le dossier

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Gestion de production
Stratégies d’alliances
Annissa CHEKROUN- Patrick BERTHON- Fabien MATHIEU
Les stratégies d’alliances : intérêts et limites
SOMMAIRE
INTRODUCTION
I/ PARTENARIATS ENTRE FIRMES NON CONCURRENTES
A/ LES JOINT-VENTURES DE MULTINATIONALES
B/ PARTENAIRES VERTICAUX
C/ LES ACCORDS INTERSECTORIELS
II/ PARTENARIATS ENTRE FIRMES CONCURRENTES : LES
ALLIANCES STRATEGIQUES
1. Définition
2. Difficultés posées par l’alliance stratégique
3. Avantages et caractéristiques
III / LA TYPOLOGIE DES ALLIANCES STRATEGIQUES
A. ALLIANCES DE CO-INTEGRATION
B. LES ALLIANCES DE PSEUDO-CONCENTRATION
C. ALLIANCES COMPLEMENTAIRES
CONCLUSION
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Gestion de production
Stratégies d’alliances
Annissa CHEKROUN- Patrick BERTHON- Fabien MATHIEU
Les stratégies d’alliances : intérêts et limites
INTRODUCTION
L’économie industrielle a connu de profonds bouleversements ces vingt dernières années avec
successivement la remise en cause du fordisme et du toyotisme. De plus, le décloisonnement
des marchés a jeté les entreprises dans une arène ou elles s’affrontent sans merci : la
concurrence exacerbée au sein de ceux-ci et la loi dictée par la demande font que les
entreprises sont à la recherche de nouveaux moyens d’accroître productivité et qualité tout en
réduisant les coûts.
Selon le vieil adage qui veut que l’union fasse la force, certaines entreprises ont choisi de
s’allier pour faire face à cette nouvelle donne industrielle. Suivant les différents objectifs fixés
par l’entreprise il conviendra d’opter pour un type d’alliance précis : le plus délicat sera alors
de choisir l’alliance stratégique la mieux adaptée aux ambitions de l’entreprise.
Les facteurs de changement externes
On entend de plus en plus fréquemment dire que toute entreprise est confrontée à un marché
mondial et mettrait en jeu sa survie à raisonner seulement au niveau local. Ce phénomène est
souvent nommé « Globalisation » de l’économie. Elle revêt un caractère général et se produit
dans toutes les activités. Les progrès effectués dans les technologies d’information et de
communication permettent à toutes les entreprises de faire travailler ensemble des équipes
disséminées sur le globe.
Une telle opportunité, saisie par certains, devient une menace pour ceux qui ne savent pas
s’adapter suffisamment vite aux évolutions actuelles.
On remarque néanmoins qu’il ne s’agit plus pour les entreprises de coordonner la même
activité dans le monde mais de combiner leur savoir-faire pour développer et commercialiser
des produits adaptés à chaque zone cible.
Par ailleurs, implanter des filiales autonomes est très coûteux et peu intéressant sachant qu’il
est aléatoire qu’une entreprise étrangère soit plus performante qu’une locale qui connaît déjà
le marché. La difficulté va être de définir ce qui peut rester en commun avec les produits
d’origine de manière à réaliser des économies d’échelles.
Les alliances permettent donc de répondre à l’uniformisation d’un marché au niveau mondial
ou encore à multiplier et à différencier les offres pour les adapter à la variété des demandes
locales.
Les facteurs de changements internes
Le coût et la complexité des technologies s’accroissent très vite. Dans les secteurs où la
technologie est une source importante d’avantage concurrentiel, les entreprises, même leaders
ne peuvent plus toujours assumer seules l’intégralité des coûts ni développer les compétences
qui leur permettraient d’adopter une stratégie parfaitement autonome ; l’importance des
ressources nécessaire incite les firmes à s’allier.
La coopération permet en répartissant les travaux de recherche et de développement entre
partenaires de multiplier les pistes à explorer, de partager les coûts et de combiner les
compétences.
Il a de plus été démontrer par Ongler en 1991 que plus les dépenses de recherche et
développement sont importantes par rapport au chiffre d’affaire, plus la durée de vie
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commerciale du produit est faible. Cela constitue un paradoxe de l’évolution technologique,
car chacun a tendance à vouloir disposer de la dernière nouveauté sortie.
Il devient alors plus difficile de récupérer l’investissement initial, d’autant plus qu’il est
toujours plus élevé. Les alliances constituent une réponse possible à ce phénomène, en
permettant d’élargir des marchés et de répandre le produit auprès d’une clientèle potentielle
bien plus vaste.
L’évolution technologique et la globalisation se combinent et voient leurs effets s’additionner
pour favoriser la multiplication des alliances.
I/ PARTENARIATS ENTRE FIRMES NON CONCURRENTES
A/ LES JOINT-VENTURES DE MULTINATIONALES
1. Définition
L'objectif d'une joint-venture de multinationalisation est de faciliter la pénétration
commerciale d’une entreprise dans une nouvelle zone géographique grâce à l'aide d'un
partenaire local. Cette entreprise souhaite pénétrer un marché sur lequel elle n’était pas
présente alors que son partenaire dispose d’un accès privilégié à ce marché. Pour l’entreprise
étrangère c’est le moyen de conquérir un nouveau marché et pour le partenaire local c’est un
moyen de distribuer un nouveau produit et de bénéficier d’un transfert de technologie. Ce
partenaire n'est présent ni dans le secteur, ni dans la filière où opèrent la multinationale, et il
n’a ni les compétences techniques ni les ressources nécessaires pour développer son propre
produit. Il s'agit là d'une caractéristique distinguant les joint-ventures de multinationalisation
et les autres formes d'alliance, en particulier des alliances stratégiques entre concurrents.
2. Intérêts et limites
C'est souvent le seul moyen de pénétrer un marché car les législations de nombreux pays
n’autorisent l’importation de produits étrangers que si elle est effectuée dans le cadre d’une
alliance avec une entreprise locale.
Du point de vue des pouvoirs publics de pays en voie de développement, ces joint-ventures
permettent en effet d'atteindre 3 types d'objectifs :
 Impliquer directement la multinationale étrangère dans la gestion de l'affaire, la jointventure étant une filiale de l'entreprise étrangère
 Réduire la marge de manœuvre de la multinationale afin d’éviter les comportements
opportunistes de sa part.
 Améliorer l'intégration du pays à l'économie internationale.
Cela permet à l'entreprise transnationale d'atteindre 2 objectifs essentiels :
- Arriver dans le pays visé avec une meilleure position concurrentielle que ne leur procurerait
la création d’une filiale à 100% et tirer profit des compétences de son partenaire dans tous les
domaines constituant les spécificités du marché local.
Le choix par exemple de la ville de Moscou comme partenaire de la joint-venture MacDonald's en Russie s'explique par le fait que cet institution contrôlait un actif stratégique :
l'immobilier indispensable à l'implantation du restaurant et de l'unité de production.
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- Utiliser le réseau national et politique du partenaire : la joint-venture permet une meilleure
acceptabilité du projet par les autorités locales. Le capital relationnel du partenaire peut
augmenter les chances de succès de l’opération et améliorer considérablement la sécurité de
l'investissement.
3. Les critères de succès
L’objectif de la multinationale est de développer son activité dans le pays visé, celui du
partenaire local est de rentabiliser son investissement. Ces buts convergent et se résument à la
performance globale de la joint-venture en tant qu’entreprise.
La joint-venture est pour le partenaire local une source de revenus majeure, voire son seul
investissement industriel, alors qu'elle n'est qu'un élément particulier d'un dispositif beaucoup
plus vaste pour la multinationale. Il est donc nécessaire de mettre en place une organisation et
un management qui permettent d'éviter les blocages dans le processus de décision, tout en
respectant les enjeux et les points de vue des actionnaires.
Un facteur fondamental à prendre en compte est la répartition des rôles et des pouvoirs dans la
structure de management opérationnel de la joint-venture
Le succès de toute entreprise repose très largement sur les qualités de son dirigeant.
B/ PARTENAIRES VERTICAUX
1. Licence
Une entreprise concède l'usage d'une innovation protégée soit par un brevet, soit par une
marque déposée, pendant un laps de temps prédéterminé, cela en contre partie de redevance
versée par le concédé
2. Sous-traitance
Le donneur d'ordre définit par contrat les conditions techniques, financières et juridiques
d'une activité de sous-traitance industrielle. Il s'agit généralement d'une activité de fabrication
de produit.
3. Le plus moderne : ingénierie simultanée
Approche qui permet une conception intégrée et simultanée des produits et des processus de
production. Elle est destinée à permettre au développeur de prendre en compte dès l’origine
toutes les phases du cycle de vie du produit depuis sa conception jusqu’à son retrait.
Un élément essentiel est de garder en mémoire les éléments, les résultats issus du projet car on
souhaite qu’il y ait une continuité et que les responsables qui partent laissent trace de ce qu’ils
ont fait : assurer la mémoire organisationnelle de l’entreprise.
4. Les objectifs poursuivis
Réduction des coûts de production, amélioration des délais, gains de qualité, production sans
stock en profitant de la compétence des fournisseurs.
Ce type d'alliance entraîne toutefois des conséquences paradoxales à long terme. Bien que les
réussites en terme de partenariat soient incontestables (amélioration de la rentabilité
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économique, développement de la qualité…), les conséquences sur le plan économique à long
terme ne sont pas forcément positives pour toutes les entreprises participantes.
En effet, la dépendance du client ou du fournisseur, les risques et les incertitudes changent de
nature mais ne disparaissent pas.
En premier lieu, la coopération verticale transforme le rôle que jouent les fournisseurs dans le
processus de production. Pour s'adapter à cette évolution, les fournisseurs doivent être
capables d'élargir l'éventail de leurs compétences techniques et de leurs capacités
industrielles. En particulier, des compétences de conception et de développement deviennent
indispensables.
De plus, le fournisseur est lui même de plus en plus amené à travailler avec des fournisseurs
ou des sous-traitants classiques. Si ces évolutions favorisent les fournisseurs capables de s'y
adapter le plus rapidement, elles ont sur les autres des effets négatifs. Certains vont se trouver
reléqué en position de sous-traitants de rang supérieur, sans aucun contact avec le maître
d'œuvre, tandis que les plus vulnérables vont purement et simplement disparaître.
En second lieu, l'évolution du rôle et de la place des fournisseurs peut se modifier à son tour
ou encore inverser la relation de dépendance traditionnelle.
Le client abandonne à son fournisseur les compétences et moyens nécessaires à la réalisation
de certaines fonctions, en risquant la perte de son propre savoir-faire. A long terme, on peut
aboutir à un inversement de situation complet. C'est ainsi le cas du partenariat IBM :
Microsoft, au terme duquel IBM était dominant au départ. Ce partenariat a essentiellement
profité à Microsoft en lui permettant d'imposer son standard dans le monde entier.
Cette situation de dépendance est particulièrement forte lorsque le client ne maîtrise pas les
compétences de son fournisseur partenaire.
C/ LES ACCORDS INTERSECTORIELS
1. Définition
Les alliances intersectorielles lient entre elles des entreprises aux activités complètement
différentes. Ces entreprises n'interviennent ni dans le même secteur, ni dans la même filière;
elles ne sont donc ni concurrentes, ni client ou fournisseur l'une de l'autre. De plus, ces
alliances n'ont pas pour objectif principal de faciliter l'internationalisation de l'un de leurs
partenaires. Par conséquent, les accords intersectoriels relèvent d'une logique clairement
distincte de celle des joint-ventures de multinationalisation, de celle des partenaires verticaux,
ainsi que de celle des alliances stratégiques entre concurrents.
2. Les intérêts de ces alliances
Les entreprises combinent leurs compétences pour créer une activité nouvelle. L'alliance entre
SNCF et American Airlines en étant un bon exemple : la mise sur le marché d'un nouveau
système de réservation ferroviaire bâti sur le modèle des systèmes globaux de réservation
aérienne exige en effet la combinaison des savoirs faire détenus respectivement par chacun
des partenaires.
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II/ PARTENARIATS ENTRE FIRMES CONCURRENTES : LES
ALLIANCES STRATEGIQUES
1. Définition
Pour le STRATEGOR, ce qui semble caractériser fondamentalement les alliances stratégiques
est l’existence d’une certaine concurrence, au moins potentielle, entre des entreprises ayant
affirmé leur volonté de coopérer. On peut donc définir les alliances stratégiques comme « des
associations entre plusieurs entreprises concurrentes, ou potentiellement concurrentes, qui
choisissent de mener a bien un projet ou une activité spécifique en coordonnant les
compétences, les moyens et les ressources nécessaires, plutôt que :
- de se faire concurrence les unes aux autres sur l’activité concernée ;
- de fusionner entre elles ou de procéder à des cessions ou acquisitions d’activité »
Le tableau 1 (annexe 1) permet de situer les alliances stratégiques par opposition à d’autres
types de relations entre firmes.
2. Difficultés posées par l’alliance stratégique
Les alliances stratégiques sont marquées par l’ambiguïté de cette relation qui combine
rivalité et coopération. En effet, les alliances stratégiques sont porteuses d’objectifs affichés,
partagés par l’ensemble des partenaires, et peuvent donc apparaître comme des stratégies
« relationnelles » ; mais comme ces partenaires demeurent, malgré l’alliance, des entités
autonomes, les alliances stratégiques sont aussi le vecteur, ou le lieu de réalisation d’objectifs
particuliers, potentiellement conflictuels, propres à chaque firme partie prenante à l’alliance.
L’alliance est dès lors un mode d’organisation qui laisse subsister des centres de décision
multiples, chaque firme partenaire disposant d’un pouvoir de décision sur la politique mise en
œuvre au sein de l’alliance, et cherchant selon toute vraisemblance à faire prévaloir ou à
défendre ses intérêts propres dans les choix effectués et les actions conduites collectivement.
Cette ambiguïté ne va pas sans poser des problèmes de management propres aux alliances :
- un degré trop faible de collaboration risque de nuire à la réalisation des objectifs
communs,
- mais trop de transparence peut aboutir à l’affaiblissement de la position de l’une ou
l’autre des firmes partenaires et néanmoins rivales.
3. Avantages et caractéristiques
Nous venons de voir que les alliances posent des problèmes de management très délicat, hors
les firmes à se lancer dans ce type de rapprochement sont de plus en plus nombreuses. La
raison tient au fait que les alliances présentent des avantages originaux qui incitent, dans
certains cas, les entreprises à les préférer aux formes plus classiques d’organisation
industrielle (fusions, acquisitions, développement interne).
Une première caractéristique des alliances stratégiques est qu’elles procurent aux entreprises
associées des avantages habituellement obtenus de la concentration (effets de taille, d’échelle
ou d’expérience) sans leur en imposer toutes les contraintes, c'est-à-dire sans se fondre
totalement dans une entité plus vaste et sans aliéner définitivement leur autonomie
stratégique.
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Cette protection d’une certaine marge de manœuvre stratégique se double d’une préservation
de l’identité et de la culture interne des entreprises alliées, qui subit en général des chocs
redoutables dans le cas de fusion ou d’acquisition. L’union entre ces entreprises va être
effectuée de façon lente afin d’éviter que l’identité de chaque associé ne se perde dans un
ensemble trop englobant et donc impersonnel.
Seconde originalité, les alliances, n’étant pas irrévocables, autorisent un certain degré de
réversibilité des décisions stratégiques. Dans le cas ou une entreprise souhaite se retirer d’une
activité, l’alliance peut constituer une étape transitoire vers une cession complète tout en
préservant la possibilité d’en rester à une cession partielle si l’activité concernée se redresse,
ou peut on espérer vendre au meilleur prix les parts restantes d’une activité revalorisée.
Les alliances stratégiques mises en place devraient donc en principe correspondre à une
anticipation, par chaque entreprise impliquée, de l’évolution de l’alliance, de son issue et
surtout de ses effets pour l’entreprise considérée. On observe cependant que de nombreuses
entreprises nouent des alliances dans une perspective à court terme, pour atteindre des
objectifs immédiats et limités, en sous-estimant les implications stratégiques à LT de leur
participation à de telles alliances. De plus, le marchandage qui entoure très souvent les
montages juridiques (négociation des prix de cession, nomination des responsables du projet
commun…) des alliances bride le développement de l’alliance et peut même la faire échouer
alors que celle-ci correspond aux intérêts stratégiques des divers partenaires.
Rappelons, par ailleurs, qu’à la différence des joint-ventures traditionnelles, qui sont
systématiquement des filiales communes, les alliances stratégiques ne sont pas
caractérisées par une forme juridique particulière. C’est d’avantage la teneur des
projets, leur importance, et les compétences mises en jeux par les partenaires, qui
rendent « stratégiques » les alliances.
III / LA TYPOLOGIE DES ALLIANCES STRATEGIQUES
A. ALLIANCES DE CO-INTEGRATION
1. Définition
Les alliances de co-intégration unissent des entreprises qui s'associent pour réaliser des
économies d'échelle sur un composant ou un stade isolé du processus de production. Ces
éléments communs sont ensuite incorporés à des produits qui restent spécifiques à chaque
entreprise partenaire, et qui sont même souvent directement concurrents sur le marché.
Ces alliances donnent en général lieu à des évolutions et des issues équilibrées du point de
vue des partenaires.
Elles se rompent la plupart du temps une fois l'objectif atteint.
Les alliances de co-intégration correspondent au schéma représenté ci-dessous
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Coopération
Allié A
Allié B
Les firmes A et B s'allient pour développer un composant en commun, mais ils restent
toutefois concurrents sur le marché et proposent chacun un produit spécifique.
2. Objectifs et limites
a- Les objectifs économiques
Les entreprises concurrentes dans un secteur donné coopèrent sur un projet situé en amont de
ce secteur.
Les fruits de la coopération (matières premières, technologies, composants) sont répartis entre
les alliés qui les intègrent à leurs produits finaux.
Ces alliances se font très souvent dans les coulisses elles sont pratiquement invisibles pour le
marché, on en parle très peu ou pas du tout.
De plus les alliés restent généralement concurrents, ceci explique le fait que les pouvoirs
publics autorisent plus facilement les alliances , voire les encouragent ou les provoquent; afin
de les utiliser dans le cadre d'une politique technologique et industrielle.
En effet, sans entraver la concurrence au niveau du marché, les co-intégrations permettent de
renforcer la compétitivité globale d'une industrie nationale.
L'efficacité d'une telle politique a globalement été prouvée par le Miti Japonais, qui dans des
domaines jugés stratégiques, suscite depuis de longues années des programmes de R&D en
commun entre les entreprises japonaises du secteur.
Le gouvernement japonais ne finance que 20% de l'effort de R&D national. (En France et aux
Etats Unis 50% de financement et 40% en Allemagne et Grande Bretagne).
Certains développement technologiques sont ainsi trop chers et trop risqués pour être entrepris
par une seule firme, même Si la plupart des entreprises du secteur ont une taille suffisante
pour industrialiser et fabriquer les produits qui pourraient en découler.
Dans ce cas, une co-intégration limitée à la Recherche et développement permet de résoudre
le problème.
Dans d'autres situations, c'est la fabrication d'un composant qui ne se justifie que par un
volume de production supérieur aux besoins de chacune des entreprises concernées pour
équiper leurs produits finaux. Dans de tel cas, une co-intégration industrielle, comme par
exemple une usine de moteur commune à plusieurs constructeurs automobile, peut être nouée.
b- Les objectifs stratégiques
Il est donc indispensable pour une entreprise projetant ce type d'alliance de bien évaluer les
avantages stratégiques attendus, de manière à s'assurer qu'ils comprennent les coûts
d'organisation de l'alliance, les risques qui y sont liés ainsi que l'inévitable partage des
compétences technologiques avec les autres concurrents.
Les alliances de co-intégration peuvent éventuellement être utilisées comme une arme
destinée à étouffer l'innovation chez le concurrent. En effet, le leader d'une industrie peut, en
s'alliant avec ses concurrents immédiats les inciter à investir sur une technologie donnée, ce
qui les dissuade indirectement d'explorer les voix alternatives plus originales.
c- Les limites de cette coopération
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La collaboration avec un concurrent sur une technologie ou sur des composants engendre:
- une réduction de la différenciation des produits fabriqués sur la base d'éléments communs.
- une occasion perdue de se différencier par rapport à la concurrence.
C'est le cas, par exemple, de la rupture prématurée de FIAT et SAAB pour le codéveloppement d'un véhicule de haut de gamme. Les deux parties ont finalement préféré
préserver la spécificité des marques.
Alors que FIAT voulait construire une voiture au prix raisonnable, et qui correspondait plus à
sa logique. SAAB cherchait à imposer un modèle plus performant, plus représentatif de sa
marque. Deux Stratégies étaient ici opposées.
Malgré cette collaboration avortée, deux types de véhicules sont nés de cette approche. La
FIAT Croma et la SAAB 9000 qui se ressemblent étrangement.
On observe que très peu "d'alliés" ont un laboratoire commun de Recherche &
Développement. Ce n'est pas évident de transférer et de faire partager les fruits des recherches
à son partenaire concurrent.
Les alliances de Recherche & Développement ont la plupart du temps des structures fantômes
non localisables. La principale crainte reste évidemment la fuite technologique. Le souci
majeur est que l'un des deux partenaires risque de tirer un meilleur profit de cette recherche.
Cependant on peut donc observer qu'un degré trop faible de collaboration risque de nuire à la
réalisation des objectifs communs.
3. L'exemple du châssis 806 (Peugeot, Citroën, Fiat)
Le développement à Valenciennes-Hordain d’une nouvelle génération de véhicules
monospaces par SEVELNORD, filiale à part égale de PSA (Peugeot-Citroën) et Fiat,
permet de produire un châssis identique, vendu sous les trois marques dans des modèles
concurrents :Peugeot 806, Citroën C8 et Fiat Ulis.
B. LES ALLIANCES DE PSEUDO-CONCENTRATION
1. Définition
Les pseudo-concentrations, appelées également alliances additives, sont des alliances où les
entreprises développent, produisent et commercialisent un produit commun (à la différence
des co-intégrations où la collaboration porte uniquement sur les composants de produits finis
qui seront concurrents sur le marché).
De même que la co-intégration, les participations de chaque alliés doivent être équivalentes en
terme d'actifs ou de compétences (usines, réseaux commerciaux...).
Mais contrairement à ces alliances de co-intégration, c'est un seul et même produit, commun à
tous les alliés, qui est mis sur le marché.
2. Objectifs et intérêt des alliances de pseudo-concentration
Dans ce type d'alliances les entreprises profitent des avantages d'une structure plus grande
sans avoir à supporter les inconvénients d'une fusion.
Ces avantages sont tout d'abord les économies d'échelle qui permettent au produit commun
d'avoir une meilleure compétitivité. En effet les coûts fixes essentiellement composés des
frais de recherche et développement sont répartis entre les alliés, ce qui évite à chaque
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entreprise de supporter entièrement ce coût.
De même que les coûts de recherche et développement, les risques d'échec de la
commercialisation et des pertes que cela implique, sont répartis.
Un autre avantage est l'élargissement du marché potentiel du produit, chaque membre dispose
en théorie des part de marchés, du réseau de distribution et de la notoriété des autres alliés.
L'élargissement du marché permet de limiter les risques lors du lancement du produit.
3. Limites et facteurs clés de succès
Les conflits d'intérêts sont souvent sources de difficultés au sein de l'alliance.
Cela peut se présenter dans deux situations:
- lorsque le produit commun entre en concurrence directe avec d'autres produits développés
séparément par un ou plusieurs alliés. Le risque étant de privilégier systématiquement son
propre produit au détriment du produit commun.
- lorsque les membres hésitent à partager certaines découvertes et innovations
Un autre problème, spécifique des alliances additives, est la perte de compétence
technologique et commerciale pour chaque allié, ce qui va bien évidemment à l'encontre des
objectifs recherchés.
Pour préserver l'efficacité de la structure il faut éviter la duplication des tâches. En effet,
produire les mêmes éléments dans des sites différents a pour conséquence une perte de 1 'effet
d'expérience que l'on aurait obtenu en regroupant la production sur un même site. L'effet
d'expérience est un levier très important pour la productivité : plus les quantités produites sur
une chaîne de production augmentent, plus le coût de production unitaire diminue.
Afin d'éviter la perte d'efficacité, s'offre un choix pour les alliés : celui de la mise en commun
des tâches par la création d'une structure commune, ou alors celui d'attribuer une tâche
spécifique à chacun en fonction de ses possibilités ou compétences.
Ce choix d'un mode de répartition des tâches peut être également à l'origine de problèmes. La
spécialisation des tâches peut avoir un effet bénéfique : celui de renforcer l'alliance. Mais il
existe le risque qu'un membre décide de quitter l'alliance, ce qui place l'ensemble de la
structure dans une situation de dépendance. C'est pourquoi certaines entreprises peuvent
refuser une trop grande spécialisation de leur tâche comme étant une limite à leur autonomie,
la solution est alors de mettre en place un système de rotation des tâches. Mais cette dernière
solution implique duplication des investissements pour un seul projet.
Le mode d'organisation des tâches qui permettrait la meilleure coordination entre les
partenaires serait leur regroupement au sein d'une organisation commune. Mais lorsque ce
système d'organisation est poussé à l'extrême, c'est à dire un regroupement total des tâches,
cela peut avoir l'effet de faire perdre au partenaires tout contrôle direct sur les activités mises
en commun.
Il n'existe pas de choix d'organisation des tâches qui ne présente aucun inconvénient, c'est à
chaque alliance de déterminer le système le mieux adapté.
Les entreprises peuvent également avoir recours aux deux types d'organisation des tâches : ce
qui est le cas d'AIRBUS où toutes les activités commerciales ont été regroupées dans le OIE
AIRBUS industrie alors que la production a été répartie entre les partenaires.
Un exemple d'alliance additive réussie : le cas AIRBUS
Les étapes de la création de l'alliance AIRBUS :
1969 : lancement de l'AIRBUS A300 par Aérospatiale (France), DASA (Allemagne) et
British Aerospace (Royaume Uni).
1970 : création du OIE Airbus Industrie pour la commercialisation des avions
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L'alliance s'ouvre à la participation de l'espagnol CASA.
A partir de 1978, AIRBUS complète Sa gamme avec l'A310 (1978), l'A320 (1984), l'A321 ,
l'A340, l'A330, l'A319.
AIRBUS est devenu, grâce à son succès commercial, le concurrent européen de taille face à
l'aéronautique américaine et notamment face à Boeing.
Qu'est ce qui a fait la réussite d'AIRBUS, alors que d'autres coopérations européennes en
matière d'aviation ont échoué (on peut citer le concorde qui, en rapport avec l'importance des
investissements engagés n'a pas eu le succès escompté)?
Il tient en grande partie à l'organisation de l'alliance. Outre la commercialisation et le
marketing, le OIE est chargé de l'achat des matières premières auprès des fournisseurs pour
toute l'organisation. Il est également chargé de la rémunération de chaque partenaire pour Sa
contribution.
La production des différents éléments se fait séparément par chaque partenaire pour s'achever
par l'assemblage dans le site d'Aérospatiale à Toulouse.
Une possibilité d'évolution de cette collaboration serait sa transformation en véritable
entreprise, mais cela impliquerait une mise en oeuvre très complexe.
4. L'évolution des alliances de pseudo concentration
La première issue est évidemment la rupture de l'alliance en cas d'échec commercial ou de
dysfonctionnements trop importants.
Lorsqu'elles arrivent à atteindre un certain degré de longévité, les alliances de pseudo-concentration aboutissent généralement à une véritable intégration.
C. ALLIANCES COMPLEMENTAIRES
1. Définition
Les alliances complémentaires associent des entreprises qui apportent des actifs et des
compétences de nature différente. Le cas le plus fréquent est celui où l'une des entreprises a
développé un produit dont la commercialisation s'effectue grâce au réseau de l'autre.
Par cette coopération, les constructeurs japonais voulaient pénétrer le marché américain et
contourner les quotas d'importation, quant aux constructeurs américains, ils voulaient
compléter leur gamme (petites voitures urbaines).
Aujourd'hui les constructeurs américains et japonais se livrent une concurrence redoutable.
2. Objectifs et limites
L'objectif d'une alliance complémentaire est d'exploiter la complémentarité des apports en
évitant à chaque firme d'investir dans des actifs identiques à ceux du partenaire.
Les apports et les contributions des alliés sont complémentaires :
- l'un des alliés apporte un produit ou un projet de produit,
- l'autre contribue à l'alliance en mettant à disposition son réseau commercial.
L'intérêt de ce partenariat prend son importance dans un contexte de mondialisation des
marchés.
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L'objectif dans 90% des alliances complémentaires est la pénétration d'une nouvelle zone
géographique.
Dans ce cas les alliances complémentaires se rapprochent des joint-ventures d'expansion
internationale traditionnelle.
La différence, les alliés sont des concurrents détenteurs l'un et l'autre de savoir-faire très large
dans le secteur considéré alors que la joint- venture, le partenaire local n'est pas un concurrent
autonome.
La logique de base est d'échanger l'accès à un marché contre l'accès à un produit.
La question qui se pose:
- n'est-il pas dangereux de faciliter l'entrée d'un concurrent dans son propre marché pour
disposer d'un nouveau produit?
- Est-il intéressant de confier la distribution d'un produit à un concurrent, ce qui risque de
renforcer de manière significative sa position sur son propre marché?
L'expérience montre que la réponse à ces deux questions est souvent positive, ce qui aboutit à
la conclusion de l'accord. Toutefois la complémentarité de départ n'est pas forcément durable.
Ce qui aboutit à des déséquilibres sur le long terme.
L'évolution de ce partenariat est le résultat entre la conjonction des volontés stratégiques des
firmes alliées et la nature fondamentale des alliances complémentaires :
- De manière générale, un déséquilibre dans les intentions stratégiques ne peut aboutir qu'à
une situation finale déséquilibrée (volonté de conquête mondiale, réaliser des profits
immédiats)
- Ces alliances reposent sur une spécialisation, ce qui entraîne une dépendance
complémentaire et mutuelle. L'un des alliés peut être tenté de réduire sa dépendance en
cherchant à devenir autonome sur les activités mises en coopération. On peut parler de course
au savoir- faire.
3. L’exemple de Renault et Matra
L’alliance entre Matra automobile et Renault sur l’espace constitue un excellent exemple :
Renault distribue en France et sous sa marque l’Espace, véhicule à carrosserie plastique
développé par Matra et assemblé par ce dernier.
La complémentarité entre les deux firmes est évidente : Matra ne dispose pas d’un réseau de
distribution et de service après vente, mais possède en revanche une compétence exclusive
pour la production en plastique de la carrosserie du véhicule.
4. Comment éviter les inconvénients de l'alliance complémentaire?
L'attitude à avoir dans ce type d'alliance est d'anticiper les évolutions pouvant conduire à des
issues déséquilibrées. Deux types de situations peuvent être rencontrés :
- le cas où aucun partenaire n'a intérêt à affaiblir son allié. Dans cette situation,
l'alliance peut durer tant que leur complémentarité reste suffisamment forte.
- le cas où l'un des partenaires cherche à capter les compétences de l'autre allié.
Alors une course de vitesse risque de s'engager.
Afin de ne pas se trouver dans le cas où l'un des partenaires irait tenter de capter les
compétences de l'autre, il est nécessaire :
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Stratégies d’alliances
Annissa CHEKROUN- Patrick BERTHON- Fabien MATHIEU
Gestion de production
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de bien définir au moment des accords les rôles de chacun des partenaires,
de coopérer avec un allié qui apporte un actif bien différencié tout en
restant dépourvu durablement de moyen de pénétrer le marché de manière
autonome,
que les entreprises s'entendent dès le départ sur l'étendue et le sens des
transmissions de compétence, tout en définissant précisément l'issue du
partenariat pour les deux partenaires,
de savoir si la structure organisationnelle est favorable ou défavorable aux
transferts de compétences et de savoir-faire entre les alliés, ce qui
permettra de monnayer et anticiper les transferts de savoir- faire et
anticiper au mieux la rupture.
CONCLUSION
Trop souvent négligé le capital relationnel constitue pourtant une donnée essentielle du
management.
En effet, le capital relationnel (ressources issues des réseaux de relations personnelles et
professionnelles) est plus important que jamais pour garantir le succès de l’individu et de
l’entreprise. Le capital physique, le capital financier et le capital humain sont désormais
insuffisants.
Le capital relationnel joue sur la création et le succès des alliances stratégiques. Les bons
partenaires se trouvent généralement par le biais des contacts sociaux ou professionnels. Et,
selon une étude de Ranjay Gulati (Kellogg Graduate School of Management, Northwestern
University), plus une entreprise crée d'alliances stratégiques, plus elle en développera à
l'avenir. Corning, un fabricant de verre américain, par exemple, a évolué vers ce qu'il appelle
« un réseau d'alliances ». Des entreprises comme Corning ont l'art de nouer et de développer
des alliances, ce qui en fait d'excellents partenaires, et donc des candidats attrayants pour de
nouveaux partenariats.
Le capital relationnel réduit les chances de réussite d'un rachat hostile. Une firme dont les
administrateurs sont isolés risque davantage d'être victime d'une OPA hostile, comme le
montre l'étude réalisée par Richard D'Aveni (Tuck School of Business, Darmouth). En
revanche, ceux qui possèdent un bon carnet d'adresses réussissent à contrecarrer ces initiatives
en trouvant des chevaliers blancs ou en apprenant les manoeuvres défensives efficaces auprès
de leur réseau.
Finalement, sous une diversité très large, les alliances stratégiques convergent vers un même
but : transférer ou acquérir une capacité qui fait défaut à l’entreprise.
Mais à trop vouloir combler les manques industriels, les firmes en arrivent souvent à négliger
certains facteurs humains.
Il convient dès lors de mettre un accent particulier à l’influence du facteur humain sur la
réussite de toute stratégie d’alliance. Le bouleversement des habitudes provoqué par un
partenariat est souvent mal vécu par le personnel d‘une entreprise. Lorsqu’il est complété par
l’arrivée de nouvelles personnes appartenant à une culture d’entreprise différente, cette
réticence tourne à l’inquiétude. Or l’inquiétude provoque des réactions de défense qui
engendre l’hostilité et le rejet des intrus, qu’ils soient des personnes ou des nouvelles
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Stratégies d’alliances
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méthodes de travail. Négliger ce problème culturel lors d’une modification des structures
organisationnelles suite à une alliance stratégique augmente les risques d’échec.
Il faut donc prendre des mesures préventives d’accompagnement afin de mieux inciter le
personnel à jouer un rôle actif dans l’opération de partenariat.
Il serait souhaitable :
- de faire en sorte que le personnel se sente bien dans son univers professionnel
- de montrer que chaque personne appartenant à une organisation devient de plus en plus une
ressource rare
- de laisser un espace d’initiative personnelle aux gens impliqués dans le nouveau système
global d’alliance (éviter l’état de tutelle)
- d’assurer une formation du personnel aux connaissances de la vie affective des groupes
sociaux.
Finalement, considérer l’Homme avant tout, le placer en pivot central de toute organisation
humaniste, c’est parier sur la valeur de l’intelligence pour assurer le développement
économique et culturel des entreprises dans un environnement hostile.
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