
demeura donc en suspens en raison même de la forme littéraire qui représente l'ossature de la 
Bible. 
Le Nouveau Testament ne se démarque pas complètement de cette forme littéraire : il raconte, 
selon des points divers, le parcours historique d'un homme charismatique que les 
commentaires épistolaires consacreront comme le révélateur ultime. Il accomplit en lui-même 
le sens des prophéties et des récits antiques, avec une réserve cependant : l'accomplissement 
n'est pas l'abolition du chemin antérieur (cf. Rm 9-11). 
L'histoire en son mouvement antagonique (le Ressuscité est le condamné à mort, comme chez 
Isaïe le révélateur suprême est le serviteur humilié) est le lieu de la parole de Dieu assumant la 
précarité humaine. Au point que cette précarité donne à entendre l'intimité de Dieu comme 
échange : Dieu Père est l'origine absolue, Dieu le Fils le Révélateur humain, Dieu l'Esprit 
l'exégète du récit biblique pour le temps en suspens. 
C'est cette précarité comme lieu de parole divine et d'expression de l'intimité de Dieu que le 
Coran affirme dépasser au nom d'un écrit ne devant rien à l'histoire mais tout à Dieu, un Dieu 
sans le compromis incontournable de l'alliance. Le Coran porte ainsi un défi radical à la 
tradition chrétienne. En quoi consiste-t-il ?  
La révélation première dont le Coran est la rédaction écrite se résume en une affirmation : 
Dieu est unique, il n'a ni compagnon, ni associé, ni concurrent, il est solitaire. Sa grandeur, sa 
majesté relèvent de cette solitude, et sa toute-puissance en est la démonstration. Le 
monothéisme est absolument rigoureux. La révélation coranique, manifestation de l'absolu 
divin, n'a pas de substrat historique, elle n'est pas le résultat d'un compromis sans cesse 
remodelé et dont la métaphore est l'alliance. Dieu est absolument transcendant : il ne soumet 
pas sa révélation aux lois humaines d'une histoire événementielle dont l'incarnation est 
l'ultime compromis. 
Les déviations opérées par rapport à la révélation originaire confiée à Adam sont toutes liées 
au caractère narratif de l'alliance, elles ne sont les conséquences de la méchanceté des 
hommes que pour autant que celles-ci relèvent du mode du récit et que le partenaire humain 
appartient à la structure immanente de l'alliance. Le Dieu judéo-chrétien en se manifestant de 
cette manière prend le risque de déviations par rapport à la rigueur originelle. Celles-ci, loin 
d'être extérieures à la révélation, lui sont internes, elles sont nécessaires dans le cadre choisi, 
un échange précaire. 
Le Coran corrige ces dérives en assignant Dieu à la transcendance et à la solitude. Faire de 
l'histoire, par la métaphore de l'alliance, le lieu de la révélation de Dieu aboutit 
nécessairement à la corruption de la rigueur monothéiste, même si cette corruption a revêtu 
des aspects divers dans le judaïsme et le christianisme. Le judaïsme, par son interprétation de 
l'alliance comme le lieu d'un débat avec Dieu arbitré par une loi sujette à commentaire 
indéfini, annonce le dérèglement chrétien qui importe Dieu dans la condition humaine et 
projette dans son intimité la communauté nécessaire à une aventure de partenariat. On assiste 
ainsi à la répartition de jeux de rôles qui transcrivent dans l'histoire un mouvement immanent 
à Dieu lui-même et qu'on désigna par le terme « Trinité ». Selon le Coran, le récit comme 
base de la révélation conduit ainsi à relativiser la transcendance de Dieu en lui infusant 
l'aléatoire relationnel du monde humain. Le monothéisme s'oriente dès lors vers une version 
païenne de la pluralité divine, malmenant la transcendance originaire au profit de