Une nouvelle piste pour un candidat-vaccin contre le virus du sida
Des chercheurs français associant l'Université Paris Descartes, le CNRS et l'Inserm
au sein de l'Institut Cochin, en collaboration avec la société Mymetics et avec le
soutien de l’ANRS, ont développé un candidat-vaccin contre la transmission
sexuelle du VIH chez des macaques femelles. Cinq singes, vaccinés par voies nasale
et intramusculaire, ont été protégés contre l’infection par le VIH par voie vaginale.
Ce candidat-vaccin est le fruit de quinze années de recherche sur l’entrée du virus
dans l’organisme et sur l’immunité locale au niveau des muqueuses. L’approche est
nouvelle : elle consiste à induire la production d’anticorps spécifiques de la surface
du virus au niveau des muqueuses génitales, mimant le phénomène observé dans
une population de femmes naturellement immunisées contre le VIH et qui résistent
à l’infection. Ces travaux sont publiés online dans la revue
Immunity
du 10 février
2011.
Les pistes de recherche habituellement poursuivies ont pour objectif d’induire la
production d’anticorps sanguins et/ou de cellules tueuses contre le VIH. L’originalité
du candidat-vaccin développé par les chercheurs est d’induire la production
d’anticorps au niveau des muqueuses, qui soient capables de prévenir très tôt
l’infection par voie muqueuse, c'est-à-dire avant la multiplication du virus et sa
dissémination dans le sang. Cinq macaques femelles (
Macaca mulatta)
ont été
vaccinées par voies intramusculaire et nasale. Six mois plus tard, elles ont été
exposées de façon répétée (13 fois) au VIH par inoculation vaginale. Les cinq animaux
se révèlent protégés du développement de l’infection et restent séronégatifs, six
mois après la dernière infection par le VIH.
« L’analyse comparative des anticorps induits par la vaccination dans le sang et au
niveau des muqueuses montre que ce sont seulement les anticorps muqueux
spécifiques de la surface du virus -aussi bien IgG que IgA- qui permettent de
protéger les macaques de l’infection par voie muqueuse. Ce type d’anticorps a été
décrit comme un corrélat de la protection chez des femmes résistant à l’infection
malgré des rapports sexuels non protégés et qui seraient donc naturellement
10 février 2011
immunisées. Cela permet de penser que notre candidat-vaccin simule ce type de
réponse naturelle », explique Morgane Bomsel.
Pour élaborer ce candidat-vaccin, les chercheurs ont étudié la protéine
transmembranaire Gp41 de l’enveloppe du VIH. Il s’agit de la partie de l’enveloppe
virale variant le moins parmi toutes les souches virales du sida. Gp41 contrôle, à la
fois, l’entrée du virus dans les cellules de la muqueuse et l’infection d’une famille de
lymphocytes T, les principales cellules cibles du VIH. Pour favoriser l’induction
d’anticorps neutralisants lors de l’immunisation, les autres parties de l’enveloppe du
VIH, non-neutralisantes, ont été retirées du candidat-vaccin.
Le vecteur vaccinal de ce candidat-vaccin ou virosome est utilisé depuis plus de 10
ans dans plusieurs candidat-vaccins destinés à l’Homme. Grâce à sa surface
lipidique mimant la surface du virus, ce virosome permet aux antigènes de Gp41
d’adopter une structure similaire à celle qu’ils ont
in situ
. Cela favorise l’induction
d’anticorps neutralisants lors de la vaccination. « En plus d’une réponse immune de
type humorale (c'est-à-dire liée à la production d’anticorps) anti-VIH puissante au
niveau des muqueuses, sans avoir besoin d’une réponse cellulaire cytotoxique, le
vaccin fonctionne relativement bien
in vitro
contre les sous-types B et C du VIH,
responsables de 95% des cas aux Etats-Unis, en Europe et en Inde. Ce succès est
prometteur », indique Morgane Bomsel.
« Cependant, il reste beaucoup de travail à réaliser. Il existe plusieurs limites à ces
résultats : le vaccin n’a été testé que sur des singes femelles. Il protège d’une
infection vaginale non traumatique, ne reflétant pas nécessairement la réalité. Reste
donc à étudier le vaccin chez des mâles et à voir son efficacité contre d’autres voies
d’infection sexuelles (rectum, tractus oro-uro-génital). Enfin, il faut poursuivre cette
étude, notamment quant à la durée de la réponse immunitaire protectrice », conclut
Morgane Bomsel
En tout état de cause, comme l’a récemment souligné le Pr Françoise Barré-
Sinoussi, Prix Nobel de médecine, les modèles animaux montrent leur pertinence
dans les recherches visant à développer des candidats-vaccins.
Ce travail a été rendu possible grâce au financement de l’Agence nationale de
recherches sur le sida et les hépatites virales (ANRS), SIDACTION – Ensemble contre
le sida et la fondation pour la recherche médicale (FRM) et réalisé en collaboration
avec la société américaine Mymetics (Nyon, Suisse).
Publication :
Immunization with HIV-1 gp41 Subunit Virosomes Induces Mucosal Antibodies
Protecting Nonhuman Primates against Vaginal SHIV Challenges
Morgane Bomsel
1,2,3
,* Daniela Tudor
1,2,3
Anne-Sophie Drillet
1,2,3
Annette Alfsen
1,2,3
Yonatan Ganor
1,2,3
,
Marie-Gaëlle Roger
4
Nicolas Mouz
4
, Mario Amacker
5
, Anick Chalifour
6
, Lorenzo Diomede
7
, Gilles
Devillier
8
, Zhe Cong
9
, Qiang Wei
9
, Hong Gao
9
, Chuan Qin
9
, Gui-Bo Yang
10
, Rinaldo Zurbriggen
5,11
, Lucia
Lopalco
7
and Sylvain Fleury
6
1
Mucosal Entry of HIV-1 and Mucosal Immunity, Cell Biology and Host Pathogen Interactions
Department, Cochin Institute, CNRS (UMR 8104), 22 rue Me´ chain, 75014 Paris, France
2
INSERM U1016, 75014 Paris, France
3
Paris Descartes University , 75006 Paris, France
4
PX’Therapeutics, 38040 Grenoble Cedex 9, France
5
Pevion Biotech Ldt, CH-3063 Ittigen/Bern, Switzerland
6
Mymetics Corporation, CH 1066 Epalinges, Switzerland
7
San Rafaele Institute, 20127 Milan, Italy
8
BD Medical-Pharmaceutical Systems, 38801 Le Pont de Claix, France
9
Institute of Laboratory Animal Science, Chaoyang District, Beijing 100021, People’s Republic of China
10
National Center for AIDS/STD Control and Prevention, Chinese Center For Disease Control and
Prevention, Beijing 100050,
People’s Republic of China
11
Present address: Lonza AG, CH-3930 Visp, Switzerland
Immunity 34, 1–12, February 25, 2011
DOI 10.1016/j.immuni.2011.01.015
Contact chercheur :
Morgane BOMSEL
Directrice de Recherche au CNRS
Institut Cochin : Université Paris Descartes - CNRS - INSERM
Tel: 01.40.51.64.97
Université Paris Descartes
Alice Tschudy & Pierre-Yves Clausse
01 40 46 18 63 / 17 98
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