Lettre bimensuelle n° 52 (1-15 février 2011) Le but de SIDABLOG est d’exposer, par le biais de lettres d’informations bimensuelles accessibles à tous, le contenu d’articles scientifiques récemment publiés dans les plus importantes revues internationales. Eliminer les cellules T régulatrices pour tuer le virus Le VIH est un virus à infection lente entraînant des infections chroniques. Pour cela, il a dû sélectionner au cours du temps des mécanismes permettant aux cellules infectées d’échapper à leur destruction par les lymphocytes T CD8+ (LTCD8+) ou cytotoxiques. Des études ont pu mettre en évidence qu’un de ces mécanismes pourrait impliquer les cellules T régulatrices (Tregs) : celles-ci pourraient bloquer la prolifération ou la fonction des LTCD8+ pour protéger le virus. A partir d’un modèle in vivo de souris infectée par un virus proche du VIH, des chercheurs allemands ont montré que si on détruit les Tregs dans les phases précoces d’infection, les LTCD8+ sont plus efficaces. Ils montrent aujourd’hui que l’élimination progressive des Tregs empêche l’infection d’évoluer. Pour cela, ces chercheurs ont utilisé des souris de laboratoire modifiées de sorte à détruire temporairement leurs Tregs. Après infection par le virus Friend (FV), leurs cellules LTCD8+ activées dans les noyaux lymphatiques et la rate1 ont été triplées. Les souris sont devenues à nouveau capables de multiplier leurs LTCD8+. 1 Organes lymphoïdes secondaires où se concentrent la majorité de l’infection. Ils ont ensuite montré que l’élimination des Tregs influence également les fonctionnalités des LTCD8+. Ils ont en effet observé une augmentation de la production de cytokines tels que l’Interféron, le TNF… par les LTCD8+. La synthèse de ces agents s’accompagne par ailleurs d’un ralentissement de la prolifération du VIH. Dans le même temps, on a observé une activité cytolytique plus élevée des LTCD8+ qui se dotent alors, de davantage de molécules « tueuses ». Ainsi on constate que sans les Tregs, les fonctions des LTCD8+ inhibées pendant l’infection aiguë peuvent être restaurées car ces dernières éliminent les cellules infectées. Toutefois, après plusieurs semaines, les chercheurs ont constaté que la population des Tregs se reconstitue et que l’activité des LTCD8+ diminue. Des thérapies répétées visant les Tregs seraient alors nécessaires pour observer des effets durables. Ces résultats sont toutefois intéressants pour développer des stratégies thérapeutiques. Transient depletion of regulatory T cells in transgenic mice reactivates virus-specific CD8+ T cells and reduces chronic retroviral set points. Dietze KK, Zelinskyy G, Gibbert K, Schimmer S, Francois S, Myers L, Sparwasser T, Hasenkrug KJ, Dittmer U. Proc Natl Acad Sci U S A. 2011 Feb 8;108(6):2420-5. Un vaccin qui protégerait de la transmission sexuelle Le VIH se transmet principalement au niveau des muqueuses sexuelles. Les stratégies vaccinales à ce jour ont voulu stimuler une réponse immunitaire par des anticorps sanguins ou des cellules cytotoxiques mais sans succès. Aujourd’hui, on sait en revanche produire des anticorps protecteurs dans les muqueuses vaginales chez des singes. On connaissait déjà l’existence de tels anticorps chez l’homme, dans le cas très particulier des individus exposés au VIH mais séronégatifs. Il semble qu’ils possèdent des anticorps dirigés contre la sous-unité gp41 de l’enveloppe virale2 dans leur sang et dans leurs secrétions génitales. Ces anticorps neutralisent le VIH en empêchant la transcytose3 (entrée du virus dans les tissus des muqueuses). Ils ciblent principalement une région particulière de gp41 située à proximité de la membrane cellulaire appelée MPER4. 2 3 4 L’enveloppe virale est composée de 2 sous-unités : gp41 (sous-unité transmembranaire) et gp120 (sous-unité de surface). Voir lettre SIDABLOG n°25 MPER : membrane proximal external region. Sur ce modèle, différentes études ont été réalisées pour produire in vivo des anticorps neutralisants anti-MPER mais sans succès. Ces échecs pourraient s’expliquer par la structure spatiale des antigènes viraux, utilisés pour stimuler la production des anticorps. Des chercheurs ont repris ce projet. Ils ont cependant utilisé un vaccin constitué de 2 antigènes respectant les structures spatiales des originaux. Ils les ont alors placés à l’intérieur d’une structure spécifique, le virosome, pour les véhiculer. Des singes femelles ont ainsi été vaccinés par voie intramusculaire ou par voie intranasale. 6 mois plus tard, les animaux ont été infectés par un virus proche du VIH5 au niveau des muqueuses vaginales. Les chercheurs ont alors observé une protection complète. Cette performance inédite n’est cependant possible que par une double vaccination, intramusculaire et intranasale, alors qu’une simple vaccination intramusculaire ne protège que la moitié des singes. 5 SHIV : un virus hybride entre le VIH et le VIS utilisé à des fins de recherche. Plus précisément, la vaccination par voie nasale entraînerait une réponse immunitaire au niveau des muqueuses alors que la vaccination intramusculaire provoquerait une réponse immunitaire à la fois sanguine et vaginale. On suppose que la vaccination intramusculaire permet d’amorcer la réponse par des anticorps6 et que la vaccination intranasale permet de stimuler la réponse mucosale7. De plus, cette vaccination persiste au moins 6 mois. Cependant, seuls les anticorps des muqueuses sont actifs contre le virus, soit en le bloquant directement, soit en inhibant la transcytose. Ainsi cette étude montre qu’un vaccin qui stimule la production d’anticorps spécifiques de la gp41 du VIH au niveau des muqueuses sexuelles est suffisant pour protéger ces singes. Ces découvertes sont alors prometteuses pour le développement d’un vaccin humain. Immunization with HIV-1 gp41 Subunit Virosomes Induces Mucosal Antibodies Protecting Nonhuman Primates against Vaginal SHIV Challenges. Bomsel M, Tudor D, Drillet AS, Alfsen A, Ganor Y, Roger MG, Mouz N, Amacker M, Chalifour A, Diomede L, Devillier G, Cong Z, Wei Q, Gao H, Qin C, Yang GB, Zurbriggen R, Lopalco L, Fleury S. Immunity. 2011 Feb 25;34(2):269-80. 6 7 IGg. due à des IgG et IgA spécifique de gp41.