XIIIth International Congress of European and Comparative
Constitutional Law, 1st and 2nd July 2011, Regensburg
Workshop 2
Les droits fondamentaux dans la jurisprudence constitutionnelle
roumaine; la prévalence du droit de L’Union européenne sur le droit
national: le problème de la taxe sur la pollution
Prof. Dr. Mircea Stefan MINEA,
juge à la Cour Constitutionnelle de la Roumanie
1. En analysant l’ensemble des questions, que nous souhaitons porter à
votre attention, on prendra comme point de départ les dispositions
constitutionnelles suivantes:
- L’Article 20, selon lequel « Les dispositions constitutionnelles relatives
aux droits et libertés des citoyens seront interprétées et appliquées en
concordance avec la Déclaration universelle des droits de l'homme, avec les
pactes et les autres traités auxquels la Roumanie est partie » (1). En cas de non
concordance entre les pactes et les traités portant sur les droits fondamentaux
de l'homme, auxquels la Roumanie est partie, et les lois internes, les
réglementations internationales ont la primauté, sauf le cas des dispositions
plus favorables, prévues par la Constitution ou les lois internes » (2).
- L’Article 148, alinéa 2, conformément auquel « Suite à l'adhésion, les
dispositions des traités constitutifs de l'Union européenne, ainsi que les autres
réglementations communautaires à caractère obligatoire, ont priorité par
rapport aux dispositions contraires, contenues par les lois internes, avec
l'observation des dispositions de l'acte d'adhésion ».
- L’Article 16, alinéa 1, qui consacre et garantit l'un des plus importants
droits humains fondamentaux l’égalité en droits -, statuant que « Les citoyens
sont égaux devant la loi et les autorités publiques, sans privilège ni
discrimination ».
Dans ce contexte constitutionnel, il se pose la question de savoir si la
réglementation roumaine relative à la taxe sur la pollution - créée par
2
l’Ordonnance d'urgence du Gouvernement no 50/2008
1
- observe le cadre
constitutionnel et les normes européennes
2
.
En révélant dès le but notre point de vue, nous pensons que les
dispositions de l'Ordonnance d'urgence du Gouvernement no 50/2008 ont été et
continuent d'être discriminatoires par rapport à l’article 110 du Traité sur le
fonctionnement de l'Union européenne
3
et aux dispositions de l'article 16, alinéa
1 de la Constitution. La discrimination découle du fait que ainsi que
réglementée cette taxe est appliquée (et, évidemment, elle est perçue),
uniquement lorsque certains véhicules automobiles sont immatriculés, à savoir
ceux qui - provenant d'un autre État membre - seront immatriculés pour la
première fois en Roumanie, et non pas, aussi, à l’égard les véhicules
automobiles déjà immatriculés ou de ceux qui sont re-enregistrés en Roumanie
(même si, forcément, ces derniers polluent, aussi!).
2. Comme suite de la situation créée par la mise en œuvre des prévisions
de l'Ordonnance d'urgence du Gouvernement no 50/2008, le Gouvernement
roumain s’est confronté à une forte opposition, manifestée par de nombreuses
personnes, quant à s'acquitter de l'obligation (établie par la loi) de payer la taxe
sur la pollution ; ces gens (qui - dans la plupart des cas - ont acheté des
véhicules automobiles d'occasion « second hand », en provenance d'autres
États membres de l'Union européenne et auxquels il a été réclamé le paiement de
1
L’ordonnance d'urgence du Gouvernement No 50/2008 établissant la taxe sur la pollution des
véhicules automobiles a été publiée au Journal Officiel de la Roumanie, Partie I, no 327 du 25 avril
2008 et elle a été modifiée à plusieurs reprises.
2
La Cour constitutionnelle de la Roumanie - saisie de plusieurs exceptions
d'inconstitutionnalité a statué sur les dispositions de l'Ordonnance d'urgence du Gouvernement no
50/2008, notant qu'elles étaient conformes aux dispositions de la Loi fondamentale [voir, par exemple:
la Décision no 137 du 25 Février 2010, publiée au Journal Officiel de la Roumanie, Partie I, n° 182 du
22 Mars 2010, par laquelle il été statué que l’application prioritaire de la norme européenne (lorsque la
règle interne contrevient à la norme européenne) n'était pas une question de constitutionnalité, mais
elle était liée à la mise en application de la loi par la cour judiciaire, ne figurant point dans la
compétence de trouver une issue de la Cour constitutionnelle; la Décision no 1596 du 26 novembre
2009, publiée au Journal Officiel de la Roumanie, Partie I, 37 du 18 Janvier 2010, par laquelle la
Cour constitutionnelle a établi qu’íl ne lui incombait pas d’examiner si une disposition de droit
national était conforme au texte du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, à la lumière de
l’article 148 de la Constitution, mais, il s’y agissait de la compétence des instances judiciaires,
lesquelles - pour déterminer s’il existe une contrariété entre le droit national et le Traité sur le
fonctionnement de l'Union européenne peuvent formuler une question préliminaire à la Cour de justice
de l’Union européenne].
3 L’article 110 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (ex-article 90 du Traité
de la Communauté européenne) prévoit que: « Aucun État membre ne frappe directement ou
indirectement les produits des autres États membres d'impositions intérieures, de quelque nature
qu'elles soient, supérieures à celles qui frappent directement ou indirectement les produits nationaux
similaires (1).”En outre, aucun État membre ne frappe les produits des autres États membres
d'impositions intérieures de nature à protéger indirectement les produits nationaux” (2) ».
3
la taxe, comme une condition pour avoir la possibilité d’immatriculer les
véhicules automobiles mentionnés), ont poursuivi l'Etat devant les tribunaux,
soit pour obtenir le droit d’inscrire leurs véhicules automobiles sans payer la dite
taxe, soit pour exiger le remboursement de la taxe sur la pollution, payée pour
l'immatriculation du véhicule automobile (taxe estimée comme injustifiée, selon
les normes européennes, déjà mentionnées, et qui, en vertu des dispositions de
l’article 148, alinéa 2 de la Constitution, ont la priorité par rapport aux
dispositions légales contraires du droit interne).
Dans l'un des nombreux procès (avec un tel objet), en instance devant les
tribunaux, en Roumanie, il a été formulée et adressée une question préliminaire
4
,
à laquelle la Cour de justice de l'Union européenne a répondu (en prononçant un
arrêt relatif à l’affaire déjà connue Tatu contre la Roumanie), en statuant que la
taxe sur la pollution, établie par la réglementation roumaine, et qui s'applique
aux véhicules automobiles, immatriculés pour la première fois dans cet État
membre, est contraire au droit communautaire, car elle a pour effet de dissuader
l'importation et la mise en circulation des véhicules automobiles d'occasion,
achetés dans d'autres États membres.
Ainsi, la Cour de justice de l’Union européenne a jugé que l'article 110 du
Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne doit être interprété comme
empêchant un État membre d'établir une taxe sur la pollution, appliquée aux
véhicules automobiles lors de leur première immatriculation dans cet État
membre, si le régime de cette mesure fiscale est fixé de telle sorte qu’il
décourage la mise en circulation, dans le dit État membre, de certains véhicules
d'occasion, achetés dans d'autres États membres, sans, toutefois, décourager
l'achat de véhicules automobiles d'occasion, de même ancienneté et de même
usure, sur le marché national.
Le Gouvernement roumain a fait valoir que l'article 110 du Traité sur le
fonctionnement de l'Union européenne n’a pas d'incidence sur l'autonomie
fiscale des États membres et que l'attractivité du marché roumain des véhicules
automobiles d’occasion, par rapport au marché des véhicules d'occasion
importés, est due au fait que l'Ordonnance d'urgence du Gouvernement no
50/2008 ne s'appliquait pas aux véhicules automobiles, qui avaient été
immatriculés en Roumanie avant l'entrée en vigueur de la présente ordonnance.
Le Gouvernement invoque à cet égard, l’alinéa 49 de l’Arrêt Nádasdi et Németh,
où, la Cour aurait déclaré, en substance, que l'article 110 du Traité sur le
4
La question préliminaire, soumise par la Cour de Sibiu (dans l'Affaire Tatu) a été la suivante:
Les dispositions de l'Ordonnance d'urgence du Gouvernement no 50/2008 sont-elles contraires aux
celles renfermées par l'article 90 du Traité de la Communauté européenne présent, l’article 110 du
Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne)? S’y agit-il, vraiment, d’une mesure
discriminatoire?
4
fonctionnement de l'Union européenne ne pouvait être utilement invoqué afin
d’établir un effet discriminatoire d'une taxe, pour la simple raison que celle-ci
s'appliquait aux véhicules immatriculés après l'entrée en vigueur de la présente
loi concernant cette taxe, et non pas à ceux enregistrés antérieurement à la dite
entrée en vigueur.
À cet égard, il convient de noter que, ainsi comme la Cour a déclaré à
l'alinéa 49 de l’Arrêt Nádasdi et meth, l’article 110 du Traité sur le
fonctionnement de l'Union européenne ne vise pas à empêcher un État membre
d’introduire de nouvelles taxes ou de changer le taux ou la base imposable des
impôts existants.
En outre, lorsqu'un État membre introduit une nouvelle loi fiscale, il
établit la mise en ouvre de la respective loi, à partir d'une certaine date. Par
conséquent, la taxe, appliquée après l'entrée en vigueur de cette loi, peut être
différente par rapport au fardeau fiscal, en vigueur, auparavant. Ainsi, comme
observé par la Cour, à l’alinéa 49 de l’Arrêt Nádasdi et Németh, au-dessus cité,
qui a été invoqué par le Gouvernement roumain, cette circonstance ne saurait, à
elle seule, être considérée comme ayant un effet discriminatoire entre les
situations créées antérieurement et celles postérieures par rapport à l'entrée en
vigueur de la nouvelle règle.
Au lieu de cela, de l’Arrêt Nádasdi et Németh ne résulte aucunement que
la compétence des États en ce qui concerne l’établissement d’un nouveau régime
fiscal soit illimitée. Au contraire, conformément à une jurisprudence constante,
l'interdiction stipulée à l'article 110 du Traité sur le fonctionnement de l'Union
européenne devrait s'appliquer, chaque fois, lorsqu’un prélèvement fiscal est de
nature à décourager les importations de marchandises en provenance d'autres
États membres, en favorisant les produits nationaux
5
.
L’article 110 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne serait
vidé de son sens et de son but, si les États membres avaient été autorisés à
établir de nouvelles taxes, ayant pour objet ou pour effet de décourager la vente
des marchandises importées, en faveur de la vente des produits similaires,
disponibles sur le marché intérieur, et mis en circulation sur ce marché, avant
l'entrée en vigueur des taxes énumérées. Une telle situation permettrait aux États
membres de contourner les interdictions prévues aux articles 28, 30 et 34 du
Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, en établissant une
5
Voir à cet égard, l’Arrêt du 3 Mars 1988, Bergandi, 252/86, Rec., p. 1343, par. 25, l’Arrêt du
7 Décembre 1995, Ayuntamiento de Ceuta, C 45/94, Rec., p. I-4385, par. 29, ainsi que l’Arrêt du 8
Novembre 2007, Stadtgemeinde Frohnleiten et Gemeindebetriebe Frohnleiten, C-221/06, Rec., p. I-
9643, par. 40.
5
imposition intérieure dont les règles sont établies de manière à avoir l'effet décrit
ci-dessus
6
.
En ce qui concerne les taxes regardant les véhicules automobiles, à cause
de l’absence d'une harmonisation spécifique, il découle que chaque État membre
peut fixer des règles relatives à ces mesures fiscales, en fonction de ses propres
évaluations. De telles évaluations, tout comme les mesures adoptées pour leur
mise en œuvre, doivent être, pourtant, libres de l'effet décrit antérieurement.
À cet égard, il convient de noter que les véhicules automobiles présents
sur le marché d'un État membre sont des «produits nationaux» de celui-ci, selon
la signifiance de l’article 110 du Traité sur le fonctionnement de l'Union
européenne. Lorsque ces produits sont mis en vente sur le marché des véhicules
automobiles d’occasion de cet État membre, ils doivent être considérés comme
des "produits similaires" aux véhicules d'occasion (du même type), importés,
ayant les mêmes caractéristiques et la même ancienneté. Ainsi, les véhicules
d'occasion, achetés sur le marché de lÉtat membre cité, et ceux achetés, dans le
but de l'importation et de la mise en circulation dans cet État, constituent - dans
d'autres Etats membres - des produits concurrents.
Il faut préciser que les dispositions de l'Ordonnance d'urgence du
Gouvernement no 50/2008 ont été modifiées, à plusieurs reprises, à partir de
date de la saisine de la Cour de justice de l'Union européenne, mais, elles
continuent à contrevenir aux règles européennes mentionnées
7
. Cela étant, nous
estimons que - dans les circonstances
8
énumérées - la bonne solution est celle,
déjà adoptée
9
, par les cours judiciaires de Roumanie, à savoir, de mettre elles-
mêmes en application le droit européen (en vertu des dispositions de l'article
148, alinéa 2 de la Constitution), en ignorant les dispositions de l'Ordonnance
d'urgence du Gouvernement no 50/2008, sous toutes ses formes, sans avoir à
6
Voir, en ce sens, l’Arrêt du 21 Mars 2002, Cura Anlagen, Constitution - 451/99, Rec., p. I-
3193, par. 40, l’Arrêt du 15 Septembre 2005, la Commission /Danemark, C-464/02, Rec., p. I-7929,
par.74, et l’Arrêt du 1er Juin 2006, De Danske Bilimportører, C-98/05, Rec., p. I-4945, par. 28.
7
Actuellement, la taxe sur la pollution est perçue pour tous les véhicules immatriculés pour la
première fois en Roumanie, indépendamment de leur origine et de la citoyenneté ou la nationalité des
propriétaires, mais, elle ne s'applique pas aux véhicules, déjà, immatriculés en Roumanie, qui - suite à
la vente - peuvent être réenregistrés, sans payer la taxe, au nom du nouvel acquéreur.
8
Selon les dispositions de l’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne,
il n'est plus nécessaire de saisir sur des questions préjudiciables, si la Cour de justice de l'Union
européenne a déjà exprimé son point de vue dans une affaire antérieure, à propos de la question
juridique en cours de discussion, et, lors du nouveau contexte, il n’existe aucun doute réel quant à la
possibilité d'appliquer cette jurisprudence.
9
Voir, par exemple, la Cour de Suceava Section contentieux administratif et fiscal, sentence
prononcée dans l'exercice du dossier no 8762/86/2010 - 14 avril 2011 (non publiée), la Cour d'appel de
Timisoara Section contentieux administratif et fiscal, décision du 12 avril 2011, prononcée dans le
dossier no 3637/108/2010 (non publiée) etc.
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