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Pierre Launay
Questions Internationales
Conférence de M. Bertoncini
LES RELATIONS INDE PAKISTAN
L’Inde et le Pakistan constituent un enjeu géopolitique majeur : ils rassemblent plus d’un
sixième de la population mondiale (soit une masse humaine plus importante que celle de la
Chine). Les relations entre ces deux Etats sont marquées par l’un des conflits les plus longs et
les plus complexes depuis l’après Seconde Guerre mondiale. En effet, depuis 1947, date de la
partition de l’empire britannique des Indes, l’Inde et le Pakistan se sont affrontés à trois
reprises dans des guerres meurtrières au sujet du Cachemire. Cette rivalité a en outre conduit
les deux puissances à se doter, en 1998, de l’arme nucléaire.
Plus encore, l’Inde et le Pakistan sont déstabilisés par la guerre en Afghanistan, qui a fait suite
aux évènements du 11/09. Les attentats commis par des militants islamistes cachemiris contre
l’Inde en décembre 2001 ont ainsi entraîné un regain de tensions dans la région et ont pu faire
craindre le déclenchement d’une guerre ouverte, à la possible dimension nucléaire.
(Données de 2001)
Inde
Pakistan
Superficie
3 287 000 km2
796 000 km2
Population
1.033 milliards d’habitants
146 millions d’habitants
PNB par habitant
462 $
415 $
Taux de croissance
(1990-2001)
4%
1.2%
Dépenses militaires
15.6 milliards $
(2.5% du PIB)
2.6 milliards $
(4.5% du PIB)
Dirigeant
Manmohan Singh
(Premier Ministre)
Général P. Moucharraf
(Chef de l’Etat)
I. Le Cachemire: foyer de tensions indo-pakistanais
La partition des Indes britanniques (1947) et le premier conflit du Cachemire
La partition du sous-continent indien se traduit par la création du Pakistan (14
août 1947) et l’indépendance de l’Inde (15 août 1947):
La partition est effectuée sur une base religieuse: les régions à majorité
musulmane deviennent pakistanaises et celles à majorité hindoue
deviennent indiennes ;
Le Pakistan de 1947 comprend deux entités distantes de 2000 km (le
Pakistan actuel et le Bangladesh) ;
La partition provoque le déplacement de 10 millions de personnes et
200000 personnes environ périssent dans les affrontements.
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Au Cachemire (où la majorité de la population était musulmane), le
maharadjah hindou opte pour l’Inde, ce qui provoque l’intervention des armées
des deux pays et la première guerre indo-pakistanaise :
Le Cachemire est finalement partagé entre les deux pays : « ligne de
contrôle » (1er janvier 1949) ;
Sollicité par l’Inde, le Conseil de Sécurité des Nations Unies demande
aux deux armées de se retirer pour permettre la tenue d’un plébiscite
(résolution N°47 de 1948).
Géopolitique du conflit du Cachemire
Le conflit du Cachemire est un élément déterminant des choix opolitiques de
l’Inde et du Pakistan pendant la Guerre Froide :
Amitié russo-indienne d’une part et rapprochement entre le Pakistan, les
Etats-Unis et la Chine d’autre part;
Le Pakistan est un élément essentiel de la politique de containment
américaine : il est à la fois membre du Pacte de Bagdad (CENTO, 1955)
et du Pacte de Manille (OTASE, 1954).
La région du Cachemire joue également un rôle majeur dans le contrôle du
bassin de l’Indus: le partage des eaux du fleuve et de ses affluents est
finalement organisé dans le cadre d’un traité bilatéral (19 septembre 1960).
La guerre de 1965
Elle est déclenchée par le Pakistan (souhaitant tirer parti de la faiblesse de
l’Inde, après sa défaite contre la Chine en 1962) ;
Le Pakistan occupe d’importants territoires au Cachemire mais est finalement
défait par l’armée indienne (redressée grâce à l’aide soviétique) : un cessez-le-
feu est signé le 22 septembre 1965.
La guerre de 1971 et ses conséquences diplomatiques
Le Pakistan oriental proclame son indépendance le 27 mars 1971, opposant de
nouveau les armées pakistanaise et indienne (l’Inde a en effet pris parti en
faveur des indépendantistes) ; la guerre prend fin le 15 décembre 1971 avec la
défaite du Pakistan et sa reconnaissance de l’indépendance du Bangladesh.
L’accord de Slima (2 juillet 1972), signé au terme de cette guerre, dispose dans
son article 2 : « les deux pays sont résolus à régler leurs différends par des
négociations bilatérales ».
En se basant sur cet accord, l’Inde refuse depuis lors toute
internationalisation de la question du Cachemire ;
Le Pakistan souhaite au contraire une médiation internationale ; il
demande également que, conformément à la résolution du CSNU, la
population cachemirie soit consultée.
Islamisation et crise du Kargil (1999)
Après une période de relative stabilité, un mouvement de révolte anti-indien se
développe au Cachemire, de caractère islamique et terroriste (djihadistes
musulmans, liés aux moudjahidin afghans) ; en réaction, l’Inde durcit et accroît
sa présence militaire et policière au Cachemire.
A l’été 1999, des militants cachemiris (soutenus par l’armée pakistanaise)
s’infiltrent au-delà de la ligne de contrôle ; mais devant l’ampleur de la réponse
indienne et les réactions internationales, le Pakistan fait marche arrière.
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II. L’enjeu nucléaire dans les relations indo-pakistanaises
Les programmes nucléaires indien et pakistanais
L’engagement de l’Inde et du Pakistan dans des programmes d’armement
nucléaire s’explique par une relation de concurrence : l’Inde avec la Chine et le
Pakistan avec l’Inde.
La position de l’Inde à l’égard du nucléaire a évolué:
Lutte contre la prolifération et en faveur du désarmement dans les années
1960, dans une logique de non alignement ;
La guerre et la défaite contre la Chine en 1962 et l’explosion de la
première bombe chinoise en 1964 modifient la position indienne, qui
développe alors un programme sans aide extérieure ; l’Inde procède à une
« explosion pacifique » en 1974 puis à 5 essais en 1998 ;
Ce choix est cohérent avec l’affirmation de l’Inde comme puissance
régionale et mondiale (candidate à un poste de membre permanent au
Conseil de Sécurité des Nations Unies).
Le Pakistan a commencé à développer un programme militaire près de 10 ans
après l’Inde :
Les éléments déclencheurs ont été la défaite de 1971 et la première
explosion indienne de 1974 ;
Le programme pakistanais se veut à ses débuts un projet politique pour le
monde musulman (idée de la « bombe islamique ») ;
Il a été mené avec l’appui de pays étrangers, notamment de la Chine ;
En procédant en mai 1998 à ses premiers essais, le Pakistan envoie à
l’Inde un signal politique fort : celui du refus de l’intimidation.
Les essais de 1998 et les réactions internationales
La communauté internationale a agi vivement à ces essais et des sanctions
économiques ont été adoptées à l’encontre des deux pays, comme l’arrêt de
l’aide internationale (exemple des Etats-Unis et du Japon).
La France au contraire s’est refusée à les condamner ; elle considère
notamment que l’Inde et le Pakistan n’ont pas contrevenu à leurs obligations
internationales, dans la mesure où ils n’avaient pas signé le TNP de 1968.
Les conséquences stratégiques et diplomatiques des essais de 1998
Même si la résolution de la « crise du Kargil » a montré la volonté commune
de l’Inde et du Pakistan de ne pas s’engager dans une escalade qui pourrait
aboutir à l’utilisation de l’arme nucléaire, la situation reste préoccupante tant
les facteurs d’instabilité sont nombreux :
Déséquilibre des forces conventionnelles entre les deux pays la faveur
de l’Inde) ;
Vulnérabilité du Pakistan, qui ne dispose pas de « profondeur
stratégique » (les zones vitales du pays sont situées près de la frontière) ;
Problèmes liés au contrôle des arsenaux et des mesures de sécurité (une
déstabilisation du Pakistan, un changement de régime ou une action
terroriste de grande envergure ne sont pas à exclure).
La nucléarisation du Pakistan pourrait encourager son voisin l’Iran à acquérir
l’arme nucléaire, ce qui pourrait compromettre l’équilibre du Proche-Orient.
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III. Les développements récents: impacts du 11/09
Le 11/09, tournant décisif pour le Pakistan
Les facteurs explicatifs de l’implication du Pakistan en Afghanistan jusqu’en
2001 sont nombreux :
Facteur ethnique : la frontière divisant les deux pays divise deux groupes
ethniques du Pakistan, les Pathans et les Balouches ;
Facteur stratégique : le Pakistan a cherché, de 1979 à 2001, à éliminer
tout risque d’alliance de revers, et à acquérir une « profondeur
stratégique » lui faisant défaut vis-à-vis de l’Inde ; cet objectif explique
le soutien pakistanais apporté aux moudjahidin afghans contre les
Soviétiques, puis aux Talibans à partir du milieu des années 1990 ;
Facteur diplomatique et économique : depuis les début 1990, le Pakistan
a espéré jouer le rôle majeur de « puissance islamique » en Asie Centrale,
et devenir le débouché maritime des richesses économiques de la région.
Soumis à des pressions américaines très fortes, le gouvernement du Général
Moucharraf a cependant choisi de mener le combat contre le terrorisme aux
côtés des Etats-Unis :
Mise à disposition de l’espace aérien pakistanais et des bases au sol ;
En retour, le Pakistan a obtenu la levée des sanctions diplomatiques et
économiques qui le frappaient depuis 1998 ; il a également obtenu la
poursuite et l’augmentation de l’aide internationale.
Ce revirement de politique étrangère a eu des répercussions importantes :
Mutations au sein de l’armée (notamment à la tête des services secrets) ;
Attentats contre des personnalités étrangères ou des intérêts étrangers
(assassinat de D. Pearl, attentats de Karachi contre les employés de la
DCN ou devant le consulat des Etats-Unis) ;
Remise en cause de l’identité nationale et refus de l’islamisme (discours
de Moucharraf du 12 janvier 2002) : dissolution des partis islamistes
pakistanais, fermeture d’écoles coraniques…
La situation au Cachemire : vers une désescalade ?
Le Cachemire est apparu comme le terrain de repli potentiel des militants
islamistes, ce qui a accru les tensions entre l’Inde et la Pakistan :
Deux attentats au Cachemire puis un attentat contre le Parlement indien à
New Delhi (12 décembre 2001) font plusieurs dizaines de victimes ;
L’Inde rappelle ses diplomates en poste au Pakistan, rompt ses liaisons
aériennes, routières et ferroviaires avec le Pakistan et demande
l’extradition de 20 personnes soupçonnées d’activités terroristes ; le
Pakistan réplique par des mesures analogues ;
Un nouvel attentat perpétré au Cachemire indien en mai 2002 aggrave les
tensions et fait craindre un regain de violence entre les deux pays ;
Une médiation internationale (sous l’égide de la Russie puis des Etats-
Unis) a cependant permis de donner les premiers signes de désescalade.
L’actualité récente et la reprise du dialogue :
Politique de la « main tendue », initiée par l’Inde en avril 2003 : reprise
partielle des liaisons diplomatiques et rétablissement d’une liaison
routière entre New Delhi et Lahore ;
Rencontre entre le Général Moucharraf et A. Behari Vajpayee en janvier
2004 et reprise d’un « dialogue global ».
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Les voies possibles de solution au problème cachemiri
1. La réunification du Cachemire et son indépendance : solution qui bénéficie de
soutiens au sein de la population cachemirie mais rejetée tant par l’Inde (considérant
que l’indépendance du Cachemire serait un dangereux précédent pour certaines autres
de ses populations ayant des velléités séparatistes) que par le Pakistan (considérant
que le Cachemire, à majorité musulmane, lui revient naturellement).
2. Un référendum au Cachemire, aboutissant à son rattachement à l’un des deux pays
(conformément à la résolution du CSNU de 1948) : solution soutenue par le Pakistan
(pensant que le Cachemire choisirait le rattachement au Pakistan) mais exclue par
l’Inde ; un tel référendum pourrait aussi conduire à un démembrement du Cachemire.
3. Le gel de la situation actuelle et la transformation de la ligne de contrôle en frontière
internationale : solution soutenue par l’Inde (entérinant ainsi son avantage puisque
l’Inde contrôle actuellement la partie la plus peuplée et la plus riche du Cachemire)
mais à laquelle est hostile le Pakistan.
En mai 2004 le Parti du Congrès, emmené par Sonia Gandhi, a remporté les élections.
Pressentie pour former coalition gouvernementale, Sonia Gandhi a finalement se retirer,
victime d’une campagne xénophobe lui reprochant ses origines italiennes ; elle a ainsi
céder la place à l’économiste Manmohan Singh, désigné Premier Ministre. Si ce dernier a
placé la paix avec le Pakistan parmi les priorités de son gouvernement, le Parti du Congrès est
cependant perçu comme le plus belliqueux par le Pakistan. Il est donc difficile de prévoir si
Inde et Pakistan poursuivront sur la voie du dialogue et de l’apaisement.
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