
Introduction :
Intégrer le « genre » dans les sciences sociales et dans la recherche en
sciences sociales, un enjeu (encore) contemporain.
« Depuis prés d’un demi-siècle, l’évolution de la place et du statut des femmes dans la société
interroge très directement la sociologie et l’ensemble des sciences humaines. Les
transformations sociales sont là, tangibles et attestées, mais leur traduction en question de
recherche est moins évidente, plus chaotique, marquée de retards et d’accélérations »
.
En effet, si le genre est un objet de recherche évident pour les sciences sociales, il se traduit
difficilement en questions de recherche. Comment expliquer le paradoxe de « l’illégitimité
persistante des questionnements de genre dans les sciences sociales »
?
La notion de « genre » est issue du terme « gender » en anglais qui a émergé à la fin des
années 60 et au début des années 70 notamment aux Etats-Unis : il s’agit ainsi de mettre en
évidence la dimension sociale et culturelle des différences de sexes, le mot anglais « sex »
n’ayant qu’une signification strictement biologique. Le « genre » désigne donc la
« construction sociale des différences sexuelles à travers différents mécanismes, cadres et
processus »
. Cette question intéresse donc en premier lieu la sociologie. Pourtant, elle ne s’en
empare que tardivement.
Les raisons qui peuvent expliquer ces retards, qui sont d’ailleurs particulièrement criant en
France, sont de plusieurs ordres : tout d’abord, les études sur le genre sont perçues comme
ayant une connotation militante, voire féministe. Or le militantisme s’accommode assez mal
de la neutralité demandée au chercheur en sciences sociales. Si bien que ces études sont
souvent a priori décrédibiliser. Par ailleurs, l’argument biologique a été longtemps dominant
(et le reste encore même parfois aujourd’hui). Il pose que les inégalités hommes/femmes sont
légitimées par la différence « de nature » des femmes et refuse donc tout caractère
socialement construit de ces inégalités…. Enfin et de façon plus pratique, intégrer le genre
dans la recherche pose de réels problèmes méthodologiques et conceptuels : l’introduction
des sexes complexifie souvent l’analyse. Cela décourage de nombreux chercheurs qui ont font
tout au plus un objet facultatif.
Toutefois, on note une évolution et les recherches sur le genre ou intégrant le genre sortent
peu à peu de la marginalité. De façon significative, en 1998, pour la première fois, la question
« Introduction », J.LEFER, C.MARRY et M.MARUANI, in : Masculin et féminin : questions pour les sciences
de l’homme, Sciences Sociales et Sociétés, PUF, 2002 (2ème édition), p 13.
Eric Neveu, intervention lors du séminaire « genre » de l’Ecole doctorale de l’IEP de Bordeaux, 6 mai 2004.
Luc Sindjoun, in Biographie sociale du sexe. Genre société et politique au Cameroun, Codesria- Karthala,
2000, p6.