Depuis qu'ils existent, les Shâficites s'enorgueillissent à double titre de la
personnalité de leur Imâm. Tout d'abord, parce que dans les veines d'abû Abd
Allâh Muhammad b. Idrîs b. al-cAbbâs b. cUthmân b. Shâfic b. Sâ'ib b. cUbayd b.
cAbd Yazîd b. al-Mutallib b. cAbd al-Manâfl, désormais Shâficî, coulait le même
sang que celui du Prophète: il était Qurayshite d'ascendance à la fois Mutallibf et
Hâshimî, et l'un de ses ancêtres, al-Mutallib, était le frère de Hâshim, lui-même
grand-père du Prophète2. Prestigieuse généalogie que de nombreux panégyristes
ne manquent pas d'évoquer avec moult détails ni, surtout, de rapprocher d'une
série de dires du Prophète dont la leçon toujours identique est l'indéniable
supériorité des Qurayshites par rapport à tous les autres membres de la
Communauté, le "supplément de science" comme l'écrit Bayhaqî3 dont ils ont été
gratifiés en propre: "Les Imâm-s sont de Quraysh", "Apprenez des Quraysh et ne
leur apprenez pas", "Donnez la priorité à un Quraysh", "L'avis d'un Qurayshite est
plus excellent que celui de deux autres hommes"4,
Le second titre d'honneur de Shâficî qui rejaillit sur les Shâficites en leur
ensemble est résumé de la sorte par cAbbâdî: "Il a rédigé les usûl et a ensuite bâti
les furûc sur
1 Quelques repères biographiques: Shâficî naît -à Gaza (le plus probablement), à
cAsgalân ou au Yémen selon les sources- en 150/767, soit l'année même de la
mort d'abû Hanifa. Certains biographes allant jusqu'à le faire naître le jour précis
de la mort d'abû Hanifa. Encore au berceau, il perd son père. Vers 160, il est, avec
sa mère, à la Mecque où ils vivent chichement. E commence à y étudier la Loi
avec des maîtres comme az-Zanjî (m. 180/796) et d'autres. Vers l'âge de vingt ans,
il débute son "voyage savant" pour se rendre, à Médine, auprès de Mâlik b. Anas
(m. 179/796) avec qui il apprend le Muwagâ'. Agé de trente ans environ, il occupe
durant une brève période quelque fonction officielle pour se retrouver un jour
devant Harûn ar-Rashîd, accusé avec d'autres d'être un disciple secret de Ilmâm
Zaydite Yahya b.
cAbd Allâh et de conspirer contre le Califat cabbâside, mais il est innocenté. En
Irak, il fréquente Shaybânî (m. 189/805) qui le prend sous sa protection. Tout en
apprenant certainement beaucoup auprès des juristes irakiens en matière de
raisonnement légal, Shâficî, restant très critique à leur endroit, se trouve dans une
situation difficile et, en 188/804, il décide de retourner à la Mecque où il
enseignera quelques temps; il y comptera Ahmad b. Hanbal parmi ses étudiants.
En 194/810, nouveau départ pour Bagdad et, quatre ans plus tard, il s'exile
volontairement et définitivement à Fustât, en Egypte, où il forme ceux qui seront
amenés à devenir ses principaux continuateurs: Murâdî (m. 270/880), Buwaylî
(m. 231/845) et Muzanf (m. 247/877). Il meurt en 204/820 des suites, dit-on,
d'une blessure lui ayant été infligée par un disciple égyptien de Mâlik et est
enterré dans le désert au pied du Mugaltam. Encore
aujourd'hui, son magâm fait partie, avec ceux de Râbica al cAdawîya de 1"mtâm
al-Layth ou de Sidi CUgba, du circuit des tombes que l'on visite et son mawlîd
reste l'un des plus importants du Caire. Pour plus détails, voir Khadduri, Risâla
transi., pp. 8-16 dont je me suis inspiré pour cette notice. 3 Cf. Manâqib Râzî, pp.
23-29.
3 Cf. Bayân khatâ', p. 94.
4 fladîth-s cités soit en TTabagât cAbbâdî, p. 6, soit en Bayân khatâ', p. 94