une langue bizarre
voyage en zig-zag
Benjamin énumère les chefs de famille juifs (CHATEAUBRIAND 1325,29): "4 à Barcelone, 6 à Montpellier, 300 à
Marseille, 1 à Corfou, 50 à Tibériade, 50 000 à Samarcant, 1 000 à Bagdad, 300 000 qui habitent les villes et
autres lieux du pays de Théma, (Teymen, Yémen) 20 à Messine, 1 500 à Palerme.." On voit qu'en Chrétienté, les
Juifs ne sont qu'une poignée, sauf à Palerme alors normande. Le trajet semble erratique, mais pas du tout:
embarquement à Barcelone, escales à Palavas et Marseille, visites en Provence, Italie puis vers Corfou,
Constantinople, la Palestine, détour par Samarcande et Bagdad (?), embarquement à Bassorah vers le Yemen,
retour par l'Egypte et la Sicile. (BARNAVI) ne croit pas au Yemen, pourtant escale de la navigation de Bagdad à
l'Egypte. Je doute de Samarcande. Il ne passa pas par l'Allemagne, se contentant d'ouï-dire.
au pays des cours d'amour
Ayant parlé toulousain avant le français, j'ai eu le cœur serré à lire les chiffres de Benjamin lorsqu'il passe en
Occitanie: 4 à Barcelone, (linguistiquement cousine des Occitans) 6 à Montpellier ! Alors que j'étais persuadé que
l'Occitanie était bien plus accueillante que le reste de la Chrétienté, on voit que 40 ans avant le début de la
Croisade des Albigeois (1208 à 1250) la situation des Juifs ne devait pas y être brillante, sauf à Marseille. Or les
Croisés reprochaient aux Albigeois d'être trop tolérants envers les Juifs !
digression polonaise
Presque aux mêmes dates, Patatiah de Ratisbonne va à Bagdad par la Pologne, où pourtant la présence juive ne
sera attestée que plus tard. (Wroclaw / Breslau: 1280). Comment fit-il pour le minian des veillles du Sabbat ?
(assemblée de 10 mâles au moins) En 1500, (JOHNSON 273), estime le nombre de "polaks": 20 à 30 000 au plus.
Pour atteindre 150 000 en 1575, qu'il suppose des expulsés d'Europe occidentale.
La guerre de 30 ans, 1618 /1648, fut, selon (ibidem 276) un renouveau, grâce aux "princes marchands" de
Prague, tels Marcus Meisel, qui finança la guerre de Rodolphe de Habsbourg contre les Turcs, et Jacob Bassevi,
qui lui permit de reprendre Prague. Cette longue tuerie força Suédois et Allemands à recourir aux Juifs pour leur
intendance, seuls neutres capables d'évoluer dans tous les camps. Financiers et courtiers juifs en profitent pour
obtenir plus de tolérance. Les Juifs de Pologne s'enrichissent (les pans polonais plus encore) en fournissant les
belligérants. Ce faisant, ils s'attirent la haine des paysans plus exploités que jamais. Or, les seigneurs (catholiques)
rusés envoyaient "leurs" Juifs extorquer les récoltes aux paysans (orthodoxes) indignés contre ces "vampires
malgré eux". Cause probable de la révolte cosaque de 1648.
Et d'un antisémitisme tenace jusqu'à nos jours.
hochepots voyageurs
Mon dictionnaire yiddish à: hotseplots "lieu imaginaire au bout du monde, Fouillis-les-Oies". (Sholem
Aleykhim écrit: hotseklots) Selon DA, en alsacien, Hotzeblotz: "plat réalisé avec des restes de viande" En
slovaque, hocičo (hotsitsho): "n'importe quoi" Expliquant ces ressemblances curieuses à mon frère Jacques, il
remarqua qu'un hochepot de chez nous ressemble fort à ce "hotzeblotz" (le Petit Robert 1990 ignore ce plat et le
Petit Larousse 1990 explique: "Pot-au-feu à base de queue de porc, poitrine de bœuf & mouton & légumes divers,
spécialité flamande" En allemand (Garnier 1942) hochepot se traduit: Hotschpott, Fleisch-ragoût mit Rüben und
Kastanien (ragoût de viande avec navets et châtaignes) Or, en un récit de voyage, un anglais déguste un hotpot aux
Falkland (Iles malouines) mais sans donner la recette. Je me précipite sur mon Webster's qui l'ignore mais indique:
hotch-potch = fatras. Bien sûr, un dico Garnier récent le décrit "ragoût aux navets ou châtaignes". Un autre,
anglais: hodge-podge: fouillis. Avouez que ce vocable, peu courant, ne manque pas de sources, où seuls, hot
anglais et pot français sont compréhensibles, mais peu. Un vrai hotchpotch international anglo-slovaco-alsaco-
germano-flamando-franco-yiddish-auvergnat ! Dieu merci, l'espagnol ne connaît que hogaza, pan de salvados
(pain perdu) autrement dit fait avec des restes rassis .
Mais hoh poaz (prononcer: khokh pozz) breton, c'est un cochon cuit.. ("hog", cochon anglais, est proche cousin
du "hoh" armoricain ) Si, à Dieu ne plaise, j'étais féru d'étymologies, je commencerais par un constat: les seuls
mots qui fassent sens ensemble viennent du breton....dont mon dico ignore ce hochepot ! Et le plus proche (au son)
de ce breton, c'est hochepot, français, qui doit avoir été adopté voici belle lurette, sans doute en pays gallo. Hélas,
on ne peut reconstruire l'arbre généalogique de ce vocable voyageur car les mots n'ont pas d'ADN tant qu'ils ne
sont pas sur papier. Quel romancier pourrait imaginer plus bizarres aventures, des forêts slovaques aux îles
Malouines ? C'est bien la preuve que l'étymologie est un genre de poésie, on commence par vouloir donner un
sens plus pur aux mots de la tribu, et on finit par se balader dans le Temps et l'Espace sur les ailes du rêve ! En se
nourrissant d'un ragoût de châtaignes et de cochon désordonné. Tout en pensant que mes textes sont un vrai
hotseplots !