RENOVER L’OBSERVATOIRE DE LA PARITE Rapport sur la création d’un Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes 7 novembre 2012 Rapporteure : Danielle BOUSQUET AVANT-PROPOS .............................................................................. 3 I. POURQUOI REFONDER L’OBSERVATOIRE DE LA PARITE ? ..................... 7 A. L’Observatoire de la parité : un intitulé et des missions, aujourd’hui trop restrictifs ..................................................................................... 7 B. Les autres instances consultatives à adapter ....................................... 10 1. Le Conseil supérieur de l’égalité professionnelle ............................... 10 2. La Commission nationale contre les violences envers les femmes ........... 11 3. Le Conseil supérieur de l’information sexuelle, de la régulation des naissances et de l’éducation familiale ............................................... 13 4. La Commission sur l’image des femmes dans les médias ...................... 15 C. Un champ inexploré : Droits des femmes et enjeux européens et internationaux ........................................... Error! Bookmark not defined. D. Renforcer les liens avec les collectivités territoriales ............................ 17 E. Mutualiser et rationaliser les moyens existants .................................... 19 II. REPONDRE A L’IMPERATIF DE TRANVERSALITE ................................. 21 A. Favoriser l’interministérialité ......................................................... 21 B. Diffuser une approche intégrée de l’égalité dans toutes les sphères de la société ....................................................................................... 22 C. Enrichir la démarche du Ministère des droits des femmes sur les études d’impact genrées ........................................................................... 24 III. LE VISAGE DU HAUT CONSEIL A L’EGALITE ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES ....................................................................................... 27 A. Ses missions .............................................................................. 27 1. Organiser la concertation des acteurs compétents en matière d’égalité femmes-hommes......................................................................... 27 2. Observer les inégalités dans l’ensemble des champs de la vie sociale ...... 27 3. Analyser et évaluer les politiques publiques – Améliorer la méthodologie des études d’impact genrées .......................................................... 28 4. Capitaliser les actions des territoires............................................. 28 5. Etre un lieu de veille et de diffusion de l’information ........................ 29 B. Ses champs de compétences .......................................................... 29 1. Parité politique, économique et sociale .......................................... 30 2. Articulation des temps de vie ...................................................... 30 3. Violences de genre ................................................................... 31 4. Socialisation et lutte contre les stéréotypes sexistes .......................... 31 5. Droits des femmes et enjeux internationaux et européens ................... 33 6. Santé des femmes, droits sexuels et reproductifs .............................. 32 C. Son organisation ......................................................................... 35 1. La commission permanente ......................................................... 36 2. Les commissions thématiques ...................................................... 37 3. Les collèges ........................................................................... 37 D. Son fonctionnement .................................................................... 38 1. Les membres et l’organisation du travail ........................................ 38 2. Les ressources humaines ............................................................ 39 CONCLUSION ................................................................................. 40 ANNEXES ...................................................................................... 41 Page | 2 AVANT-PROPOS « La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l'homme ». Reconnu dès 1946 dans le préambule de la Constitution, ce principe fondamental n’a cessé de guider l’action du législateur depuis plus d’un demi-siècle. D’abord reconnues à égalité avec les hommes en 1944 avec l’obtention du droit de vote, dans le monde du travail grâce à la loi de 1972 qui introduit le principe « à travail égal, salaire égal », puis à égalité avec les hommes dans l’accès aux responsabilités, dans l’article premier de la Constitution qui inscrit le principe selon lequel la loi « favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu'aux responsabilités professionnelles et sociales », les femmes voient leurs droits défendus par un arsenal législatif puissant. Et cependant, bien qu’elle soit conquise et acquise en droit, l’égalité entre les femmes et les hommes peine à se concrétiser dans les faits et à se manifester dans la vie quotidienne des Françaises et des Français. Malgré la loi sur la parité, seul un quart des représentants de la Nation sont des femmes (26,6 % des députés et 21,8 % des sénateurs). Malgré la loi de 1972 sur l’égalité professionnelle complétée par la loi Roudy de 1983 puis la loi Génisson de 2001, aujourd’hui la dure réalité vécue par les femmes, quel que soit leur niveau de qualification, c’est « à travail égal, salaire inégal », puisque les écarts de salaires bruts annuels moyens persistent autour de 27 %. Plus diplômées que les hommes (48 % des femmes de 25 à 34 ans ont fait des études supérieures contre 39 % des hommes du même âge), les femmes se cognent toujours au « plafond de verre », restant éloignées des postes de décision aussi bien dans le secteur privé que dans la fonction publique. Incitées dès la petite enfance à s’imaginer institutrices ou infirmières, orientées dès l’adolescence vers des parcours moins scientifiques et moins sélectifs que ceux des hommes, les femmes devenues adultes choisissent à 88 % d’exercer dans le secteur tertiaire. Or, les métiers de services sont aussi les plus précaires, puisqu’ils s’exercent en bonne Page | 3 partie sous forme de temps partiel. Aussi, 30 % des femmes qui travaillent sontelles à temps partiel contre 6 % des hommes et elles représentent plus de quatre salariés sur cinq travaillant à temps partiel. C’est dès l’enfance qu’il faut combattre le déterminisme de genre, en déconstruisant les stéréotypes sexistes qui conduisent, par exemple, à ce qu’aujourd’hui, encore, les femmes consacrent, en moyenne, 3h52 par jour aux tâches domestiques, contre 2h24 pour les hommes. Enfin, près de 10 % des femmes sont, encore aujourd’hui, victimes de violences sexistes de la part de leurs compagnons. Alors que 75 000 viols sont commis chaque année, en France, seul 1 agresseur sur 10 fait l’objet d’une poursuite judiciaire et 2 % des violeurs, seulement, sont in fine condamnés. La marche a été longue depuis 1945 et elle n’a pas encore atteint son but. En effet, à toutes les lois adoptées, à toutes les réformes engagées, il a manqué une cohérence qui aurait exigé des ambitions fortes, des objectifs clairement identifiés, des actions cordonnées pour parvenir à l’égalité réelle. Il a manqué une volonté politique soutenue à travers le temps, reconnaissant la situation d’infériorité et d’infériorisation des femmes comme la résultante d’un système social, qui a produit les inégalités de genre qui irriguent tous les aspects de la société. Aujourd’hui, enfin, dans le nouveau contexte politique, les droits des femmes sont redevenus un vrai sujet politique. Le premier changement, et il est majeur, c’est l’engagement du Président de la République en faveur des droits des femmes, engagement qu’il a concrétisé en 40 propositions : -L’égalité professionnelle -La lutte contre la précarité -L’éducation sexuée et la sensibilisation au sexisme -Le soutien à la parentalité -Le renforcement de la parité politique et le partage du pouvoir de décision dans Page | 4 toutes les autres sphères -La lutte contre les violences sexistes -La consolidation des droits fondamentaux que sont les droits sexuels, l’éducation sexualisée, la contraception et l’IVG. Autant d’enjeux qui doivent faire l’objet d’une approche spécifique pour mieux appréhender le caractère systémique de leur imbrication et l’aspect transversal de ces questions. Cet engagement fort du candidat François Hollande sur les droits des femmes a été immédiatement mis en œuvre par le nouveau Président qui a instauré -moment historique dans notre République- un gouvernement paritaire et le retour d’un Ministère des droits des femmes. Cette nouvelle donne politique et institutionnelle doit conduire, aujourd’hui, à un saut qualitatif des Pouvoirs publics sur cet enjeu d’exigence d’égalité réelle, enjeu parfois ignoré, souvent minimisé. Un engagement plus fort des Pouvoirs publics, la mise en place de politiques publiques d’égalité, dans tous les domaines, et ce sera l’ensemble de la société qui, à son tour, sera irriguée et deviendra plus exigeante. C’est ainsi que, plus on dénoncera les mécanismes de domination, plus justement on les analysera, et plus les politiques publiques mobiliseront fortement en faveur de l’égalité réelle entre les femmes et les hommes. Alors que cette nouvelle ambition n’est enclenchée que depuis quelques mois, c’est bien une nouvelle manière d’appréhender les droits des femmes qui se fait jour. Les acteurs mobilisés pour l’égalité de genre voient, avec raison, dans la période qui s’ouvre, une chance historique d’effectuer un bond qualitatif, sans comparaison avec les politiques menées ces dernières années. Il faut rappeler, en effet, que la société civile était souvent bien seule à agir –avec parfois le soutien Page | 5 de quelques collectivités territoriales- parfois, au coup par coup, contre les remises en cause des droits des femmes. L’attente et les exigences sont très fortes Aujourd’hui, c’est avec tous ces acteurs de l’égalité de genre qu’il convient de construire des politiques cohérentes, transversales, afin de faire progresser l’égalité dans tous les domaines et sur tous les terrains. Car il existe enfin une volonté politique affirmée de valoriser les expériences de terrain et les innovations que, partout, les acteurs et actrices de la société civile mettent en place, parfois depuis de nombreuses années. Il faut souligner, par ailleurs, l’immense différence de contexte que porte le mouvement féministe. Indéniablement, les associations féministes se sont mobilisées pour que soit créé un Ministère des droits des femmes. Et, parallèlement, elles expriment la forte attente d’un cadre où elles puissent prendre la parole, être reconnues, entendues, et travailler avec les autres acteurs de l’égalité, ainsi qu’avec les représentants des Pouvoirs publics. La capacité qu’a, d’ores et déjà, montrée la Ministre des droits des femmes à avancer sur tous les sujets, a contribué à créer la confiance qu’ont, aujourd’hui, les associations féministes envers l’action du Gouvernement. Cependant, s’il n’y avait pas un lieu de concertation indépendant, qui rassemble les associations aux côtés d’autres partenaires, où elles puissent être écoutées, qui permette une expression forte de leur part, elles seraient contraintes de trouver d’autres voies et d’autres lieux pour s’exprimer. Elles le feront, alors, de manière éclatée, et sans que soit créé le rapport de forces nécessaire pour faire avancer partout l’exigence d’égalité. Ce nouveau contexte politique et institutionnel demande, à l’évidence, d’imaginer de nouveaux outils d’information, de réflexion et de concertation. C’est pourquoi, comme l’indique la lettre de mission de la Ministre des droits des femmes, « le Gouvernement a décidé de repenser le rôle et les missions de l’Observatoire de la parité ». Page | 6 Ces nouveaux outils joueront le rôle d’interfaces entre la société civile et les décideurs politiques, apporteront un soutien ambitieux et exigeant aux politiques menées en matière d’égalité et concourront à renforcer l’exigence de prise en compte de l’égalité entre les femmes et les hommes. Aujourd’hui, il existe déjà un certain nombre d’instances de consultation, peu ou mal identifiées, peu ou pas coordonnées. De l’avis général, l’organisation de ces instances consultatives en matière de droits des femmes (aux compétences et statuts divers) doit être optimisée au regard des objectifs que le Gouvernement se fixe aujourd’hui. C’est la raison pour laquelle, afin de dégager les principes fondateurs qui serviront de base à l’édifice d’une nouvelle instance, le choix a été fait d’auditionner, le plus largement possible, les forces vives du combat pour l’égalité entre les femmes et les hommes, qu’il s’agisse de chercheu-res, d’associations, des anciennes Rapporteures de l’Observatoire, d’élus, de juristes, etc… Ce rapport propose donc de rationaliser et de reconfigurer les instances existantes dans l’objectif de mettre en place une instance de coordination indépendante qui rende, enfin, incontournable, la question de l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, notamment en valorisant l’expertise sur ce sujet. I. POURQUOI REFONDER L’OBSERVATOIRE DE LA PARITE ? A. L’Observatoire de la parité : un intitulé et des missions, aujourd’hui trop restrictifs L’Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes a été fondé en 1995 à la suite d’une promesse électorale de Jacques Chirac. Il a pour mission de « centraliser, faire produire et diffuser les données, analyses, études et recherches sur la situation des femmes aux niveaux national et Page | 7 international ; d’évaluer la persistance des inégalités entre les sexes et d’identifier les obstacles à la parité ; d’émettre des avis sur les projets de textes législatifs et réglementaires dont il est saisi par le Premier ministre ; de faire toutes recommandations et propositions de réformes au Premier ministre afin de prévenir et de résorber les inégalités entre les sexes et promouvoir l'accès à la parité ; remettre tous les deux ans un rapport général au Premier ministre qui est présenté au Parlement et publié. » Présidé par le Premier ministre (ou par délégation par le ou la Ministre des droits des femmes), il est actuellement composé de 37 membres dont un-e Rapporteur-e général-e nommé-e pour un mandat de 3 ans renouvelable une fois. Ses membres sont choisis en raison de leur compétence et de leur expérience. Aucun collège précis n’est défini par décret. Seul est défini le statut de membres de droit des Président-es des délégations aux droits des femmes de l’Assemblée nationale, du Sénat et du Conseil économique, social et environnemental. L’Observatoire est né d’une forme de « péché originel » 1 puisqu’il a été créé à un moment où d’autres structures consultatives existaient déjà comme le « Conseil supérieur de l’information sexuelle, de la régulation des naissances et de l’éducation familiale » ou le « Conseil Supérieur de l’égalité professionnelle ». Dès lors, compte tenu de son intitulé, l’Observatoire de la parité s’est essentiellement consacré à la parité politique et ne s’est ouvert à d’autres travaux que plusieurs années après sa création. Pour autant, cette instance a toujours eu une vocation de transversalité, notamment réaffirmée dans la modification du décret en 1998 (sous l’impulsion de Geneviève Fraisse, déléguée interministérielle aux droits des femmes) qui précise dans son article 2 qu’il s’agit d’identifier «les obstacles à la parité, notamment dans les domaines politique, économique et social ». 1 Audition Réjane Sénac-Slawinski Page | 8 Et c’est précisément, du fait de cette vocation de transversalité, que l’Observatoire a été institué auprès du Premier ministre et qu’il s’est imposé peu à peu comme une « instance de référence en matière d’égalité ».2 Aujourd’hui, le premier enjeu est d’étendre les missions de l’Observatoire afin d’aller vers une réelle approche intégrée de l’égalité de genre. Reconnaître cette notion de genre3 permet de s’éloigner d’une définition biologique de la discrimination pour reconnaître qu’il existe un système culturel de domination dans les relations entre les sexes. Il s’agit ensuite de mieux faire connaître l’Observatoire de la parité de tous les acteurs, dans la mesure où l’approche intégrée est constituée principalement d’actions de sensibilisation qui visent à diffuser une « culture de l’égalité ».4 Au vu des ces objectifs, l’intitulé « Observatoire de la parité » ne semble plus pertinent, puisque cette instance doit non seulement couvrir un nombre de champs plus vaste que la seule parité, mais ne peut se limiter à « observer » les inégalités. Il doit faire vivre le débat sur l’exigence d’égalité femmes-hommes dans la société et en cela, l’intitulé d’un « Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes », qui engloberait l’Observatoire de la parité et les autres instances travaillant sur l’égalité femmes-hommes, semble plus approprié. Néanmoins, la parité doit rester un champ de compétence majeur de ce Haut Conseil puisque ce sujet est historiquement identifié à cette structure et n’est traité par aucune autre instance. Sous l’impulsion de l’actuel Gouvernement, la parité politique a, indéniablement, progressé, puisque pour la première fois dans l’histoire de notre République, le Gouvernement compte autant d’hommes que de femmes. Néanmoins, seuls 25% des députés élus en juin 2012 sont des femmes, un ratio bien éloigné de ce qu’impose la loi sur la parité de 2000. Alors que le 2 DAUPHIN Sandrine, L’Etat et les droits des femmes, Des institutions au service de l’égalité ?, Presses Universitaires de Rennes, 2010, p.112 3 Défini comme « la construction historique, culturelle, sociale du sexe, qui l’investit de sens dans un système à deux termes où l’un (le masculin) ne peut s’envisager sans l’autre (le féminin). Système dissymétrique et inégal, les hommes ayant longtemps été dans les rapports sociaux en position de domination incontestée et l’homme ayant servi de référence unique pour penser l’universel humain. » Extrait de la présentation du colloque interdisciplinaire « Le genre comme catégorie d’analyse ». Colloque organisé par le RING, Université Paris7-Denis Diderot, les 24 et 25 mai 2002 4 Ibid, p.115 Page | 9 Président de la République s’apprête à consulter tous les partis politiques pour recueillir leurs préconisations en la matière, le Haut Conseil à l’égalité doit poursuivre sa réflexion sur cette question, tant en ce qui concerne la parité politique que la parité dans les Conseils d’administration, les directions des grandes centrales syndicales, des ONG etc. B. Des instances consultatives à adapter et à coordon ner Expliquer que les différentes instances travaillent de manière éclatée, noncoordonnée, le Haut Conseil doit être cette institution de référence 1. Le Conseil supérieur de l’égalité professionnelle Fondé par la Loi n° 83-635 du 13 juillet 1983 portant modification du code du travail et du code pénal en ce qui concerne l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et le décret n° 84-136 du 22 février 1984, le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes « participe à la définition et à la mise en œuvre de la politique menée en matière d'égalité professionnelle. Il est consulté sur les projets de lois et de décrets ayant pour objet d'assurer l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et les textes relatifs à des conditions particulières de travail propres à l'un ou l'autre sexe. » Le Conseil est composé de 37 membres (7 représentants de l'Etat, 3 directeurs d'établissement public, 9 représentants des salariés désignés sur proposition des organisations syndicales représentatives au niveau national, 9 représentants des employeurs, 9 personnalités désignées en raison de leur compétence ou de leur expérience) nommés pour 3 ans, renouvelable. Une commission permanente est instituée pour préparer les travaux du Conseil et peut être consultée, en cas d'urgence, en ses lieu et place. Elle est présidée par le président du Conseil supérieur et comprend 5 membres choisis parmi les représentants de l'Etat et les directeurs d'établissement public, 5 représentants des salariés, 5 représentants des employeurs et 5 personnalités désignées en raison de leur compétence. Le Conseil peut constituer des commissions spécialisées et de groupes de travail pour l'étude des questions relevant de sa compétence. Page | 10 Il fait consensus que le CSEP est une instance à dynamiser et à revitaliser. Les partenaires sociaux doivent pouvoir se retrouver dans un lieu unique qui leur permette de traiter toutes les questions au cœur de l’égalité professionnelle : écarts de rémunération, précarité de l’emploi féminin (temps partiel, bas salaires), conditions de travail, revalorisation des métiers de services majoritairement féminins etc. Pour autant, dans le cadre de la reconfiguration de l’Observatoire de la parité devenu « Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes », il semble pertinent que le HCEFH se charge, dans une de ses commissions, des questions périphériques et concomitantes à l’égalité professionnelle. L’équilibre entre vie professionnelle, vie familiale et vie sociale est un enjeu majeur pour faire progresser l’égalité entre les femmes et les hommes. La répartition entre le temps de travail et les temps sociaux ne se fait pas de manière identique pour les hommes et les femmes : le temps n'est pas neutre en termes de genre. Par exemple, le temps libéré par la RTT, n'a pas été utilisé de la même façon par les hommes et par les femmes. Les premiers l’ont consacré aux loisirs, les secondes à des tâches ménagères. Or, les inégalités qui existent dans la sphère privée contribuent à entretenir des inégalités dans la sphère professionnelle. C’est un sujet sur lequel le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes entend travailler. 2. La Commission nationale contre les violences envers les femmes Créée par le Décret n°2001-1240 du 21 décembre 2001 portant création d'une Commission nationale contre les violences envers les femmes, la Commission a vu son format modifié en 2011 (Décret n° 2011-387 du 12 avril 2011) afin d’être un véritable organe de gouvernance de la politique de lutte contre les violences faites aux femmes. Elle a pour mission « d'organiser la concertation des services de l'Etat avec les organismes et associations concernés, en matière de prévention, de prise en charge et de suivi des femmes victimes de violences, de prostitution et de traite ainsi qu'en matière de formation des professionnels ; de recueillir les données, faire produire et produire des analyses, études et recherches sur la situation des femmes Page | 11 victimes de violences ; de faire toutes recommandations et propositions de nature législative ou réglementaire ; de préparer une manifestation nationale triennale contre les violences envers les femmes ; d'animer le réseau des commissions départementales d'action contre les violences et de remettre tous les trois ans au Premier ministre un rapport d'activité proposant toutes mesures propres à diminuer la fréquence et la gravité de ces violences. » Présidée par le ou la Ministre chargé-e des droits des femmes, la Commission est composée des Président-es de la délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale et du Sénat, de 2 représentants des collectivités territoriales (le président de l’Association des maires de France et le président de l'Association des départements de France), de 11 représentants de l'Etat, de 11 représentants d'associations spécialisées et de 4 personnalités qualifiées nommés pour une durée de 3 ans, renouvelable. Plus ambitieux est le projet « d’Observatoire contre les violences », l’un des 40 engagements de François Hollande pour l’égalité femmes-hommes. Cette instance sera en charge du suivi spécifique des violences faites aux femmes, de l’accompagnement des victimes dans leurs démarches, de la formation des professionnels, de l’organisation d’enquêtes d’envergure nationale en lien avec l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) et de l’INSEE sur les violences faites aux femmes et de la formulation de recommandations pour orienter l’action publique.5 En lien avec les Observatoires départementaux pour coordonner et développer des plans d’action efficaces, « l’Observatoire des violences» élaborera un programme interministériel de lutte contre les violences. S’il est donc nécessaire qu’un « Observatoire des violences », voie le jour comme structure autonome et identifiée, afin de mieux connaître la réalité et la spécificité des violences de genre, il apparaît difficile d’en faire une « structure » qui travaille de manière isolée. Le ou la directeur-trice sera membre de droit du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, de manière à entretenir des liens étroits avec la Commission « Violences de genre » 5 Engagement n°29, 40 engagements pour l’égalité femmes-hommes, campagne présidentielle 2012 Page | 12 3. Le Conseil supérieur de l’information sexuelle, de la régulation des naissances et de l’éducation familiale Créé par la Loi n° 73-639 du 11 juillet 1973, portant création d'un Conseil supérieur de l'information sexuelle de la régulation des naissances et de l'éducation familiale, le CSIS assure la liaison entre les associations et les organismes qui contribuent à ces missions d'information et d'éducation. « Il effectue, fait effectuer et centralise les études et recherches en matière d'information sexuelle, de régulation des naissances, d'éducation familiale, de formation et de perfectionnement d'éducateurs qualifiés. Il propose aux pouvoirs publics les mesures à prendre en vue de favoriser l'information des jeunes et des adultes sur les problèmes de l'éducation familiale et sexuelle, de la régulation des naissances, de l'adoption et de la responsabilité des couples, de promouvoir l'éducation sexuelle des jeunes, dans le respect du droit des parents et de soutenir et promouvoir des actions de formation et de perfectionnement d'éducation qualifiée en ces matières. » « La vocation initiale du CSIS est donc davantage sanitaire que sociale. L’objectif visé n’est pas le public « femmes » mais les jeunes et les adultes et il apparaît difficile de le considérer comme une structure dont l’amélioration de la condition féminine serait une finalité. »6 Présidé par le ou la Ministre chargé-e des droits des femmes, le ou la Ministre chargé-e de la Santé et le ou la Ministre chargé-e de la famille, le Conseil est composé de 51 membres : 17 représentants des ministres et organismes sociaux concernés, 24 représentants des associations, unions, fédérations ou confédérations représentatives dans le domaine du conseil familial, de la planification ou de l'éducation familiale, de l'information des couples et de l'information sexuelle, 8 représentants des organisations syndicales de salariés et d'employeurs, un représentant du Conseil national de la jeunesse, un représentant du fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations, des personnalités qualifiées. 6 DAUPHIN Sandrine, Ibid. p.25 Page | 13 Une commission permanente comprend un représentant de chacun des ministres concernés et six personnes désignées pour 3 ans parmi les représentants des associations et organismes sociaux. A partir de la séance plénière, la commission permanente définit deux groupes de travail. Le CSIS est une instance en suspens, voire sans existence légale, dans la mesure où les dernières nominations auraient dû intervenir en août 2011, mais n’ont toujours pas été effectuées. Il serait pertinent à ce titre de repenser sa composition, aujourd’hui déséquilibrée, afin de mieux représenter la pluralité des approches en termes de santé sexuelle et reproductive et des droits qui y sont rattachés. Toujours dans l’optique de valoriser les bonnes pratiques des territoires, il serait judicieux d’y intégrer les communes, départements et régions qui se sont investis dans ce sujet (par exemple, les régions ayant mis en place le « Pass contraception »). Le CSIS doit être reconnu comme le lieu qui connaît la situation sur le terrain et comme la structure dont la mission est de suivre tout ce qui, dans l’action publique, concerne de près ou de loin le droit à l’information, à l’éducation en matière de sexualité, de contraception, d’IVG, de prévention des IST. 7 Revitalisé, il peut être un précieux outil d’aide à la prise de décision par la mise en synergie des expériences de terrain menées par les associations qui en sont membres. C’est cet aspect qu’il faut renforcer aujourd’hui en intégrant le CSIS, en tant que commission permanente, « Commission Santé des femmes, droits sexuels et reproductifs» dans le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes. Identifié comme l’instance de dialogue sur la santé des femmes, il serait en capacité de faire des préconisations et surtout d’évaluer leur mise en œuvre par un suivi régulier des politiques publiques sur le sujet. 7 Audition Françoise Laurant Page | 14 4. La Commission sur l’image des femmes dans les médias Faisant suite à un rapport de la délégation sénatoriale aux droits des femmes publié, en juillet 2007, Valérie Létard, Secrétaire d’Etat à la solidarité, confie à Michèle Reiser, réalisatrice et membre du CSA, une mission de réflexion sur l’image des femmes dans les medias. La Commission est institutionnalisée en 2010 par Roselyne Bachelot-Narquin, Ministre des solidarités et de la cohésion sociale, qui lui donne pour mission de « proposer une méthodologie et des indicateurs de suivi de l’image des femmes et de leur représentation dans les médias, d’engager une démarche d’autorégulation avec leurs responsables et de publier un rapport annuel des avancées observées. » La Commission est composée de personnalités choisies en raison de leur expérience dans le secteur de la télévision, de la presse, de la radio, d'Internet, ainsi que des spécialistes du genre, nommées par le ou la Ministre en charge des droits des femmes, sur avis du président de la Commission. Les membres de la Commission sont nommés pour une durée de trois ans La Commission se réunit au moins deux fois par an, sur convocation de son président ou à la demande d'un cinquième de ses membres. Elle constitue en son sein des groupes de travail et s'adjoint le concours d'experts. La Rapporteure publie deux rapports et démissionne en avril 2012. Un rythme de travail difficile à trouver et une composition assez peu lisible ont conduit à ce que cette commission n’ait plus aujourd’hui, dans les faits, d’existence réelle. On ne peut se satisfaire de cette situation car les stéréotypes sexistes continuent d’imprégner notre environnement. Les médias, quels qu’ils soient (presse, radio, télévision), confortent, voire accentuent, l’invisibilité des femmes. Or, ils sont des moyens de socialisation privilégiés, notamment des plus jeunes, et participant à la diffusion de valeurs, de normes et de conduites, ils contribuent de ce fait à la construction des identités de chacun et de chacune. Certes, il y a d’incontestables avancées des médias en termes de représentations des femmes, mais les stéréotypes sont toujours légion, tant par la place Page | 15 professionnelle qu’elles occupent que dans le contenu des messages et images renvoyés par les médias. Selon l’enquête mondiale, Global Media Monitoring Project8, « un quart / trois quarts : tel est le ratio femmes / hommes dans la « média-réalité » française ».9 Le monde des informations, tant dans la presse audiovisuelle que dans la presse écrite, reste un monde masculin où les hommes sont présentés comme des experts et les femmes souvent comme des victimes. 10 Il faut insister sur le fait que c’est dès leur plus jeune âge que les filles et les garçons sont confrontés à une vision sexuée du monde : les catalogues de jouets reproduisent eux aussi des clichés symbolisés par des couleurs et des présentations d’univers masculin ou féminin. Plus tard, ce sont les manuels scolaires qui véhiculent une représentation stéréotypée du monde. Une étude de la HALDE11, portant sur toutes les disciplines du collège et du lycée, a confirmé cette résistance des stéréotypes de genre : Sur 1387 illustrations montrant des individus dans leur milieu professionnel, 1046 présentent des hommes et 341 des femmes, soit plus de trois hommes pour une femme. Plus d’un homme sur quatre est présenté en position supérieure ou occupant la fonction la plus prestigieuse d’un secteur d’activités. Tout cet environnement contribue à la construction d’identités sexuées, fondée sur un système hiérarchisé de normes de masculinité / féminité et agit presque mécaniquement sur les choix d’orientation des filles et des garçons. Comme le précise Françoise Vouillot, spécialiste du genre dans le champ scolaire, « le poids du genre est une donnée fondamentale des inégalités scolaires. »12 8 Le Global Monitoring Media Project est une enquête réalisée tous les 5 ans, depuis la Conférence de Pékin de 1995, sur les médias dans le monde. L’enquête couvre 85% des territoires habités. Tous les résultats à l’échelle mondiale et nationale se trouvent sur whomakesthenews.org 9 « Qui figure dans les nouvelles ? », Projet mondial de monitorage des médias (GMMP) 2010, Rapport national, France, p.5 10 Ibid, p.5, « 22% des experts sont des expertes » 11 « Place des stéréotypes et des discriminations dans les manuels scolaires ». Université Paul Verlaine, Metz. Rapport réalisé pour le compte de la HALDE, octobre 2008 12 « Le genre, angle mort des discriminations à l’école », Mediapart, 2 juillet 2012 Page | 16 Un exemple parmi d’autres : 14,5 % des filles s’orientent vers une première littéraire contre 4,3 % des garçons tandis que 27,5 % des filles choisissent la série scientifique contre 39,5 % des garçons.13 A l’évidence, il manque aujourd’hui, dans notre pays, une « instance » reconnue, du fait notamment de la pluralité de ses membres (professionnels, chercheur-es spécialistes de la question de la construction du genre, associations luttant contre le sexisme ordinaire) qui soit force de propositions dans la lutte contre les stéréotypes à tous les âges de la vie et vienne en soutien au Ministère des droits des femmes, au Ministère de la Culture, au Ministère de l’Education nationale et au Ministère de l’Enseignement supérieur en leur apportant recommandations, avis et conseils. C’est ce que se propose de faire le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes en créant en son sein une Commission « Socialisation et lutte contre les stéréotypes de genre». C. Renforcer les liens avec les collectivités territoriales L’Observatoire de la parité, de par sa composition notamment, n’est pas parvenu à tisser des liens solides et pérennes avec les territoires. Or, sur toutes les thématiques relatives à l’égalité entre les femmes et les hommes, les collectivités territoriales (qu’il s’agisse des régions, des départements ou des villes) apportent des réponses multiples, innovantes, souvent élaborées avec les associations de terrain. C’est toute cette richesse d’expériences multiples qu’il s’agit de mieux connaître, de mutualiser et de valoriser. Les violences sont un cas d’école de la nécessaire synergie entre les territoires et l’Etat (et entre les territoires eux-mêmes) pour construire une culture et une politique communes de lutte contre les violences. La Seine-Saint-Denis fait figure de modèle dans ce domaine. Par son engagement précurseur et les résultats incontestables obtenus par son Observatoire des violences faites aux femmes, elle est devenue source d’inspirations pour d’autres territoires, puisque la Ville de Paris a, par exemple, très récemment repris le dispositif « Téléphone. Femmes en danger ». Chiffres-clés 2011, « L’égalité entre les femmes et les hommes », source : Ministère de l’Éducation nationale, Repères et références statistiques, 2010. 13 Page | 17 C’est aujourd’hui à l’échelon national que doivent être mises en œuvre les mesures initiées localement. Les enquêtes pionnières réalisées sous l’impulsion de l’Observatoire de Seine-Saint-Denis doivent maintenant être d’envergure nationale - car les enquêtes locales peuvent ne refléter qu’une réalité partielle, ce qui n’est pas forcément représentatif de la situation nationale C’est le rôle qui incombe au futur Observatoire national des violences faites aux femmes : recueillir les dispositifs innovants, généraliser ces mesures partout sur le territoire, suivre les évaluations et orienter les pouvoirs publics dans leur prise de décisions. En matière de santé des femmes, les régions sont aussi des laboratoires d’idées. Le « Pass contraception » en est une illustration parmi d’autres. Initié par la région Poitou-Charentes en 2009, il est destiné aux jeunes filles, y compris en zone rurale, là où il n’y a que très difficilement accès à un centre de planification. Aujourd’hui, plusieurs autres régions l’ont également adopté, ce qui est l’exemple même d’un échange de bonnes pratiques. Il faut franchir, dorénavant, un pas supplémentaire et institutionnaliser ces échanges afin que les bonnes idées soient relayées partout sur le territoire. Un autre exemple, à partager également, celui de la lutte contre les stéréotypes. C’est l’un des six principes fondamentaux portés par la Charte européenne pour l’égalité des femmes et des hommes dans la vie locale »14 , élaborée en 2006, et dont 77 communes, 17 départements, 14 régions et 10 structures intercommunales françaises sont signataires, ce qui les engage à mettre en place un « plan d’action » sur leur territoire. Là encore, des idées, des actions, des innovations qui méritent d’être diffusées largement dans tous les territoires. Cette nouvelle orientation est d’autant plus pertinente que l’actuel Observatoire de la parité s’est déjà inscrit dans cette démarche de valorisation des actions Charte européenne pour l’égalité des femmes et des hommes dans la vie locale, 2006, p.9 : « L’élimination des stéréotypes sexués est indispensable pour l’instauration de l’égalité des femmes et des hommes : Les autorités locales et régionales doivent promouvoir l’élimination des stéréotypes et des obstacles sur lesquels se fondent les inégalités du statut et de la condition des femmes, et qui conduisent a l’évaluation inégale des rôles des femmes et des hommes en matière politique, économique, sociale et culturelle. » 14 Page | 18 locales par la mise en place du DOVALE (Document de valorisation des actions locales pour l’égalité entre les femmes et les hommes). Présenté lors de la journée internationale des droits des femmes, le 8 mars 2012, cet outil a pour objectifs d’interroger les élus des territoires sur les politiques d’égalité de genre qu’ils mènent –ou non- , de recenser les actions entreprises, de leur donner des outils –si besoin est- pour mieux en mesurer l’efficacité. Le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes doit poursuivre ce travail, ce qui sera facilité par la présence en son sein de ces élus-es- des territoires. Le Haut conseil se doit d’avoir cette fonction de capitalisation de l’action locale, en étant le lieu de rencontre des acteurs locaux de l’égalité. C’est pourquoi il est nécessaire de renforcer le lien avec les élu-es des territoires en les intégrant parmi les membres de cette instance -alors qu’aujourd’hui n’y siègent que les élu-es nationaux. D. Mutualiser et rationaliser les moyens existants En 2003, le gouvernement Raffarin avait souhaité réduire les comités consultatifs, dans un souci d’économie budgétaire de rationalisation des moyens. Plaidant pour une absorption de l’Observatoire de la parité en même temps que d’autres instances, la Ministre en charge de la parité et de l’égalité professionnelle, Nicole Ameline, avait proposé la création d’un Conseil national de l’égalité, composé d’une soixantaine de membres issus des différentes instances consultatives : Observatoire de la parité, Conseil supérieur de l’information sexuelle, de la régulation des naissances et de l’éducation familiale, Conseil supérieur de l’égalité professionnelle, Commission nationale contre les violences envers les femmes. Présidé par le Premier ministre, ce Conseil national de l’égalité aurait eu une fonction de consultation et de propositions. Le fait qu’il soit placé auprès du Premier ministre aurait renforcé stratégiquement la transversalité et l’interministérialité. Cette proposition n’avait pas été suivie d’effet, tout simplement parce que l’action de la Ministre s’était recentrée sur la « Charte de l’égalité ».15 15 DAUPHIN Sandrine, L’Etat et les droits des femmes, p.100 Page | 19 Au vu du contexte économique actuel et du récent rapport de l’Inspection générale des finances sur « l’Etat et ses agences » qui met en cause un « phénomène qui s’est développé sans stratégie d’ensemble, inflationniste en termes de moyens humains et financiers »16, il n’est plus opportun de conserver un nombre pléthorique d’instances concernant l’égalité entre les femmes et les hommes. Toutefois, les moyens et les coûts de l’Observatoire de la parité restent modestes en comparaison avec d’autres instances consultatives, notamment certaines autorités administratives indépendantes.17 La réflexion menée autour des missions de chacune des instances amène à la conclusion qu’il n’est nul besoin de créer une instance ex-nihilo, énième « Comité Théodule » aux contours juridiques flous, puisque la structure actuelle de l’Observatoire de la parité lui permet parfaitement, une fois ses missions redéfinies et ses champs de compétences élargis, d’avoir cette force d’interpellation nécessaire pour éclairer et appuyer l’action gouvernementale. De surcroît, il n’est plus cohérent, dans une démarche de gendermainstreaming, d’avoir une multiplicité d’instances autonomes qui travaillent chacune de façon sectorielle et de manière relativement étanche sur la question de l’égalité femmes-hommes. SYNTHESE -Proposition n°1 : Changer l’intitulé. L’actuel Observatoire de la parité doit devenir le « Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes » pour mieux rendre compte des inégalités de genre dans toutes les sphères de la société et élargir ses missions. -Proposition n°2 : Rassembler les instances consultatives en matière de droits des femmes, aujourd’hui peu coordonnées, pour n’avoir qu’une institution de référence, plus efficace et plus visible. -Proposition n°3 : Capitaliser l’action des territoires pour permettre une montée en puissance des actions locales et donner des outils aux collectivités qui souhaitent mener des politiques pour l’égalité femmes-hommes 16 Rapport sur l’Etat et ses agences, Inspection générale des finances, mars 2012, p.3 17 L’Observatoire de la parité dispose de 3 Equivalents temps plein Page | 20 II. REPONDRE A L’IMPERATIF DE TRANVERSALITE A. Favoriser l’interministérialité S’inscrivant pleinement dans la démarche de la Ministre des droits des femmes, les différentes personnalités auditionnées s’accordent toutes sur un point : il manque en France une structure institutionnelle, forte, dédiée aux droits des femmes qui pourrait venir en soutien à l’action de la Ministre. Cette institution doit être un lieu de rencontre de toutes les sphères de la société : politique (gauche comme droite), associative, universitaire, syndicale, économique, etc. Par leur liberté de ton, les membres apportent une parole forte et légitime, qui permet d’être un soutien, plus efficace parce qu’il est extérieur, au Ministère des droits des femmes. En cela, le rattachement au Premier ministre, qui est le statut actuel de l’Observatoire de la parité, est une garantie, puisqu’il confère à l’Institution une visibilité propre, renforçant ipso facto les politiques menées par le Ministère des droits des femmes. Comme le précisait Maxime Forest, Enseignant chercheur spécialiste des politiques publiques d’égalité de genre au niveau européen, ayant collaboré au projet européen QUING (Quality in Gender Equality Policies, 6e PCRD), lors de son audition, au niveau européen, « le rattachement au Premier ministre est vu d’un bon œil puisqu’il se situe au plus haut niveau politique ».18 18 Audition de Maxime Forest Page | 21 C’est, en effet, un acte politique fort que de renforcer une structure dédiée à l’égalité femmes-hommes dans tous les champs de la vie sociale. Cela consolide la démarche de gendermainstreaming défendue par le Ministère des droits des femmes puisque le rattachement au Premier ministre permet l’interministérialité et la dimension transversale. Parmi les Etats-membres, la Belgique est l’un des Etats les plus avancés en matière de promotion de l’égalité femmes-hommes puisqu’elle a créé, en 2002, l’Institut pour l’Egalité des Femmes et des Hommes. C’est une bonne illustration des avancées que permet la collaboration entre la Ministre et l’institution dédiée aux droits des femmes. Cette instance publique fédérale est chargée de garantir et de promouvoir l’égalité des femmes et des hommes et de combattre toute forme de discrimination et d’inégalité basée sur le sexe. Cet Institut est subdivisé en différentes cellules qui travaillent chacune dans des domaines d’action variés : gendermainstreaming, prise de décision, emploi, lutte contre la violence, relations internationales, aide aux associations et mission juridique. L’Institut et la vice-Première ministre, ministre de l’Egalité des chances, Joëlle Milquet, travaillent de concert, collaborant, par exemple, pour la mise en œuvre d’un plan fédéral de gendermainstreaming. L’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes a travaillé à l’élaboration du projet de plan fédéral de gendermainstreaming qu’il a soumis au Gouvernement. Les membres du Gouvernement, sur proposition de la Ministre, ont sélectionné quarante politiques devant faire l’objet d’une intégration de la dimension de genre. In fine, il revient à l’Institut de faire un rapport de fin de législature, transmis au Parlement, concernant l’effectivité de la mise en place de ce plan de gendermainstreaming. C’est un rôle analogue que pourrait tenir en France le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes en France. B. Diffuser une appro che intégrée de l’égalité dans toutes les sphères de la société Page | 22 Le gendermainstreaming est un « processus technique et politique qui exige des changements de la part de tous les protagonistes, tant au niveau de la culture des organisations et des modes de pensée que du point de vue des objectifs, des structures et de l’allocation de ressources».19 Porter cette démarche, comme le fait aujourd’hui le Ministère des droits des femmes, demande d’avoir des appuis solides, des relais institutionnels puissants. Le Haut Conseil à l’égalité, en étant à la fois un lieu de rencontre des différents acteurs de l’égalité et un lieu de veille et de diffusion de l’information, est ce partenaire indispensable, à même d’irriguer la société, à l’instar de l’Institut de la femme en Espagne. + CONCERTATION + PRODUCTION DE RECOMMANDATIONS Créé en 1983, l’Institut de la femme est né de la convergence de politiques d’égalité, d’abord élaborées dans les régions, qui ont été, ensuite, reprises à l’échelon national. L’Institut de la femme est actif dans de nombreux champs : éducation, santé, monde du travail, communication et publicité, culture, sport, discrimination multiple, mise en réseau, « programme de mainstreaming de genre ». Certaines régions espagnoles ont adopté, plus tôt que d’autres, une approche intégrée de l’égalité, et sont devenues une source d’inspiration pour les régions voisines. Et c’est à mettre à l’actif de la gauche espagnole que d’avoir repris ces innovations régionales pour créer cet Institut de la femme, à vocation nationale. Comme l’indique Maxime Forest, « quand vous avez une institution dédiée, comme l’Institut de la femme qui existe depuis 1983, sans discontinuer, qui a voix au chapitre médiatiquement, qui diffuse cette manière d’envisager le problème et des éléments de langage, cela finit par irriguer l’ensemble de la société. »20 Et de poursuivre : « En Espagne, cela s’est traduit par l’usage du terme « genre » qui n’a pas connu les mêmes résistances qu’en France, mais qui n’était pas répandu, auparavant, non plus. Il est devenu d’usage transversal. Quand on dit « violences 19 FERREIRA Viriginia, « La mondialisation des politiques d’égalité : du réformisme social au réformisme d’Etat », Cahiers du Genre, n°33/2002, p.69 20 Audition Maxime Forest Page | 23 de genre » en Espagne, cela signifie « violences liées à une inégalité structurelle entre les hommes et les femmes, qui commence avec l’éducation etc. ».21 En Espagne, depuis les années 2000, cette approche est partagée par tous les Gouvernements, de gauche comme de droite, et n’a jamais été remise en cause, parce que l’Institut qui a porté cette vision s’est imposé dans le paysage institutionnel. C’est ce qui lui permet, aujourd’hui, d’avoir toujours voix au chapitre, en dépit des coupes budgétaires drastiques dont il fait l’objet. C. Enrichir la démarche du Ministère des droits des femmes sur les études d’impact genrées Sandrine Dauphin le résume en quelques mots, « le défi de la période est de mesurer et évaluer les actions en faveur des femmes et plus globalement pour l’égalité des sexes ».22 L’heure n’est plus à la construction d’un arsenal législatif, mais à l’évaluation des effets des politiques publiques sur les femmes. L’évaluation peut intervenir à différents moments dans l’élaboration et la mise en œuvre d’une politique publique : -En amont, pour étudier ses impacts éventuels et sa faisabilité. -Au cours du débat, pour évaluer les ajustements nécessaires. -Et enfin, en aval, pour estimer l’efficience de la politique entrée en vigueur. L’Observatoire de la parité, a, depuis sa création, réalisé des évaluations à chacun de ces cycles. Comme l’explique son actuelle Secrétaire générale, « les membres ont largement contribué aux réformes constitutionnelles instituant le principe de parité. Ils ont analysé les projets de lois en cours et présenté des recommandations, dès qu’ils le jugeaient nécessaire, pour améliorer le texte en 21 Ibid 22 DAUPHIN Sandrine, L’Etat et les droits des femmes, p.77 Page | 24 vue d’une meilleure prise en compte ou de besoins spécifiques ou des droits des femmes. L’expertise de l’Observatoire s’est beaucoup fait connaître ces dernières années pour ses évaluations, ex-post, de la mise en œuvre des lois dites sur la parité, après chaque élection. » 23 Aujourd’hui, comme l’indique la lettre de mission24, le Haut Conseil à l’égalité doit étendre cette fonction « d’assurance-qualité » à l’ensemble des champs d’intervention qui lui sont dévolus. Il doit accompagner le Ministère des droits des femmes dans sa démarche d’études d’impact genrées, en apportant avis et recommandations comme le précise la circulaire du 23 août 2012 relative à la prise en compte dans la préparation des textes législatifs et réglementaires de leur impact en termes d'égalité entre les femmes et les hommes : « la grille d’analyse sera enrichie et précisée (…) grâce à des travaux méthodologiques complémentaires, menés à l'initiative du Ministère des droits des femmes, associant les experts et les organismes de recherche compétents en matière d'égalité entre les femmes et les hommes. » 25 Cette démarche innovante est en complète rupture avec la vision du précédent Gouvernement qui -bien qu’il fût à l’origine d’une réforme constitutionnelle obligeant le gouvernement à assortir tout projet de loi d’une étude d’impact-26 n’avait pas jugé nécessaire, par exemple, de s’assurer que les dispositions du projet de loi portant réforme des retraites n’accroissaient pas les inégalités entre hommes et femmes (en particulier, les articles 5 et 6 portant sur le relèvement des âges de liquidation de la retraite -âge de départ et âge sans décote). C’est au Haut Conseil qu’incombe cette mission de vigilance. Il s’agit de pointer les éventuelles carences, tant sur les conclusions des études d’impact, que sur leur 23 RESSOT Caroline, « L’évaluation genrée des politiques publiques par l’Observatoire de la parité : vers une égalité réelle ? », 2012 24 Voir annexe n°1, Lettre de mission Circulaire du 23 août 2012 relative à la prise en compte dans la préparation des textes législatifs et réglementaires de leur impact en termes d'égalité entre les femmes et les hommes, JORF n°0196 du 24 août 2012 page 13760, texte n° 3 25 Par renvoi de l’article 39 alinéa 3, la loi organique du 15 avril 2009 précise, article 8 : « Les projets de loi font l’objet d’une étude d’impact. Les documents rendant compte de cette étude d’impact sont joints aux projets de loi dès leur transmission au Conseil d’État. » 26 Page | 25 méthodologie et de travailler, en lien avec le Ministère, à leur amélioration en lien. Il doit, notamment, être attentif à la question des moyens et des ressources nécessaires aux politiques envisagées, ce que l’on appelle le « gender budgeting »27. Dans ce cadre, il peut notamment se charger d’analyser le « Document de politique transversale sur la politique d’égalité entres les femmes et les hommes » annexé chaque année, depuis 2009, au Projet de loi de finances. Ayant pour objectif de « rendre compte de la mobilisation des politiques sectorielles dont l’Etat a la charge »28, ce document présente la politique transversale interministérielle, la liste des programmes qui y participent, la stratégie globale d’amélioration de ses performances et les principales dépenses fiscales concourant à la mise en œuvre de cette politique. Ainsi, pour le PLF 2013, ce sont près de 192 millions d’euros qui seront mobilisés en faveur de la politique d’égalité entre les femmes et les hommes.29 Voilà une application concrète de la démarche d’évaluation des politiques de gendermainstreaming qu’aura à mener le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes. Parce qu’il sera une institution indépendante, quelque soient les orientations politiques, le Haut Conseil devra également s’assurer, que, dans le cadrage général de l’action de l’Etat, les plans mis en œuvre et les objectifs fixés sur le long terme, relèvent bien de la même approche intégrée de l’égalité femmes-hommes. Il devra être une vigie, un instrument de contrôle des résultats de l’action publique et garantir une continuité. J’expliciterai un peu en repartant de l’audition de M. Forest et en donnant un exemple. élaborer un paradigme transversal de l'action publique en faveur de l'égalité f/h, ancré dans une argumentation scientifique solide, susceptible de structurer dans la durée l'action des pouvoirs publics, et permettant d'étalonner tout changement de cap ou d'approche dans les différentes problématiques relevant de l'égalité. Application de l’approche intégrée de l’égalité entre les femmes et les hommes dans le processus budgétaire. Cela implique une évaluation dans une perspective de genre des budgets existants à tous les niveaux du processus budgétaire ainsi qu’une restructuration des revenus et des dépenses afin de promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes. 27 Document de politique transversale, Projet de loi de finances pour 2013, Politique de l’égalité entre les femmes et les hommes, p. 61 28 29 Ibid, p.84 Page | 26 Approche cognitive des politiques publiques : pol publiques ne servent pas seulement à résoudre des problèmes mais construisent aussi des 'cadres d'interprétation du monde' qui peuvent déconstruire ou au contraire renforcer l'ordre sexué. Ex: le scrutin binominal proposé pour les cantonales. Certes cela entraînerait une stricte parité, mais cela risquerait dans le même temps de renforcer l'ordre sexué en confortant l'idée de complémentarité f/h avec ces couples de candidat-e-s, et de laisser la place à l'expression de rapports dissymétriques à l'intérieur de ces couples, la femme pouvant être vue comme la suppléante de l'homme (le candidat homme mis en avant au détriment de la candidate femme : sur affiche, dans la prise de parole, etc..). III. LE VISAGE DU HAUT CONSEIL A L’EGALITE ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES A. Ses missions 1. Organiser la concertation des acteurs compétents en matière d’égalité femmes-hommes Le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes doit être le lieu d’expression de la société civile et de rencontre des acteurs de l’égalité entre les femmes et les hommes. Mobilisées sur le terrain, les associations, les collectivités locales souhaitent travailler de concert avec les universitaires et les Pouvoirs publics pour construire des politiques cohérentes, transversales qui fassent progresser l’égalité dans tous les domaines et sur tous les terrains. Parce que la concertation y serait organisée et encadrée, le Haut Conseil peut travailler à faire converger les positions pour que s’exprime une voix forte des acteurs et actrices engagés sur l’égalité femmes/hommes, nécessaire à une meilleure prise en compte de l’exigence d’égalité dans l’ensemble des politiques publiques. Il jouerait ce rôle de caisse de résonnance des aspirations de tous les acteurs de l’égalité. 2. Observer les inégalités dans l’ensemble des champs de la vie sociale Afin de rendre compte des situations d’inégalités entre les femmes et les hommes, le Haut Conseil doit réunir des données, faire produire et produire des analyses, Page | 27 études et recherches sur la situation des femmes, aux niveaux national et international. Ce travail d’observation reste indispensable pour rendre, aux yeux de tous, visible l’invisible. Par la publication de rapports reprenant ces travaux, le Haut Conseil aura vocation à éclairer les Pouvoirs publics dans leur prise de décision. La publication de chiffres-clés percutants sera également un support utile pour les associations dans leur double démarche de sensibilisation aux inégalités entre les femmes et les hommes et d’action pour les combattre. 3. Analyser et évaluer les politiques publiques – Améliorer la méthodologie des études d’impact genrées Le Haut Conseil aura pour mission d’analyser et d’évaluer à tous les « temps politiques » les politiques publiques mises en œuvre. En lien avec le Ministère des droits des femmes, il contribuera, a priori, aux études d’impact genrées des projets de loi, en apportant avis et recommandations, afin d’identifier les éventuelles répercussions négatives sur l’un ou l’autre sexe. A posteriori, il évaluera l’effet des lois adoptées et les écarts entre les objectifs poursuivis par les grandes législations pour l’égalité femmes-hommes et leur réalisation concrète. Afin d’en mesurer les effets dans le temps, d’un point de vue quantitatif, le Haut Conseil mettra en place des indicateurs. Pour apprécier la progression d’un point de vue plus qualitatif, le Haut Conseil pourra convier à ses travaux toute personne qualifiée dont l’audition lui paraitra utile. A partir de ces évaluations et analyses, le Haut Conseil fera, au Premier ministre, toutes préconisations et propositions innovantes de réformes pour prévenir et résorber les inégalités entre les sexes. Le Haut Conseil émettra, également, des avis sur les projets de textes législatifs et réglementaires dont il sera saisi par le Premier ministre ou la Ministre des droits des femmes. 4. Capitaliser les actions des territoires Parce qu’elles sont en prise avec la réalité du terrain et souvent plus libres d’imaginer des dispositifs originaux et innovants, les collectivités locales sont pionnières dans la lutte contre les inégalités entre femmes et hommes. Le Haut Conseil doit capitaliser ces actions novatrices et efficaces, en travaillant plus étroitement avec les élus locaux. Il doit devenir un laboratoire d’idées qui fait Page | 28 essaimer partout sur le territoire les bonnes pratiques et favorise les liens entre le niveau national et les territoires. 5. Etre un lieu de veille et de diffusion de l’information Le Haut Conseil doit avoir une fonction de veille juridique. Au-delà de la publication d’une synthèse factuelle des directives adoptées au niveau européen ou des lois votées en France, une note juridique doit mettre en perspective ces décisions. Cette vigilance juridique permettra non seulement à tous les membres d’être informés et accompagnés dans leurs travaux, entre autres, mais aussi d’alerter l’opinion publique. En diffusant largement l’information, sur son site Internet, le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes deviendra le repère de l’information en matière de droits des femmes. Toujours dans cette optique, le site Internet pourrait, également, servir de recueil des cas de discriminations. Chaque internaute pourrait déposer son témoignage, dans un espace dédié du site Internet. L’objectif n’est pas alors de traiter chaque cas individuellement, mais de créer une base de données des discriminations les plus fréquentes et d’informer les citoyen-nes, en lien avec le Défenseur des droits, de leurs droits et des recours possibles. Ce recueil de témoignages serait aussi un outil précieux pour une approche qualitative des discriminations entre les femmes et les hommes, du fait qu’ils viendraient en complément des données statistiques. B. Ses champs de compétences Le gendermainstreaming, d’abord expérimenté dans les pays nordiques, puis intégré dans le corpus communautaire européen, a toujours été pensé et mis en œuvre en sédimentant les différentes thématiques qui ont trait à l’égalité entre les femmes et les hommes. Si la mission première du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes est d’intervenir sur l’ensemble des champs de la vie sociale, il devra également adopter une démarche transversale et identifier, au préalable, des thèmes spécifiques. C’est pourquoi, six champs de compétences particuliers ont été identifiés, qui feront l’objet de commissions thématiques au sein du Haut Conseil. Page | 29 1. Parité politique, économique et sociale Définie comme le « partage à égalité du pouvoir »30, la parité n’est toujours pas une réalité en France, loin s’en faut. Aussi, le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes doit avoir une fonction de vigilance et d’alerte sur la progression des femmes dans l’accession aux postes à responsabilités. L’un de ses travaux pourrait consister à communiquer, chaque semaine, sur les nominations de femmes en Conseil des ministres. En effet, si l’actuel gouvernement est, pour la première fois dans l’histoire de notre République, strictement paritaire, il n’en demeure pas moins que les femmes sont sous-représentées dans les nominations effectuées en Conseil des ministres, chaque mercredi. Seules 11% de femmes ont été nommées à des postes de hauts dirigeants de l’administration, depuis mai 2012, sur les seize Conseils des ministres qui ont eu lieu entre le 23 mai 2012 et le 19 septembre 2012, malgré les directives de la circulaire du 23 août 2012, relative à la mise en œuvre de la politique interministérielle en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes.31 En lien avec le Ministère des droits des femmes qui dresse un tableau de bord de ces nominations, le Haut Conseil pourrait en publier un bilan commenté. 2. Articulation des temps de vie L’articulation entre vie professionnelle et vie personnelle est un enjeu majeur pour parvenir à l’égalité femmes-hommes. Il faut, en effet, remettre en cause les représentations stéréotypées d’une répartition « naturelle » des rôles dans l’exercice de la responsabilité familiale et permettre, ainsi, aux pères d’exercer pleinement leur parentalité. Aujourd’hui, l’arrivée d’un enfant marque le plus souvent une rupture dans les trajectoires professionnelles des femmes. Plus d’un quart des femmes arrêtent de travailler à l’arrivée d’un enfant contre 2,6% des hommes. La moitié d’entre elles déclarent qu’elles auraient souhaité continuer si leurs conditions d’horaires de travail, de garde des enfants et la répartition des 30 SENAC-SLAWINSKI Réjane, La parité, Que sais-je ?, PUF, 2008, p.3 « Après la composition du premier gouvernement paritaire de notre pays, cette exigence d'exemplarité doit se traduire à tous les niveaux de décision et dans toutes les actions de l'Etat. L'ensemble des administrations et opérateurs qui relèvent de votre autorité ou sont placés sous votre tutelle ont en la matière un devoir d'impulsion et d'exemplarité », Circulaire du 23 août 2012 relative à la mise en œuvre de la politique interministérielle en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes, JORF n°0196 du 24 août 2012 page 13761, texte n°4 31 Page | 30 tâches au sein du ménage avaient été autres.32 Ce constat alarmant conduit à envisager au moins trois pistes de réflexion et de travail : -Sur le congé paternité. Le Haut Conseil pourra recenser toutes les bonnes pratiques des entreprises qui donnent, par exemple, la possibilité aux pères de transformer leur 13ème mois en jours de congés supplémentaires. -Sur l’aménagement et l’organisation des horaires de travail qui bénéficieraient à tous les salariés et amélioreraient les conditions globales de travail. -Sur les modes de garde. La France peut se targuer d’avoir le taux de fécondité le plus élevé d’Europe, après l’Irlande, avec 2,07 enfants par femme depuis 2008.33 Pourtant, il manque entre 300 000 et 500 000 places en crèche. Le développement des modes de garde diversifiés (crèche municipale, halte-garderie, crèche d’entreprises etc.) est un élément majeur pour faire progresser l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. 3. Violences de genre C’est encore aujourd’hui un enjeu majeur que de faire reconnaître les violences envers les femmes comme des violences spécifiques, des « violences de genre ». La dernière enquête de l’ONDRP évalue à 400 000 le nombre de femmes « victimes déclarées » de violences physiques ou sexuelles de la part de leur conjoint ou exconjoint.34 Ce chiffre alarmant incite à repenser la question des violences dites conjugales ou intrafamiliales, loin des idées préconçues, véhiculées par les médias dans les pages « Faits divers ». Ces violences sont la conséquence d’un système de domination masculine qui prévaut dans l’organisation sociale et, de ce fait, doivent être reconnues, partout, comme telles. C’est ce qu’a fait le Gouvernement espagnol, pionnier dans la lutte contre les violences, en faisant voter la loi de 2005 contre la « violencia de género ». En lien étroit avec le futur « Observatoire des violences », le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes doit produire des rapports sur les pans de violences faites aux femmes peu explorés 32 MEDA Dominique, SIMON Marie-Odile, WIERINK Marie, « Pourquoi certaines femmes s’arrêtent de travailler à la naissance d’un enfant ? », Premières informations et premières synthèses n°29-2 DARES, 2003 33 Chiffres INSEE, Population – Bilan démographique 2011, janvier 2012 Enquête ONDRP, « Le profil des personnes de 18 à 75 ans s’étant déclarées victimes de violences physiques ou sexuelles par conjoint ou ex-conjoint sur 2 ans lors des enquêtes « Cadre de vie et sécurité » INSEE-ONDRP de 2008 à 2012 », Repères n°18, Octobre 2012 34 Page | 31 jusqu’à présent comme les violences au travail, les mariages forcés, les violences commises à l’encontre des jeunes filles. 4. Santé des femmes, droits sexuels et reproductifs Ainsi que l’explique Françoise Héritier, « si la fécondité est le lieu central de la domination masculine, il s'ensuit que la prise par les femmes du contrôle de leur fécondité revient pour elles à sortir du lieu de la domination. Là est le levier d'un changement majeur pour l'humanité toute entière ».35 Les droits sexuels et reproductifs des femmes, et en particulier, des jeunes femmes sont, en effet, un enjeu majeur de politique publique sur les plans tant éducatif que sanitaire. Bien que la France présente l’un des taux de couverture contraceptive les plus élevés au monde (90,2% des femmes sexuellement actives de 15-49 ans utilisent une contraception moderne), deux tiers des grossesses non prévues ont lieu sous contraception.36 Le poids des tabous, des stéréotypes, des interdits culturels et religieux sont autant d’obstacles à une éducation sexualisée, nécessaire pour consolider le droit fondamental des femmes à disposer de leur corps. 5. Socialisation et lutte contre les stéréotypes sexistes Partageant le constat de la Commission sur l’image des femmes dans les médias d’une « ignorance massivement partagée de la réalité et de la force des stéréotypes » 37, le Haut Conseil entend lutter contre le sexisme à la racine, diffusé par tous les moyens de socialisation (école, médias, publicité). Plusieurs pistes de réflexions et de travail peuvent déjà être avancées parmi lesquelles : -Redéfinir les contrats d’objectifs conclus entre l’Etat et les chaînes de télévision et radios publiques afin d’établir des règles de bonne conduite. -Constituer un « annuaire » d’expertes à destination des médias pour que leurs travaux soient enfin visibles du grand public et suscitent des vocations chez les plus jeunes. 35 HERITIER Françoise, Masculin/Féminin II, Dissoudre la hiérarchie, Editions Odile Jacob, Paris, 2002 Baromètre Santé 2010 de l’INPES REISER Michèle, GRESY Brigitte, « Rapport sur L’image des femmes dans les médias », 25 septembre 2008, p.87 36 37 Page | 32 -Mieux communiquer sur le travail mené par des associations comme les Chiennes de garde ou La Meute qui décerne chaque année son « prix macho » de la publicité la plus sexiste et son « prix femino » pour récompenser les publicités déconstruisant les stéréotypes sexistes. De la même manière, le « Prix d'excellence égalitaire Hubertine Auclert » qui récompense, chaque année, le caractère égalitaire d'une action ou d'un support (comme les manuels scolaires, par exemple) doit être mieux connu du grand public. -Dans le cadre des nouvelles orientations annoncées par la Ministre des Droits des femmes et le Ministre de l’Education, contribuer à la réflexion sur les contenus de formation des personnels de l’Education nationale et sur les méthodologies de suivi et d’évaluation de cette nouvelle politique. La priorité est d’associer tous les acteurs concernés – enseignants, journalistes, conseillers d’orientation, publicitaires, administrations de l’Education nationale etc. afin qu’ils réfléchissent au sexisme, à leur propre sexisme inconscient, généralement développé par simple méconnaissance. C’est grâce à cette prise de conscience collective qu’enfin, femmes et hommes pourront progresser. 6. Droits des femmes et enjeux internationaux et européens Les politiques de l’égalité entre les femmes et les hommes conduites par les différents gouvernements s’inscrivent dans le cadre d’engagements internationaux pris par la France : d’une part, la Convention des Nations Unies « sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes » (CEDAW) signée le 17 janvier 1980 et ratifiée le 14 décembre 1983. En application de cette Convention, la France est tenue d’adapter sa législation interne pour la rendre conforme aux dispositions de la Convention et de prendre des mesures concrètes pour l’appliquer (en 2013, la France doit, d’ailleurs, présenter son septième rapport sur l’application de la convention). Elle doit le faire également, aussi, depuis la déclaration et le programme de Pékin de 1995 qui a fixé douze domaines d’actions prioritaires et défini une méthode d’action, le « Gender mainstreaming »38 (dite « approche intégrée de l’égalité ») Défini par le Conseil Economique et Social des Nations Unies (ECOSOC) en 1997 comme suit : «L’intégration des questions de genre consiste à évaluer les implications des femmes et des hommes dans toute action planifiée comprenant la législation, les procédures ou les programmes dans tous les domaines et à tous les niveaux. Cette stratégie permet d’intégrer les préoccupations et les expériences des femmes et des hommes à la conception, à la mise en œuvre, au contrôle et à l’évaluation des procédures et des programmes dans toutes 38 Page | 33 dans le cadre de laquelle s’inscrit l’action de l’Union européenne en adoptant des indicateurs de suivi pour chacun des 12 domaines d’actions. C’est dans le droit fil de la Conférence de Pékin de 1995 que Jacques Chirac a tenu à ce que soit créé l’Observatoire de la parité pour répondre à la nécessité d’avoir un « mécanisme national situé au niveau le plus élevé possible de l’Etat et relevant directement d’un ministre, qui dispose de ressources financières et humaines suffisantes et qui a le pouvoir d’influer sur l’élaboration de toutes les politiques du gouvernement ».39 Au sein de l'Union européenne, la France, en tant qu’État membre, se doit d’intégrer la totalité de l’acquis communautaire en matière d’égalité entre les femmes et les hommes, ce qui constitue un important corpus de textes juridiques transposés dans le droit interne. Malgré l’importance de ces dispositifs, aucun Conseil, aucune Commission n’existe pour veiller à la mise en œuvre de ces textes. C’est ce que se propose de faire le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes en créant en son sein une Commission « Droits des femmes et enjeux européens et internationaux ». Le premier objectif de cette commission est de veiller à ce que les textes européens en matière d’égalité entre les femmes et les hommes soient intégrés au droit français. Il s’agit de s’assurer de la transposition des directives et règlements européens dans le droit français (dispositions législatives et réglementaires) et de la mise en œuvre des mesures de transposition. La Commission doit effectuer un vrai travail de suivi, en concentrant particulièrement son attention sur les crédits engagés et les objectifs chiffrés définis par la loi afin d’en évaluer les effets sur le long terme. La Commission doit également faire un travail de veille de l’actualité européenne en matière de droits des femmes afin que la France transpose, plus rapidement qu’elle ne le fait déjà, les dispositions européennes. Le récent séisme autour de les sphères politiques, économiques et sociétales pour qu’ils en bénéficient de manière égale et que l’inégalité actuelle ne soit pas perpétuée» Déclaration de Pékin, septembre 1995, « Objectif stratégique G.2 : « Donner aux femmes les moyens de participer à la prise de décisions et d’exercer des responsabilités », principe 201 : « Tout Etat devrait avoir un mécanisme chargé de la promotion de la femme, qui soit la principale entité de coordination des politiques nationales. De tels mécanismes ont pour tâche essentielle d’appuyer l’intégration de la problématique hommes-femmes dans tous les secteurs et dans toutes les entités de l’Etat », p.90 39 Page | 34 l’abrogation du délit de harcèlement sexuel est venu nous rappeler que la France avait parfois un temps de retard, puisque la notion de « harcèlement sexuel » avait été définie de manière relativement exhaustive dès 2002 dans la Directive 2002/73/CE du Parlement européen et du Conseil.40 Une transposition plus rapide de cette directive dans le droit français aurait permis d’éviter l’abrogation du délit, certes éphémère, grâce à la réactivité du nouveau gouvernement, pour « inconstitutionnalité ».41 Le deuxième champ d’action de la Commission est un travail de méthodologie sur l’aide au développement. En s’inspirant de ce que peuvent faire d’autres Etats membres, il s’agira d’élaborer une méthodologie permettant de mettre en place des indicateurs qui mesure l’impact sur la vie des femmes et des populations de la mise en œuvre d’un programme de développement. Grâce à cette méthodologie, on peut penser que l’aide au développement serait, à terme, mieux ciblée donc plus efficace. La France doit être promotrice de l’amélioration de la situation des femmes au niveau national, en étant des plus réactives dans la transposition des directives européennes favorables à l’égalité de genre, au niveau européen, en étant extrêmement volontariste dans la définition de politiques publiques européennes favorables aux droits des femmes (comme sur l’IVG et la contraception, ou encore sur les congés maternité, paternité et parental partagé à égalité), et enfin au niveau international, en défendant une approche genrée de l’aide au développement. C. Son organisation Le Haut Conseil est présidé par le Premier ministre, et par délégation, par le ou la Président-e du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes. Directive 2002/73/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 septembre 2002 modifiant la directive 76/207/CEE du Conseil relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail 40 41 Décision du Conseil Constitutionnel, n°2012-240 QPC du 4 mai 2012 Page | 35 1. La commission permanente A la tête du Haut Conseil siège une commission permanente dirigée par la Présidente déléguée du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, nommée par le Premier ministre, pour un mandat de cinq ans, irrévocable et non-renouvelable. Afin d’assurer l’indépendance du Haut Conseil, il semble préférable que cette personnalité ne soit pas un parlementaire en fonction. Cette Présidente anime une commission permanente composée de 14 personnes : -Les Président-es des trois délégations aux droits des femmes de l’Assemblée nationale, du Sénat et du Conseil économique, social et environnemental, actuellement membres de droit, afin d’assurer le lien entre tous les acteurs institutionnels sur la question -Le Défenseur des droits * -Le ou la Directeur-trice de l’Observatoire national des violences -Le ou la Secrétaire général-e du Conseil supérieur de l’égalité professionnelle -Le ou la Président-e du Haut Conseil de la Famille -Les Président-es des commissions thématiques du Haut Conseil * Il est important que le Défenseur des droits et le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes travaillent de concert car, comme l’indique le rapport annuel du Défenseur des droits de 2011, les réclamations enregistrées sur le critère du sexe sont passées de 668 en 2009 à 567 en 2010 puis à 303 en 2011 pour ne représenter donc que 3,7% du nombre total de saisines en 2011. 42 Si le rapport estime que « le sentiment de résignation a reculé »43 , notamment pour les discriminations en raison de grossesse, il est nécessaire que les deux institutions se fassent le relais des actions menées par l’une et l’autre. D’un côté, le Défenseur des droits doit avoir parfaite connaissance des enjeux et des problématiques de genre en participant aux travaux menés par le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes pour mieux sensibiliser à cette discrimination. Symétriquement, le traitement des plaintes ne rentrant pas dans le champ de compétences du Haut Conseil contrairement à ce que peut faire, par exemple, l’Institut pour 42 BAUDIS Dominique, Rapport annuel du Défenseur des droits, 2011, p.103 43 Ibid, p.109 Page | 36 l’Egalité des femmes et des hommes en Belgique, il doit être au fait des avancées dans le traitement de ce cas de discrimination. 2. Les commissions thématiques Commission Parité politique, économique et sociale Commission Violences de genre Commission Articulation des temps de vie Commission Socialisation et lutte contre les stéréotypes de genre Commission Droits des femmes et enjeux internationaux et européens Commission Santé des femmes, droits sexuels et reproductifs Chaque Commission élit en son sein 2 rapporteur-es – coprésident-es qui se font le relais des travaux menés en commissions. 3. Les collèges Ils seraient fixés par décret : Un collège de 12 « Personnalités qualifiées » Un collège de 12 « Associations » Un collège de 12 « Elus locaux et nationaux » Un collège de 12 « Administration» Un collège de 12 « Chercheur-es en étude de genre » Les nominations des membres se feront sur proposition de la Présidente du Haut Conseil au Premier ministre qui les nomme par décret. Les membres seront choisis nominativement, intuitu personae, au sein de leur organisation. Page | 37 Chaque membre sera affecté à une commission lors de sa nomination, en fonction de sa compétence et de son expertise, afin de faire vivre toutes les commissions thématiques du Haut Conseil : Il s’agit d’éviter à la fois les fluctuations de mode et les dilutions, c'est-à-dire éviter le fait qu’un thème fasse converger tous les travaux au détriment de tous les autres. Comme l’indique Réjane Sénac-Slawinski, le risque « si le Haut Conseil dilue complètement les thèmes, c’est que la société civile pense que l’on tue les politiques d’égalité (…) En France, sous l’impulsion de la Charte de l’égalité, on s’est passé des acteurs spécifiques, des formations, des référents. En défendant l’idée que l’égalité allait se répandre partout et que chacun allait la répandre, il ne s’est rien passé. Cela, c’est le pas d’après que l’on fait quand l’approche intégrée est acceptée par tous ».44 Le Haut Conseil sera composé de 60 personnes émanant de 5 collèges et de 6 personnes membres de droit. D. Son fonctionnement 1. Les membres et l’organisation du travail Le Haut Conseil a une vocation de transversalité, c’est pourquoi il sera important que les membres, une fois affectés dans leurs commissions thématiques, puissent participer aux travaux des autres commissions. Si l’on ne peut faire du transversal sans faire également du spécifique, il faut néanmoins décloisonner les thèmes lorsque c’est nécessaire et faire en sorte que chacun puisse travailler en toute souplesse. Le travail s’organise donc à la fois en interne de chaque commission, et en travail commun de l’ensemble du Haut Conseil, sur un thème transversal. C’est ainsi que, chaque année, la Commission permanente définit un thème de travail qui recouvre les différents champs de l’égalité femmes-hommes, qui, la première année, par exemple, pourrait être celui de « Femmes et laïcité en 2013 en France » « impact du temps partiel sur l’égalité entre les femmes et les hommes » (tant d’un point de vue matériel (précarité, violences, etc.) que sur les représentations) ou « ruralité » ou « genre et services à la personne » . En parallèle, la Commission permanente choisit pour chaque commission le thème de travail spécifique de l’année. 44 Audition de Réjane Sénac-Slawinski Page | 38 Le rapport remis au Premier ministre et présenté devant le Parlement rendra compte à la fois des conclusions du thème de travail du Haut Conseil, ainsi que des travaux effectués au sein de chaque Commission. La diversité des contenus des travaux effectués par tous les acteurs de l’égalité entre les femmes et les hommes doit conduire à mieux les faire connaître. C’est la raison pour laquelle il apparaît indispensable d’organiser, chaque année, un « grand événement » qui permette à la fois de sensibiliser le grand public et de renforcer les liens avec les territoires. 2. Les ressources humaines En l’état actuel, le Haut Conseil dispose de 3 équivalents temps plein ; ce qui peut sembler largement insuffisant pour que cette structure tienne tout son rôle, à la hauteur de ses missions. * *A titre de comparaison, l’Observatoire interministériel de la sécurité routière dispose de plusieurs statisticiens professionnels, l’Observatoire national de la fin de vie est composé d’une équipe de six personnes (sociologue, médecin, infirmier etc.) et la Commission nationale consultative des droits de l’Homme s’appuie régulièrement sur huit postes de permanents et au-delà régulièrement sur des étudiants en thèse qui font des recherches pour son compte, ce qui renforce la capacité d’expertise de l’institution. C’est pourquoi, il faudrait envisager à terme un quatrième poste de catégorie A. A l’heure actuelle, la répartition des postes est la suivante : -L’un est affecté au poste de Coordinateur-trice des travaux et d’animation des groupes de travail, en collaboration avec la Présidente et est, également, chargé de la veille juridique. -Le deuxième au poste de Chargé-e de mission de communication et relations presse pour faire connaître le Haut Conseil et ses travaux, alimenter le site Internet quotidiennement et travailler à l’élaboration des grands événements annuels, en relation avec les partenaires. Page | 39 -Le troisième au poste d’évaluateur/évaluatrice des opérateurs et des politiques publiques chargé-e de mettre en place des indicateurs et de réaliser une étude critique des études d’impact, en collaboration avec le Cabinet et le SDFE. Il faut, par ailleurs, lorsque les services des administrations ne peuvent fournir les éléments nécessaires, missionner des chercheur-es sur une étude précise lorsque les travaux du Haut Conseil le nécessitent. De la même manière, il apparaît nécessaire de bénéficier de la collaboration d’étudiants en thèse sur des études et des missions ciblées. CONCLUSION Avec le rétablissement d’un Ministère des droits des femmes de plein exercice, un immense espoir s’est levé parmi les militantes associatives et les élu-es des territoires qui rivalisent d’imagination, depuis des années, pour sensibiliser aux inégalités entre les femmes et les hommes et lutter contre les discriminations sexistes. Enfin, la nouvelle page politique qui s’ouvre va permettre de faire progresser dans tous les champs de la vie sociale et dans toutes les sphères de la société l’exigence d’égalité. Mais, un tel combat ne peut être mené sans réunir d’une même voix tous les acteurs engagés, associations, élu-es locaux et nationaux, chercheur-es en étude de genre, expert-es de terrain. C’est pourquoi un Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, reconstruit sur les bases de l’Observatoire de la parité, doit devenir ce lieu de concertation et de diffusion d’une approche intégrée de l’égalité. Confortant la démarche des études d’impact genrées, il mettra son expertise au service du Ministère des droits des femmes pour améliorer ce dispositif innovant. Reprenant les dispositifs pensés localement, le Haut Conseil se donnera les moyens d’agir globalement et pourra devenir, à son tour, une référence en Europe dans la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes. Page | 40 ANNEXES -Annexe n°1 : La lettre de mission -Annexe n°2 : La liste des personnes auditionnées -Annexe n°3 : L’organigramme du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes -Annexe n°4 : Le décret portant création d’un Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes Page | 41 Annexe n°1 – La lettre de mission Page | 42 Page | 43 Annexe n°2 – La liste des personnes auditionnées -Mme Geneviève Bel, Présidente de la Délégation aux droits des femmes du Conseil économique, social et environnemental -Mme Jocelyne Bougeard, Présidente de la Commission Femmes élues locales du Conseil des communes et régions d’Europe -Mme Thalia Breton, Porte-parole d’Osez le féminisme ! -Mme Sandrine Dauphin, Docteure en sciences politiques, auteure de L’Etat et les droits des femmes -M. Maxime Forest, Docteur en sciences politiques, spécialiste des politiques d’égalité et de lutte contre les discriminations en Europe, de l’européanisation des politiques d’égalité et de la participation des femmes en politique -M. Michel Frost, Secrétaire général de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme -Mme Catherine Génisson, Sénatrice, ancienne Rapporteure générale de l’Observatoire de la parité (1999-2002) -Mme Brigitte Gonthier-Maurin, Présidente de la Délégation aux droits des femmes du Sénat -Mme Brigitte Grésy, Ancienne rapporteure de la Commission sur l'image des femmes dans les médias, membre de l’Observatoire de la parité -Mme Françoise Laurant, Ancienne Présidente du Mouvement français pour le Planning familial, membre du Conseil supérieur de l’information sexuelle, de la régulation des naissances et de l’éducation familiale -Mme Caroline Ressot, Secrétaire générale de l’Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes -Mme Ernestine Ronai, Présidente-fondatrice de l'Observatoire départemental des violences faites aux femmes de Seine-Saint-Denis -Mme Réjane Sénac-Slawinski, Docteure en sciences politiques, ancienne Secrétaire générale de l’Observatoire (2001-2003) -Mme Cécile Sportis, Conseillère honoraire des affaires étrangères, chargée de mission pour l'égalité femme-homme -Mme Martine Storti, Philosophe, journaliste, présidente de l’Association féministe « 40 ans de mouvement » -Mme Maya Surduts, Membre du Collectif National pour les Droits des Femmes (CNDF), Secrétaire générale de la Coordination des Associations pour le Droit à l’Avortement et à la Contraception -Mme Nathalie Tournyol du Clos, Cheffe du service des droits des femmes et de l’égalité -Mme Olga Trostiansky, Présidente de la Coordination française pour le lobby européen des femmes, membre de l’Observatoire de la parité -Mme Marie-Jo Zimmermann, Députée, ancienne Rapporteure générale de l’Observatoire de la parité (2002-2005, 2006-2009) Page | 44 Annexe n°3 – L’organigramme du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes COMMISSION PERMANENTE DU HAUT CONSEIL Parité politique, économique et sociale Violences de genre Articulation des temps de vie Socialisation et lutte contre les stéréotypes de genre Droits des femmes et enjeux internationaux et européens Santé des femmes, droits sexuels et reproductifs Page | 45 Annexe n°4 – Le décret portant création d’un Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes Page | 46