Conférence no 5 (5 février 2007) FRENCH 3H03 Linguistique Générale II Dr. Alexandre Sevigny Brousseau / Roberge, Chapitre 5 1. Introduction - il existent des liens entre le lexique, la structure-D et la structure-S - il nous faut un principe pour régler la formation des structures syntaxiques bienformées: le principe de projection - le principe de projection nous force à postuler l’existence de catégories vides. 2. Le principe de projection Laurent aime Élise. - est grammaticale en partie parce que le verbe aimer est un verbe transitif – il peut assigner un cas (acc) au N’’ Elise, son objet direct une propriété lexicale avec une entrée: aimer: V /me/ [ _ N’’] (,) * Laurent aime - cette phrase est agrammaticale mais nous n’avons pas de principe formel pour expliquer cette agrammaticalité pas une violation de : la condition des cas; la condition du liage ce sont les propriétés lexicales du mot aimer qui contaignent la grammaticalité * Sophie a mangés soupe dans - le mot dans aurait l’entrée lexicale: dans - /d/ [ _ N’’] () ici la préposition demande un complément nous pouvons maintenant formaliser le lien qui existe entre le lexiqe et la structure-D, à l’aide du principe de projection Principe de projection: les représentations syntaxiques doivent refléter les propriétés lexicales des éléments qui les composent * Laurent aime * Benoît est parti Louis * Sophie a mangé sa soupe dans - Toutes ces phrases violent le principe de projection – les propriétés lexicales de tous les éléments ne sont pas respectées 3. Le principe de projection et les structures-S - le passage du lexique à la structure-D est contraint par le principe de projection aussi le le passage de la structure-D à la structure-S doit aussi obéir au principe de projection Jean pense que Paul a vu Marie - cette phrase respecte toutes les propriétés lexicales des éléments qui la composent penser V /penser/ [_ C’’ ou N’’ ou P’’] (,) - mais pourquoi ne pouvons nous pas faire une transformation de la phrase pour déplacer Marie dans une position après le verbe penser: * Jean pense Marie que Paul a vu - le principe de projection explique l’agrammaticalité = l’entrée lexicale du verbe penser n’est pas reflétée dans la structure-S résultant de l’application de la transformation. Le verbe penser aurait donc deux compléments [ _ N’’ C’’] – ce qui n’est pas permis par son entrée lexicale 4. Les catégories vides - la théorie X-barre, Déplacer-alpha et les théories des cas/théta ont rendu la grammaire beaucoup plus abstraite l’existence du principe de projection conjointement avec la théorie du liage permet un autre niveau d’abstraction dans la théorie syntaxique la conjonction de ce principe avec cette théorie nécessite la création de catégories vides, c’est-à-dire des éléments qui n’ont pas de forme phonétique 4.1 Problématique Qui Jean a-t-il rencontré hier? Deux questions se posent: Première question: Qu’est-ce que le principe de projection et les propriété lexicales du verbe rencontrer demandent? - ce verbe demande un objet direct et donc la phrase suivante est exclue par le principe de projection: * Jean a rencontré hier Deuxième question: Comment est-ce qu’on peut interpréter la phrase interrogative? - l’objet de rencontrer serait un N’’, peut-être un nom propre mais pourquoi est-ce que cette interprétation est-elle nécessaire? o On ne pourra pas interpréter ce N’’ comme la personne qui a présenté à Jean une autre personne qu’il a rencontrée hier! La réponse à nos deux question: - le pronom interrogatif de la phrase interrogative correspond à l’objet de rencontrer - ainsi le principe de projection est respecté puisque: o le verbe a un objet o l’interprétation de la réponse à l’interroative est ainsi directement reliée au pronom interrogatif et indirectemen à l’objet de rencontrer - Nou pouvons applique le même raisonnement à tous les cas où Déplacer-alpha s’applique Le devoir a été fait - faire exige un complément d’objet direct qui n’est pas là le sujet le devoir représente l’objet de faire Maintenant il nous faut un système formel pour intégrer ces intuitions dans la grammaire. 5. Déplacer-alpha et interprétation - les exemple que nous avons vu plus haut impliquent que les applications de Déplacer-alpha sont conservées en mémoire Qui Jean a-t-il rencontré hier? Le pronom interrogatif a été déplacé de la position d’objet direct du verbe vers la position Spec C’’: [C’’ [I’’ Jean a rencontré [qui] hier ]] La phrase passive est pareille: Le devoir a été fait. L’objet de faire a été déplacé dans la position sujet: a été fait [le devoir] - le problème principal est que la structure-S de ces phrases ne donne aucune indication quant à l’origine des éléments déplacés – juste leur point de chute est indiqué - Notre solution: un élément déplacé laisse une trace dans la position qu’il occupait avant le déplacement - Les deux choses: l’élément et sa trace sont coindicés Structure-D: Structure-S: Jean a rencontré [qui] hier [Qui]i Jean a-t-il rencontré ti hier Structure-D: Structure-S: _ a été fait [le devoir] [le devoir]i a été fait ti - le rôle joué par les traces ici est: o d’assurer que le principe de projection soit respecté puisque les deux verbes ont un objet direct o faire en sore que le pronom interrogatif et le sujet de la phrase passive soient tous deux interprétés comme objet direct 6. Théorie du liage et catégories vides - nous pouvons redéfinir la théorie du liage à l’aide des traits: o [+/- pronominal] o [+/- anaphorique] - Ce système offre 4 combinaisons possibles: + anaphorique - pronominal anaphores: se, elle-même, etc. - anaphorique + pronominal pronoms: elle, lui, le, etc. - anaphorique - pronominal expressions référentielles: Marie, la licorne, le chat, etc. + anaphorique + pronominal ? ? ? - la combinaison [+ anaphorique, + pronominal] ne peut correspondre à aucun type d’élément nominal parce qu’il devrait être lié et libre dans sa cat´gorie gouvernant puisqu’il serait anaphore et pronom - les catégories vides se regroupent en différents types: - la trace d’un N’’ se comporte comme un élément anaphorique: [Le voleur]i a été vu ti. - la trace doit obligatoirement être liée par le N’’ le voleur * Louisi pense que le voleur a été vu ti - l’agrammaticalité de cette phrase prouve qu la trace doit nécessairement être liée dans sa catégorie gouvernante. La trace objet de voir est liée par Louis – donc la condition A du liage est violée Une trace de N’’ est [+ anaphorique, - pronominal] Les traces de mots QU, de leur côté, ne sont pas liées, elles se comportent comme des expressions référentielles mais à référence variable Quii [I’’ Louis a-t-il attrapé ti ] - la trace n’est liée à rien dans sa catégorie gouvernante (I’’). même si le mot QU lui est coindicé, celui-ci ne se trouve pas dans une position A’ Une trace de mot QU’ est [- anaphorique, - pronominal] - la combinaison [- anaphorique, + pronominal] correspondrait à un élément pronominal vide - les langues romanes, telle l’italien, permettent que le sujet soit facultatif: parlo italiano molto male Io parlo italiano molto male Ceci ne marche pas en anglais: speak English badly I speak English badly - l’élément vide en quesiton est un pronom, on le représent par pro dans une phrase comme celle en italien: pro parlo italiano molto male Ainsi: Pro est [- anaphorique, + pronominal] - nous avons rejeté la combinaison [+anaphorique, +pronominal] pour les N’’ ayant un contenu phonétique parce que: o ceci représente un conflit pour les conditions du liage: un élément ne peut pas être en même temps anaphorique et pronominal un élément ne peut pas être en même temps libre et lié dans sa catégorie gouvernante - la seule façon de régler ce conflit est que l’élément n’ait pas de catégorie gouvernante! - Pour qu’un élément n’ait pas de catégorie gouvernante: o Il doit se trouver dans une position non-gouvernée o Celle de sujet d’une proposition infinitive qui contient donc un I marqué [-T]: J’aimerais bien [I’’ [I -T] aller en vacances] - cette position n’est pas occupée par un constituant ayant un contenu phonétique: elle est vide le sujet d’une proposition infinitive est occupé par une catégorie vide qui est anaphorique et pronominale: on appelle cette catégorie PRO: J’aimerais bien [I’’ PRO aller en vacances] PRO est [+anaphorique, +prononominal] * J’aimerais bien [I’’ Marie aller en vacances] - cette phrase n’est pas grammaticale Notre tableau final: - + anaphorique - pronominal traces de N’’ - anaphorique + pronominal ? - anaphorique - pronominal traces de QU + anaphorique + pronominal ? ? ? ? ? 7. En résumé le principe de projection force la grammaire à respecter les propriétés lexicales des éléments qui composent les représentations syntaxiques o ce principe s’applique à tous les niveaux de représentation o le principe, couplé aux théories du liage et du gouvernement prédit l’existence de quatre types différents de catégories vides - l’existence de catégories vides démontre bien le niveau d’abstraction nécessaire dans l’analyse syntaxique du français ainsi que la complexité du système que les enfants doivent internaliser Lexique X-barre Structure-D | Déplacer- | Structure-S FP Théorie thématique; Théorie du gouvernement Théorie des cas; Théorie du liage FL Principe de projection