Histoire, Groupe 1

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Histoire, Groupe 1
Chronologie du Kulturkampf
Au lendemain du traité de Francfort, Bismarck cherche à consolider le Reich. Alors que la
France de la IIIe République installe le régime de l’ « Ordre moral » en menant notamment une
politique cléricale, le chancelier allemand engage la lutte contre la papauté et le clergé catholique.
Aux yeux des libéraux, pour qui le thème de la culture est important, l’église catholique revêt
les couleurs de l’obscurantisme. Selon la formule du député libéral Rudolf Virchow, le combat contre
le catholicisme sera un combat pour la culture. Cette opposition est vivement ranimée en 1870 avec la
proclamation de l’infaillibilité du Pape, et donne à Bismarck le soutien dont il a besoin dans le
Parlement pour épurer le Reich de ce qu’il nomme la concurrence intérieure.
Depuis le milieu du XIXe, le catholicisme allemand s’est montré très dynamique, surtout à
travers ses associations. L’une d’entre elles, la Katholische Fraktion, débouche sur le Zentrum, dirigé
par Windthorst. Bien qu’il n’intéresse qu’un tiers de la population du Reich, le parti catholique
représente pour Bismarck un particularisme semeur de troubles contre lequel il apparaît indispensable
de lutter pour forger une « âme commune de citoyens allemands ». En effet, les catholiques sont
attachés à l’idéal grand-allemand qui offre à leurs yeux la possibilité d’une parité religieuse dans
l’Allemagne unifiée. Sur le plan extérieur également, le catholicisme incarne la fidélité à une
puissance morale étrangère, le Saint-Siège, relayé par l’Autriche. Bismarck décide donc de s’attaquer
à ce pouvoir rival, car proche du corps social, à travers toute une série de lois restées dans l’histoire
sous le nom du Kulturkampf.
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C
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A
P
O
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Dates
1871
Le Kulturkampf
8 juillet : suppression de la section catholique au ministère prussien des cultes.
10 décembre : loi d’Empire contre l’abus de la chaire à des fins politiques (si
des membres du clergé utilisent leur situation pour « troubler l’ordre public »,
ils encourent jusqu’à deux ans de prison).
Contexte
Création de l’Empire
allemand.
1872
4 juillet : loi d’Empire interdisant la Compagnie de Jésus (loi d’exception qui
marque un nouveau pas dans l’opposition entre les catholiques et Bismarck).
30 décembre : rupture des relations diplomatiques entre la Prusse et le Vatican.
1873
Lois de mai (notamment sur la formation et la nomination des ecclésiastiques en
Prusse).
1874
9 mars : mariage civil obligatoire en Prusse.
4 mai : loi sur l’interdiction de « l’exercice illégal de fonctions
ecclésiastiques », dite loi d’expropriation qui permet l’expulsion des
ecclésiastiques réfractaires hors du territoire prussien.
20 mai : loi portant sur l’ « administration des diocèses catholiques vacants »
qui permet au gouvernement un droit de contrôle sur les administrateurs des
diocèses non occupés et donne aux autorités locales la possibilité d’intervenir
dans la vie des paroisses.
Secondes élections au
Reichstag : le Zentrum
double le nombre de ses
voix (1 400 000, 28% des
suffrages, 58 sièges).
1875
22 avril : loi sur la « suspension des prestations de l’Etat aux évêques et aux
ecclésiastiques catholiques romains », qui est destinée à affaiblir le clergé et
surnommée pour cette raison « loi de la corbeille de pain ».
18 juin : loi qui abolit des articles de la Constitution prussienne relatifs aux
libertés des Eglises. Elle a l’inconvénient pour le gouvernement de frapper, au
nom de la parité constitutionnelle, l’Eglise évangélique comme l’Eglise
catholique.
mai : la loi de juillet 1871, qui a contraint des milliers de religieux à l’exil, est
étendue par l’interdiction de tous les ordres religieux catholiques, excepté ceux
qui ont vocation sanitaire et hospitalière.
5 février : encyclique de
Pie IX qui déclare
« nulles » les lois de mai.
1877
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M
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Crise économique latente
(protectionnisme)
93 sièges au Zentrum
1878
24 février : Léon XIII conseille d’accepter l’obligation de déclarer les
nominations de curés aux autorités civiles.
1880
14 juillet : 1e loi d’apaisement.
Les paroisses peuvent à nouveau être pourvues.
Inauguration officielle de la cathédrale de Cologne achevée, par l’empereur
Guillaume 1er.
1882
24 avril : reprise des relations diplomatiques entre la Prusse et le Vatican.
31 mai : 2e loi d’apaisement.
11 juillet : 3e loi d’apaisement.
1886
21 mai : 1e loi abolissant partiellement les lois de mai.
L’Etat renonce aux mesures de contrôle sur le clergé, en échange d’un serment
de loyauté des prêtres, et autorise le retour de plusieurs ordres religieux.
1887
« paix » de 1887 : concessions réciproques Bismarck / Léon XIII
26 avril : 2e loi abolissant les lois de mai.
23 mai : Léon XIII déclare le Kulturkampf terminé.
1890
Renvoi de Bismarck.
7 février : mort de Pie IX
20 février : Léon XIII,
pape plus intelligent et
modéré.
Création de
l’Evangelischer Bund
pour la défense des
intérêts protestants.
Fondation de
l’Evangelischsozialer
Kongress.
I Une politique anti-catholique : le Kulturkampf (1871-1878)
A. Les débuts du Kulturkampf
1871
Victoire sur la France et création de l’Empire.
Triomphe de la solution petite-allemande présentée comme une victoire du protestantisme (« Empire
évangélique »).
Début du Kulturkampf : de 1871 à1875, Bismarck organise la guerre contre les catholiques.
Le Kulturkampf passe par la voie réglementaire et législative et attaque directement l’Eglise.
8 juillet : suppression de la section catholique au ministère prussien des cultes.
10 décembre : loi d’Empire contre l’abus de la chaire à des fins politiques, i.e. si des membres du
clergé utilisent leur situation pour troubler l’ordre public, ils encourent jusqu’à deux ans de prison.
Ainsi, les évêques et curés des paroisses étaient soumis à une surveillance policière et pouvaient être
arrêtés à tous moments. Ils encouraient jusqu’à deux années de prison si l’on pouvait les soupçonner
de « troubler l’ordre public » dans l’exercice de leurs ministères : accusation vague et qui pouvait viser
la plus petite allusion à la politique étrangère ou intérieure de l’Etat dans les sermons prononcés le
dimanche au prêche.
1872
4 juillet : loi d’Empire interdisant la Compagnie de Jésus = loi d’exception donc plus grave, qui
marque un nouveau pas dans l’opposition entre les catholiques et Bismarck.
30 décembre : rupture des relations diplomatiques entre la Prusse et le Vatican.
1873
Lois de mai : symbole du Kulturkampf.
Ingérence de l’Etat dans les affaires religieuses : nationalisation du clergé, loi sur la formation et la
nomination des ecclésiastiques en Prusse. Les prêtres ne doivent plus être formés dans les séminaires
et sont soumis à un « examen culturel ».
Ex : examens de philosophie, histoire, culture générale pour le clergé et lors de leur nomination,
mesures disciplinaires de l’Eglise discutées devant les tribunaux civils.
Déclaration de l’épiscopat prussien contre les lois de mai.
B. Le Kulturkampf à son apogée : 1874-1878
Le 9 mars 1874 Bismarck rend le mariage civil obligatoire en Prusse : ceci l’oppose non seulement
aux catholiques mais aussi aux protestants orthodoxes.
Un certain nombre de lois répressives sont mises en place, dues au fait que la quasi-totalité des
catholiques, prêtres et laïques, se soustraient à la législation d’Etat contraire au droit canon. Ex : Loi
sur l’ « interdiction de l’exercice illégal de fonctions ecclésiastiques » dite loi d’expropriation du 4
mai 1874 qui permet l’expulsion des ecclésiastiques réfractaires hors du territoire prussien.
De nombreux diocèses deviennent vacants, et le gouvernement obtient, par la loi du 20 mai 1874 qui
porte sur l’ « administration des diocèses catholiques vacants », un droit de contrôle sur les
administrateurs des diocèses non occupés et donne aux autorités locales la possibilité d’intervenir dans
la vie des paroisses, mêmes contre les autorités ecclésiastiques.
Parmi les dispositions les plus stupéfiantes de cette loi, une rappelle la Constitution civile du clergé :
dans les paroisses vacantes, on procède à l’ élection d’un desservant par l’ensemble de la population
masculine en possession de ses droits civiques, l’appartenance à la religion catholique n’étant même
pas exigée !
Dans l’arsenal répressif il faut également mentionner la loi prussienne du 22 avril 1875 sur la
« suspension des prestations de l’Etat aux évêques et aux ecclésiastiques catholiques romains », loi
destinée à affaiblir le clergé et surnommée pour cette raison « loi de la corbeille de pain ».
Enfin, une des mesures les plus graves fut l’abolition des articles de la Constitution prussienne relatifs
aux libertés des Eglises. Cette loi, du 18 juin 1875, avait l’inconvénient pour le gouvernement de
frapper, au nom de la parité constitutionnelle, l’Eglise évangélique comme l’Eglise catholique. Cela
avait déjà été le cas de la loi sur le mariage civil obligatoire dont avaient particulièrement pâti les
Eglises protestantes.
En mai 1875 la loi de juillet 1871, qui a contraint des milliers de religieux à l’exil, est étendue par
l’interdiction de tous les ordres religieux catholiques excepté ceux qui avaient vocation sanitaire et
hospitalière.
C. La résistance
Bismarck prévoyait qu’il parviendrait sans mal à faire plier l’Eglise. Or contrairement à son attente
elle entre en résistance, haut et bas clergé réunis.
La résistance a d’abord un aspect proprement ecclésial : évêques et prêtres ignorent les lois contraires
aux droits de l’Eglise : sur les 4000 prêtres de Prusse, il y eut au maximum deux douzaines de
Staatspfarrer (curés de l’Etat), l’équivalent des assermentés sous la Révolution française. Ils sont
d’ailleurs boycottés par le peuple catholique. Les fidèles soutiennent cette opposition.
La résistance émane également des plus hautes autorités ecclésiastiques puisque le 5 février 1875, au
plus fort de la résistance des évêques, Pie IX,par une encyclique adressée aux évêques d’Allemagne
déclare « nulles » les lois de mai , « parce qu’elles contrecarrent absolument la constitution divine de
l’Eglise.
Mais cette résistance a également des relais en dehors de l’Eglise :
la presse catholique (amendes et peines d’emprisonnement la touchent également)
tout le réseau d’associations catholiques : certaines d’entre elles seront frappées d’interdiction
enfin, la résistance du clergé et des fidèles dispose d’un remarquable instrument politique : le
Zentrum.
Windthorst a été de 1874 jusqu’à sa mort en 1891 le chef effectif du Zentrum ; il a été le grand
fédérateur dans la résistance à Bismarck.
Il souligna toujours l’entière soumission du Zentrum à l’Eglise en matière de politique religieuse.
En accord avec l’Eglise et un vaste réseau associatif, le Zentrum dirigé par Windthorst organisa la
résistance catholique, une résistance victorieuse comme le montrent les résultats électoraux : dès 1874,
aux secondes élections au Reichstag, le Zentrum double le nombre de ses voix (1 400 000, 28% des
suffrages). Il passe de 58 à 90 sièges, puis 93 en 1877 et 100 en 1881. Au contraire les nationaux
libéraux commencent à reculer. La lutte de Bismarck le conduit à l’impasse.
Ces succès signifient le début de l’échec du Kulturkampf
-
II Le règlement du Kulturkampf : 1878-1890
A. Un contexte favorable à la détente
Plusieurs éléments contribuent à la détente :
- l’Allemagne désire se rapprocher de l’Autriche-Hongrie, pays catholique, avec lequel
l’Empire allemand veut conclure une alliance.
- vers la fin des années 70 la conjoncture change : la crise économique latente oblige Bismarck
à passer au protectionnisme. Pour des raisons tactiques, Bismarck est ainsi amené à assouplir
sa politique anticatholique. En effet, cette politique le rend dépendant des libéraux, or il a
besoin de s’en affranchir pour mener à bien son programme protectionniste auquel ces
derniers s’opposent. Par ailleurs, il a besoin, sinon de l’appui des catholiques, du moins d’un
apaisement avec eux, pour consacrer son énergie à la lutte contre les sociaux-démocrates.
- l’avènement d’un nouveau pape facilite la réconciliation.
B. Les trois lois d’apaisement
Pour sauver les apparences, Bismarck n’abroge pas immédiatement les mesures qu’il a prises contre
l’Eglise : il se fait accorder seulement le droit de ne pas les appliquer.
Répondant aux gestes de bonne volonté de Léon XIII, Bismarck fait adopter entre 1880 et 1883 trois
lois donnant aux autorités de l’Etat les « pleins pouvoirs discrétionnaires » dans l’application ou la
non-application des lois de mai. Rome les accepte comme solution provisoire.
1878
7 février : Pie IX meurt.
20 février : Léon XIII, pape plus intelligent et modéré.
1880
24 février : Léon XIII conseille d’accepter l’obligation de déclarer les nominations de curés aux
autorités civiles. Windthorst le vit comme une trahison.
14 juillet : 1e loi d’apaisement.
Les paroisses peuvent à nouveau être pourvues.
Inauguration officielle de la cathédrale de Cologne achevée, par l’empereur Guillaume 1er.
1882
24 avril : reprise des relations diplomatiques entre la Prusse et le Vatican.
31 mai : 2e loi d’apaisement.
11 juillet : 3e loi d’apaisement.
C. Vers l’abrogation des lois de mai
La sortie de crise prend finalement la forme d’un compromis entre Bismarck et Léon XIII. Si le
Zentrum en juge le contenu trop favorable au chancelier, il s’incline. Progressivement, la plupart des
lois tombent ainsi en désuétude.
1886
21 mai : 1e loi abolissant partiellement les lois de mai.
L’Etat renonce aux mesures de contrôle sur le clergé, en échange d’un serment de loyauté des prêtres,
et autorise le retour de plusieurs ordres religieux.
Création de l’Evangelischer Bund pour la défense des intérêts protestants.
1887
Après d’interminables tractations, Rome et Berlin aboutissent à la « paix » de 1887.
Il s’agit de concessions réciproques :
- Bismarck renonce aux lois de mai
26 avril : 2e loi abolissant les lois de mai.
Toutefois, abolition incomplète :
- les deux lois impériales subsistent : obligation du mariage civil et dissolution de la Compagnie de
Jésus en Allemagne ;
- les articles de la Constitution prussienne relatifs aux libertés des Eglises ne sont pas rétablis
(obligation de déclaration des évêques auprès des autorités avant les nominations ecclésiastiques, loi
sur l’inspection scolaire).
-
Léon XIII accepte l’obligation de déclaration pour toutes les cures à pourvoir.
Windthorst et le Zentrum considèrent que c’est un mauvais règlement : ils en veulent au Pape
d’avoir négocié avec Berlin sans les avoir consultés. Mais s’il juge le contenu trop favorable au
Chancelier, le Zentrum s’incline.
23 mai : Léon XIII déclare le Kulturkampf terminé.
Défaite pour Bismarck, qui n’a pu ni détacher du Saint-Siège les catholiques allemands, ni briser le
parti du Centre de Windthorst.
1890
Renvoi de Bismarck.
Fondation de l’Evangelischsozialer Kongress.
L’élection d’un pape plus libéral, Léon XIII, et la rupture avec les libéraux permet donc
d’ouvrir les négociations entre le Reich et les catholiques, par l’intermédiaire du Pape. La législation
du Kulturkampf s’adoucit dès 1880, pour être révisée à partir de 1886 par étapes successives.
Certaines mesures restent toutefois en vigueur après la fin du Kulturkampf, par exemple la loi
d’expulsion des jésuites (qui ne sera révoquée qu’après la révolution de 1918).
S’il n’a pu obtenir le retour au statu quo ante, le catholicisme allemand n’en sort pas moins
vainqueur de la crise. Le Kulturkampf a eu pour effet de renforcer l’identité culturelle et politique du
catholicisme au sein de la société allemande. Le parti catholique s’est imposé comme le défenseur des
libertés, ce qui justifie son opposition à la loi antisocialiste en 1878.
Mais le Kulturkampf a mis en évidence la faible marge de manœuvre qui existe entre les
catholiques et le Vatican. En effet, c’est sous l’impulsion du Saint Siège que s’opère le rapprochement
avec la politique de Bismarck à la fin des années 80. Par ailleurs, les catholiques d’Allemagne ont
longtemps ressenti les effets du Kulturkampf. Le souvenir des souffrances endurées a marqué leur
conscience collective. Le départ de Bismarck en 1890 facilite alors leur intégration progressive dans
l’Empire, mais il faut l’épreuve de la Grande Guerre pour qu’elle se réalise pleinement.
Entretien
Les mesures les plus dures furent appliquées en Prusse (qui représente 2/3 de la population).
Les autres foyers de militantisme libéral furent le Sud-Ouest et la Bavière (influence française).
De nombreuses associations catholiques florissaient alors, notamment une association à
laquelle Windthorst attachait une importance particulière, l’association Saint Augustin pour le
développement de la presse catholique.
L’association Saint Augustin s’acquitta d’une mission de coordination avec un triple objectif :
défendre le point de vue catholique, établir une collaboration entre organes catholiques, appuyer le
Zentrum.
Le seul mot d’ordre de Windthorst était « résistance passive ». Il avait continuellement mis les
catholiques en garde contre des actes illégaux, il n’y eut ni soulèvement violents, ni grève de l’impôt,
simplement ignorance de la législation contraire aux lois de l’Eglise.
Alors que les autres partis avaient un programme sectoriel avec un électorat au profil sociologique
déterminé, le Zentrum était un parti « transclasse ».
Le Kulturkampf favorisa la création de journaux catholiques.
Leur nombre passa de 126 en 1871 à 221 en 1881.
Groupe 1
Catalogne et « catalanisme » dans la deuxième moitié du 19e siècle
 Le « catalanisme » est vivace tout au long du XIXe siècle. Il se manifeste par ses sympathies
carlistes et débouche sur une farouche volonté d’autonomie culturelle et politique. Le réveil de la
culture catalane précède ainsi le réveil politique.
 L’identité collective se construit alors au sein d’un processus socio-historique. S’il existe un
territoire catalan depuis le Xe siècle, la revendication concernant la reconnaissance officielle d’une
identité catalane est contemporaine à celle que connurent d’autres « nationalités » au XIXe siècle.
 Dès lors, comment la Catalogne, qui est aujourd’hui une Communauté autonome espagnole, s’estelle construite en tant que « nation » ?
I La situation économique et politique de la Catalogne au milieu du XIXe siècle
1) Le territoire catalan
a – les ressources du territoire
b – la Catalogne comme « l’usine de l’Espagne » (J. Nadal)
2) Un contexte favorable à la demande d’autonomie
a – une puissance espagnole affaiblie
b – une politique centrale espagnole qui pousse à la contestation des régions
II La Renaissance culturelle
1) Le fondement d’une nation : la langue catalane
a – le développement du catalan
b – la question de la correction du catalan
2) Une transcription architecturale et technique
a – l’exposition universelle
b – l’architecture comme vecteur de mémoire
III Ce contexte nourrit un catalanisme politique
1) Les débuts du catalanisme politique
a – les facteurs de développement de ce catalanisme
b – les influences politiques
2) Le catalanisme comme force politique
a – la Lliga
b – l’évolution de la Lliga et la création de la Solidaridad Catalana
Bibliographie
M. Zimmermann, La Catalogne, Que sais-je ?, PUF, 1998
M-C Garcia, L’identité catalane, Analyse du processus de production de l’identité nationale en
Catalogne, Ed. L’Harmattan, 1998
La Catalogne est conquise au IIIe siècle av. J.-C. par les Carthaginois, ensuite par les
Romains, puis au Ve siècle apr. J-C par les Wisigoths qui donnent son nom à la région (Ghotalonia).
Elle est conquise par les Arabes en 712 puis par Charlemagne à la fin du VIIIe siècle. Elle profite alors
de l’affaiblissement de l’autorité carolingienne à la fin du Xe siècle pour acquérir le statut de comté
indépendant, puis résiste à l’avancée des Maures. En 1137, la Catalogne s’unit au royaume d’Aragon.
Les Catalans se lancent alors dans une politique d’expansion en Méditerranée et la région connaît un
grand développement économique et culturel. À l’extinction de la dynastie catalane d’Aragon (1410),
la Catalogne supporte difficilement l’autorité de la nouvelle dynastie castillane. Mais l’Espagne tourne
bientôt le dos à la Méditerranée pour s’engager dans la conquête coloniale de l’Amérique. Province
déchue, la Catalogne reste en retrait de l’aventure coloniale, mais ne cesse de développer son identité
et sa culture. Elle se révolte à plusieurs reprises, se rapproche de la France, mais est vaincue par la
politique centralisatrice de Madrid, qui lui ôte ses derniers privilèges en 1714.
Le « catalanisme » reste toutefois vivace. Il se manifeste par ses sympathies carlistes, puis débouche,
au XIXe siècle, sur une farouche volonté d’autonomie culturelle et politique. Le réveil de la culture
catalane précède le réveil politique.
Il nous faut ainsi analyser le processus de production de l’identité catalane. L’identité peut se
définir comme ce qui différencie un groupe d’un autre groupe mais aussi comme ce qui rassemble des
individus présentant des caractères communs. L’identité collective se construit alors au sein d’un
processus socio-historique. S’il existe un territoire catalan depuis le Xe siècle, la revendication
concernant la reconnaissance officielle d’une identité catalane est contemporaine à celle que connurent
d’autres « nationalités » au XIXe siècle. Dès lors, comment la Catalogne, qui est aujourd’hui une
Communauté autonome espagnole, s’est-elle construite en tant que « nation » ?
Après avoir posé le cadre économique et politique de la Catalogne au XIXe siècle, nous
verrons que la région est le théâtre d’un renouveau littéraire et culturel propice à la diffusion d’un
véritable « catalanisme ». Nous analyserons enfin comment ce renouveau culturel s’est transcrit sur le
plan politique, à travers les diverses formes de catalanisme politique, certaines étant liées à un réel
conservatisme, d’autres à une prise de conscience progressiste.
I La situation économique et politique de la Catalogne au milieu du XIXe siècle
1) Le territoire catalan
a – les ressources du territoire
Au XIXe siècle, l’Espagne accuse un retard technologique (une économie agraire archaïque,
une très faible industrialisation). La Catalogne fait ici figure d’exception. Depuis toujours par sa
position géographique, elle est un lieu de passage et d’échanges. La carence en matières premières est
contrée par l’abondance des voies d’eau, entraînant le développement d’un réseau industriel important
comme les filatures, les moulins, les usines à papier, et plus tard le développement de l’électricité.
b – la Catalogne comme « l’usine de l’Espagne » (J. Nadal)
A la fin du XVIIIe siècle, la Catalogne développe une industrie puissante à l’abri du
protectionnisme madrilène : industrie textile de qualité, mécanisation, nouvelles énergies (vapeur,
hydraulique). La logique capitaliste est poussée jusqu’au bout avec le développement d’un prolétariat
industriel mené par la bourgeoisie. Comme la Catalogne est la seule région industrialisée jusqu’en
1880, elle répand ses produits manufacturés sur tout le marché national espagnol.
C’est à sa puissance industrielle que la Catalogne doit l’essentiel de sa personnalité
économique. La puissance économique compense ainsi le défaut de puissance politique. En 1843, le
slogan « l’Espagne est la nation, la Catalogne est la patrie », est celui d’une bourgeoisie qui selon
Pierre Vilar veut « faire la nation espagnole par et pour l’industrie catalane ». Ce régionalisme
protectionniste rencontre donc des ambitions nationales, bridées par un pouvoir central archaïque.
Mais avec les pertes coloniales successives au XIXe siècle, et la politique libre-échangiste contraire
aux intérêts industriels catalans, celle-ci se replie sur elle-même et milite pour une réelle autonomie,
consciente de sa spécificité culturelle comme économique.
2) Un contexte favorable à la demande d’autonomie
a – une puissance espagnole affaiblie
Le premier coup dur porté au pouvoir central castillan est l’impact immense de la Révolution
française dans les esprits, et la guerre contre les troupes napoléoniennes. Loin d’unir les peuples en un
sentiment hispanique national, cette guerre leur permet de retourner à leurs particularismes régionaux
grâce à l’effondrement de la monarchie et de ses piliers, l’Eglise, l’administration, l’armée. Dans
chaque région se forment des gouvernements régionaux, les juntes : en Catalogne, c’est la Junta
superior del Principat.
La constitution libérale de 1812 est par la suite combattue avec force par les régimes qui lui
succèdent, malgré la grande instabilité politique. A la mort de Ferdinand VII en 1833 succède la
régence de Marie Christine pour sa fille, Isabelle II. Cela donne lieu aux protestations carlistes de 1833
à 1840, guerre civile au nom de Don Carlos, prétendant au trône. La régente est renversée en 1839 par
le pronunciamiento d’un général progressiste, Espartero, qui dirige jusqu’en 1843, pour laisser la place
à la jeune reine. En septembre 1868, les généraux Prim et Serrano favorisent un soulèvement
populaire, la Gloriosa, qui met fin au règne de la reine. Le « sexenio democratico » où se succèdent
progressistes, traditionalistes et démocrates aboutit sur la République en 1873. Sa chute en 1874
aboutit au retour de l’ancienne dynastie, avec la Restauration et les valeurs traditionnelles, sous
couvert d’une mascarade démocratique avec alternance au pouvoir des 2 grands partis conservateur et
libéral.
En 1898, la guerre EU/ Espagne débouche sur la défaite espagnole. Sa flotte est en effet
détruite par les EU, et elle perd notamment les Philippines et Porto Rico. Les conséquences en
Espagne sont une crise politique, et la nécessité de se penser comme une petite puissance européenne.
Dans ce contexte, la demande d’autonomie régionale apparaît comme une mise en cause de l’Etat
central espagnol.
b – une politique centrale espagnole qui pousse à la contestation des régions
Jusqu’au XVIIIe siècle, la monarchie est essentiellement préoccupée par les privilèges de
l’aristocratie castillane. La Catalogne pouvait donc conserver ses lois et ses institutions.
Avec l’arrivée de Philippe V, c’est le début d’une politique centralisatrice de
« castillanisation » qui, malgré quelques parenthèses historiques (Constitution libérale de 1812,
rétablie et abolie plusieurs fois, guerre carliste 1833-40), ne cessera plus d’être le but avoué des
dirigeants au pouvoir. Il s’agit d’assimiler tous les territoires, dans une intégration plus économique
que politique. Si cette ouverture du pouvoir central à l’apport de ses différentes régions n’a pas abouti
sur une nation cohérente, c’est parce qu’elle a porté atteinte aux traits les plus caractéristiques de
chaque peuple.
La centralisation rigide est même renforcée après les guerres napoléoniennes, sous l’influence
de l’idéologie centralisatrice jacobine. Les grands propriétaires terriens castillans voient d’un mauvais
œil la montée en puissance de la bourgeoisie industrielle catalane et tente d’entraver son
développement en la présentant comme responsable de la misère paysanne. Les bourgeois, soucieux de
conserver leur industrie, se plient temporairement à la politique madrilène, mais l’effervescence
romantique et nationaliste du XIXe siècle, la défaite de la Révolution de 68 et de la République en 73
réaniment plus que jamais la volonté d’une révolution bourgeoise catalane.
Les maladresses du pouvoir central encouragent plus que jamais à la révolte :
30 novembre 1833 : real decreto : division provinciale arbitraire et handicapante pour la
Catalogne, amputée d’une partie de son territoire
De 1840 à 1874, suite de pronunciamientos qui poussent les ouvriers à la révolte inachevée de
68.
Sur le plan linguistique, la loi Moyano (1857) rend l’enseignement primaire obligatoire en
espagnol exclusivement, sur tout le territoire. D’autres mesures sont prises dans les domaines du droit
(loi de procédure civile de 1855, loi notariale en 62, loi hypothécaire en 63), des finances (réformes de
Mon), ou de l’administration (création de la Guardia Civil en 44 par Narvaez), humiliant et
restreignant au maximum les particularités culturelles catalanes, de tradition libérale et pluraliste.
II La Renaissance culturelle
1) Le fondement d’une nation : la langue catalane
a – le développement du catalan
Le catalan est une langue romane qui provient de la lente évolution du latin parlé. L’Ode A la
patria d’Aribau (1833) est considérée comme le symbole majeur d’un renouveau de la catalanité
restée en sommeil pendant trois siècles. Le succès de l’industrialisation en Catalogne au 18e et 19e
siècles ayant permis l’apparition d’une bourgeoisie catalane riche et dès lors soucieuse de développer
une culture autochtone, la langue apparaît comme l’instrument par excellence de cette reconstruction.
Le romantisme européen, attaché à la résurrection des cultures nationales, n’est pas étranger à
la renaissance catalane. Des intellectuels catalans s’engagent dans une immense tâche qui les conduira
à exhumer et publier des documents d’archives, essentiellement d’ordre littéraire. Les journaux
publient des fragments de Ramon Llull, des poèmes d’Ausias March, des légendes et des contes restés
vivants dans la mémoire collective. La restauration des Joutes florales en 1859 est étroitement
associée aux activités de groupes passionnés de catalan littéraire (concours de poésie en catalan).
b – la question de la correction du catalan
Très vite se pose la question de la correction de cette langue, car il est impossible de restaurer
une culture sans une pratique langagière commune. D’où des querelles entre les érudits, partisans du
catalan littéraire médiéval, et ceux qui souhaitent écrire le catalan tel qu’on le parle alors, c’est-à-dire
plein de « castellanismes » (cf la loi Moyano).
Le catalanisme, assez conservateur jusque-là, découvre le progressisme avec Valenti Almirall,
tandis que la pratique du castillan s’associe fortement à une politique conservatrice. En ville,
l’accroissement du nombre des immigrants venus d’autres provinces d’Espagne (Murcie, Andalousie)
n’est pas sans susciter des frictions entre Catalans et non-Catalans.
La langue que parlent les pays catalans est désormais appelée català et non plus llemosi, terme
qui avait été utilisé au XIXe siècle pour désigner à la fois l’occitan et le catalan. Durant les premières
années du XXe siècle, les grammairiens s’attachent à codifier la langue. En 1906 se tient à Barcelone
un premier Congrès. Les normes orthographiques sont acceptées en 1913. La Mancomunicat de Prat
de la Riba, créée en 1914, marque un apogée de la culture catalane.
2) Une transcription architecturale et technique
a – l’exposition universelle
En 1888, la municipalité de Barcelone accueille une exposition universelle, ce qui permet
d’afficher un progrès scientifique et un programme politique.
Cette situation pousse Barcelone à se montrer comme une capitale moderne :
- avant-gardes urbaines, notamment architecturales, avec Gaudi (modern style, cf le Palais
Güell)
- faire la publicité de la ville, mobiliser les militants et leur donner un but à dimension
culturelle.
b – l’architecture comme vecteur de mémoire
Les rues ont des noms empruntés à la culture catalane : noms de militants qui se sont battus
pour la liberté de la Catalogne au M-A (Pau Claris), noms de vieilles institutions disparues de la
Catalogne indépendante.
Le monument au docteur Robert de 1901 est un lieu de mémoire barcelonais et catalan.
Le docteur Robert est le maire de la ville qui a permis à la fin du 19e de faire rentrer dans le
mouvement catalaniste le mouvement ouvrier (désobéissance civile pour les impôts). Une alliance se
forme entre le prolétariat urbain et les élites locales pour soutenir le docteur.
Le docteur Robert est le symbole de la nouvelle situation catalane : pour la 1e fois un député
revendique des autonomies pour la Catalogne.
Or le docteur Robert meurt en 1962 : il devient l’objet d’une vénération par les Catalans. Il faut
fabriquer du martyre à la cause catalane. Dès la pose de la 1e pierre, les manifestants défilent en
chantant en catalan.
III Ce contexte nourrit un catalanisme politique
1) Les débuts du catalanisme politique
a – les facteurs de développement de ce catalanisme
- La transformation économique récente accentue l’opposition déjà présente entre les provinces situées
sur la périphérie et celles de l’Espagne intérieure. Les catalans veulent tout d’abord sauvegarder les
intérêts locaux ou régionaux contre les empiètements du pouvoir central ; c’est de la montée du
centralisme madrilène que naît progressivement le régionalisme catalan.
Le catalanisme trouve également sa source dans une volonté de défense des intérêts économiques (la
Catalogne est une région particulièrement prospère comme vu en I ) mais aussi de sauvegarde d’une
originalité culturelle et linguistique mises en évidence en II.
La renaissance catalane jour un rôle considérable dans l’essor du catalanisme politique et dans la
formation d’une identité catalane.
- Francisco Ferrer apparaît comme un des porteurs du drapeau catalan, après avoir été fusillé. C’était
un défenseur du développement de l’éducation et plaidait pour un enseignement rationaliste, orienté
contre la religion (le bonheur par la raison). En 1909, au moment où éclatent des émeutes et des grèves
(notamment à Barcelone en faveur de la paix au Maroc où l’Espagne a envoyé des troupes) il apparaît
comme un agitateur. L’intervention des forces de l’ordre dans les émeutes aboutit à une véritable
guerre civile, dans laquelle l’Eglise est attaquée par le mouvement révolutionnaire. Ferrer est alors
arrêté et fusillé. Il apparaît ainsi comme le martyr de la cause démocratique espagnole, victime de la
réaction. Le catalanisme politique reprend certaines idées de Ferrer, et fait de lui un de ses symboles.
b – les influences politiques
- Le catalanisme ne s’exprime pas avant 1880 comme phénomène politique. Ses réactions anti
castillanes se placent, au gré des évènements, dans la contestation carliste ou démocratique,
contradiction profonde permettant toutes les interprétations.
Le mouvement catalan n’est pas encore une force puissante défendue par un parti politique aux
intentions claires et précise. Ainsi, dès le début, le régionalisme catalan se présente sous des apsects
divers, et même contradictoires.
- Un catalanisme de gauche se développe surtout à Barcelone et dans les villes ouvrières de la région ;
il y est influencé par les théories fédéralistes de Pi y Margall. Ainsi Almirall, un des initiateurs du
catalanisme politique, a un programme qui n’est pas séparatiste mais autonomiste : « Seul le système
régional, représenté par notre Renaissance catalane, peut être principe d’amélioration », écrit Almirall
dans l’introduction de L’Espagne telle qu’elle est.
Il affirme le premier la nécessité d’un véritable parti catalan. Il organise des réunions politiques, et
fonde en 1879 un journal, le Diari Catala, pour diffuser les idées de son groupe, qui prend en 1883 le
nom de Centre Catalan.
Mais il manque à ce parti un but précis et un programme. Almirall rédige en 1883 également le
Memorial de Agravidos. Il y affirme d’une double manière la personnalité catalane : d’abord en
défendant l’originalité du peuple catalan, groupe ethnique particulier par sa langue et par ses
institutions ; ensuite en soutenant le retour à une solution fédérale.
Pour que ce parti réussisse à s’imposer, il aurait fallu qu’il réunisse autour de lui la plus grande partie
des forces catalanes. Mais l’histoire du catalanisme de gauche n’est qu’une suite de scissions. C’est
ainsi que les intellectuels de la Renaixenca, dont l’activité avait préparé la fondation du Centre catalan,
se séparent de lui en 1887 pour fonder la Lliga de Catalunya.
- A droite, le mouvement ne présente guère plus d’unité, et il a encore plus de mal à se définir que le
catalanisme de gauche. Mais on peut du moins constater qu’il y a un lien profond entre le catalanisme
de droite et le carlisme, (par l’affirmation d’une diversité dans l’unité espagnole, qui permettrait à
Vazquez de Mella de retrouver dans la tradition espagnole les principes du fédéralisme = pas très
important mais à savoir à mon avis si questions)
Mais si les catalanistes modérés viennent d’horizons politiques différents, ils représentent toujours les
deux mêmes forces sociales : le patronat industriel et l’Eglise catalane. Mais la droite catalane est
surtout liée avec le conservatisme social et Son porte parole le plus connu, Mané y Flaquer.
L’idée de nation catalane demeure assez floue, et les tentatives politiques des catalans trop dispersées
pour avoir la moindre efficacité.
Mais le pas décisif est franchi quand Almirall demande l’établissement d’un parti catalan.
2) Le catalanisme comme force politique
a – la Liga
Il était vain de chercher des appuis à gauche pour la création de ce parti (gauche libérale
majoritairement centralisatrice et gauche ouvrière préoccupée davantage par l’amélioration de sa
conditions que par des revendications autonomistes).
Le premier unificateur des forces catalanes est donc un conservateur, un homme de la bourgeoisie
catholique et affairiste : Prat de la Riba. Ce dernier voulant arriver à une solution au problème catalan
par des voies légales, il entend créer un parti organisé et puissant : la Lliga est le résultat de la fusion
du Centre catalan avec une Union régionaliste, dont l’influence avait été jusqu’alors très modeste.
C’est un parti modéré, mais qui n’hésite plus à parler de nationalisme. Pour Prat de la Riba,
l’établissement d’une province autonome de Catalogne ne sera pas provoqué par le triomphe du
fédéralisme. Ainsi il y aura fédéralisme car c’est le seul moyen d’assurer la nécessaire indépendance
d’un Etat catalan. Il y a donc une inversion des conceptions.
Le programme, établi en 1892 dans un texte connu sous le nom de Bases de Manresa, réclame le
maintien ou le rétablissement des privilèges financiers que la tradition accordait à la Catalogne, mais il
demande également l’existence d’un Parlement catalan.
Ainsi constituée, la Lliga apparaît comme une force neuve, intransigeante dans ses principes, mais
désireuse dans le fond de trouver un terrain d’entente avec le gouvernement. Après 1898, des
régionalistes entrent même, mais pour peu de temps, au ministère constitué par Silvela.
b – l’évolution de la Lliga et la création de la Solidaridad Catalana
- Mais la Lliga ne parvient pas à montrer un front uni. Monarchistes et républicains y cohabitent
difficilement. A Barcelone il est presque impossible à ces conservateurs ( dont le plus marquant est
désormais Cambo) de s’imposer dans les quartiers ouvriers.
Un succès ne peut alors être remporté que par une conjonction de toutes les oppositions face à des
partis puissants. En 1906, les négociations aboutissent à la formation d’une coalition hétérogène,
baptisée (improprement) Solidaridad Catalana. Y entrent la Lliga (orientée à droite sous la direction
de Cambo), la Esquerra, plus favorable à la République, l’Union catalaniste, et , aux deux extrêmes,
les carlistes catalans et les républicains fédéralistes.
Ils définissent un Programme de Tivoli, qui réclame notamment l’instauration d’une large autonomie
administrative. Malgré l’insuffisance de ce programme et le caractère surprenant de certaines
alliances, la coalition rencontre un certain succès (41 députés sur 44) mais cette victoire est sans
lendemain. ( par d’orientation politique réelle).
- La Solidaridad disparue, les deux tendances fondamentalistes réapparaissent : celle de la Lliga, très
orientée à droite et celle qui réunit l’Esquerra et les républicains catalans sous un nouveau sigle : le
PUF (Parti de l’Union Fédéraliste). A la veille de la prise de pouvoir par les militaires, en 1923, la
Lliga semble être la force dominante de loin. Elle est plus réaliste que la gauche :à défaut de
l’autonomie, pour l’instant utopique, elle demande la création d’une mancomunidad, regroupant les
quatre députations provinciales de Catalogne en une seule, ce qui est fait par un décret royal en 1913.
ses attributions sont très limitées mais Cambo y voit une première étape vers l’autonomie.
Aujourd’hui comme naguère, la préoccupation majeure des Catalans est ainsi d’être reconnus.
La Catalogne a édifié son identité sur une différenciation économique, culturelle et politique à l’égard
du pouvoir central espagnol.
La Lliga regionalista, qui remporte un important succès électoral en 1901, est ensuite
discrédité par son soutien à la dictature de Primo de Rivera. Mais ce régime, malgré son
« anticatalanisme », ne parvient aucunement à saper le prestige du catalan. C’est la victoire de
Franco en 1939 qui marque un tournant très négatif : l’usage du catalan est officiellement interdit et
tous les lieux sont débaptisés. Ainsi, Franco supprime tous les monuments au catalanisme, comme le
monument au docteur Robert. En 1981, ce monument, de nouveau édifié, marquera alors la
renaissance du catalanisme. D’un point de vue politique, il faudra attendre les élections de générales
du 1er mars 1979 et les élections municipales du 3 avril pour que la vie politique catalane s’enracine.
Annexes
Les carlistes
Les carlistes sont les partisans de don Carlos de Bourbon, infant d'Espagne, prétendant à la succession
au trône après la mort du roi Ferdinand VII en 1833, dont les revendications traditionalistes
marquèrent l'histoire de l'Espagne durant les XIXe et XXe siècles. En 1830, Ferdinand VII avait
abrogé la loi salique afin de permettre à sa fille, Isabelle II, de régner après lui. Son frère, don Carlos,
lésé par cette décision, contesta les droits à la succession d'Isabelle après la mort du souverain, en
1833, et se fit proclamer roi par ses partisans, sous le nom de Charles V. Les carlistes, opposés à la
monarchie constitutionnelle et centralisatrice, trouvèrent l'appui des catholiques traditionalistes et des
populations basques, navarraises et catalanes, aspirant à l'autonomie.
L’après 1914
Un nouveau parti catalan de gauche, l’Esquerra republicana, remporte les élections municipales d’avril
1931 et proclame la « République catalane ». En 1932, après la chute du roi Alfonse XIII, celle-ci
obtient un statut d’autonomie politique au sein de la IIe République espagnole. Au cours de la guerre
civile d’Espagne, la Catalogne, dominée par les forces de gauche, est un des principaux bastions
républicains dans la lutte contre le franquisme. Barcelone, prise le 26 janvier 1939, est l’une des
dernières villes à tomber aux mains des partisans du général Francisco Franco. Sous le régime
dictatorial de Franco (1939-1975), la Catalogne perd son statut d’autonomie. Mais, en 1977, le
nouveau gouvernement espagnol accorde aux provinces catalanes une autonomie restreinte et autorise
le rétablissement de la Generalitat, assemblée politique historique de la Catalogne, à la fois conseil de
l’exécutif et assemblée législative, dont les membres sont élus pour quatre ans.
La Communauté autonome de Catalogne est créée en 1978, alors qu’un système semi-fédéral est mis
en place par la nouvelle Constitution. Dotée d’un parlement et d’un gouvernement régional, elle
obtient, en 1979, un statut de « grande autonomie », comme la Galice et les Provinces basques.
L’entrée de l’Espagne dans l’Union européenne en 1982 a fortement stimulé l’économie de la région.
Le dynamisme de la ville de Barcelone a été consacré en 1992 par l’organisation des Jeux
Olympiques.
La Generalitat a été gouvernée depuis 1979 par des régionalistes de centre-droit, la coalition
Convergence et Union (CiU) de Jordi Pujol. S’attachant à renforcer les pouvoirs politiques de la
province, ils ont également joué un rôle important au niveau national, notamment depuis 1996, où ils
ont constitué une force d’appoint au Parti populaire du Premier ministre, José Maria Aznar. Ainsi ontils obtenu en échange de leur soutien au gouvernement de Madrid un certain nombre de mesures
renforçant l’autonomie de la Catalogne. Votée en décembre 1997 par le parlement catalan, une loi
étendant l’usage de la langue catalane à l’administration, au commerce, à l’audiovisuel et au cinéma a
provoqué de vives tensions entre la CiU et le Parti populaire.
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