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Conseil scientifique
du musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée
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Séance du conseil consacrée à la recherche
Dimanche 2 octobre 2005, matin
Introduction par le Président de séance : Francis Conte
La nature et l’organisation de la recherche au sein du MCEM sont des thèmes de réflexion essentiels pour
mener à bien un projet aussi complexe.
En préambule, le président pose la question de l'équilibre de la représentation des composantes euro-
méditerranéennes au sein du conseil. Il a perçu certains regrets émanant des collègues de l'Europe du nord
ou de l'Europe orientale qui estiment ne pas être suffisamment représentés. Annick Sjögren évoquait hier
un vent frais venant du nord ; à son tour, il parle d’un vent frais venant de l'est. Autour de la table, se
trouvent des représentants de l'Europe centrale, orientale, balkanique, nordique, des chercheurs provenant
de pays qui paraissent lointains mais qui, en réalité, ont des centres d’intérêt proches de ceux du MCEM.
Il lui semble que les questions qui se posent concernent peut-être beaucoup moins la légitimité de la
recherche dans ce genre de musée que les raisons et la manière d’en faire. Cette légitimité de la recherche
a été parfaitement ciblée, dès les années 1937, par Georges-Henri Rivière. En exergue, il estime devoir
citer une de ses phrases : « au départ de tout projet muséographique, il devrait y avoir une recherche, en
tout cas, l'élaboration d'un projet de recherche ".
Plusieurs fois, depuis avant-hier, le terme de musée philosophique a été utilisé, c’est cette dénomination
qui lui fait repenser à ce que souhaitait Michel Coté pour son musée des confluences, à savoir :
« expliquer l'homme dans le monde ». Plusieurs fois, le musée philosophique est revenu dans les
publications et a été commenté : "le conservateur n'est plus un chercheur, c'est un philosophe plus qu'un
érudit. Il doit par contre s'entourer d'une équipe sachant effectuer un travail de documentation et de
recherche. Il a un rôle maïeutique". Ce rôle maïeutique nous ramène en réalité à la création des premiers
musées.
On parle ici d’un musée citoyen et quand on réfléchit à la création des musées, ne serait ce qu'en France,
on doit se souvenir du rôle des grands idéologues issus des Lumières qui voulaient effectivement créer
des musées citoyens.
Il évoque le rôle de François Guizot dans la création de ce type de musées. Cent ans avant Georges-Henri
Rivière, Guizot résumait les enjeux intellectuels des nouveaux musées en notant que, "les esprits sont
devenus capables de comprendre l'homme à tous les degrés de civilisations". Guizot a été le premier, dès
1830, à penser à la création d'un musée d'ethnographie. C'est un terme qui était très peu utilisé à l'époque
et Guizot voulait créer ce musée à Versailles. Il cite les mémoires de Guizot qui écrit : " ce musée
seraient recueillis les monuments et les débris des mœurs, des usages, de la vie de la France d'abord et
aussi de toutes les nations du monde".
En conclusion de son introduction au débat, le Président rappelle que les musées doivent donner à voir,
donner à réfléchir, donner à comprendre. C'est la recherche qui fonde l'activité d'un musée et qui lui
assure sa cohérence et sa légitimité.
Il passe la parole à Jean-Pierre Dalbéra et à Claire Calogirou pour présenter l’état de la réflexion du
MCEM sur l’organisation de la recherche.
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http://www.musee-europemediterranee.org/projet_conseilsc_liste.html
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Jean-Pierre Dalbéra (MCEM) et Claire Calogirou (CNRS) : l’organisation de la recherche au
MCEM
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Le musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée (MCEM) est un musée de société à vocation
de synthèse, par opposition aux musées thématiques ou dédiés à un territoire plus restreint, ville, région
ou nation. Il a l'ambition de construire, en faisant appel à des connaissances en continuelle évolution, des
raisonnements comparatifs et interprétatifs, élargissant des problématiques habituellement fragmentées,
concernant la culture populaire (civilisation) de l'espace euro-méditerranéen.
La recherche est dès lors indispensable au musée, à la fois pour guider la politique d'acquisition, pour
étudier la relation entre culture matérielle ou immatérielle et société, et pour mettre au point des procédés
adaptés de médiation utilisant notamment les technologies de l’information et de la communication.
De tels objectifs ne seront atteints que si, autour de programmes, convergent les efforts des services du
musée qui traitent des collections, des expositions, du public ou des ressources documentaires et d'un
réseau de laboratoires de recherche extérieurs, en partenariat avec l'établissement.
1. UN RESEAU ARTICULE AUTOUR DE TROIS POLES DE RECHERCHE
Le schéma directeur de la recherche dans les musées nationaux en a souligné les spécificités et proposé
des orientations pour son développement dans le cadre interdisciplinaire qui le caractérise.
L’importance des travaux de recherche pour la programmation sont à réaffirmer, les recherches
poursuivies concernent de plusieurs manières le MCEM : elles alimentent la réflexion théorique sur
l’ensemble des problèmes de société, elles se lient à des collectes permettant d’enrichir les collections du
musée, leurs résultats contribuent à des expositions, elles favorisent l’animation culturelle.
C'est pourquoi, à la lumière de l'expérience des relations avec le CNRS : entre le centre d'ethnologie
française
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(unité mixte de recherche associant le CNRS et le ministère de la culture) et le musée national
des arts et traditions populaires, un nouvel équilibre pourrait être trou par la création d'un réseau
articulé autour de 3 pôles principaux:
un pôle de recherche sur les collections ethnographiques et sur les sociétés concernées, appuyé sur
quelques laboratoires principaux, respectivement compétents sur le monde euro-méditerranéen
(l'Institut d'ethnologie méditerranéenne et comparative: IDEMEC
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), le monde slave (l'UFR
d'études slaves de la Sorbonne
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), le monde scandinave et anglo-saxon ;
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Exposé : http://jpadalbera.free.fr/mcem/mucem_recherche.ppt
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la transformation du centre d'ethnologie française (UMR n° 306) en formation de recherche en évolution (FRE n° 2803),
décidée unilatéralement par le département des sciences de l'homme et de la société (SHS) du CNRS, pour un an en vue de sa
suppression au 31/12/2005, a conduit la direction des musées de France (MNATP) à mettre fin à son partenariat avec le CNRS
dans cette unité et à en dénoncer la convention de collaboration.
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L'IDEMEC (institut d'ethnologie méditerranéenne et comparative), dirigé par Christian Bromberger, professeur des
universités, est une unité mixte de recherche (UMR 6591) associant le CNRS et l'université de Provence; elle fait partie de
la maison méditerranéenne des sciences de l'homme (MMSH) à Aix-en-Provence.
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Le Centre de recherches sur les littératures et civilisations slaves de Paris-Sorbonne est rattaché à l'École doctorale des
"langues, civilisations, cultures et sociétés" de l'université de Paris IV. Il est constitué pour l'essentiel des enseignants-
chercheurs de l'UFR.
3
un pôle sur les applications des technologies numériques, appusur deux laboratoires pivots,
respectivement compétents sur l'architecture et les espaces urbains (laboratoire : « modèles et
simulations pour l'architecture, l'urbanisme et les paysages »: MAP
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) et l'édition scientifique
multimédia (Laboratoire d'évaluation et de développement pour l'édition numérique : LEDEN
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) ;
un pôle de recherche et d'étude sur la muséologie, la muséographie et les publics, appusur un
laboratoire pivot compétent en sociologie de la communication (laboratoire : communication,
culture et société : C2So
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) et un master en muséologie avec l'Ecole du Louvre, associant à celle-ci
l’université d'Aix-Marseille. L'association de l'Ecole du Louvre au MCEM apparaît du plus grand
intérêt pour articuler les recherches menées sur les problématiques du musée avec une structure
d'enseignement supérieur sous tutelle du ministère de la culture.
2. UNE DIRECTION DE LA RECHERCHE
Une direction de la recherche, sera créée au sein du MCEM, elle pourrait être chargée de piloter ces
partenariats et de mener une flexion stratégique pour identifier les thématiques de recherche porteuses
pour répondre aux enjeux culturels et scientifiques du musée.
Ce service sera aussi chargé du soutien et de l'encadrement des partenaires individuels ou institutionnels
des programmes de recherche du musée (appels d'offres, etc.). Une commission d'évaluation et de
programmation l'assistera, composée de spécialistes extérieurs et statuant de manière consultative.
Les relations de cette direction et de cette commission avec les autres départements et commissions,
notamment avec le département des collections et la Commission des acquisitions, restent à approfondir
dans le cadre de la définition de la future organisation du MCEM. De même, la question reste posée de la
situation, dans l'organigramme, de la recherche en matière de publics (évaluation, mise au point de
techniques...). Doit-elle être rattachée à la direction de la recherche? Doit-elle figurer parmi les
attributions de la direction des publics et de l'action culturelle et pédagogique?
3. UNE POLITIQUE CONTRACTUELLE EN COURS DE DEFINITION
En matière d’organisation, la période 2005-2006 doit être considérée comme transitoire. Au cours de
celle-ci, il s'agira de construire le réseau et les pôles de recherche, adaptés aux thématiques euro-
méditerranéennes du futur musée et capables de préfigurer le dispositif scientifique pluridisciplinaire qui
sera associé au MCEM.
Les conventions types proposées à ce jour à l'IDEMEC et aux autres laboratoires cités ne préjugent pas de
la forme que pourraient prendre, dans l'avenir, les laboratoires pivots, les pôles ou le réseau lui-même.
Elles sont destinées à engager de nouveaux partenariats sans tarder et à retrouver une visibilité auprès de
la MRT, après la sortie du Centre d’ethnologie française de l’accord cadre entre le CNRS et le ministère
de la culture.
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L'UMR 694: «Modèles et simulations pour l'Architecture, l'urbanisme et le Paysage" (MAP) associe le CNRS et le
Ministère de la Culture et de la Communication (MRT et direction chargée de l'architecture). Elle est constituée de cinq
équipes (Lyon, Marseille, Toulouse, Nancy, Strasbourg) dont les problématiques portent sur les applications de l'informatique
à l'architecture.
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Le laboratoire d'évaluation et de développement pour l'édition numérique est dirigé par Ghislaine Azémard, professeur à
l'université Paris VIII. Il appartient à la Maison des sciences de l'homme de Paris-Nord.
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Le laboratoire «Communication, Culture et Société» (C2So) est une jeune équipe de recherche reconnue par le Ministère
chargé de l'enseignement supérieur (JE 2419). Il est l'une des équipes d'accueil de l'Ecole Doctorale "Humanités et Sciences
humaines" commune à Lyon 2 et à l'Ecole Normale Supérieure Lettres et Sciences humaines. Il est dirigé par Joëlle Le Marec,
maître de conférence.
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Les contrats pourront être de diverses natures : unité mixte de recherche (UMR), groupement d’intérêt
scientifique (GIS), groupement de recherche international (GRI), accord de partenariat pour un master,
etc. C’est la formule de GIS qui paraît la mieux adaptée au type de réseau envisagé, elle fera l’objet d’un
examen approfondi dans les prochains mois.
4. VALORISER ET DIFFUSER LES RESULTATS DES RECHERCHES
Toute politique de recherche doit s'exprimer par un projet de communication, aux membres de la
communauté scientifique pour alimenter la discussion spécialisée et favoriser la critique, au grand public
pour lui faire partager les acquis et les découvertes.
Par ailleurs les expositions temporaires du musée offriront l'occasion de publier des catalogues
thématiques ; enfin les catalogues scientifiques des collections constituent un autre moyen de diffusion
scientifique, permettant de publier «sur papier» les chapitres généraux et interprétatifs, et en ligne sur
internet les notices d’objets.
La politique de valorisation pourrait se structurer de la façon suivante et comporter :
des catalogues scientifiques des collections, complétés par une édition en ligne,
des catalogues d’expositions temporaires associés à des expositions virtuelles pour chacune
d’entre elles,
des petits journaux d’expositions et des documents pédagogiques multimédias afférents,
une collection « Travaux et Documents », constituée de monographies (résultats des plus
intéressantes enquêtes-collectes) et une collection multimédia associée qui a vu le jour en 2005,
une revue grand public : « Civilisations de l'Europe et de la Méditerranée », du type de « L'Alpe »,
diffusée en kiosque (proposition de l'éditeur Jacques Glénat)
5. LA POLITIQUE MULTIMEDIA
Le portail d’information et de ressources du MCEM, qui sera accessible sur internet, permettra de
consulter l’ensemble des catalogues
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des collections et des fonds du musée, de visualiser des documents
numérisés comme les impressions populaires (dont la numérisation se terminera début 2006), ou les
collections de photographies (des crédits de numérisation ont été demandés lors de l’appel d’offres 2005
de la DDAI
10
), d’entendre les enregistrements sonores de la photothèque (en grande partie numérisés), de
voir des films ethnographiques, de connaître l’actualité et l’avancée des différents chantiers en cours pour
la construction du MCEM.
Les langues d’Europe et de la Méditerranée, nationales et minoritaires, seront traitées spécifiquement au
sein du portail, grâce à la création d’un seau de partenaires spécialisés. Ce projet est mené en
collaboration avec Henri Giordan, socio-linguiste, ancien directeur de recherche au CNRS et de la
Délégation générale à la Langue Française et aux Langues de France (DGLFLF).
La politique de production multimédia a commencé à être mise en œuvre en 2005, en collaboration avec
le laboratoire LEDEN de la Maison des sciences de l’Homme de Paris-nord et de l’université de Paris
VIII, et grâce au soutien financier de la mission de la recherche et de la technologie (MRT) du ministère
de la culture, avec :
9
Le catalogue de la bibliothèque du MCEM sera disponible sur le réseau interne du musée début 2006, celui de la
phonothèque devrait faire l’objet d’une numérisation en 2005.
10
DDAI : Délégation au Développement et aux Affaires Internationales.
5
le lancement d’une collection sur les enquêtes-collectes, comprenant d’ores et déjà un volume :
« L’Olivier, trésor de la Méditerranée »
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, qui sera suivi, début 2006, par un deuxième consacré
aux « arts du verre en Europe et en Méditerranée », puis par un troisième sur « les cornemuses
d’Europe et de Méditéerranée », qui fait l’objet d’une campagne-collecte en 2005.
la réalisation d’un espace multimédia interactif au sein de l’exposition « Hip Hop, art de rue, art
de scène »
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associé à un site web personnalisable, qui a reçu également le soutien du DICREAM
(le Dispositif pour la Création Multimédia est géré par le Centre National de la Cinématographie)
la mise au point d’une maquette d’un portail sur les langues d’Europe et de la Méditerranée
13
,
avec le soutien de la DGLFLF,
la réalisation par le laboratoire de l’IRCAM
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d’un catalogue collectif
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commun aux
phonothèques du MCEM, de la MMSH, du musée de l’Homme et des archives nationales.
le lancement d’un programme de numérisation en 3D du fort Saint-Jean à Marseille par le
laboratoire MAP
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.
Discussion
Francis Conte remercie les deux intervenants qui, estime-t-il, ont informé le conseil de façon précise,
rationnelle et efficace sur l’état d’avancement des flexions sur la recherche au sein des équipes du
musée. Il passe la parole à Christian Bromberger pour présenter brièvement l'IDEMEC puis il parlera
ensuite de l'UFR d'études slaves.
Christian Bromberger
L'IDEMEC (Institut d'Ethnologie méditerranéenne et comparative) est un laboratoire qui a été associé au
projet de MCEM dès l'origine et dont le centre de gravité est la Méditerranée. Le laboratoire regroupe
vingt cinq enseignants-chercheurs, et chercheurs du CNRS, quelques conservateurs de musées, une
quarantaine de doctorants.
L'IDEMEC a été à l'origine du développement de l'ethnologie à Aix-en-Provence qui est devenu le second
pôle d'enseignement de l'ethnologie en France puisque sont venus s'adjoindre aux méditerranéistes et aux
européanistes, des équipes d'océanistes, de spécialistes d'Asie du sud-est et des africanistes.
Le pré carré de l'IDEMEC est le monde méditerranéen dans une optique comparative avec un certain
nombre d'axes, de programmes, qui touchent aux phénomènes d'identité dans le monde méditerranéen, un
autre axe touche aux réseaux, aux relations familiales et aux territoires dans cet espace, un troisième axe
tourne autour des relations entre les genres et traite du statut à la fois des hommes et des êtres sensibles
dans le monde méditerranéen, c'est à dire des animaux. Le quatrième axe est centré sur les croyances et
les confrontations religieuses dans l'espace euroméditerranéen. Le cinquième axe concerne les jeux, les
sports, et les spectacles.
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http://www.musee-europemediterranee.org/olives/flash/index2.html
12
http://hiphoponline.fr
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http://lem.anyware-tech.com
14
IRCAM : Institut de Recherche et de Coordination Acoustique / Musique
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http://129.102.192.83/sdx-ircam/planson/
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http://www.map.archi.fr/
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