Rainer Werner Fassbinder

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Rainer Werner Fassbinder
Par Jean-Christophe Lavocat
Die dunkle Stärke des deutschen Kinos
(La force sombre du cinéma allemand)
Lycée Polyvalent de Porto-Vecchio
Section CIAV
Jean-Christophe Lavocat
Année 2003/2004
R.W Fassbinder
« Le cinéma, dit Godard, c’est la vérité
vingt-quatre fois par seconde. Le cinéma,
je le dis, c’est le mensonge, vingt-cinq fois
par seconde »
Fassbinder (Les Films libèrent la tête)
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Jean-Christophe Lavocat
Année 2003/2004
R.W Fassbinder
Table des matières
Préface
.
page 4
I) L’héritage de la guerre :
page 6
1) Histoire du cinéma allemand ………………...…………………………………… 6
2) Le manifeste d’Oberhausen ……………………………………………………… 8
3) La société en RFA ……………………………………………………………...… 9
II) Rainer Werner Fassbinder :
page 11
1) Biographie ………………………………………………………………….…… 11
2) Filmographie ……………………………………………………………….…… 12
III) L’œuvre :
page 17
1) Un univers étouffant ……………………………………………………………. 17
2) Reflet de lui-même ……………………………………………………..……….. 18
Conclusion :
page 20
Note d’intention :
page 21
Scénario de Nouveau Regard :
page 22
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R.W Fassbinder
Préface
Rainer Werner Fassbinder est sans conteste l’une des figures emblématiques
du nouveau cinéma allemand ainsi que l’un des réalisateurs les plus prolifiques du XX ème
siècle : plus de quarante films en une quinzaine d’années. Peu connue du public étranger en
dehors des spécialistes, son œuvre magistrale est imprégnée par les réminiscences d’un passé
désavoué par la génération de ses parents ( la léthargie des allemands face au tort causé par le
nazisme). Cinéma récompensé par de multiples prix, qui, avec un peu de recul, correspond à
une quête d’identité, nationale et personnelle. « J’espère vivre assez longtemps pour réaliser
une douzaine de films qui recomposeront l’Allemagne dans sa globalité » (Fassbinder : Les
Films libèrent la tête) .
Son existence, imprégnée de contradictions, d’autodestructions, baignée dans l’alcool
et la drogue, contraste avec sa vie professionnelle, extrêmement cadencée, où l'obsession de
la création est omniprésente. Inspirée par sa vie solitaire et tourmentée, son esthétique
cinématographique est peuplée de personnages seuls et sans repères s’enlisant dans une
société où l’atmosphère glauque et oppressante l’écrase. De la torture sentimentale à
l’adultère, du racisme à l’homosexualité ou bien du petit banditisme aux problèmes de la
drogue, de nombreuses facettes de la nouvelle démocratie allemande ont été représentées par
Fassbinder.
Enfin, le cinéma est pour Fassbinder un moyen d’exorciser les pulsions qu’il retient
en lui. Il adapte souvent à l’écran des morceaux de sa vie qu’il n’a pu accepter dans la réalité,
comme le suicide l’un de ses anciens amants qu’il croit nécessaire d’honorer dans In einem
Jahr mit 13 Monden (L’année des 13 lunes).
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I)
L’héritage de la guerre
Rainer Werner Fassbinder est un enfant de la guerre. Il naquit 23 jours après la fin de la
seconde guerre mondiale, le 31 mai 1945. Sa jeunesse et son oeuvre dépendent de cet
héritage empoisonné laissé par le nazisme : « Je cherche en moi où je suis dans l’histoire de
mon pays, pourquoi je suis allemand » (Fassbinder : Les Films libèrent la tête)
3)
Histoire du cinéma allemand :
L’apparition du cinéma en Allemagne est contemporaine à celle du cinéma en France
avec les frères Lumière et aux Etats-Unis avec Thomas Edison. C’est le 1er novembre 1895
que Max Skladanowsky organise la 1ère projection cinématographique publique à Berlin. Ce
premier film est projeté grâce au ‘‘Bioskop’’, inventé par Skladanowsky, et représente des
attractions de foire (des acrobates, des danseurs russes, des lutteurs et des gymnastes...). Les
scènes filmées vont ensuite répondre au besoin de petits documentaires et de petites histoires
comiques. Le niveau technique de l’appareillage allemand est pourtant plus faible que celui
des frères Lumières, et ce n’est que vers les années 1910 que le cinéma allemand s’oriente
vers les ‘‘spielfilme’’, les longs métrages ; de véritables mises en scène apparaissent alors.
Mais à cette époque, le cinéma oscille encore entre deux mondes différents : d’une part celui
du prolétariat dominé par la distraction et la farce, et d’autre part celui plus bourgeois où l’on
valorise le théâtre classique et les valeurs de l’humanisme.
Le cinéma allemand connaît ses premières célébrités en 1910 avec Henny Porten, et
en 1911 avec Asta Nielsen. Cette dernière se fit connaître grâce à une interprétation nuancée
et une gestuelle réfléchie qui précédait son époque. Par ailleurs, le célèbre directeur de
théâtre Max Reinhardt s’intéresse à ce nouvel art. Il influencera par la suite des metteurs en
scène aussi connus que Robert Wiene, Friedrich Wilhelm
Murnau ou Fritz Lang, et c’est un de ses élèves, Paul Wegener,
qui interprète (et réalise avec Henrik Galeen) en 1913 l’un des
premiers grands films à succès : Der Student von Prag (l’étudiant
de Prague) : un étudiant est épris d’une jeune fille plus riche que
lui, c’est pourquoi, il vend son reflet au diable. Le golem (de
Henrik Galeen) va suivre en 1914, et c’est encore P.Wegener qui
en est l’acteur principal. Ces deux films s’inspirent de l’époque
romantique allemande et leurs actions se déroulent dans un cadre
fantastique où les jeux de lumières sont omniprésents. C’est le
début de la grande vague expressionniste qui va s’abattre sur
l’Allemagne à cette époque.
L’ombre de l’étudiant de Prague
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L’Allemagne, après l'armistice de novembre 1918, est touchée par un formidable élan
de créativité. Au début de la même année, l'UniversumFilmA, puissante maison de
production financée par le gouvernement allemand, fait édifier dans un faubourg de Berlin le
plus grand studio d'Europe Babelsberg. Inspirés par la littérature (les pièces de Georg Kaiser
ou Frank Wedekind) mais aussi principalement par la peinture (Wassily, Kandinsky, Erich
Heckel), les réalisateurs allemands des années 1920 s’éloignent de la reproduction fidèle du
réel pour chercher à exprimer les états d’âme de l’homme, ses émotions, et sa vision du
monde, teintée d’angoisse. Les décors sont oppressants, les maquillages des acteurs sont
excessifs, les jeux de lumières sont omniprésents… C’est ainsi que l’on peut grossièrement
caractériser le cinéma de l’ère expressionniste.
Les plus grands noms du cinéma allemand sont apparus grâce à ce mouvement
artistique : Robert Wiene (avec Das Kabinett des Dr.Caligari – Le cabinet du Dr Caligari en
1920), F.W. Murnau (Nosferatu. Eine Symphonie des Grauens – Nosferatu, une symphonie
de l’horreur en 1922 ou Der letzte Mann – Le dernier homme en 1924). Les thèmes
prépondérants de cette période sont le dédoublement de la personnalité, l'inhumanité, la
terreur, autant de thèmes qui annoncent en quelque sorte les malaises de l’Allemagne d’entredeux guerres. Nombreux sont les réalisateurs actuels dont la filmographie donne les preuves
d’une influence expressionniste, la plus évidente est bien sur celle de Tim Burton. La scène
musicale, elle aussi, en a été influencée : des chanteurs comme Rob Zombie reprennent des
thèmes propres à l’expressionnisme, que ce soit au niveau des paroles, des mises en scène de
concerts ou des clips musicaux (souvent ce sont des remake de films des années 1920).
Césare, le somnambule du Dr Caligari qui enlève sa victime
Les années 20 marquent aussi le passage de la société allemande vers une grande
urbanisation : Berlin compte déjà 4 millions d’habitants. L’évolution du cinéma accompagne
la formation des métropoles (Berlin et Vienne). Réciproquement, ce sont ces villes qui
inspirent cinéastes et romanciers : c’est par exemple le paysage de Im Dickicht der Städte
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(dans la jungle des villes) de Bertold Brecht, ou bien Berlin Alexanderplatz d’Alfred Döblin,
deux romans où la ville regroupe en son sein toutes les facettes, bonnes ou mauvaises, de
cette société qui va bientôt accueillir le national socialisme.
Les films de rue, ‘‘Die Strassenfilme’’, reprennent ces mêmes décors. Les exemples
les plus frappants sont Metropolis (1927) et M eine Stadt sucht einen Mörder (M le maudit
en 1931) de Fritz Lang. La ville est un lieu d’écrasement de l’individualité. La foule possède
par exemple contre M une force implacable. Georg Wilhem Pabst représente lui aussi dans
Die Freundlose Gasse (La rue sans joie en 1925) l’appauvrissement de la population à la
suite des années d’inflation et la décadence des mœurs. Enfin, cette catégorie de film est lié
à l’émancipation de la femme ; tout d’abord dans Lulu (de Pabst en 1929) interprétée par
Louise Brooks, où un visage nouveau de la sexualité est montré, puis Der Blaue Engel
(L’ange Bleu de Josef von Sternberg en 1930) ou Marlène Dietrich gravit au cours de ce film
une ascension sociale qui la mène au-delà de celle de son mari.
Avec le succès de Der Blaue Engel, c’est l’arrivé du parlant au cinéma qui est assuré.
Une succession de films à bande sonore va se présenter dans les salles. Cependant, les années
1930 sont précédées par la crise économique de 1929 qui entraîne sur l’Europe un flot de
chômage ainsi qu’une inflation énorme. Dans ce contexte assez sombre ce sont les opérettes
qui permettent au cinéma de distraire les foules. En résumé, la société allemande,
contemporaine de la république de Weimar, est fortement influencée par l’arrivée du cinéma.
« Pendant la république de Weimar le cinéma était le moteur de la modernité ; il n’a
laissé pratiquement aucun domaine inexploré. L’art, le style de vie, la sexualité, la politique
et le rapport entre les sexes, le cinéma les a tous imprégné en faisant miroiter des images de
luxe, de tempo et de liberté, en confrontant les modèles de pensée d’une Allemagne
provinciale à des images venues du monde entier, en s’attaquant à des tabous et en
influençant la consommation des masses. Le cinéma a progressivement rompu avec la
société allemande féodale allemande de la République de Weimar, a modernisé et en partie
démocratisé cette société. C’est dans ce sens que le cinéma prend part au ‘‘projet de la
modernité’’ (Jürgen Habermas). Le cinéma de ces années n’explique pas de façon
convaincante pourquoi la République de Weimar a pu aboutir au règne de la terreur d’un
état fasciste et il n’était pas prévisible pendant les années 20 qu’à partir de 1933 naîtrait un
‘‘Weimar du Pacifique’’ en Californie. C’est un simple fait que plus de 2000 personnes liées
au cinéma ont dû fuir l’Allemagne d’Hitler. Le cinéma allemand n’a jamais surmonté cette
perte de créativité. » Anton Kaes
La faste époque du cinéma allemand va entrer en berne avec l’arrivée au pouvoir du
régime nazi, qui va s’en servir aux fins de la propagande. Ainsi, ce seront avant tout des films
gais qui seront tournés, afin de rassurer la population. Cette époque verra aussi fleurir les
comédies musicales ainsi que les mélodrames dont Detlef Sierck (plus tard Douglas Sirk) fut
l’un des spécialistes (et un inspirateur de Rainer Werner Fassbinder). Un nom à retenir de
cette période concerne une réalisatrice de documentaires servants à la propagande nazie :
Leni Riefenstahl. Cette dernière s’est fait connaître par deux films commandés par le ministre
de la propagande Goebbels : Triumph des Willens ( Le triomphe de la volonté en 1934) et
Fest der Völker und Fest der Scönheit ( Les dieux du stade en 1938).
Cependant, la perte allemande sur le plan artistique fut très importante à cause de la
persécution de nombreux artistes, qu’ils soient juifs ou non, et de leur émigration durant la
seconde guerre mondiale. Ainsi des réalisateurs comme Fritz Lang, même après la fin du
régime nazi, ont du mal à se faire accepter à nouveau dans leur ancienne patrie.
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La fin de la guerre en 1945 est appelée, on le comprend assez aisément, ‘‘Die Jahre
Null’’ (l’année zéro). Jusqu’en 1949, l’Allemagne, ainsi que son cinéma, est gérée par les
vainqueurs de la guerre (Etats-Unis, URSS, Royaume Uni et France se partage l’Allemagne
en 4 zones : c’est la division quadri-partite). En mai 1949, les trois zones dirigées par les
pays capitalistes (US,UK,Fr) fusionnent pour donner naissance à la RFA (l’Allemagne de
l’Ouest). En octobre 1949, décision est prise par l’URSS de répondre à cette mesure en
créant la RDA (l’Allemagne de l’Est). Les dirigeants de la RDA se plaçant plutôt du côté des
communistes, les films critiquant le nazisme fleuriront dès lors. A l’opposé, en Allemagne de
l’Ouest dirigée par des pays se voulant libres, les thèmes s’approchant du passé proche ont du
mal à s’imposer : en effet l’esprit nazi n’a pas encore disparu de tous les esprits et certains
dirigeants nazis continuent à être assez haut placés.
Ainsi les films produits sont sans grand intérêt jusqu’en 1962. La RFA doit faire face
à 3 problèmes majeurs : les studios de Babelsberg ne lui appartiennent plus (studios situés à
l’est de Berlin), les grands réalisateurs ont disparu de la scène allemande (émigration ou
arrestation), et enfin, les techniciens sont les mêmes que sous le régime nazi, d’où une
certaine difficulté à tourner la page. La majorité des films sera donc d’origine
hollywoodienne avec des thèmes assez légers : ils proposent en 1948 A foreign affair (La
scandaleuse de Berlin de Billy Wilder) ou Cover Girl (de Charles Vidor). On observe en
parallèle l’émergence de grandes sagas, les ‘‘films du terroir’’ (les HeimatFilme) qui
retracent, en plusieurs épisodes, l’histoire de familles allemandes durant les années 29/30.
Pendant un certain temps encore, le cinéma allemand qui parlera de l’Allemagne
durant la guerre sera tourné en dehors de l’Allemagne.
Rossellini tourne par exemple le film Angst (La peur en
1954 ), Douglas Sirk, A time to love and a time to die (Le
temps d’aimer et de mourir en 1958) et Samuel Füller
tourne en 1958 Verboten ! (Ordres secrets aux espions
nazis). Trois films prenant comme décor une Allemagne
défigurée par les conflits de 39/45. Enfin, Hanus Burger,
sous la direction de Billy Wilder, tourne un documentaire
sur la libération des camps de concentrations Die
Todesmühlen (Les moulins de la mort) en 1945.
Des détenus du film Die Todesmühlen
4)
Le manifeste d’Oberhausen :
Dès les années 1950, certains réalisateurs présentent durant le festival des courts
métrages d’Oberhausen des films très critiques. Mais le premier grand scandale est provoqué
en septembre 1962 par les signataires du manifeste d’Oberhausen : 26 cinéastes, philosophes
et écrivains appellent au rejet du ‘‘cinéma de papa’’ et posent les bases de ce que doit être le
nouveau cinéma allemand. « En Allemagne comme dans d’autre pays le court métrage est
devenu un terrain d’apprentissage et d’expérimentation du long métrage. Nous déclarons
notre ambition de créer le nouveau cinéma allemand de long métrage. Ce nouveau cinéma a
besoin de nouvelles libertés. Liberté par rapport aux conventions de l’industrie. Liberté par
rapport à la tutelle de groupes d’intérêts. […] Le vieux cinéma est mort. Nous croyons au
nouveau. » Extrait du manifeste d’Oberhausen
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Ce mouvement va créer un nouveau cinéma dont va faire parti R.W.Fassbinder. Il va
tenter de rendre la vérité sur le nazisme et essayer d’expliquer comment l’horreur a pu arriver
en Allemagne. Les jeunes cinéastes vont réclamer une aide institutionnelle pour pouvoir
tourner de longs métrages et des films d’auteur. Ces revendications débouchent sur la création
d’un certain nombre d’institutions destinées à promouvoir ce jeune cinéma allemand.
Contemporains de ceux de la nouvelle vague française, les artistes ont un désir de liberté et
d’opposition. La différence entre les deux se situe au niveau des ‘‘opposants’’. Alors que les
cinéastes français essaient de se démarquer de l’esthétique ‘‘française’’, les cinéastes
allemands, eux, tentent de s’opposer à la génération qui les a précédés. Ils veulent s’éloigner
en tous points de ceux qui ont pu adhérer à l’idéologie nazie. Ainsi, pour interroger leur passé
et leurs origines, les réalisateurs vont fréquemment s’inspirer de la littérature d’avant guerre :
Heinrich Böll, Günther Grass ou Alfred Döblin.
Néanmoins, certains ont associé cette révolte idéologique à une destruction des formes
narratives traditionnelles. Jean-Marie Straub dans Nicht versöhnt (Non réconciliés en 1965
d’après le roman de Heinrich Böll) représente une famille d’architecte qui au cours d’une
génération va détruire puis reconstruire une abbaye. Métaphore de l’Allemagne, ce film est
tourné avec des acteurs amateurs qui récitent leurs textes de façon très monotone. Ce procédé
permet aux images de ne pas ‘‘illustrer’’, mais plutôt de se poser comme une preuve, une
affirmation de la narration, un peu comme Brecht introduisit au théâtre cet effet de
distanciation.
Alexander Kluge (élève de Theodor Wiesengrund Adorno, l’un des auteurs du
manifeste) va, dans Abschied von Gestern (Anita G. en 1966) retracer la biographie d’une
jeune femme juive essayant de passer à l’ouest. Les procédés de mise en scène sont assez
proches de ceux de la nouvelle vague, une caméra très libre, des raccords assez déroutants…
Enfin, Volker Schlöndorff, après avoir été formé en France auprès
de Melville, Resnais et Malle, revient réaliser en Allemagne le film Der
Junge Törless (Les désarrois de l’élève Törless en 1966) inspiré du roman
du même nom deRobert Musil. Dans ce film, le jeune Törless, élève assez
sensible, va être le témoin de scènes de violences sur un élève de famille
juive, qui vient de voler. Le jeune Törless regarde sans pouvoir intervenir,
et son comportement est une accusation portée aux générations qui ont
laissé s’installer la violence du nazisme sans rien dire.
Le manifeste d’Oberhausen a permis de déclencher en Allemagne une révolution
créatrice qui, enfin, permettait à l’Allemagne de l’ouest de se souvenir et d’expliquer. De cette
volonté de contestation, restent et resteront célèbres de nombreux réalisateurs tels que
Alexander Kluge, Wim Wenders, Werner Herzog, Volker Schlondorf, sa femme, Margarethe
Von Trotta et, bien sûr, Rainer Werner Fassbinder.
5)
La société en RFA :
Comme nous l’avons dit plus haut, l’Allemagne est séparée en deux zones distinctes
dès mai 1949. Or si, durant l'après-guerre, la RDA, totalement sous le joug soviétique, ne
jouera pas de rôle significatif sur la scène internationale, la RFA sera par contre, avec la
France, l'un des moteurs de la construction européenne. Tout d’abord, comme premier
argument, on peut invoquer le fait que l’aide américaine fournie par le plan Marshall (aide
économique destinée à reconstruire les pays détruits par la guerre) a été plus importante en
RFA que dans tous les autres pays d’Europe. Cela s’explique par le fait que les alliés voulait à
tout prix éviter l’arrivée du communisme (représenté par la RDA) en Europe de l’ouest.
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Ensuite, jusque dans les années 1960, c’est la ‘‘course au miracle économique’’ qui imprégna
les mentalités des allemands de l’ouest, les Westies. Ainsi, des valeurs comme l’ardeur au
travail, la performance, et le maintien des structures hiérarchiques dominent dans cette
société. Jusqu’en 1960, le passé est refoulé.
Or, dès 1960, une vraie crise d’identité entre les générations apparaît. « Les héritiers
de Goethe et d'Auschwitz » (Gerhard Kiersch ) se trouvèrent confrontés aux regards de leurs
enfants. « Et il faut reconnaître que jamais auparavant une génération n'avait été autant
incitée par l'histoire à dénoncer la culpabilité totale de ses propres parents et à affirmer sa
propre innocence. » (Peter Schneider : Paarungen). C’est pourquoi on constate une très
forte augmentation du nombre des ouvrages tout d’abord, puis des films et des émissions
télévisées, à caractère historique, c’est pour eux la volonté de redécouvrir leurs racines.
A partir de 1968, un mouvement de contestation se développe dans la jeunesse, qui
prend une ampleur inégalée en Europe occidentale. Dénonçant l'américanisation des mœurs,
et la politique de leurs aînés, de nombreux jeunes se dirigent vers de nouvelles formes
d'engagement politique et social. La majorité d’entre eux s'engage dans des mouvements
alternatifs, féministes, antinucléaires ou écologistes, qui organisent de spectaculaires
manifestations. Leur recherche inquiète de nouvelles formes d'existence, d'un mode de vie
plus authentique et plus conforme aux exigences de l'environnement, se traduit par le
formidable développement des médecines douces et de l'alimentation biologique.
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II)
1)
Rainer Werner Fassbinder
Biographie:
Rainer Werner Fassbinder est né le 31 mai 1945 à Bad Wörishofen en Bavière. Son
père Helmut est médecin, et sa mère, Liselotte, est traductrice. Rainer et ses parents habitaient
une grande maisonnée ou vivait aussi le reste de la famille. Malheureusement, ses parents
divorcent alors qu'il n’est âgé que de six ans. Il passe alors la majeure partie de son enfance
chez sa mère, qui deviendra plus tard son interprète la plus fidèle sous les noms de Lilo
Pempeit ou de Liselotte Eder. L’enfant passe brutalement, trop, peut-être, d’ une communauté
familiale à une solitude assez poussée dans la deuxième partie de son enfance. Il avoue lui
même : « Lorsque mes parents ont divorcé, j’avais six ans. Je suis allé chez ma mère et j’ai
dû alors apprendre, pour la première fois, à avoir plus affaire avec un être humain en
particulier qu’avec d’autres. » (Fassbinder : Anarchie de l’imagination)
Peu de temps après son divorce, Liselotte attrape la tuberculose et doit subir une
ablation du poumon puis partir dans un sanatorium. Son père ne tenant pas à le prendre en
charge, et la communauté familiale initiale s’étant dissoute, le petit Rainer est laissé aux
voisins. Lorsque sa mère rentre, elle n’a plus assez d’argent pour payer le loyer, elle va donc
trouver un logeur qui deviendra son second mari : Wolf Eder. Son état de santé ne lui
permettant pas de travailler en extérieur, elle va continuer à effectuer des traductions chez
elle. Pour se débarrasser de son enfant assez turbulent, elle lui donne l’argent de poche
nécessaire pour des séances de cinéma. C’est ainsi que Rainer pris l’habitude d’aller plusieurs
fois par jour au cinéma. C’est durant cette période qu’il prit goût au cinéma, aux westerns,
aux thrillers, et aux vieux mélodrames allemands.
Ses liens avec sa mère se resserrèrent, ils deviennent dépendants l’un de l’autre. Cette
dépendance se retrouve plus tard dans son œuvre. Tout d’abord par le nombre de rôles qu’il a
donnés à sa mère, puis par la ressemblance avec sa mère qu’avaient les autres actrices qu’il
engageait. « Toutes les femmes qui jouaient dans ses films ressemblaient à sa mère, de Hana
Schygulla à Barbara Sukowa. Sa mère jouait dans les films et elle jouait très bien, mais il
était méchant avec elle, très méchant. Mais enfin elle jouait. » Eddie Constantine
Wolf Eder n’appréciait pas du tout le petit Rainer, et il ne l’accepta pas dans sa
maison. Il ne pouvait voir sa mère que le dimanche lorsque son beau-père sortait. Cependant
il s’était rendu une fois à l’Action-Theater pour y voir jouer R.W. Fassbinder. Il ne fit aucun
commentaire sur son beau-fils, mais Rainer remarqua que Wolf porta une grande attention à
Kurt Raab, l’un des acteurs de la troupe. C’est pourquoi il fit venir, à sa place, ce dernier à
l’enterrement de son beau-père.
Rainer Werner Fassbinder à 20 ans
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R.W Fassbinder
Le père naturel de Rainer, Helmut Fassbinder, était médecin. Il fut cependant radié de
l’ordre des médecins parce qu’il était alcoolique pour les uns, parce qu’il pratiquait des
avortements illégaux pour les autres. Il aimait la poésie, et la littérature, et eut sans conteste
une influence artistique sur Rainer. Les penchants de R.W. Fassbinder viennent d’ailleurs de
lui. Il commença à enregistrer des pièces sur un magnétophone après que son père l’eut
embauché pour une lecture de Faust de Goethe.
A l’âge de seize ans, Rainer partit vivre chez son père à Cologne. Son père avait
acheté des maisons délabrées que Rainer remettait en état et qu’ils louaient à des travailleurs
immigrés attirés par millions en Allemagne à la suite du miracle économique allemand. En
aidant son père, il se prit d’affection pour ces hommes seuls et exclus de la société allemande.
Il rencontra à Cologne, dans un bar homosexuel, Udo Kier, avec qui il s’associa pour draguer
ces immigrés dans les gares.
Sans finir ses études secondaires, il commence à travailler, en 1964, comme archiviste
au quotidien Süddeutsche Zeitung ou comme figurant au théâtre municipal de Munich. Il entre
par la suite, en 1967, dans la troupe de l’Action-Theater comme acteur. C’est dans ce lieu que
l’on découvre l’ampleur du pouvoir de manipulation de Rainer. Son emprise morale s’étend
aisément avec violence sur toutes les personnes qui l’apprécient.
Il découvre grâce à une amie l’Action-Theater où se joue la première d’Antigone de
Sophocle mise en scène par Peer Raben. La représentation l’enchanta, et il décida de
s’intégrer à la troupe, sans soupçonner un éventuel rejet qui eut pourtant lieu. Il rejoignit les
comédiens dans un petit bar après la représentation et s’invita à leur table. Personne ne fit
attention à lui, et certains acteurs comme Kurt Raab étaient même hostiles à sa présence.
Cependant, des dissensions internes permirent à Fassbinder d’être repéré par Peer Raben qui
lui proposa un rôle. Son extraordinaire vitalité, son assurance et son hyperactivité au sein du
théâtre l’imposa rapidement parmi les autres membres. Dès lors que Rainer fut intégré à la
troupe, il commença à placer ses pions. Il imposa Hanna Schygulla comme actrice. Il
participait à la mise en scène des pièces par sa critique des acteurs. Il proposa de plus que la
direction du théâtre soit partagée entre quatre personnes, Ursula Strätz, Kristin Peterson, Peer
Raben et lui-même. Ce qui fut accepté.
Ursula Strätz était attiré par Rainer,
Theater, pour créer l’Antiteater dirigé par
et elle proposa à ce dernier de venir habiter
Fassbinder et Raben. Fassbinder écrit sa
avec elle et Peer Raben. Le
première pièce de théâtre :
mari d’Ursula, qui avait
Katzelmacher (Le Bouc :
construit de ses mains
terme populaire allemand
l’Action-Theater,
était
désignant
un
étranger).
hospitalisé lorsqu’il apprit
Cependant la troupe doit
que Fassbinder et sa femme
attendre quelque temps avant
vivait dans le même
de la jouer étant donné que
appartement. Il entra dans
Rainer est en prison en
une telle fureur qu’il
France à la suite des émeutes
saccagea, en 1968, le
de mai 1968. En trois ans,
théâtre.
Grâce
à
sa
Fassbinder fait jouer par sa
cohésion, le groupe put
troupe vingt pièces de théâtre,
tenir bon, et la troupe de
dont huit écrites de sa main.
théâtre abandonna l’ActionR.W.Fassbinder dirigeant une répétition
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R.W Fassbinder
Fassbinder débute dans le cinéma grâce à deux courts-métrages l’un réalisé en 1965,
Der Stadtstreicher (Le clochard : narrant l’histoire d’un clochard très embarrassé et ne savant
que faire après la découverte d’un pistolet) et l’autre en 1966, Das Kleine Chaos (Le petit
Chaos). En 1969, il écrit et réalise son premier long métrage : Liebe ist kälter als der Tod
(L’amour est plus froid que la mort). La sortie de son deuxième long métrage, la même année,
adapté de sa pièce Katzelmacher, marque le tournant de sa carrière de cinéaste. Un succès
critique amplement confirmé par le public rapporte à Fassbinder sept prix nationaux. Profitant
de l'occasion, Fassbinder tourne successivement plusieurs films. En 16 ans, Fassbinder va
réaliser plus de 40 films, jouer dans de nombreux films (qu’ils soient réalisés par lui ou non)
et mettre en scène de nombreuses pièces de théâtre.
Fassbinder, avec l’une de ses plus fidèles compagnes (la caméra)
La frénésie de Fassbinder ne peut-être, physiquement possible que grâce à l’emploi de
nombreux stimulants : la cigarette, l’alcool, mais surtout la drogue (héroïne et cocaïne), qu’il
ne consommait pas avec parcimonie. De plus, si la cocaïne aide Fassbinder à tenir éveiller, il
arrive que ce soit le sommeil qui fasse défaut. Ainsi il doit compenser ses consommations par
une prise de Valium ou de Mandrax pour pouvoir enfin trouver du repos. Selon Robert Katz,
les 15 épisodes de Berlin Alexanderplatz ( issus du roman d’Alfred Döblin du même nom)
n’ont pas d’autre origine que les besoins de Fassbinder en argent pour s’acheter la dose de
drogue nécessaire à son travail.
Miné par la drogue et l’alcool, Fassbinder décède en 1982 suite à une overdose de
cocaïne. Son dernier film Querelle (adapté du roman de Jean Genêt) constitue en quelque
sorte un film testament avec une réflexion sur des thèmes comme l’homosexualité, la drogue
et le meurtre, un univers sombre au travers duquel Fassbinder a développé son œuvre.
Peu avant son départ
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2)
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Filmographie :
La filmographie de Fassbinder est l’une des plus riches du cinéma. Son œuvre a
dominé les années 70, non seulement parce que son auteur a reproduit en elle le cheminement
intellectuel et les débats de cette décennie, de la génération 68, mais aussi parce qu’il est l’un
des derniers cinéastes occidentaux à s’être confronté à la question de la naissance d’un peuple.
Son interrogation est constamment la même, que ce soit à travers ses fresques de l’Allemagne
des années 50 (Die Ehe der Maria Braune, ou Lola), ses représentations des minorités
(travailleurs immigrés dans Katzelmache ou bien dans Angst essen Seele auf, les homosexuels
dans Faustrecht der Freiheit ou Querelle) ou ses représentation de la violence et du terrorisme
en Allemagne (Mutter Küsters fahrt zum Himmel, Der Amerikanische Soldat ou Die dritte
Generation) : c’est celle de la naissance d’un peuple et de la démocratie en Allemagne. Œuvre
pourtant méconnue de part le monde, mais aussi en Allemagne où Fassbinder n’a rencontré le
public que très tard.

Chronologie
1965 :
-1- Der StadtStreicher(Le clochard): Un clochard se retrouve très embarrassé et ne savant que
faire après la découverte d’un pistolet.
1966 :
-2- Das Kleine Chaos (Le petit Chaos) : Trois jeunes profitent de faire du porte à porte pour
cambrioler l’appartement d’une vieille femme.
1969 :
-3- Liebe ist kälter als der Tod (L’amour est plus froid que la mort) : Franz Walsch, un petit
délinquant décide de monter un gros coup sans l’aide de la mafia. Cette dernière veut se
venger et envoie auprès de Franz, Bruno, un tueur au trait angélique. Franz séduit propose à
Bruno de s’installer avec lui et Joanna sa compagne. Jalouse, c’est elle qui avertit la police du
coup prévu par Franz, et qui précipite du coup la mort de Bruno. Heureusement, le couple
initial parvient à échapper à la police.
-4- Katzelmacher (Le Bouc) : Thèmes de l’immigration
-5- Götter der Pest ( Les dieux de la peste) : Suite de L’amour est plus froid que la mort.
Thèmes de la prostitution et du banditisme
-6- Warum laüft HerrR.Amok (Pourquoi M.R est-il atteint de folie meurtrière ?) : Thèmes de
la violence injustifiée.
1970 :
-7- Rio das Mortes : Thèmes du rejet de la femme dans le ménage à trois
-8- Das Kaffehaus (Le café)
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-9- Whity: Faux western sur le thème du racisme.
-10- Die Niklashauser Fart (Le voyage à Niklashausen)
-11- Der Amerikanische Soldat (Le soldat américain)
-12- Warnung vor einer heiligen Nutte (Prenez garde à la sainte putain)
-13- Pionere in Ingolstadt (Pionniers à Ingolstadt)
1971:
-14- Händler der vier Jahreszeiten (Le marchand des quatre saisons):
Thème de la déchéance sociale dûe à l’alcool
1972:
-15- Die Bitterentränen der Petra von Kant (Les larmes amères de
Petra von Kant)
-16- Wildwechsel (Gibier de passage)
-17- Acht Stunden sind kein Tag (Huit heures ne font pas un jour)
-18- Bremer Freiheit (Liberté à Brême)
1973:
-19- Welt am Draht (Le monde sur le fil)
-20- Nora Helmer
-21- Angst essen Seele auf (Tout les autres s’appellent Ali) :Thème du racisme
-22- Martha
1974 :
-23- Fontane Effi Briest (Effi Briest)
-24- Faustrecht der Freiheit (Le droit du plus fort)
-25- Wie ein Vogel auf dem Draht (Comme un oiseau sur le fil)
1975:
-26- Mutter Küsters fahrt zum Himmel (Maman Küsters s’en va au ciel)
-27- Angst vor der Angszt (Peur de la peur)
1976 :
-28- Ich will doch nur, dass ihr mich liebt (Je veux seuleument qu’on m’aime)
-29- Satansbraten (Le rôti de Satan) : Thème du dédoublement de personalité
-30- Chinesisches Roulette (Roulette chinoise)
1977 :
-31- Bolwieser (La femme du chef de gare)
-32- Frauen in New York (Femmes à New York)
-33- Despair: Thème du double
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1978:
-34- Deutschland im Herbst (L’Allemagne en automne)
-35- Die Ehe der Maria Braun (Le mariage de Maria Braun)
-36- In einem Jahr mit 13 Monden (L’année des treize lunes)
1979:
-37- Die Dritte Generation (La troisième génération) : Thème du terrorisme allemand
1980 :
-38- Berlin Alexanderplatz : 13 épisodes et un épilogue. Oeuvre magistrale de Fassbinder. Le
roman de Döblin a été pour lui une révélation dans son adolescence, à tel point qu’il n’a pas
arrêté de se comparer au héros (tantôt Franz Biberkopf, tantôt Reinhold) dans sa vie comme
dans ses personnages.
-38- Lili Marleen : Thèmes du nazisme et de la réussite artistique entre 1939 et 1945.
1981 :
-39- Lola (Lola, une femme allemande)
-40- Theater in Transe (Théâtre en transe)
-41- Die Sehnsucht der Veronika Voss (Le secret de Veronika Voss)
1982:
-42- Querelle: Thèmes de l’homosexualité et de la drogue.
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III) L’œuvre
1)
Un univers étouffant :
Dans l’ensemble des films de Fassbinder, les personnages évoluent dans des
atmosphères glauques et oppressantes. On trouve en effet dans ses réalisations peu de scènes
tournées en extérieur, peu de scènes contenant une paysage ouvert, laissant entrevoir une
quelconque espérance. Non, l’essentiel se passe en intérieur, dans l’espace confiné de petites
pièces d’appartement de toutes sortes.
Dans Angst essen Seele auf, remake d’une mélodrame de Douglas Sirk, All that
heaven allows, les personnages sont constamment emprisonnés dans un décor froid et désert.
Par exemple, lors de l’invitation dans la cage d’escalier, Emmi, et Ali sont cernés d’un côté
par l’entrée où il pleut à torrent et de l’autre par l’escalier. Emmi ne sait si elle doit l’inviter,
et reste donc silencieuse un moment, le lieu donne à la scène une importance mystérieuse qui
accentue l’invitation. Lors du repas de noce, ensuite, où les personnages sont encadrés par les
embrasures d’une porte grâce à un jeu de caméra (jeu que l’on retrouve souvent dans les films
de Fassbinder, et plusieurs fois dans ce film). Ce procédé, associé à un silence étouffant des
acteurs appuie l’effet de solitude des personnages. Cela permet aussi une mise hors contexte
des individus dont l’attitude révèle alors un sens nouveau.
Un point supplémentaire rajoute l’intérêt que l’on peut porter à cette séquence, le fait
que le restaurant choisi par Emmi soit celui que préférait Hitler. Mais elle ne précise pas à Ali
le rôle politique qu’a joué Hitler. Ce silence sur une indication si importante va absorber, aux
yeux du spectateur, l’évènement fêté : le mariage. Cette omission est une soumission, c’est
une acceptation du passé sans résistance. C’est une allégorie de l’Allemagne.
La scène du repas dans le restaurant d’Hitler
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Le contexte malsain donne naissance à de nombreux ‘‘vices’’ dans cette société,
notamment au proxénétisme, à l’abus de drogue ou au rejet de l’autre, que ce soit l’étranger
ou l’extravagant. Fassbinder se place toujours du côté des minorités. Il prend parti et
s’engage.
Dans Tous les autres s’appellent Ali, il se place du côté des émigrés. Dans Querelle, il
observe le monde avec les yeux d’un capitaine homosexuel. L’objet de son amour est un
matelot qui tue, qui trafique de la drogue et ‘‘qui donne son cul’’ à un autre homme. Querelle,
le matelot, est entouré de filles qui se prostituent dans un bar où l’étroite complicité entre la
police et le proxénétisme est comme naturelle. La ville de Brest apparait comme une ville de
débauche : le quai est ponctué de tours de phallus, les bars sont des lieux de prostitution, leurs
vitrines ainsi que les murs de la ville sont couverts de dessins pornographiques, le ciel est
toujours rouge sang s’il n’est pas noir. L’ambiance est même tropicale comme le prouve le
torse nu des marins transpirants ou le débardeur de Nono, le patron du bar.
Querelle
Lorsqu’on lui reproche le physique trop angélique de ses ‘‘méchants’’, Fassbinder
répond : « C’est toujours comme ça dans la vie. Le diable n’arrive pas avec ses sabots, il
arrive sous les traits d’un beau jeune homme ». On peut ajouter à cela la musique lancinante
qui accompagne Querelle lorsqu’il va commettre un meurtre. Musique de charmeur de serpent
qui est la traduction extérieure de ses pulsions homicides.
2)
L’implication de Rainer Werner Fassbinder dans son oeuvre :
Nous l’avons dit, Rainer s’engage, mais il s’engage peut-être même un peu trop, car à
travers ses films, c’est la continuité de sa vie que l’on observe. Les fils qui relient Fassbinder
à son œuvre sont innombrables au point que l’on ne peut aisément songer à les démêler.
Parlant de sa mère, il disait qu’il l’avais fait jouer pour construire un relation d’amitié. Le
cinéma représentait pour lui le moyen d’établir avec les gens une relation qui serait autrement
impossible. Il se servait de son rôle de chef sur le plateau pour tyranniser ses acteurs lorsqu’il
éprouvait une quelconque attirance pour l’un d’eux. Ce fut le cas avec Irm Hermann qui fut
totalement soumise à son joug, et qu’il battait et humiliait devant le reste de la troupe.
Le cinéma est pour Fassbinder le moyen de s’attacher à l’autre, ou au contraire de s’en
détacher. Que ce soit Günther Kaufmann (Nono), Armin Meier ou El Hedi Ben Salem (Ali),
tous ont joué dans un de ses films car Rainer voulait soit s’en rapprocher, soit s’en séparer,
comme un cadeau d’adieu. Pour empêcher Günther de repartir voir sa femme et ses enfants, il
invente en 1970, tour à tour, sept longs métrages. La relation avec Salem, elle, tourna à la
tragédie. Ayant décidé de fonder une famille, il invita du Maroc, les enfants de Salem. Or il
n’arriva plus à s’entendre avec les enfants, en renvoya un au Maroc, et laissa l’autre à Kurt
Raab, qui d’après ses propres dires, avait un ‘‘penchant certain pour les petits garçons’’.
Après la rupture, Salem menaça de tuer quelqu’un pour mettre fin à la carrière de Fassbinder.
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Dans Le rôti de Satan, Walter Kranz, le héros se laisse persuader qu’il est le double de
Stefan George, un poète dont il vient inconsciemment de plagier l’œuvre. Ce film permet à
Fassbinder d’extérioriser ses sentiments après le procès qu’on vient de lui faire pour le plagiat
d’une nouvelle. Lui aussi, inconsciemment, venait d’écrire un scénario qui avait déjà été
imaginé par l’écrivain Cornell Woolrich. Les dédoublements de personnalité qu’a subis
Fassbinder fut pour lui aussi dépaysants que la rencontre d’un sosie. Il fut captif un moment
de cette perte d’identité qu’il ne retrouva qu’un peu après.
L’œuvre de Alfred Döblin, dont nous avons précédemment parlé, a, elle aussi, très
fortement influencé et la vie sociale de Fassbinder, et sa vie professionnelle. Sans pareille
mesure, il s’est identifié au héros Franz Biberkopf. Son pseudonyme artistique Franz Walsch
s’inspire de ce double imaginaire. Il y a en tout neuf Franz dans les personnages de l’œuvre de
Fassbinder. Ils possèdent tous, à différents degrés, une facette de l’auteur. Les ‘‘Franz
Walsch’’ ont toujours été interprétés par Fassbinder. Ils sont plus négatifs que Franz
Biberkopf, on peut penser qu’ils regroupent en leur sein un part de Biberkopf, et une part de
Reinhold.
De plus on peut remarquer l’influence esthétique qu’a eue le théâtre sur Fassbinder.
Toutes les scènes sont tournées dans un décor préparé pour les comédiens, leur jeu semble
détaché (théâtre brechtien). Il introduit toujours une certaine distance dans ses mises en
scènes, empêchant ainsi une identification trop directe. Son thème majeur est l’oppression
dans les relations amoureuses dont il recherche la cause à travers ses films.
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Conclusion
Rainer Werner Fassbinder fut donc la force sombre du nouveau cinéma allemand.
Force, car il possédait une énergie créatrice intarissable, qui malheureusement, prenait de
temps à autre sa source dans l’alcool ou la drogue. Force encore, grâce à l’impact de ses
images, à l’exaltation que l’on ressent provenant de ses mises en scène. Sombre, car les
tableaux qu’il dépeignait l’étaient souvent : une Allemagne décadente où le rejet de l’autre est
monnaie courante. Car son immense caractère, tyrannique, apposait incessamment à ses
acteurs un chantage émotif.
« Hétérogène, le cinéma de Fassbinder l’est d’abord par l’extrême diversité de son
style, tantôt classique (Le soldat américain, Le secret de Veronika Vost), tantôt baroque
(Despair), tantôt réaliste (Berlin Alexanderplatz), tantôt expressionniste, tantôt construit sur
une distanciation critique (Effi Briest), tantôt recherchant l’identification des spectateurs aux
personnages (Huit heurs ne font pas un jour, Le mariage de Maria Braun), tantôt allégorique
(le voyage de Niklashausen), tantôt extrêmement moderne ( Le marchand des quatre saisons),
tantôt hollywoodien (Lili Marleen, Lola). [...] Que ce soit le thème, les jeux d’ombres et de
lumière, la transposition des sentiments, des mouvements du cœur dans les décors et les
éclairages, tant par la forme que par son contenu, Fassbinder est, plus que tout autre cinéaste
de sa génération, l’héritier de la grande tradition de l’Ecran démoniaque, d’un cinéma
expressionniste qui aurai perdu sa grandiloquence muette, excessive, pour infiltrer
discrètement, mais avec efficacité, le contenu réaliste des images d’aujourd’hui et le corroder
de l’intérieur. » (Yann Lardeau : Rainer Werner Fassbinder)
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Note d’intention
Le choix d’un dossier sur le réalisateur allemand Rainer Werner Fassbinder ne m’est
pas apparu évident tout de suite. J’ai poursuivi durant la moitié de l’année scolaire un projet
de court-métrage sur le thème de l’autisme. Nouveau regard reprenait l’histoire de Mathieu,
un adolescent autiste à qui ses parents offrent une caméra numérique. Il expliquait alors, au
travers d’un film réalisé avec son orthophoniste, comment il voyait l’isolement de sa vie, ainsi
que l’éloignement involontaire qu’il devait avoir face à ses parents.
Constatant l’ambition de mon projet, je décidai de l’abandonner après avoir eu
quelques problèmes avec le choix des acteurs. Je joint tout de même dans les pages suivantes
le scénario du film. Je regrette à présent d’avoir fait ce choix, car beaucoup de personnes
(notamment des patients de ma mère orthophoniste) à qui j’avais parlé du film ont été déçues.
La décision d’étudier l’œuvre de Fassbinder me vient de ma seconde langue vivante.
Etudiant l’allemand, ayant de la famille vivant à Munich, je m’intéresse à la culture
germanique, qu’elle soit musicale, littéraire ou filmique. C’est ainsi que j’ai découvert l’an
passé le film Angst essen Seele auf, film que m’a aimablement proposé ma professeur
d’allemand, Mme Pietroni. Touché par la vision du réalisateur, je me suis légèrement
documenté sur lui mais je suis vite passé à d’autres films allemands plus récents.
Ce n’est que cette année que m’est revenu l’attirance pour ce réalisateur, après avoir
visionné son film historique Lili Marleen. J’ai donc retrouvé auprès de la cinémathèque de
corse quelques-uns de ses films. Je trouve que l’on en ressort toujours comme oppressé,
comme si l’on avait vécu, d’une certaine manière, le récit plus intensément que la plupart des
autres films.
Ainsi, ma recherche n’a réellement débuté qu’a partir de Janvier, date à laquelle j’ai
commencé à visionner une petite partie de sa filmographie. J’ai commencé dès Mars à
regrouper diverses sources de données (internet, revues, et livres) sur Fassbinder, et j’ai
débuter la rédaction de ce dossier courant avril (même s’il n’a été terminé qu’hier, héhé ).
J’aimerai remercier pour ce trimestre de recherches Mme Pietroni, pour son aiguillage quant
aux recherches, la cinémathèque Casa di Lume pour ses films et ses ouvrages, ainsi que toute
la section CAV, avec qui nous avons passé une très bonne année.
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