Les guerres de décolonisation françaises Après la seconde guerre mondiale, la France est confrontée, comme tous les autres empires coloniaux, aux aspirations des peuples colonisés à l’indépendance. Certaines sont acquises pacifiquement (Afrique noire). Les indépendances du Maroc et de la Tunisie, même s’il y a eu quelques violences, sont acquises par la négociation assez rapidement. Seules les luttes pour l’indépendance en Indochine et en Algérie peuvent être considérées comme des guerres. Dans aucun autre pays, la décolonisation n’a suscité de tels affrontements et de telles violences. Qu’est-ce qui a provoqué l’enlisement de ces guerres, alors que le reste de l’Empire se décolonise sans trop de problèmes ? I. 17 ans de guerre ? 1. La lointaine guerre d’Indochine - - - L’Indochine se déclare indépendante en 1945. 6 mars 46 : accords ambigus Sainteny-Hô Chi Minh qui reconnaissent l’indépendance/autonomie (selon les traductions) du Viêt-Nam. Tensions politiques en métropole avec le retour de Bidault au gouvernement ( il est contre la décolonisation). Le Haut-commissaire D’Argenlieu fait proclamer la République de Cochinchine : rupture de l’unité du Viêt-Nam. 19 décembre 46 : coup de force vietminh sur Hanoi en réponse à la prise d’Haiphong par les français : début de la guerre. Refus de négocier avec Hô chi Minh. Les Français mettent Bao Daï à la tête d’un gouvernement fantoche, auquel on accorde tout ce qu’on a refusé à Hô Chi Minh. Volonté de décrédibiliser l’adversaire. Politique de provocation. Le conflit prend rapidement la forme d’une guérilla. A partir de 49-50, l’aide chinoise favorise le vietminh : détérioration de la situation militaire française. Pression internationale pour une conférence qui règlerait le conflit. Les Français veulent arriver en position de force, d’où Diên Biên Phû. Mais échec. Conférence de Genève en 54. Guerre très lointaine pour les français : géographiquement, mais aussi parce qu’ils sont occupés par la reconstruction. Opinion de plus en plus mobilisée au début des années 50 : franchement hostiles après Diên Biên Phû. 2. Les « événements » en Algérie - - Echo de la conférence de Genève. Les nationalistes algériens ont suivi la guerre d’Indochine avec intérêt. Volonté d’imiter le Vietminh. 1er novembre 54 : attentats dans toute l’Algérie. Peu d’échos en France. Mise en place d’un programme économique et social pour pacifier l’Algérie qui aurait pu réussir. Mais : massacre de Philippeville en Août 55. Volonté de certains nationalistes de mettre un fossé de sang entre les 2 communautés pour empêcher toute communication. Systématisation des attentats. Répression. Guérilla. - - - Intransigeance des pieds-noirs : après le 6 février 56, Mollet qui voulait négocier se ravise et rentre dans le circuit militaire. Autonomie de plus en plus grande des militaires qui enregistrent bon nombre de succès : arrestation des leaders nationalistes, bataille d’Alger et démantèlement du FLN. Mais la guérilla continue. Après le bombardement de Sakiet en Février 56, crise mortelle de la IV République. Retour de De Gaulle. Autodétermination de l’Algérie, négociations et Indépendance avec les accords d’Evian, non sans beaucoup de résistance (pieds-noirs avec semaine des barricades, putsch des généraux, OAS…). Opinion métropolitaine hostile, qui se prononce finalement pour indépendance de l’Algérie après référendum. 3. De véritables guerres Des guerres non voulues, ni par les colonisés, ni par le gouvernement. Des guerres niées. Mais de véritables guerres tout de même. Beaucoup de morts : environ 50000 en Indochine. 25 000 morts français en Algérie. Jusqu’à 200 000 dans les rangs du FLN. Des affrontements très violents : Haiphong, Diên Biên Phû, le massacre de Philippeville, la torture… Mais des guerres très différentes, pas appréhendées de la même façon. Indochine très lointaine. Beaucoup plus complexe pour l’Algérie, car tout un héritage du passé : ce sont des départements français, base du gouvernement français provisoire pendant la Seconde Guerre Mondiale. II. Des guerres qui reflètent la situation de la France après la guerre 1. Le choc de 1940 - - - Différence entre la France et l’Angleterre qui a véritablement gagné la guerre. Frustration française qui a retrouvé son honneur seulement à travers son Empire. Le perdre = déchéance. Mars 45, l’Indochine est envahie par les Japonais. Libérer l’Indochine devient une mission nationale. Difficile d’accepter l’Indépendance. Ce sont les militaires qui, d’une certaine façon, provoquent la guerre (avec d’Argenlieu). Ces guerres sont avant tout l’affaire des militaires, traumatisés par la défaite de 40. Ils veulent retrouver leur honneur, venger la défaite. Après Diên Biên Phû et Genève, réveil national : on a bradé l’Empire. Les militaires développent une réflexion sur la guerre révolutionnaire… Ne pas répéter les mêmes erreurs en Algérie. Ce sont avant tout les militaires qui dirigent les guerres. 2. Des guerres sorties de leur contexte… On tente de nier le caractère colonial de ces guerres. - L’Indochine comme un conflit de guerre froide : défense su monde libre contre l’expansionnisme communiste. Le gouvernement de Bao Daï est aussi un prétexte : il faut le sauver de l’agression communiste qu’il subit. - Algérie : lors de l’insurrection de Sétif, on accuse des agents hitlériens. A partir de 54, on considère aussi le conflit comme une nouvelle phase de la lutte communiste pour la domination du globe. Les communistes chercheraient à contourner le bloc occidental par l’Asie et l’Afrique. Toujours cette obsession de nier la guerre. 3. … qui épuisent la France - - Crise morale très profonde (torture très mal vue 10 ans seulement après les horreurs nazies). Fractionnement idéologique dans tous les partis non communistes). Essoufflement de la IV République : rupture du tripartisme ; instabilité gouvernementale qui empêche toute politique suivie, ce qui affaiblit les gouvernements (à l’exemple de celui de Mollet) et provoque l’enlisement des guerres, ce qui déstabilise encore plus le régime. En plus, on n’acceptera de négocier que lorsqu’on sera vainqueur : engrenage. OAS : la guerre vient en France : guerre franco-française. III. L’internationalisation des conflits 1. Un contexte international défavorable à la France - Les 2 superpuissances (USA, URSS) sont anticolonialistes. Roosevelt voulait d’ailleurs empêcher les Français de revenir en Indochine. Truman était plus conciliant. ONU fermement anticolonialiste, d’autant plus que les nouveaux Etats issus de la décolonisation deviennent membres. Ces nouveaux Etats sont à l’initiative de la conférence de Bandung : coup d’éclat international : pression sur les Empires coloniaux pour accélérer la décolonisation ; La décolonisation de l’Asie est très rapide (exemple de l’Angleterre qui accorde très rapidement l’indépendance à ses possessions en Asie). La France est seule à vouloir se maintenir en Indochine : elle est montrée du doigt. 2. L’Indochine, un pion du Containment La guerre d’Indochine est avant tout un conflit colonial. Mais c’est tout de même un enjeu de la Guerre froide. Pour les USA l’Indochine est un élément de l’affrontement Est-Ouest. Parallélisme avec la guerre de Corée. D’autre part, ils ne veulent pas obliger les français à décoloniser l’Indochine, par peur que la France ne devienne neutre : la France est un pivot important du Containment dans le bloc occidental. Ce sont les américains qui financent le conflit : américanisation indirecte de la guerre. Mais avec la fin de la guerre de Corée, le début de la détente Est-Ouest à partir de 5354, pressions sur la France pour les pousser à régler le conflit. 3. La volonté du FLN d’internationaliser leur guerre - Si le FLN a perdu la guerre militairement, il l’a gagné diplomatiquement. Le FLN est représenté à Bandung : symbole. Septembre 55 : la question algérienne est à l’ordre du jour à l’ONU. - Kennedy se déclare en faveur de l’indépendance de l’Algérie. Les maladresses françaises ont aussi des conséquences internationales : - La crise de Suez en 56 : Nasser fournissait des armes au FLN, d’où le complot entre les français, les anglais et les israéliens qui échoue. Français repartent piteusement, le moral du FLN remonte en flèche. - L’interception de l’avion du sultan du Maroc : véritable acte de piraterie. - Le bombardement de Sakiet : plainte de la Tunisie. Missions de bons offices anglosaxonne pour calmer la situation. Conclusion : La France a vécu 17 ans de guerre. Chaque guerre a été plus longue que la 2ème Guerre Mondiale. Des guerres meurtrières, usantes qui sont avant tout l’affaire des militaires. La défaite de 40 a empêché les Français de considérer la nouvelle situation de manière lucide. Des guerres qui ont eu des conséquences à long terme, surtout en ce qui concerne l’Algérie : le problème des pieds-noirs qui reviennent en Algérie, les Harkis… 6 mars 1946 : Accords Sainteny-Hô Chi Minh 1er Juin 1946 : D’Argenlieu fait proclamer la République de Cochinchine autonome 19 décembre 1946 : coup de force vietminh sur Hanoi. Début de la Guerre 13 mars-7 mai 1954 : bataille de Diên Biên Phû 21 juillet 1954 : signature des Accords de Genève. Fin de la guerre. 8 mai 1945 : insurrection à Sétif 1er novembre 1954 : attentats en Algérie 20-21 août 1955 : massacre de Philippeville 6 février 1956 : visite de G. Mollet en Algérie. Novembre 1956 : crise de Suez Janvier-mars 1957 : bataille d’Alger 8 février 1958 : bombardement du village tunisien Sakiet 16 septembre 1959 : autodétermination de l’Algérie janvier 1960 : semaine des barricades à Alger Avril 1961 : putsch des Généraux 18 mars 1962 : accords d’Evian S. Berstein et P. Milza, Histoire de la France au XXe siècle, Editions Complexes R. Girardet, L’idée coloniale en France de 1871 à 1962, Paris la Table Ronde J. Valette, La guerre d’Indochine 1945-1954, Armand Colin A. Horne, Histoire de la Guerre d’Algérie, Albin Michel B. Phan, Colonisations et décolonisations françaises depuis 1850, Armand Colin