèle, la dette est donc un moyen de réduire les flux monétaires disponibles aux gestionnaires.
Toutefois, la structure de capital optimale est obtenue par l’équilibre entre les coûts et les
bénéfices de la dette. Le bénéfice de la dette suppose que celle-ci réduit les " free cash flows" et
le coût suppose qu'il existe une plus grande probabilité de défaut pour la firme. Il s’agit donc de
se maintenir à l’équilibre entre le surinvestissement et le sous-investissement. En d'autres mots,
les bénéfices de la dette sont d'empêcher les investissements dans des projets à valeur
décroissante tandis que les coûts de la dette sont d'empêcher les investissements dans des projets
à valeur croissante. Ainsi, les gestionnaires sont souvent réticents à implanter la structure de
capitale optimale, à moins que l'entreprise ne soit la proie d'une OPA. Finalement, les firmes
ayant des opportunités d'investissement à valeur croissante plus élevée que celles à valeur
décroissante auront moins de dette que les firmes qui se trouvent dans la situation inverse. Ceci
s'explique par le fait que les firmes qui ont des opportunités d'investissement à valeur croissante
ne seront pas prêtes à utiliser des " cash flows" pour rembourser de la dette alors que ces mêmes
"cash flows" pourraient servir à des investissements rentables.
Synthèse de quelques résultats
Modèle
Conflit
Bénéfice de la dette
Coût de la dette
Jensen & Meckling (1976)
Bénéfices aux
gestionnaires
Augmentation de la part
des gestionnaires dans les
fonds propres
Substitution d'actifs
Jensen (1986)
Surinvestissement
Réduction des "free cash
flows"
Harris & Raviv (1990a)
Ne pas liquider
Donner aux investisseurs
l'option de liquider la
firme
Coûts d'investigation
(Coût de l'information)
Stulz (1991)
Surinvestissement
Réduction des "free cash
flows"
Sous-investissement
2.2 Conflits entre actionnaires et créanciers
Jensen & Meckling
Le deuxième conflit énoncé par Jensen et Meckling, soit celui entre les créanciers et les
actionnaires survient en partie parce que la dette amène les actionnaires à investir de façon non-
optimal. En effet, les auteurs soulignent que les actionnaires auront tendance à vouloir contracter
plus de dette afin de faire des investissements qui ont de hauts rendements. Ils profitent ainsi de
ces hauts rendements sans toutefois en supporter les coûts. Ce seront donc les créanciers qui
supporteront les conséquences de tels investissements. Par contre, si les créanciers sont en mesure
de prédire le comportement des actionnaires, alors ils vont exiger un coût supérieur pour la dette
qu'ils vont émettre. C'est-à-dire que les actionnaires recevront moins pour la même dette, au sens
qu’ils devront payer un intérêt plus élevé, donc il y aura diminution de la valeur de la dette. Ce
coût d’agence lié au financement par la dette est appelé effet de substitution des actifs.
Myers (1977) a observé un autre coût d'agence de la dette. Il a remarqué que si la
probabilité de défaut d'une firme est élevé, alors les actionnaires ne voudront pas remettre du
capital dans l’entreprise, même s'il s'agit d'investissements risqués ( i.e à haut rendement) car ce
sont les créanciers qui auront le plus de chance de ramasser un gain en cas de liquidation.
Une première implication du modèle de Jensen et Meckling est que l'effet de substitution
des actifs peut être réduit avec des clauses dans les contrats de dette. Par exemple, ces clauses
peuvent exiger une certaine couverture de intérêts, ou interdire de nouveaux investissements dans
des secteurs non reliés aux activités courantes de l'entreprise. Une deuxième implication est que
les industries les opportunités de substitution d’actifs sont faibles auront plus de dette ceteris
paribus. Par exemple, les entreprises réglementées ou matures (avec peu d'opportunités de
croissance) seront généralement plus endettées. Une dernière implication concerne les firmes
dont la faible croissance ou la croissance gative est optimale: celles-ci ont beaucoup de flux
monétaires provenant des opérations et devraient avoir plus de dette. Si ce n'est pas le cas, alors
la firme aura beaucoup de "free cash flows" qui ne seront pas investit dans des projets
d'investissement rentables.
Diamond
Le modèle de Diamond étudie l'effet de la réputation d'une firme quant a son choix de
projet (risqué ou non) d'investissement. Essentiellement, il suppose que les investisseurs
(créanciers) ne peuvent distinguer les firmes (ex-ante), i.e. qu'ils ne peuvent savoir dans quel
genre de projets la firme est intéressée à investir. Ainsi, les créanciers utiliseront la moyenne
historique du coût d'emprunt de l'entreprise. Or, le rendement provenant d’un projet non-risqué
suffit pour payer les créanciers mais le rendement du projet risqué permet le remboursement
seulement si le projet se réalise. Alors, plus longue sera l’historique d’une firme qui a toujours
fait les paiements de sa dette à date , meilleure sera sa réputation. Diamond arrive donc à la
conclusion que les vieilles firmes choisissent généralement des projets non-risqués afin de
bénéficier d’un coût inférieur alors que les jeunes firmes, peu connues, choisissent des projets
plus risqués ce qui suppose un coût supérieur et par conséquent, moins de dettes. Par contre, si
elles survivent, elles changeront éventuellement leurs stratégies d'investissement pour des projets
moins risqués.
Hirshleifer & Thakor (1989)
Le modèle de Hirshleifer et Thakor mise sur le fait que les gestionnaires ont eux aussi
intérêt à poursuivre des projets plus ou moins risqués pour conserver leur réputation. Du point de
vue du gestionnaire, celui-ci est soumis à deux choix de projets: soit un succès, soit un échec. Or,
le modèle explique que le succès ou l’échec des deux projets est perçu de la même façon par le
marché, que ce soit pour un projet risqué ou non-risqué. Puisque les gestionnaires sont aussi
affectés par l'effet de réputation, alors ils seront plus enclins à choisir des projets moins risqués et
donc avoir un coût de la dette plus faible. Ce comportement de la part des gestionnaires réduit les
coûts d'agence de la dette car il diminue le risque inhérent aux projets financés par la dette, tout
en assurant leur succès. Ainsi, les actionnaires sont satisfaits car le projet réussit et les créanciers
sont avantagés par la réussite du projet.
III. Modèle selon l'asymétrie d'information
Selon la théorie de l’asymétrie de l’information, les gestionnaires possèdent une
information privilégiée quant aux opportunités d’investissement de l’entreprise. Plusieurs
modèles basés sur cette théorie furent développés afin d’expliquer la structure financière des
firmes : d’une part, la structure de capital choisie sera perçue comme étant un signal aux
investisseurs, et d’autre part la structure financière préviendra les inefficacités dues à cette
asymétrie d’information lors de la prise des décisions d’investissements.
3.1 Investissement et structure de capital
Myers & Majluf (1984)
Une des premières études à examiner la relation entre l’investissement et la structure de
capital fut celle de Myers & Majluf (1984) : si les gestionnaires ont une information privilégiée
en ce qui a trait à la valeur des actifs de l’entreprise, alors il est possible que l’avoir des
actionnaires soit mal évalué. Par conséquent, si les entreprises doivent financer leur projet à
l’aide d’émission d’actions , la sous-évaluation peut être telle que les nouveaux investisseurs
bénéficieront de l'écart entre la sous-évaluation et la VAN plus la VAN du projet, tandis que les
actionnaires actuels ne vont bénéficier que de la VAN du projet. Voilà pourquoi des projets ayant
une VAN positive peuvent être rejetés. La solution à ce problème est de pouvoir se financer par
des sources moins sous-évaluées ; en l’occurrence, les bénéfices non répartis ou de la dette non
risquée. C'est ce que l'on appelle la théorie des préférences ordonnées de Myers (1984).
Cette théorie implique tout d’abord que suite à l’annonce d’une émission de fonds
propres, le prix des actions chutera, contrairement à un financement interne ou par de la dette
non risquée. Par conséquent, les nouveaux projets seront généralement autofinancés ou financés
par dette sans risque. De plus, selon Korajczyk & al. (1990) le problème de sous-investissement
soulevé par Myers est moins important après la parution des rapports annuels des entreprises.
Finalement, supposons que les firmes ayant peu d’actifs tangibles par rapport à des firmes de
valeur soient d’avantage sujettes à l’asymétrie d’information; dans ce cas le problème de sous-
investissement surviendra plus souvent et par conséquent, ces entreprises auront recours à plus de
dette.
Autres auteurs
Narayanan (1988) Heinkel & Zechner (1990)
obtient des résultats similaires à Myers & Majluf, mais il utilise une approche
différente
montre que lorsque l’asymétrie d’information ne concerne que la valeur du nouveau
projet, il peut y avoir surinvestissement, c’est-à-dire que des projets ayant une VAN
négative peuvent être acceptés
supporte en partie la théorie des préférences ordonnées
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