TOPOS SUR LE TERRORISME
Suite aux attentats du 11 Septembre 2001, et à l’agression des USA contre le peuple
Irakien, il semble nécessaire d’avoir un débat dans l’organisation sur le terrorisme, et de
comprendre l’attitude que nous devons adopter face à ce phénomène. En effet, face à la
résistance du peuple Irakien, qui prend souvent la forme d’acte éclatant comme des
explosions d’immeubles, ou face aux attentats de Madrid, des débats ont eu lieu dans
l’organisation, notamment sur la liste interne, certains camarades défendaient le fait que
nous devions prendre position en condamnant les attentats. Malheureusement, les débats se
sont bien trop souvent axés sur le terrain de la morale, que sur autre chose.
C’est pour ces raisons que cette introduction est articulée selon deux axes :
- Le mouvement ouvrier face à la morale bourgeoise
- Terrorisme et mouvement de masse
Selon la classe dominante, la morale serait quelque chose d’apolitique et d’interclassiste,
au dessus de la société et des rapports sociaux. Une notion que nous aurions en chacun de
nous comme être galant pour les hommes, avoir l’instinct maternelle pour les femmes, les
jeunes devraient se plier devant l’autorité parentale, et donc obéir sans discuter à tout ce que
nous disent les adultes.
Le fait de dire que ce « bon sens » est inné chez l’être humain, serait ce qui nous
différentie de l’animal. L’être humain serait alors un animal « doté d’intelligence et de
morale ». Ce point de vu est celui que diffuse la religion, et dont la bourgeoisie se sert pour
rester la classe dominante depuis des siècles.
Car en fait la morale a avant tout un caractère de classe. Dans sa brochure leur morale et
la notre , Trotsky dit que « la morale est le produit du développement social ; qu’elle n’a rien
d’invariable ; qu’elle sert les intérêts de la société et ces intérêts sont contradictoires ; la
morale a, plus que toute forme d’idéologie, un caractère de classe. » Ca veut dire qu’il n’y a
pas de morale figée, et qu’elle évolue en fonction des situations historiques, comme par
exemple les guerres. Des états comme la France « pays des droits de l’homme », clarant
pleinement le principe « tu ne tuera point », n’hésite pas à massacrer des peuples pour servir
les intérêts de sa propre bourgeoisie. Cette même idée du bon sens chrétien est utilisée pour
freiner le développement des luttes sociales, et pour faire taire la « fougue » de la jeunesse
devant la « sagesse » des anciens.
En tant que communistes révolutionnaires, nous ne devons jamais nous plier à ces
exigences, même si c’est souvent contre notre éducation, du fait que nous faisons partie
intégrante de cette société régie par cette morale. Lorsque nous jugeons le terrorisme, nous
devons le faire sur le terrain de la politique, et non sur le terrain de la morale bourgeoise.
Nous en venons ainsi à la deuxième partie : terrorisme et mouvement de masse.
Dans la faillite du terrorisme individuel, Trotsky dit que ce terrorisme est « engendré par
l’absence d’une classe révolutionnaire, régénéré plus tard par un manque de confiance dans
les masses révolutionnaires. Le terrorisme ne peut se maintenir qu’en exploitant la faiblesse
des masses, en minimisant leurs conquêtes et en exagérant leurs défaites. Il y a une illustration
historique à cela. En 1871, après l’écrasement dans le sang de la commune, le mouvement
ouvrier c’est retrouvé affaibli. Il y a à cette époque un développement très rapide de
l’industrialisation, et donc la croissance en nombre du prolétariat. Pour rester la classe
dominante, la bourgeoisie lâche des droits au prolétariat qui est de plus en plus attiré par le
réformisme.
A la mort de Bakounine en 1877, le mouvement anarchiste se retrouve totalement isolé, et
se tourne vers l’activisme armé. C’est dans ces conditions que le 5 Avril 1877, une trentaine
de militants prend d’assaut une commune de la province italienne de Bénévent, et y instaure,
ou plutôt tentent d’y instaurer un mini communisme libertaire (communisme dans un
village…). Complètement isolés des masses, ils seront écrasés par la bourgeoisie italienne.
Les Anarchistes, champion du monde dans ce domaine, vont par la voie de Kropotkine, en
1880, dire et je cite « la révolte permanente par la voix, par l’écrit, par le poignard, le fusil, la
dynamite, tout en bon pour nous qui n’est pas de la légalité. Ceci est la base de la théorie du
« communisme révolutionnaire ». Selon eux, les masses ont besoin de telles étincelles pour
« accélérer le processus de conscientisation des masses ».
Mais comme le dit Trotsky « plus efficaces sont les actes terroristes, plus grande est leurs
impacts, plus ils réduisent l’intérêt des masses pour l’auto organisation et l’auto éducation ».
Pourquoi s’organiser quand une balle dans la tête suffit ? En fait, ce que les anarchistes ne
comprennent pas, c’est que l’état capitaliste repose sur un système tout entier, et les hommes
et les femmes qui le constitue ne sont que des pions remplaçables et interchangeable. En plus
c’est actes n’ont bien souvent comme effet que d’accentuer la répression et de rendre plus
difficile l’organisation des masses, on le voit avec l’état français, par exemple, qui accentue
en fois de plus le plan vigipirate. Ces états oublis trop souvent, d’ailleurs, que l’état capitaliste
est le plus grand des terroristes !
Mais que devient alors l’expression « la fin justifie les moyens ». Comme le dit Trotsky,
cette expression n’a de sens que si l’on défini ce qu’est la but que l’on recherche. Une fois que
l’on a défini ce but, il faut réfléchir aux moyens les plus efficaces pour l’atteindre : grèves de
masses, attentats, assassinats. Et c’est la situation matérielle dans laquelle ont se trouve qui
guide ces choix et pas autre chose.
Il y aurait bien d’autres choses à dire sur ce sujet, et notamment faire une formation sur le
droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Mais selon moi, nous devons jugés des actes
terroristes sur leurs réussites par rapport au but que l’on recherche, et pas sur le fait que ça tue
des gens de toutes classes, nationalités ou religions. On peut d’ailleurs se demander pourquoi
tant de débats quand des espagnoles sont victimes, et pas quand c’est des pakistanais, des
indiens, des rwandais… Quant au fait de condamnés des attentats d’un point de vu morale,
c’est trop souvent s’allier avec sa bourgeoisie, et donc se tromper d’ennemies !
Ci-joint des textes intéressants sur le sujet
Léon Trotsky
La faillite du terrorisme individuel
1909
Pendant tout un mois, l'attention de tout individu capable de lire et de réfléchir, à la fois en
Russie et à travers le monde, a été concentrée sur Azev. Son "affaire" est connue de tout un
chacun par les journaux légaux et les compte-rendus des débats de la Douma sur la demande
émise par les députés de la Douma pour interpellation à propos d'Azev
1
.
Maintenant, Azev a eu le temps de passer à l'arrière-plan. Son nom apparaît de moins en
moins dans les journaux. Cependant, avant de laisser retomber Azev dans les poubelles de
l'Histoire une fois pour toutes, nous pensons nécessaire de résumer les principales leçons
politiques - non pas en ce qui concerne les machinations politiques du genre Azev en elles-
mêmes, mais en ce qui concerne le terrorisme dans son ensemble, et l'attitude adoptée à son
égard par les principaux partis politiques du pays.
La terreur individuelle en tant que méthode pour la révolution politique est notre contribution
"nationale" russe.
Naturellement, le meurtre des "tyrans" est presque aussi vieux que l'institution de la
"tyrannie" elle-même ; et les poètes de tous les siècles ont composé plus que quelques hymnes
en l'honneur du poignard libérateur.
Mais la terreur systématique, prenant pour rôle l'élimination de satrape après satrape, ministre
après ministre, monarque après monarque, "Sashka après Sashka
2
" comme, dans les
années 1880, un membre de la Narodnaya Volya (la volonté du Peuple) formulait
familièrement le programme de la terreur , cette sorte de terreur, s'adaptant à la hiérarchie
bureaucratique de l'absolutisme et créant sa propre bureaucratie révolutionnaire, est le produit
des seuls pouvoirs créatifs de l'intelligentsia russe.
Naturellement, il doit y avoir pour cela des raisons profondes et il faudrait les chercher, tout
d'abord dans la nature de l'autocratie russe, et ensuite dans la nature de l'intelligentsia russe.
Avant que l'idée même de détruire l'absolutisme par des moyens mécaniques ait pu acquérir la
popularité, il fallait qu'on voit l'appareil d'Etat comme un organe de coercition purement
externe n'ayant aucune racine dans l'organisation sociale elle-même. Et c'est précisément ainsi
que l'autocratie russe apparaissait à l'intelligentsia révolutionnaire.
Base historique du terrorisme russe.
Cette illusion a sa propre base historique. Le tsarisme a pris forme sous la pression des Etats
de l'Ouest les plus avancés du point de vue culturel. Pour tenir sa place dans la compétition, il
devait saigner à blanc les masses populaires, et ce faisant, il coupait l'herbe sur le plan
économique sous le pied même des classes les plus privilégiées. Et ces classes n'étaient pas
capables de s'élever au niveau politique atteint par les classes privilégiées occidentales.
A cela, au XIXe siècle, s'ajouta la pression puissante de la Bourse européenne. Plus élevées
étaient les sommes qu'elle prêtait au régime tsariste, moins le tsarisme dépendait directement
des relations économiques à l'intérieur du pays.
Au moyen de capitaux européens, le tsarisme s'est armé d'une technologie militaire
européenne, et est ainsi devenu une organisation "indépendante" (dans un sens relatif, bien
sûr), s'élevant au-dessus de toute les classes de la société. Une telle situation pouvait
naturellement faire naître l'idée de faire sauter à la dynamite cette superstructure venue de
l'extérieur.
1
Azev, E.F.(1869-1918), chef de l'organisation de combat terroriste du parti S.R. et agent de l'Okhrana, démasqué en 1908,
après qu'il eût "déjoué" nombre d'attentats, en menant d'autre à bien pour assurer sa crédibilité auprès de ses camarades.
2
Un diminutif russe d'Alexandre, faisant référence aux deux tsars Alexandre II et III.
L'intelligentsia s'était développée sous la pression directe et immédiate de l'Ouest ; comme
son ennemi, l'Etat, tous deux précédèrent de loin le niveau de développement économique du
pays l'état, technologiquement, et l'intelligentsia, idéologiquement.
Alors que dans les plus anciennes sociétés bourgeoises d'Europe les idées révolutionnaires se
développaient plus ou moins parallèlement au développement de larges forces
révolutionnaires, en Russie les membres de l'intelligentsia accédaient aux idées culturelles et
politiques toutes faites de l'Ouest et leur pensée avait été révolutionnée avant que le
développement économique du pays ait donné naissance à des classes révolutionnaires
sérieuses dont elles auraient pu obtenir le soutien.
Dépassés par l'histoire.
Dans ces conditions, il ne restait plus à l'intelligentsia qu'à multiplier son enthousiasme
révolutionnaire par la force explosive de la nitroglycérine. Ainsi naquit le terrorisme classique
de Narodnaya Volya. La terreur des socialistes-révolutionnaires fut généralement parlant un
produit de ces mêmes facteurs historiques : le despotisme "indépendant" de l'Etat russe d'une
part, et l'intelligentsia révolutionnaire russe "indépendante" de l'autre. Mais deux décennies ne
s'écoulèrent pas sans effet, et d'ici à ce que les terroristes de la "seconde vague" apparaissent,
ils le font en tant qu'épigones, marqués du sceau : "dépassés par l'histoire".
L'époque du Sturm und Drang (tempête et tension) capitalistes des années 1880 et 1890
produisit et consolida un vaste prolétariat industriel, faisant de sérieuses incursions dans
l'isolement économique de la campagne et la liant plus intimement à l'usine et à la ville.
Derrière la Narodnaya Volya, il n'y avait pas réellement de classe révolutionnaire. Les
socialistes-révolutionnaires ne voulaient tout simplement pas voir le prolétariat
révolutionnaire ; du moins ils n'étaient pas capables d'apprécier sa pleine signification
historique.
Naturellement, on peut facilement réunir une douzaine de citations environ de la littérature
socialiste-révolutionnaire affirmant que ses membres ne substituent pas la terreur à la lutte de
masse mais la placent à côté d'elle. Mais ces citations apportent un témoignage seulement de
la lutte que les idéologues de la terreur ont eu à mener contre les marxistes les théoriciens
de la lutte de masse.
Mais, ceci ne modifie pas les faits. Par son essence même, l'activité terroriste exige une telle
concentration d'énergie pour le "grand moment", une telle surestimation du sens de l'héroïsme
individuel, et enfin une telle conspiration "hermétique", que, sinon logiquement, du moins
psychologiquement il exclut totalement le travail d'agitation et d'organisation au sein des
masses.
Pour les terroristes, dans le domaine tout entier de la politique existent seulement deux points
essentiels : le gouvernement et l'Organisation de Combat. "Le gouvernement est prêt à se
rallier temporairement à l'existence de tous les autres courants", écrivait Gershuni (un
fondateur de l'Organisation de Combat des S.R.) à un moment où il risquait la sentence de
mort, "mais il a décidé de diriger tous ces coups dans le but d'écraser le parti socialiste-
révolutionnaire".
"J'espère sincèrement", disait Kolayev (un autre terroriste S.R.), écrivant à un moment
semblable, "que notre génération, ayant à sa tête l'Organisation de combat, éliminera
l'autocratie".
Tout ce qui sort du cadre de la terreur n'est que le renforcement de la lutte ; au mieux un
moyen auxiliaire. Dans l'éclair aveuglant des bombes qui explosent, les contours des partis
politiques et les frontières qui divisent la lutte de classe disparaissent sans laisser de trace.
Et nous entendons la voie du plus grand des romantiques et meilleur praticien du nouveau
terrorisme, Gershuni, demandant instamment à ses camarades d'"éviter une rupture non
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