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de penser même à ceux qui en contestent le principe, il les contraint à le reconnaître dans la mesure
où ils en usent et parfois en abusent. Pourtant ce qu'il perçoit comme un signe de force peut aussi
passer pour un signe de faiblesse ; car exiger de l'État qu'il tolère les opinions contraires aux principes
démocratiques n'est-ce pas le faire complice de leur destruction ?
I - L'idée de tolérance
a) On entend par tolérance l'attitude qui consiste à laisser aux autres la liberté d'exprimer des opinions
qu'on ne partage pas. En ce sens la tolérance serait une sorte de reconnaissance du droit à la
différence.
b) Pourtant il s'en faut de beaucoup que la tolérance se soit originellement confondue avec un droit.
Jadis en effet, les pouvoirs n'imaginaient pas que l'ordre public pût être compatible avec la
prolifération des opinions. Revendiquer une différence, c'était manifester une opposition, la
reconnaître était faire preuve de faiblesse. Bien sûr Sénèque avait pu représenter à Néron que
l'intolérance était tout autant une marque de faiblesse, puisqu'en réprimant les opposants, on montrait
par là qu'on les craignait (De la Clémence). Mais bien peu de princes étaient prêts à le suivre sur ce
point. S'il y avait tolérance, c'est qu'elle résultait d'un rapport de force qui les obligeait à des
concessions. C'est dans cette optique que Catherine de Médicis fut amenée à formuler de nombreux
édits de tolérance en faveur des protestants ; ce qui dans son esprit ne signifiait pas que les opinions
des protestants valaient celles des catholiques.
c) La tolérance dépendait du bon vouloir du Prince ; ce qu'il donnait, il pouvait toujours le reprendre ; il
ne se reconnaît aucun devoir puisqu'il ne conférait aucun droit.
II - Tolérance et État de droit
Sans doute parce qu'on pensait que la force finirait par avoir raison de la liberté de pensée.
a) Mais pour Spinoza la liberté de penser est un fait si naturel et si universel qu'il serait absurde de
contraindre les consciences à croire ce qu'ils se refusent de croire. Absurde, mais également
dangereux, car l'expérience montre que la persécution alimente toujours les opinions qu'elle a pour
but d'éradiquer.
b) Aussi la paix civile exige-t-elle qu'on transforme en droit ce qu'aucune violence ne peut faire
disparaître ; sans excepter les opinions les plus absurdes, puisque la liberté de penser étant un fait
universel, la tolérance doit pouvoir s'étendre à tout le champ du possible (Traité théologico-politique,
chap. XX).
c) La tolérance dans ces conditions n'est plus le fait du Prince ou le résultat d'un rapport de force, elle
est un devoir qui oblige l'État à faire de la liberté d'opinion un droit garanti par la loi.
III - Tolérance et laxisme