prise en charge medicale d`un chien atteint de maladie

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PRISE EN CHARGE MEDICALE D’UN CHIEN ATTEINT DE MALADIE
VALVULAIRE DEGENERATIVE
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INTRODUCTION
La maladie valvulaire dégénérative, encore appelée endocardiose, est la maladie cardiaque
acquise la plus fréquente dans l’espèce canine, toutes races et morphologies confondues. Elle
correspond à une dégénérescence myxomateuse progressive de la valve mitrale et plus
rarement de la valve tricuspide entrainant une insuffisance valvulaire. C’est une maladie à
évolution lente ; plusieurs années peuvent s’écouler entre la découverte d’un souffle cardiaque
et l’apparition de signes cliniques d’insuffisance cardiaque. Cependant, une fois déclarée
cliniquement, l’évolution de la maladie s’accélère et la plupart des chiens symptomatiques
meurent ou sont euthanasiés parce qu’ils développent une insuffisance cardiaque réfractaire
au traitement médical. Ainsi, de part son importance épidémiologique et son caractère
actuellement encore incurable, la MVD représente un véritable challenge pour le vétérinaire
praticien ; il doit en établir un diagnostic le plus précoce possible, identifier les chiens à
risque, déterminer précisément le stade d’évolution de la maladie et, en fonction de chaque
situation, adapter la thérapeutique de manière raisonnée et donner un pronostic au
propriétaire.
En quelques années, l’approche clinique de la MVD a été bouleversée. L’échocardiographie
devenant plus accessible au praticien, le diagnostic précoce de la maladie a été grandement
facilité. L’arsenal thérapeutique cardiovasculaire disponible s’est aussi largement élargi
permettant au vétérinaire d’adapter de manière plus précise son traitement. Enfin, la
connaissance accrue de la physiopathologie de la maladie a ouvert de nouveaux horizons
diagnostiques, thérapeutiques et pronostiques remettant aussi en question bien des idées
reçues. Actuellement sujet à controverse au sein de la communauté scientifique vétérinaire, il
n’existe aucun consensus sur la conduite à tenir lors de la prise en charge d’un chien atteint de
maladie valvulaire dégénérative. Pire encore, l’afflux perpétuel de nouvelles études et essais
cliniques cherchant à prouver la supérioté d’un traitement sur un autre rend la prise en charge
hasardeuse et laisse le vétérinaire praticien quelque peu désemparé.
Ce document se propose dans une première partie de faire le point sur les connaissances
bibliographiques concernant l’épidémiologie, l’étiologie, la physiopathologie, la clinique, le
diagnostic et le pronostic de la maladie valvulaire dégénérative. La seconde partie passe en
revue les principales classes thérapeutiques utilisées ; leurs indications lors d’endocardiose
sont discutées sur la base du principe de la « médecine fondée sur les preuves » et grâce à une
lecture critique des principaux essais cliniques. La troisième partie se veut pratique et
synthétique ; la prise en charge d’un chien atteint de MVD est détaillée prenant en compte la
majorité des situations auxquelles le praticien vétérinaire peut être confronté.
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A. PRESENTATION DE LA MALADIE VALVULAIRE
DEGENERATIVE
I. DEFINITIONS
a. Maladie valvulaire dégénérative et insuffisance valvulaire
La maladie valvulaire dégénérative correspond à un processus dégénératif chronique de la
valve mitrale et moins fréquemment de la valve tricuspide. De nombreux synonymes lui ont
été attribués tels que : endocardiose valvulaire, maladie valvulaire dégénérative ou encore
dégénérescence valvulaire myxoïde. On retrouve dans les espèces porcines, équines et chez
l’Homme, une entité similaire à la maladie valvulaire dégénérative du chien.
Häggström J., Kvart C., Pedersen HD., Acquired Valvular Heart Disease, Textbook of
veterinary internal medicine. Diseases of the dog and cat. Volume 2. 6th edition
Le processus dégénératif caractérisant la maladie valvulaire dégénérative est à l’origine d’une
insuffisance valvulaire ; le défaut d’étanchéité des feuillets valvulaires lors de la systole
ventriculaire induit un reflux de sang du ventricule à l’atrium. Au fur et à mesure de
l’évolution de la maladie, cette régurgitation systolique s’aggrave et est responsable d’une
atteinte de la fonction cardiaque.
Chez le chien, l’insuffisance valvulaire peut se retrouver dans d’autres maladies cardiaques
(endocardite ou cardiomyopathie dilatée par exemple) mais la maladie valvulaire dégénérative
en est une des causes principales.
V Chetboul, Traitement de l’insuffisance mitrale chez le chien, Prat. Vét. Anim. Cie, 2006,
(31), 7-10
b. Insuffisance cardiaque
L’insuffisance valvulaire contribue au développement d’un insuffisance cardiaque, stade
ultime de la maladie valvulaire dégénérative. L’insuffisance cardiaque correspond à un
syndrome et non à une maladie en particulier. C’est une situation pathologique au cours de
laquelle le cœur ne peut maintenir un débit cardiaque suffisant au maintien des pressions
sanguines ni à la perfusion de tous les tissus de l’organisme.
L’insuffisance cardiaque est elle aussi d’évolution progressive ; d’abord compensée (absence
de signe clinique) elle devient décompensée (appartition de signes cliniques) avec
l’aggravation de la maladie et de la régurgitation valvulaire.
Elle est elle même responsable de l’activation de l’ensemble des mécanismes compensateurs
associés à la physiopathologie de la maladie valvulaire dégénérative.
Keene BW., Bonagura JD., Management of heart failure in dogs, Current Veterinary Therapy
14e edition, p 769-786
II. ETIOLOGIE
L’étiologie exacte de la maladie valvulaire dégénérative est aujourd’hui encore inconnue. Il
semblerait cependant que la dégénérescence myxoïde soit le résultat d’une succession
d’évènements lésionnels au niveau de la valvule (traumatismes répétés notamment au niveau
des feuillets) associée à un terrain génétique prédisposant (anomalie des composants de la
matrice extracellulaire dont le collagène et les acides muco-polysaccharides).
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Haggström J, Duelund Pedersen H, Kvart C (2004), New insights into degenerative mitral
valve disease in dogs, Vet Clin North Am Small Anim Pract. 34(5) : 1209-26
Management of chronic degenerative mitral valve disease in dogs, Smith P, In Practice (2006)
28, 376-383
a. Modifications histologiques et structurales
1. Modifications histologiques
ANNEXE : anatomie et histologie de la valve mitrale
L’appareil valvulaire est constitué des feuillets valvulaires, des cordages tendineux, de
l’anneau fibreux et deux muscles papillaires.
La valve mitrale s’organise en deux valves : une grande valve (valve septale ou feuillet
antérieur) et une petite valve (valve pariétale ou feuillet postérieur). Chaque feuillet est
reliée au muscle paillaire correspondant par des cordages tendineux de premier (s’attachant
dur le bord libre des feuillets) et second ordre (s’attachant sur la face ventriculaire des
feuillets).
Schéma
Les feuillets valvulaires sont constitués histologiquement de 4 couches distinctes :
-couche atriale : fine couche de cellules endothéliales reposant sur du tissu conjonctif et une
fine couche de cellules musculaires lisses.
-couche spongieuse : ensemble de fibres de collagène, de fibres élastiques et de cellules
(fibroblates notamment) contenus dans une matrice riche en mucopolysaccharides.
-couche fibreuse : couche dense et compacte de fibres de collagène en continuité avec le
tissu fibreux de l’anneau valvulaire et le tissu central des cordages tendineux.
-couche ventriculaire : comme la couche atriale exceptée la fine bande de cellules
musculaires lisses.
Schéma
Tilley LP., Smith FWK., Oyama MA., Sleeper MM., Acquired valvular heart disease in dogs
and cats, Manual of canine and feline cardiology 4th edition.
La dégénéréscence myxoïde qui caractérise la maladie valvulaire dégénérative peut toucher
les 4 valves cardiaques. Les valves aortiques et pulmonaires sont cependant rarement
atteintes. La valve mitrale est la plus fréquemment touchée ; dans plus de 60% des cas, elle
est atteinte de manière isolée alors que la valve tricuspide est très rarement touchée seule
(moins de 2% des cas). Une atteinte simultanée de la valve mitrale et tricuspide est
relativement fréquente dans plus de 30% des cas.
Haggström J, Duelund Pedersen H, Kvart C (2004), New insights into degenerative mitral
valve disease in dogs, Vet Clin North Am Small Anim Pract. 34(5) : 1209-26
L’atteinte myxoïde peut toucher l’ensemble de l’appareil valvulaire mais les modifications les
plus avancées se localisent préférentiellement au niveau des feuillets valvulaires. Au fur et à
mesure de l’évolution de la maladie, les lésions progressent jusqu’à atteindre les cordages
tendineux. Localement par contre, la répartition des lésions se fait de manière totalement
arbitraire : à un même stade de la maladie et sur un même feuillet, certaines zones sont plus
atteintes que d’autre et les lésions les plus sévères peuvent cotoyer un tissu totalement sain.
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Haggström J, Duelund Pedersen H, Kvart C (2004), New insights into degenerative mitral
valve disease in dogs, Vet Clin North Am Small Anim Pract. 34(5) : 1209-26
D’un point de vue histologique, la dégénérescence myxoïde correspond à l’accumulation de
muco-polysaccharides acides au sein de la couche spongieuse et à la perte des fibres de
collagène notamment au niveau de la couche fibreuse. Cela se traduit alors par une
désorganisation tissulaire, cellulaire et moléculaire.
Ainsi, la couche spongieuse (riche en muco-polysaccharides) s’épaissit au détriment de la
couche fibreuse (riche en fibres de collagène) qui tend même à disparaître notamment au
niveau du bord libre des feuillets valvulaires.
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valve disease in dogs, Vet Clin North Am Small Anim Pract. 34(5) : 1209-26
Au sein de ces couches, les cellules interstitielles sont elles aussi atteintes ; une
désorganisation intracellulaire touche le noyau, le cytosquelette, les mitochondries et le
réticulum endoplasmique. Ces cellules, habituellement organisées dans l’alignement des
fibres de collagène, se retrouvent dispersées. Le collagène présent dans la matrice
extracellulaire se raréfie et ses fibres se fragmentent aggravant d’autant plus la
désorganisation cellulaire et tissulaire. La différenciation cellulaire est elle aussi perturbée :
les fibroblastes voient leur nombre diminuer au détriment de myofibroblastes voire de cellules
musculaires lisses.
Han RI, Black A, Culshaw GJ, French AT, Else RW, Corcoran BM, Distribution of
myofibroblasts, smooth muscle-like cells, macrophages, and mast cells in mitral valve leaflets
of dogs with myxomatous mitral valve disease, Am J Vet Res. 2008 Jun;69(6):763-9
Haggström J, Duelund Pedersen H, Kvart C (2004), New insights into degenerative mitral
valve disease in dogs, Vet Clin North Am Small Anim Pract. 34(5) : 1209-26
Disatian S, Ehrhart EJ 3rd, Zimmerman S, Orton EC, Interstitial cells from dogs with
naturally occurring myxomatous mitral valve disease undergo phenotype transformation,
Heart Valve Dis. 2008 Jul;17(4):402-11
Avec la perte de l’endothélium, la dégénérescence valvulaire atteint son paroxysme. En effet,
cette couche joue un rôle prédominant dans l’intégrité cellulaire et tissulaire de la valvule. Les
lésions endothéliales se localisent le plus souvent sur la surface atriale épargnant la couche
ventriculaire. Dans les stades ultimes de la maladie, la matrice extracellulaire normalement
protégée par l’endothélium est mise à nu. Cette perte endothéliale favorise l’agrégation
plaquettaire et l’apparition de thrombus. Cependant, même si cette complication existe, elle
reste étonnament rare dans l’espèce canine.
Corcoran BM, Black A, Anderson H, McEwan JD, French A, Smith P, Devine C.,
Identification of surface morphologic changes in the mitral valve leaflets and chordae
tendineae of dogs with myxomatous degeneration, Am J Vet Res. 2004 Feb;65(2):198-206.
Il est actuellement encore impossible de statuer sur l’origine de tous ces
changements tissulaire et cellulaires. Certains sont probablement primaires et directement
responsables de la maladie valvulaire dégénérative comme l’accumulation de
mucopolysaccharides et la désorganisation des fibres de collagène. D’autres sont
probablement secondaires à la maladie valvulaire dégénérative comme l’apparition de cellules
musculaires lisses au sein de l’appareil valvulaire, conséquence possible du remodelage
cardiaque.
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veterinary internal medicine. Diseases of the dog and cat. Volume 2. 6th edition
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