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PRISE DE POSITION
Introduction et réintroduction d’espèces
Les introductions, dans la nature, d’espèces animales et végétales, de toutes
origines (indigènes, exotiques, horticoles ou d’élevage) sont extrêmement
fréquentes. Elles ont lieu à des occasions les plus diverses :
transport et/ou élevage d’animaux ayant un intérêt commercial
(fourrure, viandes,…)
agriculture, sylviculture et horticulture
lutte biologique
« végétalisation » d’espaces divers (semis et plantation de friches
industrielles, de berges de cours d’eau, de bords de route, …)
transport accidentel lors de nos déplacements par train, bateau ou
avion.
réintroduction d’espèce disparues
etc …
Ces déplacements d’espèces ont des conséquences le plus souvent
imprévisibles sur notre environnement et la conservation de la nature. Si
l’impact de certaines introductions d’espèces exotiques, devenues
envahissantes, est bien connu, l’effet des lâchers d’espèces dites indigènes,
à travers nos régions, est souvent ignoré.
Natagora souhaite donc prendre position sur ces deux problématiques :
l’introduction d’espèces exotiques, horticoles ou d’élevage d’une part,
l’introduction d’espèces indigènes d’autre part.
I. Définitions
Pour bien cerner la portée de la présente prise de position, il importe de
définir les termes qui y sont utilisés. Nous nous inspirons des définitions
approuvées par l’UICN (Union Internationale (mondiale) pour la Conservation
de la Nature) (
1
).
1
) 51st meeting of the IUCN Council, Gland, Switzerland, February 2000
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Espèce indigène : espèce, sous-espèce ou taxon inférieur se trouvant dans
son aire naturelle de répartition (passée ou présente) ou de dispersion
potentielle (c-à-d l’aire qu’elle occupe naturellement ou pourrait occuper sans
l’intervention humaine)
Espèce exotique : espèce, sous-espèce ou taxon inférieur se trouvant en
dehors de son aire naturelle de répartition (passée ou présente) ou de
dispersion potentielle
(c-à-d en dehors de l’aire qu’elle occupe naturellement ou pourrait occuper
sans intervention humaine)
Introduction d’une espèce exotique : déplacement (volontaire ou non) par
l’homme d’une espèce, sous-espèce ou taxon inférieur en dehors de son aire
naturelle de répartition, passée ou présente.
Introduction d’une espèce indigène : déplacement (volontaire ou non) par
l’homme d’une espèce sous espèce ou taxon inférieur dans son aire naturelle
de répartition, passée ou présente.
Réintroduction : tentative de réimplantation d’une espèce dans un territoire
qui fait partie de son aire historique de répartition mais dont elle a disparu.
Transfert : déplacement volontaire, par l'homme, d'une population ou
d'individus d'une espèce au sein d'un territoire où elle est encore présente.
Ces concepts théoriques reposent sur le connaissance de l’aire naturelle de
répartition ou de dispersion, passée ou présente, d’une espèce et de
ses taxons inférieures. De naît la complexité de ces notions et les
différences d’interprétation qui peuvent y être données ; avec quelle précision
géographique, génétique et temporelle faut-il aborder ces notions ? A titre
d’exemple, le buis ou l’if sont indigènes dans certaines régions de Wallonie
mais non partout ; les plantes naturalisées introduites par l’homme avant
1500 de notre ère sont généralement assimilées à des espèces indigènes, au
contraire de celles introduites après cette date (le 16ème siècle est l’époque
des grands échanges commerciaux, notamment avec le Nouveau Monde
récemment découvert) ; le lapin, probablement introduit chez nous à l’époque
romaine, peut-être considéré comme indigène en Europe ; etc …
Ces difficultés doivent être levées par un consensus des milieux scientifiques,
dont il sera tenu compte pour la mise en œuvre des principes énoncés plus
loin.
II. Introduction d’espèces exotiques, horticoles ou d’élevage
L’introduction d’espèces exotiques ou le remplacement systématique
d’espèces indigènes par les espèces horticoles (exemple : peupliers
euraméricains) peut déséquilibrer un écosystème. Le cas le plus connu est
celui des espèces dites « invasives » qui causent des dommages tant en
termes économique ou de santé publique qu’en terme de biodiversité.
Le règle est donc la prudence de façon à limiter, autant que faire se peut, ce
type d’introduction et leurs effets. Ce sujet fait l'objet d'un texte de prise de
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position séparé.
III. Introduction d’espèces indigènes
1. Principes généraux
Des lâchers dans la nature d'espèces indigènes ont lieu de plus en plus
fréquemment pour satisfaire des objectifs divers : réintroduction d'espèces
animales emblématiques, déplacement de populations menacées visant la
sauvegarde des espèces rares, lutte biologique, semis de prairies dans le
cadre de mesures agri environnementales, plantation de haies, végétalisation
"naturelle" de friches industrielles (notamment carrières et terrils), fixation de
berges et talus, parcs et jardins "sauvages", repeuplement pour chasse et
pêche, sylviculture,…
Malgré l’existence de textes légaux interdisant l’introduction dans la nature de
« souches non indigènes » d’espèces indigènes (
2
), ces initiatives sont prises
en ordre dispersé et leur impact à long terme sur la biodiversité n’est guère
évalué : concurrence vis-à-vis d’autres espèces (présentes ou pouvant
apparaître sur le site concerné), perte de caractéristiques génétiques locales,
transport de maladies… Face à ce constat, l'asbl Natagora considère que
ces introductions doivent être limitées dans leur ampleur et que des termes
de référence doivent être établis spécifiquement pour chacun des
secteurs cités ci-dessus et concernés par des opérations d’introduction
d’espèces indigènes. Des comités scientifiques d'accompagnement à
l'échelle régionale, suprarégionale, voire internationale, devraient être mis en
place, visant à limiter l'impact de ces opérations sur la conservation de la
nature.
Natagora précise sa position ci-après, pour certains des secteurs concernés.
2. Plantation de haies
L’utilisation des plants d’espèces indigènes lors de la plantation de haies doit
être encouragée.
Une liste d’espèces indigènes pour la Wallonie a été arrêtée par le Conseil
Supérieur Wallon de Conservation de la Nature (
3
) ; leur aire naturelle est
précisée, par exemple dans Percsy 1997 (
4
).
2
) Art.2, Section 5 du décret du Parlement wallon du 6/12/2001 (relatif à la conservation des
sites Natura 2000 ainsi que de la faune et de la flore sauvages). Des dispositions analogues existent en
Région flamande et dans quelques autres pays d’Europe.
3
) Avis du 12 mai 2003, Doc 03/CSWCN 217.
4
) C. Percsy : Haies et bandes boisées dans notre environnement. Aves-RNOB-Région
Wallonne 1997.
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Cette liste sert de référence dans plusieurs dispositions légales encourageant
la plantation de haies : Arrêté du Gouvernement wallon du 9 février 1995
subventionnant la plantation (
5
), règlements communaux pour la protection
des arbres et des haies, mesures agri-environnementales.
Natagora approuve ces dispositions et souhaite les voir renforcées par des
aides plus attractives et par des mesures contraignantes dans le cadre de
certaines permis d’urbanisme ou de lotir par exemple. De plus, elle souhaite
que la composition des haies plantées respecte le plus possible la flore
locale.
3. Introduction de plantes herbacées indigènes
En ce qui concerne le semis ou la plantation de plantes indigènes à des fins
de verdurisations diverses, le principe doit être de les limiter au minimum
nécessaire (par exemple, pour la stabilisation d’un talus). Dans tous les cas,
des listes d’espèces autorisées devraient être arrêtées, selon leur usage
(mesures agri-environnementales, verdurisation de friches industrielles ou de
bords de route, parcs et jardins).
Dans la ligne du document élaboré par la Commission Suisse pour le
Conservation des plantes sauvages (
6
) et dans un souci de respect des
caractéristiques génétiques locales, ces listes d’espèces seront modulées
suivant diverses régions biogéographiques : les plantes susceptibles d’être
introduites sont réparties en différentes classes selon que la provenance des
graines ou des plants est limitée plus ou moins strictement à ces régions
biogéographiques (
7
).
Les espèces qui ne figurent dans aucune liste ne pourraient être semées ni
plantées.
Il faut souligner que les espèces dont le semis ou la plantation est autorisée
sont « perdues » pour les études biogéographiques.
Parmi les critères d’élaboration des ces listes d’espèces, nous retiendrons, en
outre, les point suivants :
Ces espèces doivent être communes (ni protégées, ni rares)
Ces espèces doivent avoir une large répartition en Wallonie et une
large amplitude écologique
Il n’est pas soupçonné, dans l’état actuel des connaissances, que ces
espèces présentent des écotypes particuliers
5
) La subvention porte malheureusement aussi sur quelques espèces non indigènes. Ceci
devrait être corrigé.
6
) "Recommandations pour la production et l’utilisation de semences et de plants adaptés, avec
des listes d’espèces, pour l’aménagement de surfaces de compensation écologique et pour la
végétalisation d’autres habitats (2001)". Ce document distingue 4 régions, 11 sous-régions et 3 niveaux
altitudinaux, qui doivent être respectés plus ou moins strictement selon les espèces utilisées.
7
) Notons que le CSWCN a adopté en 1994 une liste de plantes herbacées pour application de
mesures agri-environnementales. Cette liste serait utilement réexaminée dans un contexte plus général.
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Ces espèces doivent être, a priori, peu compétitives (
8
), de façon à
perturber le moins possible le maintien d’autres espèces ou leur
colonisation spontanée du milieu.
Répondraient assurément aux trois premiers critères ci-dessus, les espèces
ayant déjà fait l’objet, au cours des siècles passés, de larges disséminations
par l’homme (certaines graminées, légumineuses et plantes messicoles) ainsi
que les espèces des milieux anthropiques perturbés, ayant un fort pouvoir de
dissémination.
4. Réintroduction et transfert d’espèces menacées
En ce qui concerne les réintroduction, renforcement et transfert de
populations à des fins de conservation de la biodiversité, Natagora se fixe les
termes de référence généraux suivants.
A) Le moyen privilégié de lutte contre l'érosion de la biodiversiest la
conservation et la restauration des milieux de la vie sauvage. Les
opérations de réintroductions ou de transferts d'espèces, ainsi que de
renforcement de populations, ne sont que des mesures palliatives, de
succès incertain et non sans risque pour les écosystèmes. Elles ne
sont envisageables que de façon exceptionnelle, pour contrer la
disparition d'espèces fortement menacées, pour lesquelles les seules
mesures de conservation et de restauration des habitats sont
insuffisantes. De telles opérations ne doivent être effectuées que
lorsqu'aucune solution alternative n'a pu être trouvée, notamment par
la restauration d'un réseau de milieux permettant la recolonisation
naturelle. Elles doivent nécessairement s'accompagner d'une gestion
ou d'une restauration des milieux favorables à l'espèce.
B) Ces opérations ne peuvent être faites pour leur seul impact
médiatique, ni pour la seule satisfaction de revoir un animal ou une
plante là où il (elle) a un jour existé.
Pour qu’un projet de réintroduction ou de transfert de population soit
mis en œuvre il faut que :
- l'opération ait un effet positif sur l'ensemble des écosystèmes
influencés par la réintroduction, sans porter préjudice à d’autres
espèces ou milieux existants dignes d’intérêt.
- les conséquences de la réintroduction soient acceptables par les
divers acteurs de la société concernés
- le coût financier et humain de l'opération soit raisonnable en regard
du bénéfice obtenu en terme de conservation de la nature. Une
comparaison avec le coût d'autres types d'actions de conservation, doit
être faite.
C) Il convient d’éviter que les opérations de réintroduction ou de transfert
d'espèces ne détournent l'attention du public des moyens généraux et
8
) Exception peut être faite pour des raisons techniques de fixation de talus.
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