Shunsuke Tsurumi (né en 1922), très connu au Japon en tant que philosophe de la
‘‘désobéissance civique’’, est allé aux États-Unis en 1938 pour étudier la philosophie à l’Université de
Harvard. Il y a assisté aux cours de B. Russell, d’A. Whitehead, etc. Il a achevé son mémoire en 1942
dans la prison de L’Office national de l’immigration à Boston. Huit ans après son retour au Japon il a
publié, en 1950, son premier livre intitulé : La philosophie de L’Amérique, dans lequel il questionnait la
nature du ‘‘pragmatisme’’.
Selon Tsurumi, le fondateur du pragmatisme est, sans aucun doute, Charles Sanders Peirce
(1839-1914), qu’on connaissait alors très peu au Japon et en France. Philosophe méconnu pendant
toute sa vie, Peirce a élaboré, dans le sillage de Ralph Waldo Emerson (1803-1882), une sémiotique
(semiotics) en avance sur la sémiologie de F. de Saussure. À cet égard, on pourrait dire que Peirce est
le ‘‘jumeau’’ de Nietzsche.
D’après Tsurumi, la sémiotique de Peirce se compose de trois termes : le Designatum,
l’Implication et l’Interpretant. C’est cet Interpretant qui renvoie un signe à un autre signe, à l’infini, sans
jamais aboutir à un dernier terme. De là l’in-quiétude du signe. C’est dans cette dernière que Tsurumi a
trouvé une sorte d’arme contre la ‘‘fixation du sens’’, phénomène extrêmement néfaste aux yeux de
Tsurumi pour qui l’avenir politique du Japon, de l’Asie, et par conséquent de ce monde, dépendait de la
manière dont on faisait usage des signes.
Tsurumi ne parle que rarement de la philosophie française du 20ème siècle, ce qui
vraisemblablement faisait partie de sa stratégie. Pourtant on peut, selon moi, trouver une réplique de
sa tentative dans celle de Jacques Derrida dans De la grammatologie ’(1967), qui consiste à
dé-construire la notion de ‘‘signifié transcendantal’’, voire celle de ‘‘signe’’ en général. Ce qui est ici
étonnant est d’ailleurs que Derrida mentionne lui-même Peirce et fait de lui son grand prédécesseur.
Ce cours tentera donc de donner un aperçu général de l’œuvre de Tsurumi, tout en essayant de la
comparer à la grammatologie de Derrida.
Dates et horaires des séances:
09/04 [14h00-]
10/04 [11h00-]
▶Kazuyuki HARA (2 cours) :
La stratégie de l'advocatus diaboli : l'élaboration de la notion de « désir » chez Jacques Lacan
Dans ce cours nous nous proposerons d'examiner les discussions que J. Lacan développe,
jusqu'au début des années 1960, afin d’analyser comment la notion lacanienne de « désir » s'est
formée, au contact, certes, mais finalement à une certaine distance de Hegel et de Saussure.
Dans la première partie, nous démontrerons qu'il existe une conception spécifique du désir du
désir chez Lacan, avant même sa rencontre avec la philosophie hégélienne ; une conception qui
oriente ses interrogations ultérieures vers l'origine même de cette philosophie.
La deuxième partie sera consacrée à l'examen de l'influence qu'il a subie de la part de la