Institut National des Sciences et Technologies de la Mer INSTM ETAT DE LA BIODIVERSITE EN TUNISIE Par Karim BEN MUSTAPHA Ahmed AFLI Laboratoire de Biodiversité & Biotechnologies Marines SPECIFICITES DE LA TUNISIE1 La Tunisie, avec 1900 km de côtes (îles, systèmes lagunaires et embouchures d’oueds compris), est ouverte sur les deux bassins de la Méditerranée ; le bassin occidental par sa façade nord, et le bassin oriental par ses façades est et sud-est. Au nord, l’une des branches du courant atlantique y est prédominante, alors qu’à l’est et au sud-est, l’hydrodynamisme est plus contrasté avec le même courant atlantique qui baigne la haute mer en face de cette façade orientale de la Tunisie, et des courants plus chauds et plus salés dans les zones plus littorales, dont l’empreinte levantine est tes accentuée. Parallèlement la topographie du littoral tunisien est aussi très variée : Côtes rocheuses ou sableuses, baies profondes échancrées, cap parfois saillants, nombreuses îles et îlots et une ceinture de hauts fonds sont les éléments les plus caractéristiques. L’ensemble de ces spécificités assure à la Tunisie une biodiversité marine et côtière particulièrement élevée. Toutefois, malgré certains efforts réalisés pour l’étude fine de la faune et de flore en vue de présenter une liste d’espèces et/ou groupes d’espèces, les données restent insuffisantes en raison de la fragmentation des travaux traitant ces sujets. Même l’inventaire des espèces et l’identification pose de nombreux problèmes (Cnidaires, bryozoaires, annélides, algues, éponges, crustacés d’eau douce,….). bien que la Tunisie se targe de disposer d’un inventaire global de la biodiversité biologique, établi suite à une étude entreprise en 1997 par le MEAT qui a mis en évidence une forte biodiversité sur les côtes tunisiennes. BIODIVERSITE SPECIFIQUE DE LA FLORE MARINE EN TUNISIE 414 taxons sont recensés2 dont 71 sont exploités ou ayant été étudiés à cette fin dans d’autres régions autre que la Tunisie, néanmoins on estime le nombre réel à prés de 600 taxons. Cette biodiversité est riche en comparaison aux pays du bassin oriental, mais elle est pauvre par rapport à ceux du bassin occidental. Les côtes nord et le golfe de Tunis ont la biodiversité algale la plus riche par rapport au reste du littoral tunisien => (i) car situés dans le bassin occidental (ii) bénéficie d’une topographie plus variée. En Tunisie, 17 taxons parmi les 54 macrolagues et magnophyta considérées menacés à l’échelle méditerranéenne, 9 taxons parmi les 65 taxons de végétaux introduits (Méditerranée) présents en Tunisie. BIODIVERSITE SPECIFIQUE DE LA FAUNE MARINE EN TUNISIE Les inventaires récents sont peu nombreux (partiellement ceux des spongiaires et des parasites de poissons), mais ils sont plus anciens en ce qui concerne les échinodermes, les bryozoaires et les gastéropodes. Ces inventaires, en général sont incomplets. Néanmoins, déjà pour les ascidies la majorité est endémique méditerranéenne. Dans ces inventaires tunisiens, 35 espèces sont listées comme espèces en danger ou menacées (Conventions de Barcelone et/ou Berne)3. 1 Principales sources consultées : « La diversité biologique et lagunaire en Tunisie, MEAT, Boudouresque1997 », « Rapport National sur la biodiversité marine et côtière en Tunisie ; SAPBIO, RACSPA, Romdhane & Missaoui, 2002 » ; « Rapport National à la COP de la CNUBD, MEAT, Belkhir. 2002 » « Etude nationale sur la diversité biologique de la flore marine et aquatique en Tunisie, MEAT, Ben Maïz, 1995 ». 2 (algues cellulaires planctoniques et benthiques non retenues) 3 Il est a signalé qu’il est urgent d’établir des critères de sélections spécifiques à la biodiversité tunisienne, car plusieurs espèces listées en méditerranée, ne sont pas menacées en Tunisie, alors que d’autres le sont. BIODIVERSITE DES ECOSYSTEMES Trottoirs à vermets (gastéropodes), signalés notamment au Cap Bon ; à Zembra et au Cap Blanc Récifs à Néogoniolithon4, long de 30 km au nord de lagune El Bibane ; foisonnement due aux conditions du milieu (Température et Salinité élevées), ce qui limite compétions interspécifiques L’herbier à P.oceanica ; dont la distribution, la vitalité et l’état de dégradation diffèrent d’une région à l’autre Biocénose coralligène => Golfe de Tunis, îles (Galite, Zembra, Fratelli, Cani, etc.), hauts bancs (Mazarilles, Speiss, Hallouf, Korba, Gréco etc.) 4 Cette rhodophycae participe aussi à la formation des trottoirs à vermets FAUNE ET FLORE MARINE DE TUNISIE Distribution des taxons de la faune marine Tunisiennes (Boudouresque 1995) 0% 0% 3% 13% 1% 8% Spongiaires 0% 2% Cnidaires 3% Foraminifères 5% 15% Rotifères Echinodermes Plathelminthes 3% Nématodes Plychètes Bryozoaires Mollusques 10% Crustacés Ascidies Poissons Reptiles 8% Mamifères 29% Distribution des taxons de la flore marine en Tunisie (Ben Maiz 1995) 0% 2% 17% 0% Rhodophyta Fucophycae Xanthophycae Chlorophycae Charrophycae Maggioliophites 20% 61% DONNEES RECENTES SUR LA BIODIVERSITE MARINE EN TUNISIE5 GOLFE DE TUNIS GOLFE DE HAMMAMET GOLFE DE GABES 48 23 57 10 120 7 45 416 106 832 29 17 12 8 27 25 51 10 113 292 46 6 57 11 24 17 108 171 227 667 Echinodermes Cnidaires Bryozoaires Annélides Crustacés Ascidies Spongiaires Mollusques Poissons Total LES HERBIERS DE POSIDONIES C’est un écosystème typique en Méditerranée. Il représente un grand pôle de diversité biologique. L’espèce P. oceanica est une espèce endémique à cette mer. Elle vit dans une frange littorale depuis le rivage jusqu’à la limite inférieure de l’infra littoral. Il a été démontré que 20 à 25 % des espèces méditerranéennes « habitent » dans les herbiers de posidonies. En effet près de 400 espèces végétales et 1000 espèces animales y trouvent refuge, fixées sur les rhizomes et/ou les feuilles de Posidonia oceanica. L’état de cet écosystème en Tunisie et plus particulièrement dans le Sud Est de Tunisie est fragile pour diverses causes : Causes directes (moyens mécaniques arrachant les rhizomes de la posidonie, déstabilisent la nature du substrat, diminution de transparence de l’eau, ….) Causes indirectes du fait que les posidonies succèdent généralement aux prairies des caulerpes et de zostères contribuant à la fourniture de la matière organique (humus) nécessaire, entre autres, au développement des herbiers des posidonies. Ces prairies, ellesmêmes, ont été fortement réduites à cause du chalutage. Ces prairies sont importantes au large des côtes tunisiennes, ainsi 167 km² ont été répertorié au golfe de Hammamet en 1993. Au golfe de gabès, on estime que seul 5% seulement sont encore « disponible » au golfe de Gabès, bien que certaines zones soient pourvues de très grandes étendues tel que le platier de Kerkennah, la zone nord entre Cap Farina, îles Cani et Bizerte, ou bien la zones s’étendant de l’est de Djerba jusqu’à la frontière tunio-libyenne et notamment ses hauts fonds. Mais les différents travaux d’exploration des herbiers sont rares, discontinues dans le temps et inégalement réparties dans l’espace. Principales sources consultées : « Elaboration d’une étude de création d’aires marines protégées et de récifs artificiels : (i) Golfe de Gabès, (ii) Golfe de Tunis, (iii) Golfe de Hammamet, MEAT-INSTM, travail de groupe ; 2001 – 2002 » « Etude des herbiers de posidonies du littoral tunisien ; 1. golfe de Hammamet, INSTM, Ben Mustapha et Hattour, INSTM. 1992 » « Diversité du peuplement icthyque et contribution à la connaissance des sparidés du golfe de Gabès ; Thèse es-sciences, Université Sfax, Bradaï, 2000 » « Catalogue d’espèces animales aquatiques de Tunisie, INSTM, Hattour, 2003 ». 5 REPARTITION DES HERBIERS DE POSIDONIE LE LONG DU LITTORAL TUNISIEN LE CORALLIGENE6. Il constitue les plus beaux paysages sous marin de la Méditerranée7. Ses algues calcaires, à croissance extrêmement lente, ne se développent qu’en milieu sciaphile Un coralligène appauvrit « le précoralligène » se rencontre en sous strate sur les rhizomes de Posidonia oceanica, quant l’herbier à une densité foliaire élevée. Néanmoins, même en sous strate de peuplement dense d’algues phaeophycae, il peut se présenter alors sous la forme d’un coralligène riche et diversifié comme c’est le cas au banc Hallouf. La plupart des animaux fixés se nourrissent du plancton et des particules en suspension dans l'eau. La compétition pour accéder à la masse d'eau et au flux de nourriture qu'elle représente se surajoute à la compétition déjà sévère pour l'occupation de l'espace. En Tunisie, cette biocénose peut se rencontrer soit sur la roche littorale (falaises littorales et insulaires : Île de Zembra ; Cap Bon ; entrées de grottes et Tunnels aux îles Cani et à Tabarka etc.), soit en bio-concrettionnement dur formant alors le coralligène de plateau (véritable gisement coralligène entouré de fonds meubles) soit sur la roche du large (Les bancs en général). Elle se rencontre aussi sur substrat meuble (fonds à maërle) formé par un détritique grossier et concrétionné par les algues corallinacae du genre Néogoniolithon et ou les éponges de la famille Clionidae présentent un faciès prédominent entre 35 et 65 m de profondeur. Phénomène nouveaux, l’algue verte Caulerpa racemosa côtoie Fabiola petiola et lui dispute même l’espace à coloniser (corraligène sur détritique au cap bon, Zembra, Banc Hallouf etc.). C’est sous cette dernière forme (fonds à maërle) que le coralligène est soumis à l’action dévastatrice des chaluts, puisque ce substrat est meuble, permettant donc le chalutage. Au banc Hallouf, situé à 30 MN à l’est de Monastir, la présence en quantité importante de ces algues, a orienté différents auteurs (1923 et 1925) à décrire un nouveau faciès bionomique à algues brunes au large des côtes tunisiennes. Ce qui a été confirmé par le détail lors d’une campagne en 2002. En effet ce banc hallouf est constitué par des zones rocheuses formées par des blocs rocheux très étendus hauts de 8 à 12 m reposant par 45 m de fond. Autour de ces roches, le fonds, situés entre 39 et 45 m de profondeur est constitués par un substrat meuble grossier à gros débris coquilliers et à « maerles » d’un diamètre moyen de 10 à 12 cm (algues corallinacées calcifiée : Lithotamium sp) nombreuses. Ce substrat meuble est recouvert par un dense « manteau » de pheophycae avec un recouvrement horizontal de 93 % en moyenne. Nous avons aussi noté la présence d’une thermocline à 37 m de profondeur, faisant passer la température de 24°C à 20 °C. Plusieurs espèces et associations ont été signalées, dont la grande majorité est importantes de point de vue de la conservation: Les algues vertes d’affinités sciaphiles Caulerpa racemosa et Udotea petiola prolifèrent dans ce coralligène, et forment des tâches de grandeurs variables (0,5 à 2 m²). 6 Principales sources consultées : « Elaboration d’une étude de création d’aires marines protégées et de récifs artificiels, Golfe de Gabès (I), Golfe de Tunis (II), Golfe de Hammamet (III), MEAT-INSTM, travail de groupe ; 2001 – 2002 » « Record of Coralligenous mega benthos and Posidonia meadows from Tunisian remarkable marine sites Ben Mustapha., Komatsu., Hattour, Sammari, Djabou. & El Abed; INSTM; 2003.” “Le coralligène en Méditerranée, Ballesteros, SAPBIO & RACSPA 2003 » ; « Plan d’action national : Protection des bancs coralligène au large de la Tunisie, SAP BIO – RAC-SPA ; Ben Mustapha, 2003) » 7 Le coralligène, constitué par un concrétionnement (formant des blocs) d'algues calcaires corallinacées sciaphiles colonisées par un grand nombre d'espèces animales (Eponges, Ascidies, Bryozoaires, Cnidaires…), constitue le pôle principal de la biodiversité marine en Méditerranée, 1400 espèces macro-benthiques y ont été signalées, contre 1000 espèces signalées dans la biocénose de l’herbier à posidonie Pheophycae représentent un dense couvert algal (du moins en volume) ; sous lequel se développe un important coralligène. Ils sont essentiellement représentés par Dictyota membranacea, Sargassum hornschuchii, Sargasum valgarae dont les thalles sont long de 15 à 35 cm, et Zonaria tournefortii. Asperococus bullosus (rare) Rhodophycae sont représentées par un plus grand nombre d’espèces ; ils occupent souvent la sous-strate, étant donné leur taille moins imposante que celle des représentants des algues brunes. Nous avons identifiés les espèces suivantes : Fauchea repens, Galaxaura oblongata, Ptilophora mediterranea, Phyllophora nervosa, Vidalia volubilis, Chondrymnea lobata, Sebdenia dichotoma, Halarchnion ligatum, Halymenia sp (thalle cartilagineux à surface « glissante »), Peysonela rosa-marine, Peysonella rubra, Litophylum expansum, Litothamnium sp Chlorophycae sont les moins bien représentées. Deux espèces dominent ce groupe par leur présence massive : Udotea (Flabellia) petiola, Caulerpa racemosa. Enfin une troisième espèce, aussi d’affinité sciaphile, a été rencontrée dans quelques stations, il s’agit de Palmophyllum crassum. Ainsi donc, la présence de ces espèces indicatrices, dans leur majorité, de la présence d’un peuplement a affinité fortement sciaphile, souligne l’importance de la biocénose coralligène au banc Hallouf. Par ailleurs, il est a souligné la présence de certaines espèces observées pour la première fois en Tunisie. En outre l’absence de phanérogames marines notamment Posidonia oceanica, alors que la profondeur et la luminosité ne lui sont pas défavorables, notamment sur l’étendue importante des aires horizontales des blocs rocheux (vers 35 m de profondeur) a été remarquée. D’autant plus que la zone des bancs se situe juste en amont des grandes régions à Herbiers de Tunisie (Plateau des îles Kuriat, Plateau des îles Kerkennah, littoral du sahel)etc. Peuplement animal, il y’a lieu de signaler le peu d’espèces de Bryozoaires (Sertella septentrionalis ; Pentapora fascialis et Myriapora truncata) et d’Ascidies (Aplidium sp). Par contre les spongiaires sont très nombreux et occupent un espace appréciable, on cite les espèces les plus fréquentes suivantes : - Hippospongia communis (peuplemnt dense de « juvéniles »), Cacospongia mollior, Ircinia dendroides, Ircinai fasciculata, Petrosia dura, Chalinella sp, Cliona sp, Chondrosia reniformis, Crambe crambe, Hamigera hamigera, Anchinoe sp, Acanthella acuta, Agelas oroides, Axinella damicornis, Axinella polypoides. Certaines éponges « cornées » atteignent des volumes importants avec un diamètre variant de 50 à 120 cm (Cacospongia mollior et Hippospongia communis). Parmi les autres représentants du macro benthos, nous pouvons citer : - l’oursin Sphaerichinus granularis atteignant des densités de 4 à 6 individus/m², et une taille moyenne de 7 cm de diamètre et que nous avons rencontré dans l’ensemble des stations, et Centrostephanus longispinus qui été plutôt rare. - Les gorgones Eunicella singularis, représentait par une peuplement de 2 individus/5 m² et Lophophorgia sp (plutôt rare). - Les annélides Spirographis spallanzanii et Cerianthus sp, plutôt rares, se développant soit sur substrat meuble soit sur la roche. Pour terminer cette revue des principales espèces de la biocénose coralligène rencontrées au banc Hallouf, une attention spéciale doit être apportée à la faune icthyque particulièrement abondante ; nous citons en particulier la présence de Seriola dumerlii (liche en bancs nombreux), Serranus scriba, Serranus carbilla, Boops boops, Boops selpa, Spicara maena, Epinephelus guaza, Epinephelus alexandrinus (mérous nombreux), Sciaena umbra (nombreux) etc. En conclusion, ce banc présente un potentiel important, non seulement à cause du nombre d’individus de poissons signalée en plongée, mais surtout de par la richesse de son coralligène. Ses peuplements benthiques et leur structure ainsi que son peuplement icthyque doivent être étudiés plus en détail. Le faciès à algue brune est très dense et en très bon état, ce qui permet le développement d’une sous strate coralligène très riche et très bien représentée. C’est le premier coralligène de ce type (à algues brunes et à riche faune ichtyque) en Tunisie ESPECES INVASIVES8 La Méditerranée connaît à la fin du XIX ème et au cours du XX ème siècle plusieurs perturbations morphologiques, écologiques et physico-chimiques (ouverture du canal du Suez, domestication des eaux fluviales, sur-pêche, pollution, activités maritimes et aménagement du littoral). Cette mer, zone de transition entre l’océan atlantique à travers le détroit de Gibraltar et l’océan indien via la mer Rouge et le canal de Suez, subit, suite à ces perturbations des modifications floristiques et faunistiques importantes. Les côtes tunisiennes, à cheval sur les bassins occidental et oriental de la Méditerranée, et particulièrement la région du golfe de Gabès subissent les conséquences de toutes ces perturbations et des modifications floristiques et faunistiques y sont apparus. En effet, plusieurs espèces animales et végétales sont arrivées en Tunisie en provenance soit de l'Atlantique soit de l' Indo-Pacifique. Le problème des espèces exotiques s’est posé sérieusement en Méditerranée depuis quelques années. Ces espèces proviennent principalement de la mer rouge et sont dites lesseptiennes et secondairement de l’Atlantique. Les espèces lesseptiennes intéressent principalement le bassin oriental. On considère qu’il s’agit, à l’échelle mondiale, de l’évènement biogéographique actuel le plus important. Durant la dernière décade, on a enregistré une accélération de l'incursion des espèces lessepsiennes dans la Méditerranée orientale. Rien que pour les poissons, la liste des migrants lessepsiens atteignait 39 espèces (1985), en (1987) une seconde liste de 43 espèces est établie. Le dernier recensement (1998) indique un total de 54 espèces appartenant à 36 familles. Pour les espèces de poissons exotiques d’origine indopacifique ou atlantique, l’Atlas de la CIESM révèle la présence d’un total de 90 espèces ( 2002), ce qui montre que la migration d’espèces de l’Atlantique tropicale, via Gibraltar, prend également de l’ampleur. Caulerpa taxifolia : Les premières signalisations de cette espèce invasive remonte au mois de mars 2000 dans la rade de Sousse. Les zones touchées actuellement sont La rade de Sousse, El Kantaoui, marina de Monastir, Sidi Daoud (2000). La présence de Caulerpa taxifolia dans une rade et dans son voisinage suggère son introduction à travers l’ancrage des bateaux. Le caractère envahissant de cette algue et sa présence dans cette région de la Méditerranée (température plus élevée qu’en Méditerranée nord occidentale) devraient nous inciter à renforcer le contrôle de notre littoral. Caulerpa racemosa : cette algue verte, d’origine tropicale, a été signalée en Tunisie dans le port de Sousse en 1926, à Mahdia et dans le golfe de Gabès par 15 m de profondeur en 1971, à Salakta sur les blocs rocheux du port (depuis 1971), au large de Monastir dans l’herbier de Posidonie (1992), aux alentours des îles Kuriat (1997), à Bizerte, au cap bon, au îles cani et à Zembra depuis 1997-2000. Elle a aussi été signalée dans la région du golfe de Gabès par des profondeurs importantes (72 m) formant des pelouses sur fond sableux avec des débris coquillers et mélobésiers (1995) et plus récemment (juillet 2000) à la Chebba et dans le port d’El Ataya à Kerkennah (2000). Enfin ; même les hauts fonds en mer ouverte et loin des côtes, elle a été siganlé (Hallouif en 2002, Messioua en 2000). L’espèce prend un caractère envahissant et sa distribution a atteint les côtes nord. Principale source consultée « Plan d’action national : Suivi des espèces invasives, SAP BIO – RAC-SPA ; Bradï, 2003) » 8 FAUNE MARINE DES TROIS REGIONS PRINCIPALES DE TUNISIE9 Macro faune marine du golfe de Tunis 6% 13% 3% 7% Echinodermes Cnidaires Bryozoaires Annélides Crustacés Ascidies Spongiaires Mollusques 1% 14% 1% 5% Poissons 50% Macro faune marine du golfe de Hammamet 10% Echinodermes 6% Cnidaires 4% 39% Bryozoaires 3% Annélides Crustacés 9% Ascidies Spongiaires Mollusques Poissons 9% 3% 17% Macro faune benthique du golfe de Gabès 7% 1% 9% 33% Echinodermes 2% 4% Cnidaires 3% Annélides Bryozoaires Crustacés Ascidies 16% Spongiaires Mollusques Poissons 25% Principales sources consultées : « Elaboration d’une étude de création d’aires marines protégées et de récifs artificiels, (i) Golfe de Gabès, (ii) Golfe de Tunis, (iii) Golfe de Hammamet, MEAT-INSTM, travail de groupe ; 2001 – 2002 » Ce travail résume l’ensemble des données disponibles jusqu’en 2002. 9 LE CAS DU GOLFE DE GABES.10 Le golfe de Gabès, large échancrure située sur le littoral sud de la Tunisie, constitue le golfe le plus important du littoral tunisien. Il fut souvent qualifié de nurserie et de pépinière de la Méditerranée. En effet cette zone dispose de conditions climatiques, topographiques, géomorphologiques et océanographiques favorables. Cette situation a contribué au fonctionnement d’un système littoral marin naturel remarquable dont l’aboutissement le plus important a été la mise en place d’une climax constituée par la biocénose à Posidonia oceanica (L) Delile qui s’étend jusqu’au au golfe de Syrte en Libye, formant ainsi la biocénose à Posidonia oceanica la plus étendue du monde. Mais depuis quelques dizaines d’années, l’ensemble de ce système naturel marin littoral subit certaines agressions aussi bien d’origine anthropique que naturelle. La conséquence principale fut la mise en place de biocénoses caractéristiques d’un état de délabrement de l’écosystème qui s’est traduite, principalement par la perte importante d’étendues du couvert végétal et par sa dégradation. Outre l’envasement naturel du milieu, nous pensons que l'impact due à l’activité humaine dans la région est la principale cause de la détérioration de la biodiversité du golfe de Gabès, notamment l’implantation d’usines de transformation de phosphates et la présence d’une flottille de chalutiers, dont l’action conjuguée ne peut être que néfaste pour l’écosystème marin littoral de cette région de la Tunisie. Ainsi donc, ce golfe constitue une zone de fraie propice à un grand nombre d'espèces mais aussi des nurseries pour les jeunes individus. Les fonds sont généralement sableux à sablo vaseux et la chlutabilité est aisée. En plus du port de commerce de Ghannouch, trois ports hauturiers se situent sur cette côte en l'occurrence celui de Sfax, de Gabès,et de Zarzis et onze (11) ports côtiers. C'est l'existence de la crevette qui a spécialement favorisé le chalutage abusif et mal contrôlé à moins de 50 mètres de profondeur. Cette pêche est régie par arrêté du Ministre de l'Agriculture portant réglementation de la pêche à la crevette à l'aide de filets traînants de la première série dans le golfe de Gabès. Cette activité anthropique a contribué à l'instauration d'une biocénose subissant des variations brusques de ses facteurs biotiques et abiotiques occasionnant ainsi des dommages au développement naturel de ses communautés et une régression de ressources naturelles des fonds marins du golfe de Gabès accompagnée d’une dégradation de l'herbier de posidonie et de la pelouse de caulerpe présentant quelquefois de signes de désertification. Le golfe constitue la zone privilégiée de production en ressources halieutique (60% de la production nationale). La crevette royale, semble trouver les bonnes conditions à sa multiplication et à sa croissance, Elle est ciblée particulièrement par 90% des chalutiers tunisiens et ce pour sa valeur économique relativement élevée. Les opérations de chalutage, conduites par plus de 350 chalutiers sont pour la plupart illicites et s’opérent dans des faibles profondeurs (inférieure à 30 mètres). Elles utilisent des chaluts à maillage faible, armés de chaines au niveau de la ralingue inférieure. 10 Principales sources consultées : « Etat de la Bionomie Benthique des étages Infra et Circalittoral du Golfe de Gabès. Ben Mustapha, Hattour, Mhetli, El Abed & Tritar ; 1999. » ; « Impact du chalutage et des rejets industriels sur l’écosystème du golfe de Gabès. Hattour, Ben Mustapha, Chaouch & El Abed, INSTM ; 2003 » Par ailleurs, l'industrialisation de la région de Gabès est traduite par l'implantation, dans les années 70, à Ghannouch d'un complexe chimique en vue de transformer les phosphates de la Compagnie de Phosphate Gafsa. Ce complexe, visant la valorisation du minerai de phosphate, entraîne des rejets dans les eaux du golfe de Gabès. Ces rejets étant acides, riches en fluor et en certains métaux lourds tels que le plomb et le cadmium et contiennent une proportion importante de particules solides de phosphogypse. Ces deux activités ont sérieusement dégradé l’écosystème du golfe de Gabès avec notamment : L’enrichissement de l’eau en éléments phosphatés et azotés, engendrant des bloom phytoplanctonniques. L’élévation de la teneur de l’eau en matières en suspension engendrant l’opacification de l’eau de mer. L’Envasement du fond du golfe de Gabès. L’accumulation des métaux traces dans le sédiment et certainement dans les organismes marins. L’appauvrissement quantitatif et qualitatif de la diversité biologique du golfe de Gabès. La transformation de la vocation du golfe de Gabès en zone de pêche aux petits pélagiques. Les espèces benthiques ciblées par la profession sont exclusivement les crevettes et les seiches; les rejets des poissons juvéniles ont progressivement provoqué la désertification du golfe de Gabès en ressources ichthyques. La régression importante du couvert végétal, particulièrement les herbiers de posidonie, réduit à une frange littorale de très faible extension ne dépassant guère 10 mètres de profondeur. Les prairies de caulerpes qui normalement relayaient, en profondeur, les herbiers de posidonie jusqu’à 35-40 mètres, ont totalement disparu de ces fonds. Par ailleurs, des résultats et des conclusions préliminaires relatifs à la dégradation du couvert végétal et aux transformations du système marin dans cette région, ont été exposés depuis 199211. Les conclusions pertinentes relatives aux changements écosystèmiques du golfe de Gabès suite à une étude qui a visé un total de 143 stations prospectées par plongée en scaphandre autonome depuis 1988 sont résumées ci après. 11 Voir aussi: "Des récifs artificiels pour le golfe de Gabès", par Ben Mustapha K, Greenpeace Tunisia , 1993. pp.16.Rapport a diffusion limitée, « The gulf of Gabès, a case study of the mediterranean decline, Greenpeace International, Ben Mustapha, 1995). Ainsi la synthèse de la répartition de quelques espèces signalées, confirme le recul général que subit l’étage infralittoral dans cette région. Cet aperçu succinct de la bionomie benthique au golfe de Gabès nous a permis donc de mettre en évidence (i) La présence (qualitativement importante) d’espèces indicatrices de milieux instables (ii) La présence d’espèces sciaphiles à des profondeurs très faibles (ii) La remonté de la limite inférieure de l’étage infralittoral Il apparaît clairement que le milieu marin du golfe de Gabès est actuellement caractérisé par un ensemble de traits. Nous citons en particulier la disparition de surfaces importantes couvertes par la Posidonie, l’envasement de son herbier observé dans de nombreuses stations, la raréfaction des sites d’implantations de Cymodocea nodosa et la disparition presque totale de Caulerpa prolifera du golfe de Gabès d’une part, l’envasement généralisé de cette région et l’installation de fonds instables d’autres part. Cette situation a favorisé la mise en place de peuplements témoignant d’une régression de la limite inférieure de l’étage infralittoral et par conséquent une remonté de la limite supérieure de celle du circalittoral. Cette transformation de la physionomie du fond du golfe de Gabès a induit un changement de la bionomie benthique, avec une perte du couvert végétal originel de l’ordre de 90% conduisant à l’installation de biocénoses caractérisées par une faune et une flore de milieux envasés et dégradés, et par la multiplication de stations de biocénose du précoralligène dégradé. DISTRIBUTION DU MEGABENTHOS AU GOLFE DE GABES (132 espèces, 143 stations) Ascidies 10% Echinodermes 3% Crustacés 3% Végétaux 14% Spongiaires 26% Mollusques 27% Bryozoaires 7% Cnidaires Annelides 5% 5% Golfe de Gabès (D’après le document « Elaboration d’une étude de création d’aires marines protégées et de récifs artificiels. I. Golfe de Gabès ». Rapport d’étude (projet INSTM/MEAT) : 150 pp.) Dans ce projet pluridisciplinaire, tous les thèmes précédemment abordés sont intégrés ensemble dans l’analyse, ceci afin d’identifier et décrire les écosystèmes du golfe de Gabès. Il s’agit là d’un état de connaissance de l’habitat et ses caractéristiques (hydrologie, climatologie, sédimentologie, nature des fonds, sels nutritifs, activités anthropiques, pollution, perturbation diverses), et aussi des habitants (les espèces) et leurs caractéristiques (richesse spécifique, abondance, répartition, biologie, écologie, mécanismes trophiques, etc.). Ces deux compartiments indissociables des écosystèmes (habitat et habitants) forment des unités fonctionnelles, à l’intérieur desquelles les relations entre les différents éléments sont trop compliquées. Ce qui fait que la modification, même minime, d’un élément de l’écosystème peut provoquer un déséquilibre de l’ensemble. C’est ainsi que les actions anthropiques hâtives ou mal gérées aboutissent en général à la fragilisation des écosystèmes au niveau des côtes (nursery et nourriceries des biocoenoses) et peuvent même substituer des populations « sensibles aux perturbations » par d’autres plus « opportunistes ». De nombreux exemples au monde sont constatés, comme la diminution remarquable des stocks de la daurade grise, de la baleine, de l’anchois, du merlu, etc. sous l’effet abusif des chalutiers. Dans le golfe de Gabès, la production de la pêche a nettement regréssé ces dernières années, le stock des produits marins à intêret commercial a été affecté, comme celui des poissons démersaux (rouget, pagre, etc.). Un autre phénomène écologiquement très important affecte les eaux tunisiennes, il s’agit de l’entrée des espèces invasives dont certaines déséquilibrent le mileiu et peuvent affecter des communautés natives, comme la suprématie de la caulerpe Caulerpa taxipholia par rapport à la posidonie Posidonia oceanica et celle de la crevette royale Penaeus kerathurus par rapport à la crevette lessepsienne Trachypenaeus curvirostris (Bradai, 2000). Il ressort de ce présent rapport que plusieurs espèces sont menacées de disparition dans le golfe de Gabès. Si certaines de ces espèces ont un intêret commercial, comme la crevette royale ou les poissons démersaux, d’autres ont une grande importance écologique dans le maintient de la stabilité de l’écosystème, comme la posidonie. La conservation de tout le patrimoine biologique du golfe de Gabès est donc nécessaire. Dans ce sens, ce projet vient concrétiser les efforts déployés par la Tunisie dans le but de sauvegarder le patrimoine biologique pour assurer une gestion optimale des ressources marines. Les objectifs visés par ce projet peuvent être résumés essentiellement en trois points : 1- Etablissement d’un inventaire détaillé des espèces animales et végétales le long des côtes tunisiennes, essentiellement dans le périmètre de l’étude. Un rapport dans ce sens a été remis au MEAT courant le mois de juillet 2001. 2- Caractérisation spatio-temporelle de l’état de ces ressources et des activités anthropiques. Il s’agit là d’étudier les écosystèmes (espèces et habitats) ainsi que les différents facteurs succeptibles de jouer un rôle dans leur équilibre (surexploitation, pêche de juvéniles, techniques de pêche non appropriée, pollution, nuisances diverses). Dans ce présent rapport, les différents thèmes (chapitres) sont traités. Il s’agit des facteurs hydrologiques, de la pêche, des ressources biologiques, des indicateurs socio-économiques, etc. Parallèlement, une base de données (SIG) est créée, elle permet de gérer toutes ces données et surtout de suivre l’évolution temporelle des paramètres physiques, chimiques et biologiques de la zone étudiée. 3- Etude de scénarios d’aménagement de ces ressources par réglementation des activités anthropiques et limitation des sources de nuisance. Ce qui permettra de prendre des mesures de protection et de conservation dont l’efficacité sera suivie dans le temps (SIG). A la lumière des résultats discutés dans les différents thèmes de ce rapport et en tenant compte des espèces à protéger et des zones qui nécessitent des actions de conservation et de protection, des sites préférentiels pour l’implantation des récifs artifieciels sont définis. Cet aménagement doit tenir compte des points suivants : - L’emplacement des sites d’implantation des récifs artificiels se base bien évidemment sur la présence d’espèces à protéger. Pour sélectionner les espèces rares ou menacées de disparition, on a fait référence à la « liste de références des types d’habitats pour la sélection des sites à inclure dans les inventaires nationaux de sites naturels d’intérêt pour la conservation », tel que signalé par la 4ème réunion des points focaux nationaux pour les ASP (Tunis, 12-14 avril 1999) et validé par la réunion des points focaux nationaux du PAM (Athènes, 6-9 septembre 1999). - Le choix des sites d’emplacement des récifs artificiels tient compte des contraintes hydrologiques, géomorphologiques, sédimentologiques, etc. de la zone en question. Ces récifs artificiels sont préconisés pour augmenter la production d'une zone donnée (récifs d’enrichissement) ou la soustraire de l'action illicite de chalutage (récifs antichalutages). Pour plusieurs raisons, les structures récifales doivent être construites en béton. Leurs formes, dimensions et dispositions doivent être bien étudiées. - Les espèces à protéger dans chaque zone sont signalées. Ces zones, grâce à leur "effet réserve", contribueront au repeuplement en poissons et autres espèces marines des zones voisines ouvertes à la pêche. Golfe de Tunis (D’après le document « Elaboration d’une étude de création d’aires marines protégées et de récifs artificiels. II. Golfe de Tunis ». Rapport d’étude (projet INSTM/MEAT) : 157 pp.) Dans le présent document, nous avons récapitulé l’état de connaissance du golfe de Tunis sur les plans dynamique, biologique, sédimentologique et faunistique, en insistant sur les peuplements benthiques importants. Nous avons également mis l’accent sur les paramètres prépondérants dans le choix d’un site susceptible d’accueillir des récifs artificiels ou d’être classé Aire Marine Protégée (AMP). Même si la synthèse bibliographique a mis en évidence le manque de données notamment dynamiques et biologiques au niveau du golfe, quelques sites nous ont paru répondre à quelques-uns des critères qui les rendraient susceptibles d’être classé AMP ou encore de recevoir des récifs artificiels. Avant de présenter ces sites et les justifications de leur choix, il nous paraît opportun de présenter ci-après une description relative aux récifs artificiels et aux critères principaux qui justifient leur mise en place. 1. OBJECTIFS DES RECIFS ARTIFICIELS Les motivations d’implantation de récifs artificiels varient d’un pays à un autre et aussi d'un site à l'autre. A titre indicatif, aux Etats-Unis, les récifs artificiels sont le plus souvent dédiés à la pêche sportive et donc au tourisme. En Italie, c’est dans développement de la conchyliculture qu’est épuisée leur justification. Pour les Espagnols, c'est la protection des champs de posidonies, et par-là même de la pêche traditionnelle qui a impulsé leur installation. Cette même approche a guidé le choix de la Tunisie lors de l’installation des récifs dans le cadre d’une expérience pilote menée à l’ouest de l’île de Djerba en 1993. Enfin en France, les récifs artificiels sont mis en place par des collectivités locales, des associations ou des organismes de recherche, et chacun y poursuit des buts qui lui sont propres. 2. FONCTIONS 2.1. Pour le vivant La mise en place d'un récif artificiel revient à créer un nouvel habitat diversifié qui serait colonisé par des organismes qui n'étaient pas présents sur le site d’origine. 2.1.1. Nutrition L'immersion d'un substrat dur en milieu aquatique s'accompagne de sa colonisation par une grande quantité d'organismes benthiques sessiles végétaux et animaux qui vont favoriser le développement des différents maillons de la chaîne trophique au niveau du récif. La faune est surtout représentée par des organismes filtreurs (bivalves tels les moules ou les huîtres, éponges, etc.) qui trouvent leur subsistance dans les particules en suspension dans le milieu (plancton, déchets organiques, sels minéraux). Cette couverture est consommée par certains poissons qui en général vivent en étroite relation avec le récif. Ceux-ci servent de proies à d'autres poissons le plus souvent pélagiques et sans relation particulière avec le récif. 2.1.2. Protection Les espèces proies peuvent trouver refuge dans les nombreuses anfractuosités que présente un récif artificiel. Comme cela a pu être observé in situ, ces poissons à la moindre alerte pénètrent le récif ou se cachent dans les herbiers, en tous cas, ils fuient vers l’endroit (s) qui leur semble les plus sûr pour éviter toute prédation. 2.1.3. Aire de ponte et nurseries Les récifs naturels sont le lieu de ponte de nombreuses espèces. Cette ponte s'effectue le plus souvent dans les nurseries habituellement nombreuses dans la zone marine littorale (herbiers, corralligène, etc.). On peut espérer, bien que la preuve n'en ait pas été faite, que cette ponte a lieu aussi sur les récifs artificiels. A ce titre, des pontes de calamars ont été récemment observées à l’intérieur des grottes artificielles installées à Zembra pour des essais de coralliculture (Ben Mustapha, comm. pers). L'observation de juvéniles n'est pas une confirmation, mais constitue un début de preuve sérieuse (SATO, 1984). Si ce n'est pas un lieu de ponte, on peut au moins parler ici de nurseries, car au Japon, des dorades produites en écloseries sont relâchées en eau libre à proximité de récifs artificiels prévus pour les accueillir jusqu'à l'âge adulte (SIMARD, 1985). Des récifs guides les mènent vers le récif d'exploitation où la pêche doit avoir lieu, mais les problèmes de marquage ne permettent pas encore de connaître la véritable destination de ces poissons et donc de savoir s'il y a un réel bénéfice dans cette action. 2.2. Pour la pêche 2.2.1. Création de territoires de pêche Ce type d'aménagement est généralement destiné à augmenter la productivité en biomasse d'un site pauvre, et donc de rendre ce site propre à la pêche, on peut alors parler d’effet d’attraction qui aboutit en général à l’augmentation de la biomasse exploitable par la pêche (Méliane, 1998). Le rôle alors joué par les récifs artificiels est entre autre l'aménagement de nouveaux territoires de pêche situés dans les zones d’immersion. 2.2.2. Protection de territoires de pêche existants Les chaluts de fond et pélagique sont interdits dans la zone dite des 3 milles nautiques (bande de 3 milles qui longe la côte) du fait de la fragilité de cet écosystème qui ne peut supporter une trop grande exploitation puisqu’il héberge de nombreux juvéniles. Mais cette règle est parfois transgressée. Un récif artificiel représente un obstacle suffisamment dissuasif pour interdire la zone aux chalutiers qui risqueraient d'y perdre leur armement. Le rôle de protection que peuvent jouer les récifs artificiels entraîne actuellement une demande croissante de la part des professionnels en Méditerranée pour de tels dsipositifs. A cette fin, et parce que les récifs artificiels ne sont pas toujours à même de supporter les chocs répétés avec un chalut de fond, des dispositifs appelés "searocks" ont été mis au point qui eux sont en mesure d’arrêter un chalut en action de pêche (MOUTON, 1990). La perception du récif est une impression synthétique de tous les sens, et si on peut dégager un stimulus dominant, il n'est pas généralisable à toutes les espèces de poissons. La valeur de ce stimulus varie aussi en fonction de conditions particulières, comme la faim, le jour ou la nuit. 2.2.3. Fixation et nutrition La faune et la flore sessiles ont en général un cycle présentant un stade libre sous la forme de larves planctoniques ou de spores. C'est ainsi qu'ils peuvent coloniser de nouveaux sites tels les récifs artificiels. L'état de surface et la nature du substrat du récif conditionnent sa capacité de fixation. Mais les conditions d'érosion dues aux courants conditionnent eux la distribution de la couverture qui en résulte. La colonisation en organismes fixés sera favorisée dans les zones de calme ("ombres hydrodynamiques"). Cette faune et cette flore fixées constituent le premier maillon d'un réseau trophique, c'est la production primaire du récif. Il n'existe pas un type de réseau trophique marin, mais une multitude qui correspond aux différentes conditions que l'on peut rencontrer suivant la latitude, la bathymétrie locale, les conditions particulières de courants chauds ou froids, etc.. 2.2.4. Protection et aire de ponte La construction modulaire en béton telle qu'elle est le plus souvent réalisée dans les aménagements modernes permet d'adapter l'architecture au comportement des peuplements que l'on espère fixer ou créer. Ainsi on peut obtenir des cavités de dimension et de géométrie adaptées pour une espèce par l'observation du comportement dans le milieu naturel, que ce soit dans le but de la protection ou celle de la création de lieux de ponte. 2.3. Choix du site Dans le choix d’un site plusieurs paramètres sont pris en considération. Nous en citerons les plus significatifs. 2.3.1. Contexte biologique Le but d'un récif artificiel peut être de créer une nouvelle biomasse ou de la restaurer quand elle a subi une surexploitation. A Tabarca (Alicante, Espagne) on a vu les récifs artificiels comme un moyen de protéger un écosystème. Dans ce cas précis, la réserve naturelle crée en 1982 abrite un herbier de posidonies qui est l'espèce la plus représentative de l'écosystème littoral méditerranéen. En 1989, la création du récif a permis de protéger le site des incursions prohibées de chalutiers (RAMOS-ESPLA & BAYLE-SEMPERE, 1988). Les zones eutrophes peuvent être favorables à la colonisation par des organismes filtreurs. Ce fait a paru suffisamment intéressant en Italie pour des tentatives de développement de la conchyliculture (FABI & FIORENTINI, 1989). L'eutrophisation en milieu littoral se rencontre dans les zones alimentées en eaux continentales qui sont le principal apport en nutriments et sels minéraux du milieu marin. 2.3.2. Contexte physique. Vagues et courants Ils sont générés par de nombreux facteurs: pesanteur, mouvements de la croûte terrestre, vents, marées. Ce sont des facteurs importants d'érosion pour la couverture des récifs. Ils peuvent aussi déstabiliser l’ensemble des récifs. Mais les flux de matière qu'ils induisent sont aussi nécessaires à la vie du récif, c'est le mode principal d'échange de matière, bien que le mode biologique ait son importance. Ils apportent les sels minéraux et éléments nutritifs utilisés par les algues et les organismes filtreurs, renouvellent l'oxygène et évacuent les déchets. Profondeur La profondeur d'immersion détermine la nature du peuplement et la vitesse de colonisation. En effet, il existe une limite inférieure en deçà de laquelle les algues ne reçoivent plus suffisamment de lumière pour se développer, c'est la limite de la zone euphotique. Elle est due à l'absorption par l'eau du rayonnement lumineux. La vitesse et la puissance du courant diminuent généralement avec la profondeur (même si par endroit cette hypothèse n’est pas satisfaite), l'érosion est alors plus faible, accélérant le processus de colonisation. La nature du fond Le fond est en général sableux ou sablo-vaseux, puisque c'est le cas général des sites pauvres. On est alors confronté à plusieurs problèmes dont: L'affouillement Les courants forment un tourbillon en amont de l'obstacle qu'est le récif, creusant le substrat sur lequel il est posé. Cela peut aller jusqu'à une déstabilisation de la structure qui tombe alors dans ce trou et la répétition du phénomène entraîne sa disparition. L'ensablement Le substrat peut se trouver être tellement meuble que les structures s'enfoncent ou les dépôts de sédiments sont suffisamment importants pour ensevelir le récif. Mais des fonds rocheux, voire des récifs naturels peuvent faire l'objet d'un aménagement par des récifs artificiels. Pourtant dans certains cas, le fond, bien que rocheux est plat et sans aspérités, n'offrant pas d'abris pour la faune. Les japonais face à cette situation ont parfois utilisé une technique d'excavation à l'explosif afin de créer ces abris (THIERRY, 1989). La topologie La zone à aménager doit être en pente douce, et la carte bathymétrique ne doit pas montrer des lignes de niveau qui se referment sur elles-mêmes. 3. Ecologie. Toute surface vierge immergée, de consistance solide, est dans une première étape recouverte par des bactéries. Bien que peu visible, ce phénomène n'est pas simple, car plusieurs populations de bactéries s'y succèdent (CECCALDI, 1988). Les étapes suivantes concernent entre autre le macro-benthos, mais on ne peut que citer des exemples d'observation qui ne valent pas pour modèle, car il existe autant de schémas de colonisation que d'écosystèmes marins. Golfe de Hammamet (D’après le document « Elaboration d’une étude de création d’aires marines protégées et de récifs artificiels. III. Golfe de Hammamet ». Rapport d’étude (projet INSTM/MEAT) : 183 pp.) La méditerranée, qui renferme près de 8% de la biodiversité marine mondiale alors que sa superficie n’est que de 0,7% seulement des océans et mers du monde, se caractérise par des écosystèmes importants en termes d’écodiversité et de biodiversité marines. Ces habitats marins peuvent connaître des menaces plus ou moins accentuées suivant les régions géographiques et la promiscuité ou bien l’éloignement par rapport aux côtes. Ces menaces constituent souvent des altérations des systèmes marins littoraux (aménagement intensifs le long des lignes de côtes, chalutage, dragage, pollutions, dumping etc.) auxquelles il conviendrait d’ajouter le flux touristique excessif supporté par une étroite bande littorale. La distribution de cette biodiversité marine n’est pas homogène puisque 75% de la faune ichtyque, 40 % des invertébrés et presque 100% des végétaux marins multicellulaires se concentrent dans la tranche d’eaux comprise entre 0 et 50 m de profondeur. C’est à dire la zone littorale la plus importante en écodiversité puisque cette tranche d’eau correspond (en gros) à la zone de deux étages benthiques essentiels : l’infralittoral et le circalittoral ; en effet c’est dans ces étages que les deux biocénoses méditerranéennes les plus importantes se développent, l’herbier de posidonie et le coralligène. A elles seules, elles constituent les deux pools de biodiversité marine les plus importants de la mer Méditerranée. Les aires marines protégées représentent un outil de préservation de la biodiversité marine capable d’assurer en même temps un développement convenable des ressources marines. Ces zones permettent en effet de concilier la protection de ces ressources avec une utilisation rationnelle de l’environnement marin., puisqu’elles doivent en général : - préserver la biodiversité et les processus écologiques essentiels - assurer une exploitation rationnelle des écosystèmes - protéger la qualité de l’environnement - maintenir des zones vierges pour des objectifs de recherche, formation et éducation En outre, certaines zones peuvent (ou doivent) convenir à l’installation de récifs artificiels, que ce soit des récifs de production ou de protection d’habitats intéressants, en effet tout ajout de substrats colonisables sur le fond marin, constitue un changement topographique qui attire les organismes marins et augmente la productivité du système général à cet endroit. CRITERES ET INFORMATION Le choix des aires marine protégées et/ou celles qui bénéficieraient de récifs artificiels devrait se faire sur la base de critères sélectionnés. Ces critères seraient rédigées, théoriquement, selon une forme normalisée de manière à constituer un outil opérationnel dans le choix permettant à la fois d’assister la prise de décision et la surveillance ainsi que le suivi à long terme de ces AMP. Toutefois, ces formulaires requièrent une information détaillée et souvent complexe, notamment concernant les habitats et les espèces d’intérêts présents sur le site. Par ailleurs, et en plus de la complexité de l’information requise, se pose le problème de la disponibilité de cette information essentiellement celle permettant l’évaluation de l’importance du site. A titre d’exemple, nous pouvons disposer de l’information relative à la distribution générale de l’herbier de Posidonie au golfe de Hammamet, sans toutefois avoir des données détaillées sur sa phénologie dans des régions particulières ; comme c’est le cas aux bancs Korba et Mâamoura, de même que nous savons où se trouve le coralligène dans ce golfe mais nous aurons actuellement des problèmes pour quantifier cet habitat et le qualifier de manière satisfaisante. Pourtant, bien que l’information compilée dans le présent document ne peut pas être considérée comme étant exhaustive pour permettre un choix rigoureux de sites potentiels, il n’en demeure pas moins qu’elle présente l’avantage d’une part de nous orienter vers la possibilité d’un classement satisfaisant, et d’autre part de nous indiquer les thèmes de recherches futur sur lesquels l’effort devrait être axé en vue d’obtenir l’information complémentaire. PROPOSITION DE SITE POTENTIELS POUR UNE PROTECTION FUTUR Le golfe de Hammamet est caractérisé par l’existence d’un courant relativement fort et permanent, auquel s’ajouterait les courants littoraux ainsi qu’un signal de marée qui est certes assez faible mais conjugué aux courants générées par le vent, peut contribuer à une dynamique relativement intense. la signature nette du signal de la marée. En période estivale, les eaux du golfe serait régénérées par la veine d’origine atlantique, alors qu’en période hivernale, on signale l’existence d’un brassage vertical de ses eaux. Sa géomorphologie laisse voir une prédominance de substrats meubles ; bien que le substrat rocheux soit présent notamment dans la région nord du golfe, entre Korba et le cap Bon ainsi qu’aux prolongements des saillies (Caps). Dans la zone comprise entre 0 et 50 m, le substrat meuble est surtout marqué par la présence des sables. Néanmoins, ce substrat est aussi souvent composé par : - des débris coquilliers - des éléments grossiers (cas de Mâamoura) à assez grossiers (Kélibia ; Mâamoura et Hergla) - des d’algues calcaires concrétionnées (limite profonde de l’herbier, coralligène au large du littoral Mâamoura – Kélibia – Cap Bon, ainsi qu’au nord de l’île kuriat) La présence de ces éléments indique l’existence d’un fort courant de fond, dont les ripplemarks hauts de 30 à 35 cm (Kélibia, Kerkouène, Mâamoura, Kuriat) constituent une preuve visible qui vient conforter les constatations du paragraphe précédent. L’herbier de posidonie Comparativement aux autres régions géographiques de la Tunisie, la posidonie se développe assez bien au golfe de Hammamet, exception faite de la partie centrale du golfe. Cette phanérogame couvre des superficies importantes au nord du golfe (Mâamoura – bancs Korba et Mâamoura - Kélibia – Cap Bon) ainsi qu’au sud (Sousse, Monastir, Kuriat) et s’étend presque sans interruptions importantes, vers le platier des îles Kerkennah. Dans la région comprise entre Mâamoura et Kélibia, l’estimation relative à l’aire couverte fait état de 97 km², dont 77,5% des herbiers observés étaient de type 3, c’est à dire une posidonie dont le recouvrement dépasse 90% et qui poussent à partir de rhizomes orthotropes sur des mattes bien formées. Par ailleurs et comme cela a été vérifié par plusieurs observations, cet herbier se continue sans discontinuité importante jusqu’au port de pêche de Haouaria, c’est à dire sur prés de 20 km de linéaire au nord du Ras Mostpha (nord de la zone d’étude). Sa limite profonde, qui peut varier entre 23 et 35 m de profondeur, cède la place à un beau coralligène installé sur sédiment meuble. La présence d’un coralligène de plateau riche et diversifié (Bancs de Mammoura et de Korba) n’est pas chose rare. Plus au sud, l’herbier dont l’étendue peut être considérée comme exceptionnelle (Sousse, Monastir, Kuriat et le platier de Kerkennah) est confronté à plusieurs pressions, dont celle (potentielle) de la présence de Caulerpa taxifolia sur des étendues relativement importantes dans le polygone Sousse Monastir Kuriat. Le coralligène : Cette biocénose, dont l’étude approfondie devrait figurer parmi les priorités de la recherche traitant de la biodiversité marine en Tunisie, reste donc quelque peu méconnue. Pourtant sa présence, non seulement au delà de la limite profonde de l’herbier, c’est à dire audelà de 30 m (herbier de Mâamoura –Kélibia – Cap Bon ; Bancs Mâamoura Korba ; Nord Kuriat) mais aussi sur détritique côtier (Nord Kuriat) ou sur fonds rocheux (Kélibia) constitue autant d’indices de la richesse de la diversité écologique et biologique de ces régions. ACTIVITE DE PECHE D’après les données compilées et analysées dans le présent travail relatifs à l’activité de la pêche dans cette région de la Tunisie nous pouvons constater qu’elle est essentiellement caractérisée (notamment en termes de valeur de la production, du nombre d’unités et de la population maritime), par la pêche côtière, y compris la pêche au feu, dont les unités concentrent leurs actions soit sur les bancs, soit sur la zone de l’herbier et ses régions côtières avoisinantes ou bien dans certains cas la ou le coralligène de plateau est bien dense. La pêche côtière au golfe de Hammamet est pratiquée dans les zones littorales situées en deçà de l’isobathe – 50 m en général (page 165), la ou la création d’aires marines protégés notamment dans la région Sousse Monastir ou le rendement de cette pêche est relativement faible, assurerait une protection des juvéniles de poissons. Ce facteur permettrait alors une augmentation probable de la production, notamment en minimisant les coûts inhérents à la destruction des engins côtiers quand ils opèrent en mer ouverte (page 174). D’autant plus que les données de chalutage expérimental benthique, permettent de conclure que la région considérée dans cette étude constitue une zone de frai pour la majorité des espèces de poissons benthiques et pélagiques, et que sa frange littorale est une nurserie pour ces juvéniles de poissons. Par ailleurs les auteurs constatent à la page 79 que « les résultats d’évaluation des principales espèces benthiques dans la région Est montrent que les chalutiers agissent principalement sur les juvéniles et en partie sur les adultes, alors que le profil d’exploitation des engins de pêches côtiers est orienté vers les individus matures ayant pondu au moins une fois dans leur vie » Ceci revient à dire que il y’a intérêt à conserver les aires de pêches de la flottille de pêche côtière étant donné que son exploitation du milieu marin mieux est mieux orientée que celle de la pêche au chalut dans cette zone ; en outre les auteurs appellent à la non utilisation de chalut crevettiers sur les régions d’herbiers. Par ailleurs, les juvéniles des poissons petits pélagiques se concentrent essentiellement dans les zones des bancs de Korba et Mâamoura ; étant donné l’importance socio-économique de cette activité dans cette région, il conviendrait de retenir ces zones lors du choix d’aires marines protegées.