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15e festival international de géographie Saint-Dié-des-Vosges
30 septembre au 3 octobre 2004
« Nourrir les hommes, nourrir le monde. Les géographes se mettent à table. »
Samedi 2 octobre 2004, 18h15 – 19h
CUISINE ET ALIMENTATION AU CŒUR DU LIEN IDENTITAIRE DES DIASPORAS : LES
EXEMPLES CHINOIS ET GRECS.
par Michel Bruneau, directeur de recherches au CNRS.
A - QU’EST-CE QU’UNE DIASPORA ?
Une diaspora est composée de migrants qui, avec le temps, maintiennent un sentiment
d’appartenance identitaire. Elles sont souvent issues de migrations plus ou moins forcées.
La mémoire collective joue un rôle important pour le lien identitaire.
Les diasporas possèdent 4 critères essentiels :
 Dispersion dans de nombreux lieux (non voisins des lieux d’origine).
 Rôle important de chaînes migratoires (« passeurs » aidant à l’intégration, l’insertion dans
la société d’accueil mais gardien simultanément d’une identité).
 Pas d’assimilation totale à la société d’accueil.
 Organisation de réseaux d’échanges avec les sociétés d’origine.
Désormais, il y a un nouveau modèle de diaspora : la diaspora noire des Amériques. Il s’agit
d’un modèle hybride (en « rhizome ») caractérisé par le métissage, la dissémination,
l’absence de noyau dur identitaire et le rejet de toute référence à une Nation.
B - ALIMENTATION ET CUISINE COMME MARQUEURS IDENTITAIRES.
La cuisine et l’alimentation sont des symboles identitaires et un lien avec la culture d’origine.
Il y a même persistance de pratiques régionales. Elles sont des facteurs d’affirmation
ethnique malgré les liens avec le milieu d’installation. Cela passe par exemple par les repas
festifs.
Les repas festifs permettent de renouer avec une mémoire / identité que l’on revendique. Les
écrivains grecs – américains insistent dans leurs œuvres sur les repas de la fête de Pâques
avec le rôti d’agneau, le rôle du pain. Il y a une forte charge émotive liée aux goûts, aux
saveurs des aliments d’origine.
Les locaux des associations possèdent souvent une cuisine et un bar dans la diaspora
grecque. Ceux-ci sont liés à des photos, des musiques et des danses voire l’apprentissage
de la langue d’origine pour les plus jeunes générations.
Chez les Chinois de Hong Kong, les repas à la vapeur (dim sum) dans les villes
australiennes jouent un rôle de « refuge » qui permet de sortir de leur isolement. Ils
permettent également une intégration à la société d’accueil grâce à des immigrés installés
plus précocement.
La diaspora noire des Amériques est elle aussi très créative pour la cuisine. Elle a combiné
les restes ou déchets de la nourriture des maîtres du temps de l’esclavage (origine des
accras de morue) mais aussi certaines techniques amérindiennes de cuisson (barbecue,
viande boucanée).
C - LES ENTREPRISES LIÉES AU LIEN IDENTITAIRE ALIMENTAIRE.
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Les restaurants, les étals de nourriture chinois, vietnamiens ou indiens sont des lieux de
sociabilité à Kuala Lumpur pour les différentes diasporas installées dans la capitale de la
Malaisie.
Les cafés grecs aux Etats-Unis et au Canada jouent également le rôle de lieux de
rencontres, supérieur à celui de l’église mais aussi un rôle pour l’ascension sociale. Le
conférencier cite l’exemple de vendeurs ambulants avec leurs chariots de fruits et légumes
qui parviennent ensuite à acheter une boutique de confiseries avant de posséder ou
transmettre un restaurant ou café ou magasin de traiteur. Ces entreprises familiales
permettent l’insertion dans les classes moyennes dès la 2e génération. Il existe ainsi des
chaînes de restaurants grecs aux Etats-Unis. Les restaurants grecs jouent également le rôle
de vitrine de la culture de la diaspora vis-à-vis de la société d’accueil, par la musique
diffusée, le costume des serveurs…
Ce phénomène se reproduit également en France. 51 % des établissements commerciaux
des Chinois d’origine sont des restaurants. Ils mettent en œuvre un marché ethnique du
travail (3/4 des Chinois installés en France travaillent chez des compatriotes) avec des offres
d’emplois destinés à des travailleurs chinois (immigrants, demandeurs d’asile, Chinois nés
en France…). Il y a un turn-over important, le statut de l’emploi est souvent précaire mais il
permet une certaine intégration (contact avec clientèle oblige à apprendre le vocabulaire de
base) et parfois une ascension sociale si le travailleur devient lui-même entrepreneur grâce à
un système de solidarités (de clan, de dialecte, d’origine régionale) et / ou de tontine pour
démarrer une entreprise. La répartition des restaurants chinois à Paris est assez dispersée
mais certaines rues sont plus spécialisées. Ceux-ci mettent en œuvre des réseaux avec des
flux importants (argent, personnes).
Conclusion :
 L’alimentation appartient à la vie la plus intime de la diaspora. Elle est même supérieure à
la langue (qui se perd plus rapidement dès la 2e génération).
 Les phénomènes de métissages existent car il est nécessaire de s’adapter aux goûts de la
clientèle des restaurants des pays d’accueil.
 Les restaurants représentent une possibilité d’insertion dans les classes moyennes des
pays d’accueil pour les membres d’une diaspora.
Compte rendu : Emmanuel Porché
Lycée Galilée
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