Introduction
Les textes présentés ici (pour la plupart inédits sur papier en français) appartiennent à la
première phase de l’activité révolutionnaire de Michel Bakounine et portent tous sur sa première
participation ouverte au mouvement révolutionnaire européen
. Né en Russie en 1814 dans une
famille de la noblesse terrienne, Bakounine, après quelques années passées à s’initier à la
philosophie allemande et à chercher à penser ses relations avec son entourage à travers elle, part
en Allemagne à la fin de l’année 1840 afin d’y poursuivre sa formation. C’est en Allemagne qu’il
fait connaissance de la gauche hégélienne, renonce à toute carrière philosophique et investit toute
sa passion dans la cause de la révolution démocratique et sociale. De cette époque date en
particulier son remarquable article La réaction en Allemagne, publié à l’automne 1842 dans les
Annales allemandes d’Arnold Ruge et qui constitue une contribution importante aux débats de la
gauche hégélienne. Cette période se clôt en 1843 avec son article Le communisme publié dans un
journal suisse et elle est dominée par des problématiques philosophiques
: apprentissage
philosophique en Russie, puis question du dépassement de la philosophie en Allemagne. Cette
première période est déterminante en ce qu’elle permet à Bakounine de forger une grille de
lecture où l’activité philosophique est désormais dénoncée comme purement contemplative,
comme théorie qui ne vaut qu’en tant qu’elle se signifie à elle-même son congé dans la pratique.
La pratique et la vie, qui jusque-là étaient identifiées à la philosophie elle-même, en sont alors
exclues, et c’est l’histoire qui est désignée comme le lieu de réalisation, non de la philosophie,
mais de ce que la philosophie n’a pu que reconnaître : la nécessaire émancipation de l’humanité.
De ce point de vue, il n’y a rien d’étonnant à ce que la suite de l’itinéraire de Bakounine soit
dominée par un activisme politique dont l’intensité n’a d’égal que son engouement pour la
philosophie au cours des années précédentes et auquel il ne renoncera plus. Cette continuité doit
toutefois être relativisée. Dans l’œuvre de Bakounine, les textes qui accompagnent son activité
révolutionnaire en 1848 mettent fin à cinq années de quasi mutisme théorique : si l’on excepte
deux brèves interventions dans des journaux libéraux
et un discours
, Bakounine n’a rien écrit
depuis son article sur Le communisme, ce qui est d’autant plus surprenant que les textes qui
La seconde interviendra au moment de la guerre franco-allemande de 1870-71, dans ce qui constitue les prémisses
de la Commune de Paris. En témoignent, outre la correspondance de Bakounine, la Lettre à un français, le manuscrit
sur La situation politique en France (Œuvres complètes, vol. VII, Paris, Champs Libre, 1980) et tout le début de L’empire
knouto-germanique et la révolution sociale (Œuvres complètes, vol. VIII, Paris Champs Libre, 1982).
Textes traduits et présentés dans Jean-Christophe Angaut, Bakounine jeune hégélien – La philosophie et son dehors, Lyon,
ENS Éditions, 2007.
Le premier, publié dans La Réforme en 1845, fait suite à la décision de déchoir Bakounine de ses titres de noblesse
en raison de ses prises de position révolutionnaires. Le second, publié dans Le Constitutionnel en 1846, est une
protestation contre la persécution des religieuses lituaniennes par le pouvoir russe. Bakounine avait quitté
préventivement l’Allemagne à la fin de l’année 1842, puis la Suisse à la fin de l’année 1843. Tous les textes
mentionnés sans date ni lieu d’édition sont cités d’après l’édition électronique des Œuvres complètes, CD Rom,
Amsterdam, IISG, 2000.
Discours prononcé en 1847 lors d’une commémoration à l’occasion du 17ème anniversaire de la révolution
polonaise. Bakounine y appelant les peuples polonais et russe à s’unir contre le tsar, l’ambassade russe à Paris
demanda (et obtint) du gouvernement français son expulsion vers la Belgique.