Comme le graphique 2 le montre, les deux courbes pour les taux de croissance corrigés sont
plus proches encore que dans le graphique 1. Les années 1973-1979 ont été une première pé-
riode où la croissance en Suisse a néanmoins été plus basse que dans l’UE. Cela s’explique
par le fait que ces années ont été en Suisse celle du grand reflux de la main-d’oeuvre étrangère
alors que rien de semblable n’est survenu dans l’UE. Dans la décennie suivante (1981-1990),
le tableau indique que la croissance a été légèrement plus...élevée en Suisse que dans l’UE.
Les années 1991-2002, en revanche, constituent une seconde période avec un déficit relatif de
croissance en Suisse. Ce déficit s’explique cependant dans une large mesure par un sérieux et
assez long accident conjoncturel qui n’a touché que notre pays. Dans les deux régions, le dé-
but de la période a été marqué par une récession d’importance à peu près égale ou, plus exac-
tement, par une phase de fort ralentissement. La reprise s’y est produite simultanément en
1994 et elle s’est poursuivie ensuite dans l’UE, avec une légère décélération en 1995 et 1996.
En Suisse, par contre, il y a eu une vraie rechute, ce qui a donné une double récession ou, si
l’on préfère, deux récessions dos à dos : on voit dans le graphique 2 que les taux pour la
Suisse forme un W presque parfait dans les années 1991-1998.
La deuxième récession, propre à la Suisse, a été essentiellement le résultat d’une politique
monétaire restée trop restrictive trop longtemps, comme la BNS le reconnaît librement au-
jourd’hui, avec pour conséquence une appréciation réelle du franc qui est allée jusqu’à 20% !
Rien de semblable ne s’étant produit dans la zone de l’UE, le déficit de la croissance suisse
dans cette décennie peut donc bien être attribué dans une large mesure à un accident conjonc-
turel lié à la politique monétaire. Il est vrai qu’en toute fin de période la courbe suisse passe
de nouveau sous celle de l’UE, mais aux dernières nouvelles (après 2002) il semblerait que la
croissance soit de nouveau plus forte en Suisse que dans l’UE.
Tout cela donne à penser qu’une intégration économique poussée de la Suisse dans l’UE, loin
de dynamiser notre économie, pourrait bien plutôt avoir l’effet contraire. S’il est vrai que,
dans certains secteurs, la libéralisation est allée plus vite et plus loin dans l’UE qu’en Suisse,
une intégration de la Suisse dans l’UE signifierait, en toute vraisemblance, non seulement un
fardeau fiscal plus élevé et un cadre régulateur plus pesant, sans même parler de son prix poli-
tique, mais aussi une moindre ouverture sur le monde. (On dit toujours que la Suisse doit
« s’ouvrir », mais elle l’est déjà – sur le monde !) A cet égard, on cite volontiers les cas de
l’Irlande et surtout de l’Autriche pour illustrer les effets dynamisants d’une adhésion à l’UE.
Il est certes vrai que, pour ces deux pays, l’adhésion a entraîné un mouvement considérable
vers plus d’ouverture, mais pour la Suisse ce serait plutôt un pas dans la mauvaise direction.
C’est aujourd’hui en Amérique du Nord et en Asie, mais non en Europe, que se trouvent les
forces vives de l’économie mondiale et les quelque 40% de nos exportations à destination de
pays autres que ceux de l’UE en sont le fer de lance. Vive, donc, l’ouverture sur le monde !
On constate aujourd’hui un accord assez général sur les raisons de la médiocre croissance de
l’économie suisse (en comparaison des USA, mais non de l’UE), à savoir essentiellement que
notre économie est une économie « duale ». D’une part, des industries d’exportations globa-
lement très performantes, y compris pour la plupart des services, d’où l’amélioration notée
des termes de l’échange et aussi un excédent de la balance des paiements qui atteint réguliè-
rement 10% du PIB. D’autre part, des marchés intérieurs pour les biens et services qui pour la
plupart sont sclérosés, protégés, surréglementés ou mal réglementés, avec un manque général
de concurrence et des prix trop élevés.
C’est donc sur ce dernier front qu’il convient de se battre. Les remèdes sont connus, eux aussi,
mais ce qui manque encore, c’est une volonté politique suffisante pour faire passer les ré-