L’HISTOIRE DE LA LANGUE FRANCAISE Sur toute l’étendue de l’empire romain, de nombreuses langues étaient usitées ; cela allait du gaulois de la Gaulle transalpine jusqu’à l’araméen de la Palestine. Néanmoins, deux langues « internationales » recouvraient ces langues et de fait la plupart des habitants étaient bilingues. En Orient, on parlait le grec commun, la Koinê, langue devenue internationale à l’époque hellénistique (IVe siècle av. J-C). Elle était parlée dans toutes les classes de la société et c’est dans ce grec commun que furent écrits les textes fondateurs du christianisme. En Occident régnait le latin parlé. C’était celui des fonctionnaires, militaires et civils de l’Empire, des commerçants et des aristocrates locaux. A partir du IIe siècle, le latin sera aussi la langue de l’évangélisation. Jusqu’aux grandes invasions (à partir des IIIe et IVe siècles), la Romania, qui désigne l’ensemble des territoires où l’on parle latin, connaît une évolution linguistique relativement homogène. La chute de l’empire d’Occident par contre va accroître les divergences et ouvrir la voie à la naissance des langues romanes. On appelle langues romanes les langues qui ont le latin pour langue mère (roumain, les dialectes dalmates, le rhéto-roman (qui existe encore en Suisse, au Tyrol et au nord de la Lombardie), les dialectes italiens, l’italien standard, les dialectes sardes, le corse, le castillan, les dialectes espagnols, l’espagnol standard, le portugais, le catalan, l’ensemble des parlés appelés franco-provençal, les dialectes de la langue d’Oc (oui au Sud de la France : gascon, limousin, auvergnat, languedocien, provençal) et ceux de la langues d’Oïl (Nord de la France : picard, normand, champenois, lorrain, francien, gallo-angevin, poitevin, berrichon, bourguignon), puis le français). I- Du latin à l’ancien français La première grande étape est la conquête de la Gaulle par Jules César de 58 à 52 av. J-C. Contrairement à ce que disent les livres scolaires depuis 1867, nos ancêtres ne sont pas exactement les gaulois. Ceux-ci ne sont surtout pas à la base de notre langue puisque le gaulois est une langue celtique et le français une langue romane. Qui plus est, les celtes ou gaulois qui ont envahis le territoire entre 700 et 500 av. J-C ne furent pas les premiers à s’y installer. Il y avait d’autres populations, comme les ligures en Provence, les Ibères dans le Languedoc, et les Aquitains dans le Sud-ouest. Ces trois peuples n’étaient pas de langue indo-européenne. Quant à la langue gauloise, on la connaît très mal car les druides, gardiens de la religion, se refusaient à transmettre leur savoir par écrit. A ce jour, il n’y a qu’une soixantaine d’inscriptions découvertes dont une à Coligny dans l’Ain en 1897. Quant à la langue gauloise, elle a disparu au VIe siècle en nous laissant quelque noms de villes et les mots ayant trait à la ruralité (ex : Lugdunum, qui vient du gaulois et qui veut dire « la forteresse de Lug », Lug étant le dieu des arts et métiers). A partir du Ier siècle (apr. J-C) et jusqu’au IVe siècle, le latin, d’abord pratiqué dans les villes gauloises sous domination, gagne les campagnes et entraîne la disparition des dialectes celtiques, et même si ce latin parlé est bien différent du latin classique, il devient un profond principe d’unité puisqu’il est la langue de la civilisation romaine et de la religion chrétienne. Du IIIe au Ve siècle ont lieu les invasions burgondes et franques. Les francs, dont le nom signifie fier, hardi, libre, s’installent au Nord de la Gaulle et bien que Clovis se fasse baptisé en 496, les Francs conservent leur langue, le francique issu des langues germaniques. Ainsi pendant cinq siècles, les chefs mérovingiens puis carolingiens resteront plus ou moins bilingues. Cela va entraîner une évolution rapide de la langue parlée dans le Nord de la Gaulle alors que le Sud restera très proche du latin. Cette scission entre les langues d’Oïl et d’Oc s’affirmera du Ve au Xe siècle alors qu’un latin écrit de médiocre qualité se maintiendra sur le territoire d’oïl. A partir du Ve siècle, des peuples bretons chassés d’Angleterre par les angles et les saxons viennent se réfugier en Armorique. Ils sont à l’origine du breton parlé en petite Bretagne, la Bretagne française. Sur le flan opposé pénètrent les Vandales, les Alains et les Suèves qui vont ravager la Gaulle suivis par les Alamants qui avaient déjà effectué plusieurs raids au IIIe siècle. Les Burgondes vont s’installer en Savoie et dans la vallée du Rhône alors que les Wisigoths s’établissent en Aquitaine et les Francs sur l’ensemble du territoire. Quant aux hordes d’Attila, elles seront arrêtées par les Romains d’Aetius, les Wisigoths de Théodoric et les Francs de Mérovée en 451 dans les champs Catalauniques (près de Chalon sur Marne). Entre le Ve et le VIIIe siècle, les Francs vont s’implanter et imposer leur culture a tel point qu’au VIIIe siècle, le vieux nom de Gallia devient Francia, le pays des Francs. Toutefois, les autres populations vont elles aussi demeurer sur les territoires envahis et on va assister à une intrusion des armés musulmanes jusqu’à Poitiers où elles seront repoussées par Charles Martel en 732. Au IXe siècle, Charlemagne va réformer l’administration et l’enseignement tout en imposant un latin de meilleure qualité. Par conséquent, un abîme va se creuser entre la langue officielle et la langue parlée à tel point que le concile (assemblée des évêques) de Tours ordonne au clergé de prêcher en langue courante que l’on appelle ligua romana rustica, c'est-à-dire la langue rustique romane qui réunissait l’ensemble des dialectes appartenant au roman. Il faudra attendre 842 pour avoir le 1er texte roman écrit de notre histoire. Il s’agit des Serments de Strasbourg, traité qui implique les trois petits fils de Charlemagne, où Louis jure en germanique et Charles en roman de se prêter assistance contre leur frère Lothaire. Finalement, les trois frères se réconcilient en 843 et vont se partager l’empire mettant fin à son unité politique et aussi à toute chance d’évolution linguistique convergente. La Francia Orientalis de Louis II le Germanique va devenir le royaume de Germanie. La Francia Occidentalis de Charles le Chauve va devenir la France. Entre les deux s’étend de la Méditerranée à la Mer du Nord la Francia Media de Lothaire Ier qui va se disloquer en mois d’un demi-siècle. Pendant ce temps, dans le nord de la France voient se multiplier les incursions des Vikings venus de Scandinavie alors que dans le sud s’établissent les Sarrasins (Afrique du Nord, maures). Au cours du IXe siècle, beaucoup de pirates Vikings vont choisir de s’établir en Normandie où ils vont romaniser progressivement leur parlé germanique, puis exporteront le Roman sur les terres de leurs conquêtes qui furent la Sicile, et en 1066 l’Angleterre. En effet, l’anglais moderne est né de la rencontre du saxon issu des langues germaniques et du roman des hommes de Guillaume le Conquérant. Le Xe siècle est marqué en ses débuts, comme toute la période du Moyen Age, par le morcellement linguistique a tel point que chaque région possède son dialecte. Cela s’explique par le fait que la vie était régie par les relations chevaleresques du vassal à son suzerain et qu’elle s’organisait sur la terre du seigneur autour du château. Chaque fief généralement éloigné des autres vivait replié sur lui-même et pratiquait son propre dialecte. Seules les villes de marché, avec leurs foires, drainaient des populations diverses qui devaient adapter leur langue pour se comprendre, empêchant ainsi les différences de se creuser. Parmi tous ces dialectes, il existait le François qui allait connaître en 987 un événement capital : l’avènement de Hugues Capet qui a été élu Roi pas les grands du royaume et soutenu par l’Eglise. Or Hugues Capet était aussi Duc de France (l’île de France actuelle), un domaine réduit qu’il va bien sûr agrandir et à partir duquel il va propager son dialecte, le François. Ce dialecte va s’étendre rapidement sur toute la France grâce au commerce fluvial puisque Paris est situé à proximité du confluent de trois cours d’eau importants : la Seine, la Marne et l’Oise. Le dialecte va aussi se répandre grâce à un mouvement littéraire soutenu par la Cour qui s’exprime surtout au travers des chansons de geste qui sont de longs poèmes épiques chantés par les jongleurs qui exaltent les exploits des preux chevaliers. Toutefois en parallèle, les invasions continuent avec les Magyar venus d’Ukraine qui vont atteindre la Champagne, la Brie et la Bourgogne. Parallèlement, d’autres textes littéraires vont voir le jour marqués par d’autres dialectes comme des poèmes liturgiques telle la séquence de Sainte Eulalie écrite en Wallon et émaillée de traits Picards. Viendront ensuite au XIe siècle la chanson de Roland connue pour être le plus ancien texte en anglo-normand puis de nombreuses œuvres littéraires émaillées de traits dialecto ou de langue d’Oc, tel Lancelot et Perceval de chrétien de Troyes qui vont se répandre sur tout le territoire grâce au roman courtois (il explique, comme son nom l’indique, des sentiments délicats mais aussi des raffinements). Ce sont des histoires d’amour que les poètes, les troubadours dans le sud, ou les trouvères dans le nord récitent aux dames restées seules pendant que leurs maris étaient en croisade. Parallèlement à cet essor, il était de bon ton jusqu’au XIIIe siècle de parler le François. Progressivement, les conséquences de ces tribulations historiques vont porter sur la grammaire. On va en effet passer du latin au français, c'est-à-dire d’une langue synthétique (de déclinaisons où la fonction est inscrite dans le mot) à une langue analytique (les fonctions sont liées à la position du mot dans la phrase). C’est aussi à cette période que vont naître les articles et que se renforceront les possessifs. C’est aussi véritablement à cette époque que l’on va prendre conscience de la richesse des apports en langues étrangères, notamment les mots d’origine germanique qui vont être recensés à plus de 400 et qui soulignent l’importance de ce peuple sur le territoire mais aussi sa manière de vivre. On leur doit aussi le « h » aspiré français qui venait de leur façon de prononcer les mots (haïr, hameau, la hanche, la harangue, honnir, la huche). On leur doit aussi certains toponymes (noms de lieux) où l’adjectif précède le nom, ce qui était de rigueur dans leur langue (Francheville : Francs, Villefranche : latin ; Neuville : Francs, Villeneuve : latin). On leur doit aussi des noms propres et plus particulièrement des prénoms (Bernard, Charles, Henri, Louis, Roland). On va aussi emprunter des mots aux Normands (issus des Vikings, Normandie) presque tout le vocabulaire maritime : agrès, arrimer, bâbord, bord, cingler, crevette, crique, hauban (un des mâts du bateau), hisser, la hune (coque d’observation en haut du mât), marsouin, le varech… Il faudra attendre quelques siècles pour que se manifestent d’autres apports linguistiques étrangers et plus particulièrement durant la période qui sépare le moyen français du français moderne. II- De l’ancien français au français moderne Dès le XIIIe siècle, le français de Paris se diffuse dans toutes les provinces par la voie de l’administration royale. Ainsi vont disparaître progressivement dans les écrits administratifs et littéraires les traits dialectaux. Cependant, notre langue va continuer à s’enrichir des diverses langues de son territoire. Tout d’abord, on va emprunter à la langue d’Oc les mots abeille, cigale, cigogne, dague, dorade, fiole, radeau et on va beaucoup emprunter de mots à l’arabe, surtout entre le IXe et le XVe siècle qui vont venir par d’autres langues, notamment l’italien, le provençal, le portugais ou encore l’espagnol. On leur doit notamment alambic, alchimie, alcool, algèbre, almana, algarade, cafard, café, caïd, coton, couscous, échec, élixir, gazelle, goudron, guitare, laquais, hasard, jupe, magasin, musc, nacre, momie, nénuphar, sirop, sucre, talisman, tasse, zénith, zéro… Pendant la période du moyen français, on va emprunter des mots nouveaux au latin, essentiellement dans le but d’enrichir le vocabulaire savant des sciences, de la communication ou encore de la philosophie : cartilage, césure, dividende, exact, exorde, inversion, membrane, préfecture, progression, quotient, secteur… Comme le latin a beaucoup emprunté au grec, on va directement, emprunter à cette langue : acoustique, acrobate, démocratie, épiderme, épithète, hexagone, hygiène, hyperbole, hypoténuse, hypothèse, isocèle, larynx, lyrique, métallurgie, métamorphose, parallélogramme, sympathie, tropique… Au XVIe siècle, l’ordonnance de Villers-Cotterêts en 1539 prise par François Ier va imposer l’usage du français pour tous les actes juridiques. A partir de ce moment, l’administration des provinces de langue d’Oc sera francisée. C’est à cette époque que les chrétiens de confession réformée traduisent la Bible en français et que les écrivains de la Renaissance participent à la « défense et illustration de la langue française » qui est le titre d’un manifeste collectif publié par Du Bellay. Ils vont pour la défendre remonter aux sources de la langue, c'est-à-dire du latin et ils découvrent que le fond originel du lexique français est le latin vulgaire (courant) et que le gallo-roman s’est éloigné du latin classique. Ils vont alors emprunter au dictionnaire de latin classique des mots savants qui viendront doubler en quelque sorte les termes existants ; on les appellera les doublets. Exemple : Fragile (langue savante) Fragilem Frêle (langue populaire) La Renaissance désigne aussi une période de l’histoire de la civilisation occidentale où s’opère une redécouverte de l’Antiquité sur le plan philosophique et artistique. Cette restauration des valeurs antiques avait déjà été amorcée au IXe siècle par Charlemagne mais les conditions économiques et politiques s’y étaient déjà opposées. Ce n’est qu’au XIVe siècle qu’elles se trouveront réunies en Italie où les structures urbaines et le développement du commerce permettent l’élimination des relations de vassalité et la propagation de la langue italienne aidée vers 1440 par l’invention de l’imprimerie pas Gutenberg. En France, l’italien va venir avec deux reines : Catherine de Médicis qui épouse Henri II en 1533 et sera régente de 1560 à 1580 puis Marie de Médicis qui épouse Henri IV en 1600 et qui deviendra régente de 1610 à 1630. Avec elles, elles vont apporter un afflux de vocabulaire concernant le domaine de la guerre, des arts, de la vie quotidienne et de la cuisine. Grâce à elles, les manières seront plus raffinées à table ; elles ont introduit la fourchette. On va aussi séparer les plats salés des plats sucrés et organiser les repas en véritables cérémonies. On doit à l’italien beaucoup de mots : s’accaparer, agrume, alarme, alerte, attaquer, babiole, bagne, bandit, bisbille (désaccord, querelle), bistouri, bombe, brigand, caleçon, canon, capeline, caporal, cartouche, cavalier, citadelle, colonel, costume, embuscade, escadron, escarpin, escorte, escroquer, espion, estocade, fantassin, filigrane, figurine, frangipane, frasque, gélatine, gouache, grotesque, infanterie, pédant, pistolet, perruque, pantoufle, populace, pommade, représailles, révolte, rufian, saccager, semoule, sentinelle, soldat, supercherie, vermicelle… On leur doit aussi tout ce qui a un rapport avec la banque : banque, banqueroute, bilan, crédit, faillite… On leur doit également un raffinement dans les mœurs, les arts et la décoration : arcade, balcon, belvédère, cantilène, carnaval, corniche, corridor, façade, fresque, guirlande, madrigal, mosaïque, opéra, politesse, sonnet… A cette même époque, on a emprunté aussi à l’allemand arquebuse, butin, halte, à l’espagnol camarade, casque, au portugais acajou, bambou, caravelle, cobra, aux langues américaines cacao, caïman, coca, hamac, maïs. Au XVIIe siècle, il y a la fondation de l’académie française par Richelieu en 1635. Les grammairiens et les auteurs vont tendre vers un usage épuré de la langue, le « bon-usage ». En parallèle, l’influence et le prestige de la France, de ses auteurs comme de ses manufactures font que le français devient la langue de l’Europe cultivée. Le 8 mai 1673, les Académiciens prennent la décision d’adopter une orthographe unique, obligatoire pour eux-mêmes et le public. Toutefois, sur le territoire, les parlés et les langues régionales continuent à être très vivants à tel point qu’on a toujours du mal à se faire comprendre d’une région à une autre. L’Académie va quant à elle continuer à épurer la langue et à n’en retenir que les mots de « l’honnête homme ». Elle écarte ainsi les mots anciens, les mots bas (bourgeois et populaires) ainsi que les termes trop techniques et trop savants. C’est au moment où la langue française domine l’Europe qu’elle est la plus pauvre. De ce phénomène de rejet académique va naître la préciosité qui avait pour but de dérober aux chastes oreilles la réalité du monde par l’intermédiaire des périphrases (ex : la perruque s’appelait la jeunesse des vieillards). Il est bien évident que durant ce siècle on a très peu emprunté aux autres langues. Les emprunts, même s’ils sont très rares, sont faits à l’allemand (humanisme, choucroute, nouille, sabre, à l’espagnol (caramel, chocolat, romance), au portugais (banane), à l’anglais (comité, dock, paquebot, rhum). On va aussi employer un vocabulaire exotique dû au mariage de Louis XIII avec Anne d’Autriche, fille du Roi d’Espagne Philippe III. Ce mariage va permettre à la France d’élargir son commerce maritime en suivant la voie des espagnols et des portugais. C’est à la suite de ce mariage qu’on va emprunter au Nahuatl les mots cacao, cacahuète, tomate, au Quechua (Pérou) les mots alpaga, pampa, vigogne, à l’Arawak (Antilles) iguane, ouragan, savane, au Tupi (Brésil) acajou, ananas, tapioca, au Tamoule (Inde) cachou, cari (curry), mangue, au Chinois le typhon, au Malais bambou, jonque. Au XVIIIe siècle, et plus précisément en 1714, le français supplante le latin comme langue de la diplomatie avec le traité de Rastadt mais déjà l’anglais lui conteste cette suprématie en profitant du prestige de ses savants, de ses philosophes, de ses institutions politiques et de son développement économique. C’est aussi à cette époque que le royaume du Canada et la Louisiane sont perdus par la France suite à des revers militaires et politiques. A la veille de la Révolution, les anciens dialectes sont encore très vivants dans l’usage oral mais celle-ci va très vite entreprendre une politique active de francisation à leur détriment. Puisque l’unité du pays n’était plus assurée par personne, le Roi ayant été décapité, il fallut trouver un autre symbole de ralliement des français. Les révolutionnaires choisirent de rallier le peuple autour de la patrie et de la langue. Afin d’imposer les idées de la République une et indivisible, ils décidèrent de bannir les dialectes ressentis comme des foyers d’opposition politiques et linguistiques. Afin que cette harmonie se fasse, ils demandèrent à l’abbé Grégoire en 1790 de faire une enquête approfondie afin de connaitre le nombre et l’étendue de ces patois dans tout le pays. L’enquête dure de 1790 à 1791 et lui permet de conclure que 6 millions au moins de français, surtout dans les campagnes, ignorent la langue nationale, que 6 autres millions ne sont pas capables de soutenir une conversation suivie dans cette langue et que seuls 3 millions la parle correctement. Même si l’abbé Grégoire ne comptabilisa pas les femmes et les enfants, on peut penser que seuls 12 français sur 100 parlaient français correctement et seulement 1 sur 4 le comprenaient. Dans ces conditions, il était bien difficile aux révolutionnaires de faire passer leurs idées et de les imposer dans toute la France. Pour faire en sorte que tout le monde comprenne et respecte la politique imposée par l’Etat, les révolutionnaires vont rendre obligatoire la présence d’école dans chaque village et imposer l’école obligatoire pour tous. C’est donc en 1791 qu’apparait l’enseignement primaire. Seulement il est bien évident que ce projet va s’opposer au petit nombre d’enseignant. C’est pourquoi ils vont décider de créer les écoles normales afin de former les maîtres tant du point de vue de la langue que du point de vue politique. L’école normale a été créée en 1794 pour les garçons ; elle ne sera autorisée aux filles qu’en 1891. Toutefois, si le français est obligatoire dans l’enseignement, l’université va rester fidèle au latin ; jusqu’en 1905, les facultés des lettres vont imposer à leurs étudiants une thèse en latin et une thèse en français. Les révolutionnaires vont aussi revenir au sens étymologique des mots. Par exemple, le mot accident va désigner un sort heureux ou malheureux ; le verbe émouvoir signifiait mettre en mouvement ; fatal signifiait fixé par le destin ; l’industrie : habileté, ruse ; injure : injustice… Les efforts des révolutionnaires vont montrer une augmentation considérable de gens parlant français entre 1789 et 1815. Toutefois, on parle encore patois au XIXe siècle dans la plupart des circonstances de la vie quotidienne, ce qui entraîne le bilinguisme de la population. C’est en 1832 que Guizot organise les écoles primaires telles qu’on les connait aujourd’hui et en 1835 que paraît la 6e édition du dictionnaire de l’académie qui imposera une orthographe commune et obligatoire dans tous les examens, dans tous les actes administratifs et pour tous les emplois publics. Mais ce sera Jules Ferry qui entre 1880 et 1886 instaurera l’école laïque, gratuite et obligatoire, ce qui parachèvera l’unité linguistique. A noter que dès la fin du XIXe siècle, les maîtres ont l’obligation de punir sévèrement y compris pas des châtiments corporels l’usage du patois par leurs élèves y compris dans les cours de récréation. A l’heure actuelle, le français est pratiqué par la quasi-totalité des habitants de l’hexagone, exception faite des immigrés récents. Toutefois dans le monde, il a perdu de sa suprématie, ce qui fait que la 1ère langue parlée dans le monde est le mandarin, la 2ème l’anglais, 3e : espagnol, 4e : portugais, 5e : russe, 6e : japonais, 7e : allemand et arabe, 8e : hindi et bengali, 9e : italien et 10e : français. A l’heure actuelle, il y a toujours les langues régionales ou les parlés ; Dans les parlés non romans : 1er : breton (divisé en 4 dialectes, c’est une langue celtique pratiquée par 1 million de français) et l’alsacien (dialecte germanique pratiqué par 1 million de personnes) ; 2ème : flamand (il a des formes différentes selon où il est parlé ; il est utilisé par 150000 personnes en France) ; 3ème : basque (c’est une langue indo-européenne dont l’origine est inconnue ; il est parlé par moins de 100000 personnes en France). Dans les parlés romans : tous les dialectes de langue d’Oïl ont disparu ou sont en voie de disparition sauf dans quelques localités de la zone centrale. Quant au parlés d’Oc, plus éloignés du français standard, ils ont mieux résisté et sont parlés dans leur ensemble par encore 7 à 8 millions de français. Le catalan est pratiqué quant à lui par 150000 personnes. Le corse, subdivisé en dialectes, est utilisé par près de 200000 personnes.