Partie 2 : Fonctions et Gestion des Banques Chapitre 1 : Les banques Section 1 : Les Fonctions des banques 1.1. La gestion du système de paiement Dans sa phase la plus primitive, l’introduction de la monnaie a constitué une innovation technique. En effet, elle a permis aux agents de réduire les coûts précédemment liés au troc de biens comme par exemple, le coût de recherche d’agents prêts à échanger, le coût de stockage en attendant l’échange ou encore en réduisant le nombre de termes d’échange (il ne faut plus nécessairement une concordance des biens échangés). La monnaie est en fait un bien communément accepté dans une économie et qui répond à trois critères : ce bien doit être non périssable, divisible et suffisamment rare1. Le rôle de la monnaie est triple : elle sert de moyen d’échange, d’étalon et de réserve de valeur. Dans ce denier rôle de la monnaie, on constate l’innovation apportée par celle-ci. En effet, c’est l’introduction de la monnaie qui a permis aux agents de stocker du pouvoir d’achat et donc de désynchroniser les échanges de biens et services dans le temps. Cependant, la monnaie constitue un actif dominé puisqu’il est en effet plus intéressant d’investir sur les marchés monétaire, obligataire ou boursier qui rapportent en général un rendement supérieur à celui de la monnaie. Ce constat est d’autant plus vrai que l’inflation atténue le pouvoir d’achat de périodes en périodes (dans la zone €, la BCE a pour objectif de stabiliser l’inflation autour de 2% par an). Il existe cependant un cas où la détention de monnaie peut être préférée à la détention d’autres actifs : c’est lorsqu’il y a déflation. Depuis la chute du système de l’étalon or (c’est-à-dire que la monnaie n’est plus garantie sur les réserves d’or de la banque centrale), la monnaie ne renvoie plus un bien physique. Elle est constituée de créances soit sur la banque centrale (monnaie fiduciaire), soit sur des banques commerciales (monnaie scripturale). Celles-ci ont elles-mêmes comme contrepartie d’autres créances sur les agents économiques. Les paiements se font par échanges physiques de 1 Pour plus de précisions, consulter le cours de Monsieur G. de Walque, « Théorie monétaire ». monnaie fiduciaire ou par compensations de créances monétaires scripturales2. On le constate donc ici, les banques ont entre autres, le rôle d’assurer la gestion du système de paiement par la compensation des inscriptions monétaires. 1.2. Intermédiation et liquidité En plus d’assurer le rôle de gestion du système de paiement, les banques ont comme autre rôle d’assurer l’intermédiation des fonds entre agents en déficit et agents en surplus. Par là même, les intermédiaires financiers organisent la création de liquidités en mobilisant des capitaux à court terme via les dépôts bancaires pour les prêter à long terme à des particuliers ou entreprises. 1.3. Transformations Les transformations produites par les établissements de crédit sont multiples : - Transformation de taille : les banques collectent un ensemble de petits dépôts qu’elles tentent de transformer en prêts plus importants. - Transformation de maturités/de termes : les dépôts bancaires sont en général à court terme, alors que les crédits octroyés par les banques sont de plus long terme. - Transformation de qualité, de risque : puisque les prêts bancaires sont plus risqués que les dépôts, un des rôles de la banque est aussi celui de tenter de diversifier le risque auquel elle doit faire face. Il en est de même pour les transformations de taux variables et taux fixes pratiquées par les banques. Ces transformations impliquent bien évidemment un certain nombre de risques pour les banques (voir section 2 sur les risques bancaires). 1.4. Production d’information et de surveillance Le rôle d’une banque est également de réduire l’asymétrie d’information entre prêteur et emprunteur. Ainsi, afin d’éviter tout risque de sélection adverse, la banque opère une sélection (« screening ») des emprunteurs. Ensuite, en vue de prévenir le hasard moral de ceux-ci, la banque assure un suivi (« monitoring ») des emprunteurs. L’intermédiaire financier 2 Cf. cours de Monsieur O. Lefebvre, « Marchés financiers nationaux et internationaux », chapitre 1 « Système financier et système économique ». peut aller jusqu’à créer des contrats discriminants, avec incitants (ex : prêts futurs conditionnels au remboursement de l’emprunt) ou garanties (sur collatéral) afin de tenter de réduire les conséquences que pourraient engendrer cette asymétrie d’information. Chercher de l’information au sujet d’un emprunteur comporte bien évidemment un coût. Ainsi, un des problèmes auxquels peut être confrontée la banque est celui du « free riding », c’est-à-dire qu’un intermédiaire financier concurrent peut sur base d’un crédit octroyé par la première banque en juger que l’emprunteur est fiable : il sera donc prêt à octroyer à ce même emprunteur un crédit dans le futur, et ce sans avoir dû subir un coût de recherche d’information trop important. Cependant, il se peut également que l’intermédiaire financier concurrent attire sans le savoir, un agent mauvais payeur que sa banque d’origine aura chassé sans qu’il n’en sache quelque chose. Ce dernier pensant tomber sur une aubaine prêtera en fait à un emprunteur douteux, augmentant donc son risque de non-rembousement : il s’agit de la « malédiction du gagnant ». Afin d’éviter tout risque en matière d’information des emprunteurs, il existe, à la banque nationale, à disposition des banquiers, des listes blanches et noires qui reprennent respectivement l’ensemble des bons et mauvais payeurs. N.B. : Pour évaluer les capacités de remboursement de grosses entreprises et d’emprunteurs institutionnels (états), il existe également des agences de rating telles Standard & Poors ou encore Moody’s. 1.5. Services non spécifiquement bancaires En dehors de leurs quatre rôles traditionnels, les banques effectuent un ensemble de services non spécifiquement bancaires. On peut en outre y compter la création d’information (non liée à l’asymétrie d’information) comme par exemple l’analyse de conjonctures économiques. Elles procèdent également à l’étude de plans d’affaires, organisent des formations (en comptabilité par exemple). Elles se permettent aussi de pratiquer de l’intermédiation professionnelle (entre agents institutionnels). De plus les banques effectuent du conseil en placement, en trésorerie et en financement. Et enfin, les intermédiaires financiers se diversifient de plus en plus en acquérant des parts de marché dans le monde des assurances. Section 2 : Le modèle de fourniture de liquidité de Diamond et Dibvyg Un des rôles de la banque est d’être fournisseur de liquidités. Or, cela peut poser problème car fournir de la liquidité peut dans certains cas mener à une crise bancaire. Il faut donc pouvoir assurer ce risque par l’assurance dépôt. Le travail de Douglas Diamond et Philip Dybvig 3 est à l’origine de la construction d’un cadre d’analyse des ruées bancaires dites auto-réalisatrices. Situation de référence sans banques : Considérons un modèle à 3 périodes : T=0 T=1 T=2 -1 0 R > 1 (R= 1 +r) 1 0 En T=0, les agents déposent leur argent en banque. Ensuite, ils peuvent choisir de retirer leur dépôt soit en T=1 ou T=2. S’ils choissent de retirer en première période, ils recevront 1. S’ils privilégient la seconde période, ils recevront un revenu certain R. Or, en T=0, les déposants ne savent pas s’ils auront ou non un besoin urgent de fonds avant T=2. Considérons à présent qu’il y a deux types d’individus. Les agents de type 1 retireront l’argent en T=1. Réciproquement, les agents de type 2 retireront en T=2. Les agents de type 1 consomment C 1 1 =1 tandis que ceux de type 2 consomment C 2 2 = R. Leur utilité U sont respectivement U( C1 ) et ρU( C1 + C 2 ) Il y a en réalité, deux hypothèses d’information sur les types d’individus : La proportion des deux types est connue en T=0. Dans ce cas, la banque sait combien retireront en T=1, elle fixera donc r en connaissance de cause. Elle est donc en mesure de détenir ce qu’il faut d’actifs liquides pour satisfaire les retraits en période 1. Elle place alors le reste de ses ressources en actifs illiquides, destinés à satisfaire le retrait des individus de type 2. 3 Diamond Douglas & Dybvig Philip (1983) « Bank runs, Deposit insurance and liquidity » Journal of Political Economy, 91, 3, 401-419. La proportion des deux types est inconnue en T=0. La banque ne sait donc pas combien retireront, soit parce que les déposants ne le savent pas eux-mêmes, soit parce qu’ils ne peuvent donner d’une manière certaine, cette information. Introduction d’une banque : Une moyen d’améliorer le bien-être des agents par rapport à la situation de base serait de considérer que les agents qui choisissent de retirer en période en 1 reçoivent alors r1>1 et ceux qui retirent en période 2 reçoivent r2>1 mais r2 est inférieur à R. Ainsi, les agents de type 2 reçoivent tout de même plus en période 2 que s’ils avaient choisi la période 1 pour leur retrait. Il y a donc un avantage à laisser son argent plus longtemps. De plus, les agents de type 1 peuvent bénéficier d’un montant supérieur à ce qu’ils auraient reçu normalement (r1>1). Il y a donc moyen de faire mieux que la situation initiale. Si la banque connaît la proportion de chaque type, elle pourra déterminer r1 et r2. r1 sera d’autant plus proche de 1 que la proportion de type 1 sera grande. Si celle-ci est faible, on donnera en T=1 un intérêt relativement élevé. On a donc un transfert de revenu de la période 2 vers la période 1. U(C) Utilité décroissante due à l’aversion au risque 1 r1 Graphique I.2.1 Risque d’illiquidité par panique: r2 R C Or, il y a un risque à l’opération, celui que de très nombreux agents viennent en période 1 pour retirer. Par conséquent, le risque de ne plus pouvoir retirer leur argent ultérieurement va augmenter pour les agents patients. Diamond et Dybvig montrent bien que les individus de type 2 ont intérêt à se livrer à une ruée de « panique pure » à partir du moment où les autres font de même. Les individus mentent alors sur leur type. Le rôle de la banque qui est donc d’augmenter l’utilité des agents avers au risque est donc lié à la liquidité. Or, comme nous venons le montrer, en fournissant ce service, la banque court un risque : la perte de confiance des agents les uns envers les autres. On pourrait faire une analogie avec une banque distribuant des graines de blé. Le risque est alors qu’il n’y ait plus assez de graines en période 2. La méfiance des agents peut s’expliquer par le fait que les intérêts promis supposent une récolte en 2 qui n’a pas encore eu lieu. Le danger de « bank run » c’est donc justement que tous les agents viennent chercher leurs liquidités au même moment. Il s’agit donc bien ici d’un risque de liquidité et non de solvabilité. Remèdes au risque d’illiquidité en T=1 : Supposons à présent que la banque puisse fermer ses portes à un moment donné. Elle distribue les liquidités, puis, après un certain temps, elle décide de stopper la distribution. Ainsi, l’équilibre est rétabli, car ne se présenteront que ceux qui ont réellement besoin de leur argent. Les autres agents attendront la période ultérieure, bénéficiant ainsi d’un montant supérieur et d’une utilité plus élevée garantie. Ils savent que tout n’a pas été distribué en période 1 et ne viendront donc pas de manière anticipée. Une autre alternative est la création de monnaie par la Banque Centrale. Toutefois, si on imprime trop de billets, le pouvoir d’achat d’un billet va diminuer. Ce qui va alors décourager les agents de retirer leur argent prématurément. Si on reprend l’exemple de la banque de graines de blé, les agents ayant davantage de billets vont vouloir acheter des graines. Or, suite à l’augmentation du nombre de billets, pour un même nombre de graines, il faudra fournir davantage de billets que précédemment. On constate donc que la panique peut être évitée si on supprime le risque d’illiquidité de la banque. C’est l’objet selon Diamond et Dybvig de l’assurance-depôt qu’ils assimilent à une taxe qu’imposerait l’Etat aux agents qui retirent avant terme. Le produit de cette taxe serait versé aux agents qui n’ont pas paniqué. Ce faisant, les agents qui ne sont pas soumis à un besoin de liquidité ne paniqueront plus. Généralement, l’annonce de la taxe suffisant, sa mise en oeuvre n’a pas lieu. Selon Diamond et Dybvig, l’assurance-dépôt financée par une taxe sur les retraits effectifs aurait un avantage sur la fermeture : il ne faut pas connaître la proportion d’agents de type 1 et de type 2. Il suffit d’observer l’ensemble des retraits. Cet avantage théorique ne règle cependant un problème pratique : le calcul de la taxe devrait se faire après l’enregistrement de toutes les demandes de prélèvement. En pratique, l’assurance-dépôt limite son intervention à un certain montant par déposant dans chaque banque. En outre, elle est souvent gérée par un organisme d’Etat qui a certains droits de contrôle sur la gestion des banques.4 En conclusion, la banque assure donc un rôle de fournisseur de liquidité. Mais, en assurant ce service, elle court un risque de liquidité ; risque qui peut être couvert par l’assurance dépôt ou la création de monnaie. Section 3 : les risques bancaires - Gestion du risque : les risques auxquels doivent faire face les intermédiaires financiers sont de: o Crédit, risque que l’emprunteur ne rembourse pas. Si les cas de nonremboursement se multiplient ou persistent, la banque elle-même court un risque de solvabilité : la valeur récupérable de ses créances (actifs) est inférieure à celle de ses dépôts et autres engagements. Tout l’art du banquier est de discerner entre agents non solvables lesquels sont encore à soutenir financièrement ou pas, c’est-à-dire de repérer lesquels seront capables de le rembourser ou pas dans le futur. o Liquidité : La partie immédiatement disponible (liquide) de l’actif est insuffisante pour faire face aux retraits de dépôts à vue ou à échéance. Si la 4 Dewatripont & Tirole, 1994, « The Prudential Regulation of Banks », MIT Press, 262 pp. banque est solvable, elle peut alors récupérer les liquidités en vendant des créances de qualité ou en les touchant à l’échéance. Un manque de liquidités peut engendrer un mouvement de panique générale débouchant sur un retrait massif des déposants dans le secteur (bank run) et sur des ventes forcées qui réduisent la valeur des créances et débouchent sur un problème de solvabilité. o Risque de change, risque de taux d’intérêt, risque que n’intervienne une variation du cours de change d’un actif, par rapport à une autre devise, résultant d’une variation du taux de change. Risque que les taux débiteurs et/ou créditeurs du marché ne se modifient. o Risque opérationnel technique : risque lié au personnel, aux équipements, aux procédures… o Risque légal ou systémique : risque provenant de l’environnement légal et économique de la banque. Il existe différents moyens pour les banques de se prémunir contre l’ensemble de ces risques via la diversification, l’exigence de la banque envers les emprunteurs que ceux-ci prennent une assurance ou encore via des garanties solides des emprunteurs envers la banque. Ces risques seront étudiés plus spécifiquement au chapitre 2 « Gestion bancaire » Section 4 : Types de banques Voir HULL, John C. (2009) « Risk Management and Financial Institutions », chap. 2. 4.1. Banques commerciales ou de dépôts Ce type de banques emprunte et prête à court terme (essentiellement des comptes à vue). Elles ajoutent en général à cette activité un ensemble de services pour les clients tels que la gestion de fonds ou la gestion de fortune. Exemples : Dexia, ING, Fortis, CBC,… Remarque : Dexia, anciennement Crédit communal, est toujours actuellement le principal prêteur des communes, ce qui l’oblige dans ce cas à faire des prêts à plus long terme. De plus, Dexia ayant racheté la BACOB, banque du réseau syndical chrétien, la banque est également là aussi obligée de faire des prêts à plus long terme. 4.2. Banques universelles Il s’agit d’intermédiaires financiers ayant les activités de banque commerciale et de financement à long terme d’entreprises via détention d’obligations ou d’actions sur ces sociétés. La détention de capital à risque se fait à long terme dans les banques universelles. Ces banques ayant de fortes relations avec l’économie réelle, le législateur a préféré, dans la plupart des pays occidentaux dans les années 1930, séparer les deux activités qui la composent pour éviter une reproduction de la crise de 1929. Ceci n’a tout de même pas empêché la subsistance de ce type de banques au Japon et en Allemagne. Exemple : Daimler-Benz était auparavant détenu par la Deutsche Bank. Il arrive que la relation soit parfois inversée, à savoir que ce sont les banques qui sont créées ou détenues par des entreprises. Ces dernières y voient évidemment une source de crédit à meilleur marché. 4.3. Banques d’investissement Les banques d’investissement se spécialisent essentiellement dans le financement à long terme d’entreprises. Ces banques détiennent rarement des actions à long terme, mais souvent de manière temporaire, le temps de les placer le plus judicieusement possible auprès d’investisseurs finaux. Elles s’occupent également d’assurer les entrées en bourse d’entreprise, s’engageant même parfois à racheter les titres invendus sur le marché primaire. En outre, ces banques pratiquent également la gestion de fonds de pension, de placement, institutionnels (assureurs), … Exemples : JP Morgan, Degroof, Petercam, … 4.4. Caisses d’épargne Les caisses d’épargne sont quant à elles spécialisées dans la collecte de fonds à long terme émanant de petits déposants. Une parfaite illustration de ce type de banque a été donnée par les Savings & Loans aux Etats-Unis. Ces banques étaient essentiellement spécialisées dans l’immobilier et les dépôts à long terme. Cependant, la « Regulation Q », qui limitait la concurrence entre dépôts en fixant des plafonds maximaux de rémunération de ces comptes de dépôts, ayant été levée, la concurrence entre caisses d’épargne américaines a augmenté, poussant les taux de rémunérations à la hausse. Les banques drainant moins de revenus ont donc été contraintes dans ce contexte de devenir plus rentables, ce qui les a donc poussées à accorder des prêts à rémunération plus importantes, mais plus risqués également. Le choc fut tel sur ces caisses d’épargne que la Federal Savings & Loans Insurance Company s’est vue mise en faillite. Les caisses d’épargne ont maintenant pratiquement disparu. Cette disparition s’explique également par un faible multiplicateur de crédit de ce type de banques. 4.5. Banques coopératives ou mutuelles Les banques mutuelles ou coopératives sont basées sur une toute autre relation entre prêteur ou emprunteur et intermédiaire financier. En effet, il faut tout d’abord être membre de la banque pour pouvoir lui prêter ou lui emprunter. Cette conception de la banque a parfois permis de contourner la réglementation sur l’appel public d’épargne des banques dans le but honorable de toucher plus facilement une clientèle que les banques classiques refusent. Elle évite également au banquier la demande d’une licence de pratique bancaire à l’autorité compétente. Dans ces banques, le déposant est plus qu’un « bailleur de fonds », il est coopérateur et bénéficie à ce titre d’informations différentes d’un déposant d’un autre type d’établissement de crédit. Ainsi, cela lui permet de gérer son argent différemment. Ce type de banque a également existé chez nous. Il est toujours présent en Allemagne. Exemples : Banques agricoles comme le Boeren Bond, les Credit Unions aux Etats-Unis, Raiffeisen en Allemagne 4.6. Banques-assurances Voir HULL, John C. (2009) « Risk Management and Financial Institutions », Chap. 3 sur l’assurance. Il s’agit de banques ayant également une activité dans le monde des assurances. Ce modèle mixte possède beaucoup d’avantages et d’inconvénients, mais est cependant fort contesté : il peut créer de la valeur ou en détruire5. 4.7. Micro-banques et groupes informels Ces établissements de crédit sont semblables aux banques coopératives ou mutuelles. Elles ont permis l’accès au crédit à de nombreux petits emprunteurs dans les pays en voie de développement6. Section 5 : les 4D des années 1980 Les tendances évolutives du système bancaire depuis le début des années 1980 peuvent se résumer à travers 4D : - Déspécialisation : Les intermédiaires financiers tentent de se ressembler de plus en plus. - Désintermédiation : La désintermédiation se caractérise par un accès de plus en plus direct au marché tant pour les agents en déficit qu’en surplus sans avoir nécessairement recours aux banques. Les banques sont en effet de plus en plus concurrencées par des véhicules financiers tels les hedge funds, les SICAV, les SICAF ou encore les fonds communs de placement. Afin de contrer cette tendance, les banques ont de plus en plus tendance à titriser leurs fonds (titrisation de créances)7. Toutefois, cette titrisation comportant certains risques, les acheteurs de ces titres refusent de les endosser, ce qui les laisse donc à la charge des banques. - Dérégulation, déréglementation : Le législateur accorde de plus en plus de libertés légales aux banques via suppression des barrières entre activités (et donc déspécialisation des banques) et abrogation des réglementations tarifaires. Ceci s’est traduit aux Etats-Unis d’abord, par l’« interstate banking », qui permet maintenant aux banques d’avoir des établissements bancaires au-delà des frontières de chaque état (interdit auparavant) et ensuite par l’abrogation 5 Cf. Partie 1, Chapitre 1, section 4. Cf. Partie 2, chapitre 5 7 Cf. Annexes à la partie 3 6 par le président Clinton le 12 Novembre 1999 du « Second Glass-Steagal Act » (datant de 1933) qui limitait les activités des différents types de banques. - Diversification : Les banques offrent de plus en plus de services différents à leurs clients. Chapitre 2 : Gestion Bancaire Section 1 : Gestion bancaire : indicateurs 1.1. Indicateurs comptables • Analyse des activités bancaires - Analyse de l’actif L’actif d’une banque est composé de : o Crédits à la clientèle (tant entreprises que personnes physiques) o Portefeuilles de titres o Créances sur établissements de crédit (prêts inter banques) o Réserves, liquidités o Immeubles et équipement - Analyse du passif Le passif, lui, est constitué de : o Dépôts à vue o Dépôts à terme o Dettes envers des établissements de crédit (contrepartie des créances à l’actif) o Dettes subordonnées (dettes intéressantes pour le prêteur, car elles sont déductibles fiscalement. Le problème est qu’elles sont les dernières dettes à être remboursées en cas de faillite. Intéressantes pour les banques, elles peuvent être assimilées aux fonds propres sous certaines conditions, ce qui est non-négligeable au niveau des règles prudentielles imposées aux banques en matière de crédits octroyés) o Fonds propres o Profits reportés, réserves pour actifs incertains - Analyse des activités hors bilan Les activités hors bilan constituant une part importante des activités bancaires, il nous semble intéressant de les mentionner ici : o Cautions et garanties (garanties bancaires, lettres de crédit,…) o Engagements non révocables (engagement d’achats à terme, lignes de change à terme, facilités de crédit non utilisées,…) o Services de conseil et de gestion (gestion de titres, souscriptions de titres,…) o Les opérations sur taux de change et taux d’intérêt (swaps de taux et de devises, options de change et de taux, contrats à terme et futures sur taux d’intérêt,…)8 • Les indicateurs de performance Afin de contrôler l’efficacité de leurs activités, les banques ont à leur disposition un ensemble d’indicateurs de performance : - Rendement sur actif (ROA) : Profits/Actif - Rendement sur fonds propres (ROE) : Profits/Fonds propres - Marge de fonds propres ; equity multiplier (EM) : Actif/Fonds propres ROE = ROA*EM - Marge9 d’intérêt (d’intermédiation) (IM) : Recettes d’intérêt – Charges d’intérêt Actif Ratio coût-revenus (C/R) : Coûts/Revenus - Revenus hors intérêts=Non-interest income, il s’agit de revenus essentiellement - expliqués par les activités hors bilan10 • Gestion des liquidités par les organismes de crédit Il est possible que les banques arrivent parfois à court de liquidités, ce qui peut avoir des répercussions importantes sur l’ensemble de l’économie si l’on ne s’en préoccupe pas. Etant donné le rôle de gestion de paiement occupé par les banques, on assisterait en effet à un « bank run », c’est-à-dire à une panique générale des déposants de l’économie, qui retireraient en catastrophe leur dépôts. Heureusement, il y a à disposition de la banque certains outils lui permettant de faire face à ce manque de liquidités. Ci-dessous se trouvent ces moyens cités du moins coûteux au plus coûteux pour les banques : 8 - Emprunt sur le marché monétaire (emprunt inter bancaire) - Vente de titres (réduction d’actifs) Cf. cours de Monsieur O. Lefebvre, « Marchés financiers nationaux et internationaux », chapitre 4 « Le système bancaire ». 9 On peut aussi calculer une marge sur dépôts et une marge sur prêts. Dans ce cas on divise les recettes (dépenses) d’intérêt par les prêts (dépôts) et on compare le taux obtenu au taux interbancaire. 10 Cf. infra, tarification des services. - Réescompte à la Banque Centrale (taux pénalisateurs) - Réduction de prêts 1.2. Rémunération des banques • Marges d’intérêt Il s’agit d’un taux moyen représentant la différence entre le taux moyen perçu par les banques dans le cadre de leurs prêts et le taux moyen versé sur les dépôts. Celle-ci est fonction des coûts des fonds, auxquels s’ajoutent : o La prime de risque o La prime de liquidité o Les frais opérationnels o La marge bénéficiaire (économies d’échelle individuelles (pas seulement globales), de portefeuille, de savoir-faire…) • Tarification des services Aujourd’hui, la tarification est de plus en plus une source de rémunération. Auparavant, toutes les opérations bancaires étaient gratuites car les banques comptaient principalement sur une marge d’intérêt. Mais, ensuite, elles ont constaté que leur marge d’intérêt n’était plus suffisante pour les services. C’est ainsi, qu’à présent, les banques tarifient leurs services. Il en existe plusieurs tels que : o Le conseil o Le dossier administratif o Les transactions • Tarification des risques Les banques doivent pouvoir couvrir toute une série de risques de l’activité financière. Certaines sont assurées spécifiquement. Dans ce cas, les agents paient des primes proportionnelles spécifiques au risque en question. Il existe deux types de rémunération des risques : o L’assurance o Les garanties Pour les banques, l’idée c’est qu’il y a moyen de jouer le rôle d’intermédiaire financier tout en ne supportant pas tous les risques de l’activité bancaire. Certains seront gardés par la banque. Elle en revendra d’autres comme par exemple, ceux liés à la macroéconomie, au marché et donc non propre à l’activité bancaire. Cependant, certains risques sont échangeables. Dans ce cas, on met ensemble des risques complémentaires. C’est le mécanisme du Swap. Section 2 : Gestion Bancaire : instruments Voir HULL, John C. (2009) « Risk Management and Financial Institutions », Chap. 5. • Swap - Swap de devises Cette forme de swap est notamment utilisée pour profiter d’un différentiel attractif entre le marché domestique et un marché étranger. Les flux étant libellés dans deux monnaies différentes, il s’agit d’une opération d’échange d’un endettement ou placement dans une devise contre un endettement ou un placement dans une autre devise. Les hypothèses d’un swap de devise relèvent souvent d’une même situation initiale problématique : Deux entreprises ont chacune un avantage comparé pour un financement différent. Ce financement ne correspond pas au profil de revenus de l’entreprise. Il y a un risque excessif (de taux d’intérêt ou de change) par cette non correspondance, mais renoncer à l’avantage comparé dans le financement crée un coût élevé pour éviter le risque de taux de change. Le swap de devise permet d’apporter une solution à cette situation. Il va y avoir un échange des obligations financières contractées par chaque entreprise dans une devise selon un avantage comparé sur le marché financier, mais payées par chacune dans l’autre selon la correspondance avec la devise de sa source de revenu. Le risque de taux de change est alors diminué par la mise en concordance du profil des charges financières avec le profil des revenus. Chaque entreprise reste responsable de son risque de solvabilité qui lui a précédemment permis d’obtenir ses conditions de financement. Le swap de devise est donc gagnant pour les trois agents, à savoir les deux entreprises concernées et l’intermédiaire financier lui-même. Les deux firmes vont pouvoir bénéficier d’une charge financière moindre que si elles avaient dû elles-mêmes signer un contrat plus en concordance avec leur profil de revenus. L’intermédiaire, lui, va pouvoir bénéficier de la marge d’intermédiation. Exemple 1 : Devises : entreprise et banque La situation initiale est celle d’une entreprise japonaise émettant des obligations en Yens à un taux donné mais qui investit en Europe. Elle reçoit dès lors des revenus libellés en Euros. De l’autre côté, une banque européenne emprunte en Euros à taux donnés. A travers le swap, la firme japonaise paie l’intérêt et le principal en Euros à la banque qui en échange lui paie en Yens (intérêt et principal). Les deux agents peuvent alors bénéficier d’avantages. En effet, la firme japonaise accède ainsi à des Euros à meilleur prix (càd à un moindre taux) que si elle devait emprunter elle-même. La banque diversifie ses dettes ou se couvre en plaçant en Yens (par un swap avec une firme européenne qui veut rembourser en Yens alors qu’elle emprunte en Euros, par exemple). Exemple 2 : Devises : Deux entreprises Considérons à présent deux entreprises. La première est belge, elle est donc connue sur notre marché mais a toutefois des revenus en dollars aux USA où elle n’est pas connue. Elle ne peut ainsi bénéficier d’un taux avantageux sur le marché US et devrait donc y emprunter à un taux de 7% alors qu’elle emprunte sur le marché belge à du 6%. D’autre part, une entreprise américaine ayant des revenus en Euros est dans la situation inverse. Connue du marché US, elle y emprunte à 6,5% contre 6,4% en Euros sur le marché européen. On voit donc que les firmes ont un meilleur taux dans leur pays d’origine 11 mais ce taux est cependant problématique car l’emprunt est en discordance avec la devise des recettes. En faisant un échange de leur taux d’intérêts, elles vont y gagner car elles pourront ainsi payer leurs intérêts dans la même devise que celle de leurs revenus. Le swap semble donc une bonne solution. 11 En Belgique en euros, la firme belge emprunte à 6% et la firme américaine à 6,4%. Aux USA en dollars, la firme US emprunte à 6,5% et la firme belge à 7%. Le tableau I.2.1 reprend les différents échanges. L’entreprise belge paie alors l’intérêt de la firme US en passant par l’intermédiation financière. Elle paie donc 6,8% en Dollars. Elle y gagne donc 0 ,2%. De son côté, la société américaine paie 6,3% au lieu des 6,4% sans l’intervention de l’intermédiaire. Ses gains sont donc de 0,1%. Et l’intermédiaire financier y trouve un bénéfice également de l’ordre de 0,6 % (6,8% -6,5%) + (6,3% - 6%). On peut donc noter que l’intermédiaire y gagne plus que chacun des autres agents. SWAP de Devises Si emprunt EUR direct : € 6,4%>6,3% Recettes USD € 6,0% € 6,3% Intermédiaire Financier Firme Belge $ 6,8% Emprunt 6% en euro à Banque Belge Recettes en euros Firme US $ 6,5% Si emprunt USD direct : $ 7,0% > 6,8% Emprunt 6,5% en USD à Banque US Avantage firme belge : 0,2% par an, Avantage firme US : 0,1%, Avantage banque (intermédiaire) : 0,3 + 0,3 = 0,6% par an. Tableau I.2.1 Il faut toutefois préciser que l’intermédiaire financier doit assurer un certain « matching », c’est-à-dire que les emprunts doivent porter sur les mêmes montants. - Swap d’intérêt Un swap d’intérêt (Interest Rate Swap : IRS) est un swap portant sur deux références de taux, l’une variable, l’autre fixe. Le principe d’un swap d’intérêt est de comparer un taux variable et un taux garanti et de se verser mutuellement les différentiels de taux d’intérêt sans échange en capital. Exemple 1 : Swap d’intérêt entre une société immobilière et une entreprise bancaire12 Considérons une banque dont les emprunts sont à taux fixes sous forme de dépôts. Celle-ci peut donc emprunter à meilleur prix que tout autre entreprise. Considérons ensuite, une société immobilière qui contrairement à la banque reçoit des recettes fixes mais rembourse un emprunt à taux variable. Le swap de taux d’intérêt va permettre à ces deux agents, via l’intermédiation financière, de pouvoir améliorer leur situation en permettant une concordance de taux entre leurs recettes et leur paiement d’intérêt. SWAP d’intérêt Gain banque : 0,25% + (0,3%) =0,55% Recettes fixes Euribor0,75% Firme Immo Intermédiaire Financier Si emprunt direct : $ 6,0% > 5,65% : gain immo 0,35 Tableau I.2.2 Source: Financiële en Economische Tijd, 17 Aug. 1999. Firme Banque Fixe 4,5% Intermédiaire : frais 0,75 – (-0,3) = 1,05 Gain 5.65 – 4,5 = 1,15 Différence : 0,10 12 Recettes: euribor Euribor0,3% Fixe 5,65% Emprunt A : euribor +0,75 Emprunt AAA: euribor +0,25 Carnets de dépôt : fixe 4,5% Gains en taux13 : La banque emprunte fixe, car c’est elle qui peut emprunter le moins cher (4,5% au lieu de 6%). La banque paie e-0,3% à l’intermédiaire et gagne ainsi e + 0,25% – (e – 0,3%) = 0,55% par rapport à un paiement d’intérêt variable au marché. La firme Immo emprunte variable, car son désavantage (0,75%-0,25%) est moins grand qu’en fixe (6%-4,5%) et paie 5,65% fixe à l’intermédiaire au lieu de 6% au marché et gagne 0,35%. L’intermédiaire utilise ses 5,65% à payer l’intérêt fixe de la banque soit 4,5%, ce qui lui laisse 1,15% et il paie aussi l’intérêt variable de l’emprunt A de e+0,75% pour lequel il a perçu e0,3% de la banque, donc il paie net e+0,75% - (e-0,3%) =1,05% sur la dette variable. Il lui reste 1,15% – 1,05% = 0,10%. Couverture des risques de taux : La banque ne court aucun risque de taux pour ses dépôts car elle reçoit aussi 4,5% fixe de l’intermédiaire et elle s’arrange pour gagner plus que e-0,3% sur le principal des dépôts (normalement elle peut gagner au moins e par définition de l’Euribor). L’intermédiaire ne court aucun risque de taux car il a une source de fonds égale à e-0,3% qui fluctue au même rythme que ses paiements à e+0,75%, et une autre source de fonds à taux fixe (de l’Immo) qui correspond à ses paiements à taux fixe à la banque. Par hypothèse, l’Immo préfère un taux fixe qu’un taux variable et préfère 5,65% à 6%. Alternative avec swap de capital : La banque emprunte à e+0,25% et prête à e+0,3%. Le gain pour la banque se réduit à 0,05%. Les autres acteurs sont en situation inchangée. Les risques sont couverts. Section 3 : Gestion Bancaire : Estimation et Gestion des Risques Voir HULL, John C. (2009) « Risk Management and Financial Institutions » 13 On peut aussi travailler sans intermédiaire. La banque a un avantage absolu par rapport à la firme sur tous les marché, mais elle a un avantage comparé sur le taux fixe (6-4,5=1,5 > 0,75-0,25=0,5). Elle emprunte au taux fixe aux déposants et la firme immobilière emprunte à taux variable à e+0,75. Grâce au swap, la firme paie 5,65 fixe à la banque, ce qui est mieux que 6 sur le marché. La banque reçoit 5,65 dont elle utilise 4,5 pour payer ses déposants. Il lui reste 1,15 pour payer le taux variable de la firme e+0,75. Pour cela, elle emprunte à e+0,25 et utilise 0,5 des 1,15 qu’il lui restait. Il reste finalement 0,65 de gain pour la banque d’avoir monté l’opération. La firme gagne en stabilité. La banque est doublement couverte : ses obligations à taux fixe sont payées par la firme à taux fixe. Ses obligations à taux variables sont financées à taux variable.