La condition minimale du sens et donc pour Carnap d'obéir à la syntaxe logique. Or, puisque les énoncés
métaphysiques violent la syntaxe logique, ils sont donc dépourvus de sens.
→ pour Carnap, la métaphysique est un ensemble de fautes logiques grossières.
Le but de cette dernière ne serait alors que d'exprimer un "sentiment de la vie".
Ce qui nous intéresse ici, c'est que Carnap s'est réclamé du Tractatus logico-philosophicus pour conduire
sa critique de la métaphysique. Et il est vrai que la distinction entre sens et non-sens en est tirée, de même
que la différence entre non-sens et vide de sens
.
Cependant l'attitude critique de Carnap (et du Cercle de Vienne en général), n'est pas celle de
Wittgenstein. Dans une conversation avec Moritz Schlick, Wittgenstein rend même raison à Heidegger :
"Je puis sans mal me représenter ce que Heidegger veut dire par être et angoisse".
Certes, pour Wittgenstein la métaphysique (ou l'éthique) est effectivement du non-sens, mais cela ne sert à
rien de le dire. Ce qui compte au contraire, c'est la tendance que manifestent les textes métaphysiques ou
éthiques.
2. Le Tractatus logico-philosophicus (publié en 1921)
Le Tractatus est constitué d'un ensemble de propositions, dont 7 principales. Ainsi construit, il fait
penser à un agencement scientifique mais cependant, toute proposition n'est pas un commentaire direct des
propositions principales. Autrement dit, le Tractatus n'est pas construit rigoureusement d'un point de vue
logique ; au critère logique vient s'adjoindre un critère esthétique.
Ce qui peut paraître étonnant, c'est que dans les dernières propositions du Tractatus (6.54 + 7), le livre
s'autodétruit (cf. infra).
→ en fait, le Tractatus (malgré son titre) ne doit pas être vu comme un traité, ni même comme une
méthode, mais comme un "acte éthique".
De même, ce qui oblige à mettre en cause l'inspiration wittgensteinienne de la critique de Carnap, c'est
que dans le Tractatus, on trouve de tout : une ontologie, une théorie du langage, une théorie de la vérité,
une théorie de la distinction entre le sens et le non-sens, des remarques sur le solipsisme, sur la science et
sur l'éthique. A la fin du Tractatus, Wittgenstein parle du mystique, de la mort, de l'éternité, se demande
ce qu'est une bonne action, une récompense au sens éthique du terme. Or, l'ontologie de Wittgenstein par
exemple n'a aucun rapport avec l'expérience, c'est de la pure métaphysique.
On retrouve chez Wittgenstein la même idée que chez Kant, à savoir que la philosophie a pour but de
tracer la démarcation entre ce qui peut être dit et que qui ne peut être dit, entre ce qui peut être pensé et ce
qui ne peut être pensé :
"4.113 : La philosophie limite le domaine discutable des sciences de la nature".
"4.114 : Elle doit délimiter le concevable et, de la sorte, l'inconcevable.
Elle doit limiter de l'intérieur l'inconcevable par le concevable"
.
Cette démarcation passe par une réflexion sur le statut des propositions. Pour Wittgenstein, la
proposition est une image de la réalité, parce qu'elle partage quelque chose avec la réalité = sa structure
logique. Elle est comme un projection de la réalité :
"2.1 : Nous nous faisons des tableaux [Bilder] des faits".
"2.2 : Le tableau a de commun avec l'objet représenté la forme logique de la représentation".
"4.01 : La proposition est une image de la réalité".
"4.023 : La proposition est la description d'un état de choses".
"4.03 : La proposition est l'image logique de l'état de choses".
"4.032 : La proposition n'est une image de l'état de choses que dans la mesure où elle est logiquement articulée"
.
Un non-sens est un énoncé mal formé, c'est-à-dire qui viole les règles logiques. Ce sont les énoncés qui ne portent pas sur les
faits (tous les énoncés esthétiques, éthiques, métaphysiques). Un énoncé vide de sens est en revanche un énoncé bien formé,
mais qui ne dit rien sur la réalité.
Cette distinction sera explicitée plus bas.
Tractatus logico-philosophicus, Trad. P. Klossowski.
Ibid.