Stratégies et impacts des firmes multinationales dans le

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Stratégies et impacts des firmes multinationales dans
le secteur du ciment au Vietnam.
Nguyen Kim Anh
Thésard du CERNA
Ecole des Mines de Paris-ENSMP
Professeur - Faculté de Gestion Industrielle
Institut Polytechnique de HCM ville- IPH -Viet Nam
kim-anh@club-internet.fr
Résumé: La multiplication des investissements directs étrangers dans divers secteurs d’activités
auprès des pays « socialistes de marché », permet un développement économique de ces pays tels
que le Vietnam. Ce qui entraîne une augmentation des besoins dans la construction, dans les
nouvelles infrastructures, etc. En conséquence, les besoins du ciment augmentent dans les mêmes
proportions .Devant l’insuffisance de la capacité de production des cimentiers vietnamiennes, le
gouvernement encourage les investissements des firmes étrangères et la création des entreprises
conjointes. L’arrivée de ces firmes transforme ainsi la structure de marché cimentier, monopole à
l’origine en un marché d’oligopole. La compétition est devenue aussi plus vive entre les sociétés
cimentières provinciales, celles du gouvernement central, et celles qui appartiennent aux groupes
étrangers. Cette communication explique les stratégies des firmes multinationales : pourquoi et
comment elles développent un savoir faire de pointe dans des activités spécifiques, et pourquoi
certaines d’entre elles parvient à se maintenir et développer ces avantages tandis que d’autres
échouent ? Quels sont les enseignements tirés par les dirigeants de ce secteur ? Quels sont impacts
sur le marché cimentier ?
Mots-clés: Firmes multinationales Concurrence Industrie du ciment Barrières à l’entrée –
Avantage concurrentiel.
Abstract: The multiplication of the foreign investment direct in many activities of diverse sectors of
the countries which called « socialist market », permits the economic development of these
countries, Vietnam is an example. These events lead the increase of the demand in construction, in
the new infrastructure…in consequence, the demand of cement increase at the same ratio. To face of
the insufficient capacity of production of the vietnamese cement industry, the vietnamese government
encourages the investment of the foreign firms and the creation the joint-ventures. The arrival of
these firms transformed the cement market structure, from monopoly to oligopoly. The competition
occurs lively between the provincial enterprises, the central enterprises and the foreign groups. This
article explains the strategies of the multinational firms: why and how they can develop the key
know-how in the specific activities, and why some of them maintain and develop their advantages
when another fail? What are the lessons for the leader of this sector? What are the impacts on the
cement market?
Keywords: Multinational Firms Competition Cement Industry - Barriers to entry Oligopoly.
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Introduction
Au Vietnam, l’industrie cimentière joue un rôle important dans le développement
économique du pays, notamment dans celui de la construction. L’industrie cimentière a
contribué à une croissance de 9-11% sur le taux du PNB de l’Industrie du Vietnam, et ce
avec une croissance de plus de 10% par an. Ainsi, avec de la croissance économique
globale du pays, le secteur de la construction des infrastructures et du logement se
développe rapidement.
Avant 1996, la demande du ciment dépassait la production, la quantité manquante était
comblée par les importations. En 1995, la «fièvre » du prix de ciment a violemment affecté
le secteur du bâtiment et de la construction. Par ce fait, l’association du ciment a privilégié
les investissements étrangers directs. Il en résulte la naissance des coentreprises dont le
Chin Fon (Taiwan), Morning Star Cement, une coentreprise de la Société de Ciment Ha
Tien 1 et du groupe suisse Holcim-Vietnam (ex-Holderbank), Nghi Son, co-entreprise du
Groupe Mitsubishi.
La naissance des entreprises conjointes a fait changer la structure de marché,
transformant ce dernier, monopole à l’origine en en un marché d’oligopole à partir de 1997.
La compétition est devenue plus vive entre les sociétés provinciales (appartenant aux
provinces), celles du gouvernement central, les sociétés nationales, et celles appartenant
aux groupes étrangers. Cette compétition est surtout présente dans les domaines de prix,
qualité, technologies, prestige.… Mais elle est aussi à l’origine de la disparition des
entreprises moins performantes des provinces.
Il est à noter en outre que :
Le Vietnam a rejoint le 28 juillet 1995 l’Organisation des pays d’Asie du Sud-Est
(ASEAN), en devenant ainsi le 7ème membre. Et en dehors des programmes de
coopération en économie et en finance, l’ASEAN a voulu accélérer les échanges
commerciaux entre ses pays membres afin de renforcer l’économie et les
investissements. Pour ce, l’ASEAN s’est fixé comme objectif la création d’une zone
de libre échange commercial (l’AFTA ou ASEAN Free Trade Area) en instaurant
des tarifs douaniers préférentiels communs (CEPT ou Common Effective
Preferential Tarif). Il est prévu qu’en 2003 le traité sur ces tarifs entrerait en
vigueur.
Le ciment figure sur la liste des articles dont la dégression tarifaire serait rapide.
L’entrée en vigueur de CEPT constituera alors de nouveaux défis pour l’industrie
cimentière vietnamienne, qui devrait entrer en compétition avec celles des pays de
l’ASEAN déjà très actifs, tels que la Thailande, la Malaisie, l’Indonésie...
L’industrie cimentière constitue un exemple typique de secteur oligopolistique.
Le ciment est un produit courant et pondéreux. La concurrence par les coûts est donc déterminante et doit
tenir compte de ceux inhérents au transport.
Par ailleurs, les coûts de production dépendent principalement du type de procédé utilisé (voie sèche et voie
humide), et de la capacité de production.
Au fil du temps, les procédés sont devenus moins coûteux en énergie (25% du CA) et les capacités
envisageables s’en sont trouvées agrandies.
Une usine de ciment est en général construite pour une durée d’utilisation de 30 ans. Il s’agit d’une industrie
à très forte intensité en capital, et même si une usine particulière se trouve dépréciée à un moment donné par
rapport à l’usine la plus performante, elle peut continuer à générer des liquidités pendant encore de
nombreuses années.
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Il existe une littérature abondante sur divers aspects de l’industrie cimentière, la
généralisation correspondante est principalement motivée par l’analyse des stratégies
concurrentielles dans l’industrie cimentière. Les idées à la base des développements qui
suivent, s’appuient principalement sur les travaux de Hervé Tanguy (1987 [9]), relatifs aux
contexte français, sur stratégie et réglementation de la concurrence dans un oligopole
naturel de Ponssard, (1999 [23]), ainsi que sur une étude historique de la réglementation
dans le temps de globalisation (Dumez et Jeunemaitre, 1997 [6]). Récemment, Ponsard,
(1999 [5]) a publié une étude sur la politique de concurrence et théorie des jeux. Bain (1965
[1]) fut le premier à développer une approche moderne des barrières à l’entrée avec: Les
avantages absolus sur les coûts, les économies d’échelle, nécessitant souvent de gros
investissements et la différenciation dans les produits.
L’objectif de cet article est d’étudier les stratégies des firmes multinationales du ciment au
Vietnam:
pourquoi et comment développent elles un savoir faire de pointe dans des activités
spécifiques,
pourquoi certaines d’entre elles parviennent à maintenir et développer ces
avantages, tandis que d’autres échouent ?
quels sont les enseignements tirés par les dirigeants de ce secteur ?
quels sont les impacts sur le marché cimentier ?
Cette note est organisée de la manière suivante. Nous commencerons d’abord par les
traits caractéristiques de l’industrie du ciment de 1990 à 1999 au Vietnam. Ensuite, nous
allons étudier les stratégies des firmes multinationales et leurs impacts dans ce secteur.
En conclusion, nous allons étudier quels sont les enseignements tirés par les dirigeants de
ce secteur.
1 Les traits caractéristiques de l’industrie du ciment de 1990 à 1999.
On présentera ici les caractéristiques du marché en introduisant des données concernant
le contexte économique, la demande, la production et les importations. A partir de ces
caractéristiques, on identifiera la structure du marché à chaque période, et on recherchera
ce qui est susceptible de la modifier.
1.1 L’environnement économique
Grâce à la transformation de l'économie planifiée en une économie de marché et à la
politique d’ouverture depuis 1989, l’économie du Vietnam a connu une croissance rapide.
Le taux de croissance du PNB était en effet de 8,3% par an de 1991 à 1996. Le Vietnam a
atteint ce résultat grâce au taux de croissance de l’industrie à 13,3%, à celui de l’agriculture,
4,5%, et à celui des services à 11,8%. De plus, le taux d’inflation a reculé et le taux de
change entre le dong vietnamien et le dollar américain s’est maintenu.
En outre, le secteur de la construction d'infrastructures et de logements s’est développé
rapidement.
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Pour répondre aux besoins croissants de plusieurs branches, et en particulier de celui de
la construction, l’industrie du ciment s’est améliorée et beaucoup développée. Cependant,
ce développement et cette croissance ne s’harmonisaient pas avec l’augmentation des
demandes de ciment sur le marché. Cela se traduit dans les données statistiques
concernant la production, l’importation et la consommation.
En effet, de 1991 à 1996, la production de ciment vietnamien ne couvrait pas les besoins
du pays qui devait recourir à l’importation. En 1995, la “fièvre” qui s’est saisie des prix du
ciment a fortement affecté la construction. Le marché du ciment, contrôlé par la Compagnie
Générale Vietnamienne du Ciment (VNCC), est considéré par les pouvoirs publics et par
l’association du ciment comme un secteur stratégique dans le développement industriel du
Vietnam. Ils ont donc décidé de privilégier l’investissement.
Pour répondre à court terme à l’augmentation rapide de la demande, la VNCC a cherché à
mobiliser toutes ses capacités de production en utilisant les bénéfices et avec l’aide de
l’Etat. Mais cela n’était pas suffisant. Ils ont donc fait appel aux investisseurs étrangers.
Ceux-ci sont entrés au Vietnam en établissant des coentreprises majoritaires, et ont ainsi
modifié la structure du marché.
Pays
Nombre de
projets
Proportion
(%)
Total capital investi
(US$ millions)
Proportion (%)
Taiwan
3
37,5
813,3
42,9
Suisse
1
12,5
388,0
20,5
Japon
1
12,5
373,0
19,7
Corée du Sud
1
12,5
250,0
13,2
Hong Kong
1
12,5
68,0
3,6
Chine
1
12,5
4,0
0,2
TOTAL
8
100
1.896,3
100
Tableau 1 : Investissement étranger dans l’industrie cimentière au Vietnam de 1992 à Août 2000:
Source: Ministère du Plan et de l’Investissement (2000).
Selon le tableau ci-dessus, le capital total d’investissement dans l’industrie de ciment se
situe à presque de 1,9 milliard de dollars, tandis que la totalité de capital investi enregistré
au Vietnam sur cette période est environ de 36,4 milliard de dollars.
Donc, le capital investi au secteur cimentier occupe plus de 5% du total, montrant ainsi
l’importance de l’industrie cimentière.
1.2 Offre - demande
Avant 1991, lorsque l’économie du Vietnam était “ planifiée ”, la demande en ciment n’était
pas forte et le rôle de ce secteur n’attirait pas particulièrement l’attention. Après 1991, la
demande a augmenté très vite. De 1991 à 1997 elle a excédé la production, il a donc fallu
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mobiliser toutes les capacité des usines et investir dans la production qui demeurait
cependant insuffisante.
Les importations ont permis de combler les manques. La production, importation et la
demande ont été les suivantes :
Années
1991
1993
1994
1995
1996
1997
1999*
Production
3.127
4.849
5.371
5.854
7..253
8..528
12.200
Importations
33
61
1.129
1.232
859
900
0
Offres
3.160
4.910
6.500
7.086
8.012
9.428
12.600
Demandes
3.160
4.910
6.500
7.100
7.998
9.201
11.600
Taux de
croissance (en%)
22%
32%
9%
13%
15%
12%
Tableau 2: Production - importation demande (mille tonnes)
(Source : CCID et RAMBOLL- 1999)
Note : * Provisoire
La croissance moyenne est d’environ 18% par an. De 1991 à 1997, la production était
toujours inférieure à la demande, et le niveau de croissance de la demande et de l’offre était
très élevé. Le prix du ciment sur le marché a augmenté très rapidement : il est passé de
200.000 dongs/tonne en 1990 à 977.000 dongs en 1997.
A cause de problèmes de gestion, les importations n’étaient pas effectuées à temps. Et en
1995, l’offre étant inférieure à la demande, le prix a atteint des records (1.050.000
dongs/tonne à HCM ville).
1.3 De la situation de monopole à celle d’oligopole.
De 1991 à 1996, lorsque la demande de ciment dépassait la production, la VNCC avait le
monopole de la production et s’efforçait de réduire les quotas d’importation. La VNCC
prenait des décisions relatives au prix et mobilisait ses capacités de production dans l’espoir
de répondre à la demande et de limiter les importations. Elle n’avait pas pour objectif
essentiel de maximiser les profits. Elle a par exemple subventionné quelques projets
d’infrastructures et favorise des projets d’Etat. Le prix du ciment était basé sur les coûts
globaux, les taxes, et taux de profit fixés par l’Etat.
En raison de l’augmentation rapide de la demande, la production a lentement
augmenté. D’une part, le comité d’Etat sur les prix a fixé un prix-plafond dans les cinq
régions principales : Hanoi, Haiphong, Danang, Ho Chi Minh Ville et Cantho pour protéger
les consommateurs. D’autre part, le comité de la direction d’Etat a fixé un quota
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