FIG 2011 G. MAGRIN Faut-il vraiment « sauver » le lac Tchad ? 1
Faut-il vraiment « sauver » le lac Tchad ?
Géraud MAGRIN,
Chercheur, CIRAD
Voir également : Le lac Tchad n’est pas la mer d’Aral
Notions, mots-clés
Lac, eau, risques, bassin du lac Tchad, pêche, agriculture
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5e (La ressource en eau)
Grand lac africain, souvent évoqué dans les grandes rencontres internationales sur
le réchauffement climatique.
Risques sur le lac Tchad, grand forum en octobre 2010 à NDjamena
Menace ?
Changement climatique ?
Pression anthropique (usage de lhomme sur l’eau).
Décalage entre représentations politique, médiatique sur le lac Tchad et les
représentations permises par observation scientifique.
Lac partagé entre quatre États.
Politica ecology enjeux politiques importants.
Mythe de la disparition du lac fonctionne, car différents acteurs y ont intérêt.
Oasis sous pression
Fonctionnement du mythe
Intérêts des différents acteurs
Oasis sous pression
Lac au Nord de lAfrique sahélienne, lac allochtone, alimenté par des fleuves venant
du sud ; deuxième lac en Afrique derrière le lac Victoria.
Partagé entre quatre États (le Tchad, le Cameroun, le Niger et le Nigeria).
Lac très peu profond, dans le fond de la cuvette tchadienne, évaporation très forte, à
toutes les époques, toujours grandes variations de surface de ce lac.
Aujourd'hui, au plus profond, il y a 3 mètres de profondeur ; en fait, c'est une sorte de
grande flaque.
Au XXe siècle, variations du lac (voir diaporama).
Le lac fonctionne sur un rythme annuel, longue saison sèche et courte de pluie avec
crue et décrue (selon volume des pluies).
Pluviométrie en Afrique : il y eut dans les années 1950-1960 des années très
pluvieuses ; vers 1980-1990, sécheresses ; depuis 2000, pluviométrie revenue à un
phénomène intéressant, cycle intermédiaire.
Lac Tchad aujourd'hui qualifié de « petit lac ordinaire », relativement stable, pas de
changement notable depuis 1974.
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En gros trois bassins dans le lac (au nord, au sud et îles à l’est) ; le lac s'est
beaucoup végétalisé et les périphéries de lac sont des marécages.
Les prélèvements pour irrigations sur les fleuves alimentant ne sont pas trop
importants (notamment le Chari ; voir diapo).
Le réchauffement climatique sur le lac : on ne sait pas réellement ! Plusieurs
modèles divergents.
Sociétés humaines et lac Tchad : aire relativement favorisée car eau, poissons,
pâturages, terres riches donc attire de nombreuses populations.
Peuplement ancien : jusque début XXe siècle, pas grand monde sur la rive sud du lac.
Puis les années 1950 : peuplement progressif, pêcheurs du Mali sinstallent sur les
rives.
Dans rayon de 10 kilomètres du lac, aujourdhui 2 millions de personnes et 35
millions dans le bassin du lac Tchad.
Viennent pour la pêche (richesse halieutique) qui alimente une économie de pêche
(2 villes de un million d’habitants : NDjamena et Maiduguri au Nigeria).
Problème de la pêche, souvent impression de crise : moins de poisson causes
climatiques avec sécheresses des années 1980-1990.
Causes anthropiques : plus de pêcheurs, pas de respect des règles sur taille des
poissons, pêche à lexplosif.
Forme dagriculture prospère, agriculture de décrue (comme pour le Nil) avec crue
qui apporte les limons qui fertilisent.
Rives sud du lac : zone maraîchère très dynamique (tomates, maïs...) pour
N’Djamena notamment.
Cultures intensives avec produits phytosanitaires nouveauté.
Également pâturages très riches espèce de réserve, sécurité si année sèche.
Tensions éleveurs/agriculteurs relativement limitées.
Ressources du lac attirent des populations fragilisées par les flux migratoires : terres
les plus fertiles sont limitées, donc espace favorisé qui ne le restera pas si
doublement de la population.
Fonctionnement du mythe de la disparition du lac
Tout part du succès d’une erreur scientifique US + Nasa en 2001 (voir diapo) ; choix
des couleurs vert très pale qui désigne les marécages, espaces inondés.
En 2010, 1 315 000 km² inondés !
Médias ont contribué à cette thèse avec données Nasa + rencontres internationales
FAO sonneur d’alerte en 2009 avec référence à la Nasa (voir textes diapo).
Solution : intervention d’urgence pour la FAO.
Mauvaise conscience occidentale et forme de responsabilité sur le réchauffement
climatique (mea culpa).
Prime à la catastrophe en fait et effet boule de neige des médias.
Implications de ce discours : sauver le lac par transfert deau du bassin du Congo
vers le bassin tchadien, projet mythique (Congo bassin le plus humide du monde).
Histoire relativement longue dans transfert des eaux, mythes !
Projet Transaqua (italiens ; voir diaporama).
Réflexions actuelles CBLT (Commission du bassin du lac Tchad) pour gérer en
commun les ressources du lac avec des études sur les options de transfert, options
larges ou basses.
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Gilles Sautter avait présenté des analyses de synthèse sur les grands projets sur
l’eau sont toujours bien vus.
Grand projet, c’est visible ; pour État, maîtriser un fleuve, cest maîtriser la nature,
forte symbolique.
On pense régler tous les problèmes d’un seul coup.
Intérêt des bailleurs de fonds, plus rentable, plus visible aussi.
De nombreux acteurs ont des intérêts : grand nombre de bureaux d’études...
Phénomène de corruption, donc beaucoup dacteurs et d'intérêts.
Risques
Écologiques si on canalise du bassin Congo au bassin du Tchad, éviter de perdre,
assécher certaines zones humides ; changement de la biodiversité et éventuel
problème.
Impacts économiques : des gagnants avec agriculture à plus grande échelle,
favorisation de la pêche ; mais aussi contradictions possibles, utilisation dengrais,
déversement de produits dans le lac, questions d’équilibre entre amont et aval.
Également perdant ½ des superficies de cultures de décrue, très productives (mais
½ de NDjamena).
Il ne suffit pas damener de l’eau pour tout régler.
Également problème politique entre les différents pays : Congo, RDC, Tchad.
Projet apparaît comme d’un autre temps : lac vraie machine à évaporer, donc faible
intérêt ; augmentation de loffre de l’eau, mais pour quoi faire ?
Il faut prendre en compte demande amont, aval, utilisation...
Discussions qui rappellent les années 1960 dans le contexte africain avec perte de
main des pays africains sur les grands projets de développement.
Depuis les années 2000, les choses ont changé avec les moyens des pays africains
et des ambitions.
On retrouve une tentation des grandes infrastructures.
Nouveauté : rentes environnementales compensation des pays Nord au Sud pour
le changement climatique, rente financière, manne intéressante.
Intérêts des acteurs autour du lac : un marigot politico-industriel
FAO : mode de fonctionnement style « alarme au loup », plus toujours entendu ;
appui la Communauté du bassin du lac Tchad (CBLT) qui regroupe les différents
gouvernements riverains (date de 1964, ancienne, histoire compliquée, finances
fluctuantes, bilan mince, institution pas stable du tout) projet de transfert pour CBLT
enjeu de survie et de financements.
Pays autour du bassin : pour Niger et Cameroun, lac loin, périphérique.
Pour Nigeria, finance ½ de CBLT, mais cest périphérique aussi, pas dobjet très
précis, veulent être pour empêcher les problèmes.
Tchad a aujourdhui des ressources avec le pétrole (depuis 2003) et son
gouvernement découvre les problèmes environnementaux, enjeux de légitimation et
contrôle des populations rurales et intérêt pour les rentes environnementales.
Lac Tchad société civile faible influence.
Si on regarde plus loin : RDC et Congo sont plutôt favorables au transfert, mais
incertitude assez forte sur RDC.
La Libye sétait intéressée au lac Tchad depuis longtemps avec nappes deau
fossiles du lac Tchad et volonté d’alimenter les eaux libyennes par nappes
souterraines (argumentaire bien construit, voir diaporama).
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Autres pays : France, mais sans vrais moyens et pas clair ; le Sénégal pour lier le lac
Tchad et projet de grande muraille verte.
J. Cheminade, candidat élections présidentielles au Tchad, en lien avec un
milliardaire US, grand projet (diaporama) avec grand lac Tchad et projet de voie
navigable vers la Méditerranée.
Faut-il sauver le lac ?
Objectif environnemental global, bénéficiant de fenêtres médiatiques importantes.
Situation emblématique du développement durable et de ses enjeux, population qui
augmente, à nourrir, incertitudes sur réchauffement climatique.
Enjeux politiques, financiers, institutionnels qui jouent sur discours catastrophique.
Place de la science dans ce débat : analyse critique, participation aux décisions.
Compte rendu réalisé par Damien Boulonnais, académie de Reims.
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