
pourrait enfin demeurer satisfait et paisible, et jouir à l’idée du bonheur et de la
tranquillité de sa situation ». « L’idée lointaine de cette félicité l’enchante », c’est
pourquoi il décide de se consacrer « à jamais à la poursuite de la richesse et de la
grandeur. Mais « pour obtenir les commodités qu’offrent ces dernières, il s’oblige… à
plus de fatigues et de soucis que l’absence de ces commodités aurait pu lui causer
toute sa vie durant. » Il doit de se distinguer de ses rivaux par des talents
exceptionnels et s’oblige pour cela à une « industrie acharnée », travaillant « jour et
nuit …Toute sa vie durant, il poursuit l’idée d’un repos factice et élégant qu’il ne
connaitra peut être jamais, à laquelle il sacrifie une quiétude réelle toujours à sa
portée et qui, si jamais il l’atteint à la toute fin de sa vie, ne lui paraitra en rien
préférable à l’humble tranquillité et au contentement qu’il a abandonnés ». Ce n’est
qu’à l’aube de la mort, « le corps épuisé… et l’esprit humilié » qu’il comprend enfin,
dans un éclair de lucidité, que la richesse et la grandeur ne sont que « des bibelots
d’utilité frivole » inaptes à satisfaire notre bonheur, c’est à dire le bien être du corps
et la tranquillité de l’esprit.… Lorsque nous observons « les palais, les jardins,
l’équipage, la suite des grands », « l’évidente commodité » de ces objets ne peut
manquer de nous frapper. C’est pourquoi « nous entrons aisément dans le sentiment
de cette utilité, nous jouissons par sympathie de la satisfaction qu’ils sont propres à
leur offrir, et nous applaudissons. » En revanche, « la curiosité d’un cure-dent…n’a
rien d’aussi manifeste…Il est donc moins raisonnable d’en faire des sujets de vanité
que ce n’est le cas pour la magnificence de la richesse et de la grandeur. » Ainsi, si
nous admirons tant la condition des riches et des grands « ce n’est pas à cause du bien
être ou du plaisir plus grands dont ils sont supposés jouir », mais en raison « des
innombrables arrangements artificiels et élégants qui procurent ce bien être ou ce plaisir. » En
d’autres termes, nous n’imaginons pas que les riches et les grands sont plus heureux
mais qu’ils ont plus de moyens de l’être. Encore une fois, ce n’est que dans « la
langueur de la maladie » et « la lassitude de la vieillesse » que nous prenons
conscience de la futilité des objets de notre ambition et de l’absence de satisfaction
réelle que leur possession nous amène. La puissance et la richesse nous apparaissent
alors « telles qu’elles sont, d’énormes machines compliquées composées des ressorts
les plus fins et les plus délicats, inventées afin de produire quelques commodités