Evelyne Rogue, Tice et T20
FICHE NOTION :
INTERET
Travail conceptuel :
INTÉRÊT
(n. m.) ÉTYM.: latin interest, de interesse, "importer" (au sens de "ce qui importe"). SENS
ORDINAIRES: 1. Préjudice, tort; indemnicorrespondante ("dommages et intérêts"). 2. Somme
due, en plus du capital prêté, à un prêteur ("prêt à intérêt"). 3. Ce qui convient à quelqu'un; ce qui
correspond à ses besoins ou à ses désirs. 4. (Péjoratif): recherche d'avantages personnels,
attachement égoïste à ce qui est propre à soi. PHILOSOPHIE: ce qui est utile à l'individu, à un
groupe, ou à l'humanité toute entière. CHEZ KANT: un intérêt est "ce par quoi la raison devient
pratique, c'est-à-dire devient une cause déterminant la volonté" (Fondement pour la
métaphysique des moeurs.
Le langage familier a tendance à confondre les différents sens du mot intérêt, la dernière
interprétation (péjorative) pouvant retentir sur les précédentes: on dit d'une personne honnête
qu'elle est "désintéressée", tandis qu'une personne "intéressée" est jugée égoïste et sournoise.
Pourtant l'intérêt est une notion neutre. Il est naturel, et même raisonnable, de la part de chacun
d'entre nous, aussi bien que d'une société, de poursuivre ou de préserver ses intérêts. C'est ainsi
que Kant peut parler de l'"intérêt moral" (on peut, écrit-il, "prendre intérêt à une chose", sans pour
autant "agir par intérêt"). La philosophie utilitariste* repose tout entière sur l'idée que la recherche
de l'intérêt bien compris peut constituer le fondement d'une société équitable et tempérée. De
fait, et a contrario, les hommes passionnés, ou fanatiques, perdent de vue momentanément,
voire parfois définitivement, leurs véritables intérêts. Ils deviennent donc "désintéressés" (en un
sens inhabituel), comme le furent, par exemple, certains partisans d'Hitler; mais ce type de
"désintéressement" n'est plus qu'une forme effarante de nihilisme* (cf. à ce propos, H. Arendt*,
Le Système totalitaire, Seuil, 1972, et A. Hirschuran, Les Passions et les intérêts, PUF, 1980).
TERME VOISIN: utile. TERME OPPOSÉ: désintérêt. CORRÉLATS: morale; passions;
utilitarisme; vertu.
(SOURCE : La philosophie de A à Z, E. Clément, C. Demonque, L. Hansen-Love, P. Khan sous la
direction de L. Hansen-Love avec la collaboration de M. Delattre, M. Foessel, F. Gros, B. Han
Fabien Lamouche, D. Ottavi, M. Pardo, J. Santoret, F. Sebbah, © Hatier, Paris, avril 2000, ISBN:
2-218-74619-0)
Intérêt : Ce qui importe réellement à un agent déterminé; ce qui lui est avantageux, qu'il le sache
ou non.
L'intérêt général est proprement l'ensemble des intérêts communs aux différents
individus qui composent une société.
L'intérêt public l'ensemble des intérêts de cette société en tant que telle.
Ces deux expressions sont très souvent confondues, mais à tort: on ne peut
identifier a priori ces eux concepts, à moins de postuler que la société n'est rien de plus que la
juxtaposition des êtres qui la composent.
L'intérêt commun : Pour Bentham (Introduction aux principes de la morale et de la
législation, 1789), les hommes ne se proposent d'autres fins que la satisfaction
calculée de leurs intérêts D'où ce principe sur lequel doit reposer l'action du
législateur: chercher l'utilité, c'est-à-dire "le plus grand bonheur du plus grand nombre
d'individus". l'intérêt commun, c'est la somme algébrique des intérêts des individus: il n'y a
pas d'intérêt de l'État que tel. Dès lors, le conflits d'intérêts peuvent être réglés par le calcul,
et les scènes morales et politiques sont redéfinies comme "arithmétique des plaisirs".
La réalisation de l'intérêt commun bute sur un paradoxe. Quoiqu'il figure dans
l'intérêt de chacun, il n peut pas être abandonné aux initiatives spontanées de chacun.
Des contraintes techniques et politiques s'y opposent. Une contrainte technique
s'impose à la défense qui, pour être efficace, suppose la concentration de toute la puissance
dont la politique est susceptible. la définition des règles du jeu se heurte à la multiplicité
des règle possibles et à l'improbabilité de l'unanimité, alors que l'exécution des lois
et la sanction des contrevenants repose sut une action commune, puisqu'elles
font intervenir la puissance, que seuls les citoyens en corps ou leurs délégués sous
surveillance, peuvent administrer. En un mot, l'intérêt commun doit être alisé en commun, soit
directement soit par le truchement de délégués. Comme les matières dont l'intérêt
commun est fait sont d'un incertitude extrême, il faut leur appliquer un prudence
extrême. pour ce faire, il faut organiser un espace social commun, o les diverses
interprétations de l'intérêt commun puisent s'affronter en des argumentations
pacifiques, c'est-à-dire oratoires, de manière à persuader les citoyens que telle interprétation
est la meilleure ou I moins mauvaise, à qui ils se confieront à toute temporaire, circonscrit et
réversible. Ainsi l'intérêt commun est l'objet de concours dialectiques et
rhétoriques, au sens aristotélicien, avant de devenir l'objectif concret d'actions spécifiques.
Etudes de textes :
DOCUMENT 1 :
Rousseau estime que la démocratie n’est pas viable dès lors que le peuple délègue sa souveraineté
(il vise ici le régime parlementaire anglais):
“Sitôt que quelqu’un dit des affaires de l’État Que m’importe? on doit compter que l’État est perdu.
L’attiédissement de l’amour de la patrie, l’activité de l’intérêt privé, l’immensité des États, les
conquêtes, l’abus du gouvernement ont fait imaginer la voie des députés ou représentants du peuple
dans les assemblées de la nation. C’est ce qu’en certains pays on ose appeler le tiers État. Ainsi
l’intérêt particulier de deux ordres est mis au premier et au second rang, l’intérêt public n’est qu’au
troisième.
La souveraineté ne peut être représentée, par la même raison qu’elle ne peut être aliénée; elle
consiste essentiellement dans la volonté générale, et la volonté ne se représente point elle et la même,
ou elle est autre; il n’y a point de milieu Les députés du peuple ne sont donc ni ne peuvent être ses
représentants, ils ne sont que ses commissaires; ils ne peuvent rien conclure définitivement. Toute loi
que le peuple en personne n’a pas ratifiée est’ nulle; ce n’est point une loi. Le peuple anglais pense
être libre; il se trompe fort, il ne l’est que durant l’élection des membres du parlement; sitôt qu’ils sont
élus, il est esclave, il n’est rien. Dans les courts moments de sa liberté, l’usage qu’il en fait mérite bien
qu’il la perde”.
Du contrat social III, 15
DOCUMENT 2 :
« La philosophie critique s'oppose à la fois au dogmatisme et au scepticisme." Si la science prétend
satisfaire au besoin d'absolu
Je ne saurais donc admettre Dieu, la liberté et l'immortalité selon le besoin qu'en a ma raison dans
son usage pratique nécessaire, sans repousser en même temps les prétentions de la raison pure à
des vues transcendantes, car, pour atteindre à ces vues, il lui faut se servir de principes qui ne
s'étendent en réalité qu'à des objets de l'expérience possible et qui, si on les applique à une chose qui
ne peut être objet d'une expérience, la transforment réellement et toujours en phénomène, et
déclarent ainsi impossible toute extension pratique de la raison pure. J'ai donc supprimer le savoir
pour lui substituer la croyance. Le dogmatisme de la métaphysique, ce préjugé qui consiste à vouloir
avancer dans cette science sans commencer par une critique de la raison pure, voilà la véritable
source de toute cette incrédulité qui s'oppose à la morale, et qui elle-même est toujours très
dogmatique. (...)
Si (...) cette remarquable disposition naturelle à tout homme, qui fait que rien de temporel ne saurait le
satisfaire (parce que ne suffisant pas aux besoins de sa destinée complète), peut seule faire naître
l'espérance d'une vie future; si (...) la claire représentation de nos devoirs, en opposition à toutes les
exigences de nos penchants, nous donne seule la conscience de notre liberté ; si (...) l'ordre
magnifique, la beauté et la prévoyance qui éclatent de toutes parts dans la nature sont seuls capables
de produire la croyance en un sage et puissant auteur du monde, et une conviction fondée sur des
principes rationnels et susceptible de pénétrer dans le public ; alors seulement le domaine de la raison
demeure intact, mais elle gagne en considération par cela seul qu'elle instruit les écoles à ne plus
prétendre, sur une question qui touche à l'intérêt général de l'humanité, à des vues plus élevées et
plus étendues que celles auxquelles peut facilement arriver le grand nombre (lequel est parfaitement
digne de notre estime), et à se borner ainsi à la culture de ces preuves que tout le monde peut
comprendre et qui suffisent au point de vue moral. (...) La critique peut seule couper les racines du
matérialisme, du fatalisme, de l'athéisme, de l'incrédulité des esprits forts, du fanatisme et de la
superstition, ces fléaux qui peuvent devenir nuisibles à tous, comme aussi de l'idéalisme et du
scepticisme, qui [du moins] ne sont guère dangereux qu'aux écoles et pénètrent difficilement dans le
public. Si les gouvernements jugeaient à propos de se mêler des affaires des savants, ils feraient
beaucoup plus sagement, dans leur sollicitude pour les sciences aussi bien que pour les hommes, de
favoriser la liberté d'une critique qui seule est capable d'établir sur une base solide les travaux de la
raison, que de soutenir le ridicule despotisme des écoles, toujours prêtes à dénoncer à grands cris un
danger public, quand on déchire leurs toiles d'araignée, dont le public n'a jamais entendu parler et
dont il ne peut pas même, par conséquent, sentir la perte. "
Kant, Critique de la raison pure, Préface de la 2nde édition.
DOCUMENT 3 :
Discours de Calliclès le sophiste : La force est ce qui doit servir de loi.
" - Calliclès : En effet, dans l'ordre de la nature, le plus vilain est aussi le plus mauvais : c'est subir
l'injustice ; en revanche, selon la loi, le plus laid, c'est la commettre. L'homme qui se trouve dans la
situation de devoir subir l'injustice n'est pas un homme, c'est un esclave, à qui la mort est plus
avantageuse que la vie, et qui, contre l'injustice et les mauvais traitements, est sans défense à la fois
pour lui-même et pour ceux qu'il aime. La loi, au contraire, est faite par les faibles et par le grand
nombre. C'est donc par rapport à eux-mêmes et en vue de leur intérêt personnel qu'ils font la loi et
qu'ils décident de l'éloge et du blâme. Pour effrayer les plus forts, les plus capables de l'emporter sur
eux, et pour les empêcher de l'emporter en effet, ils racontent que toute supériorité est laide et injuste,
et que l'injustice consiste essentiellement à vouloir s'élever au-dessus des autres : quant à eux, il leur
suffit, j'imagine, d'être au niveau des autres, sans les valoir.
Voilà pourquoi la loi déclare injuste et laide toute tentative pour passer le niveau commun, et c'est
cela qu'on appelle l'injustice. Mais la nature elle-même, d'après moi, nous prouve qu'en bonne justice
celui qui vaut plus doit l'emporter sur celui qui vaut moins, le capable sur l'incapable. Elle nous montre
partout, chez les animaux et chez l'homme, dans les cités et les familles, qu'il en est bien ainsi, que la
marque du juste, c'est la domination du puissant sur le faible et sa supériorité admise. De quel droit,
en effet, Xerxès vint-il porter la guerre dans la Grèce, ou son père chez les Scythes ? et combien de
cas semblables on pourrait citer ? Mais tous ces gens-là agissent, à mon avis, selon la vraie nature du
droit, et, par Zeus, selon la loi de la nature, bien que ce soit peut-être contraire à celle que nous
établissons, nous, et selon laquelle nous façonnons les meilleurs et les plus vigoureux d'entre nous,
les prenant en bas âge, comme des lionceaux, pour nous les asservir à force d'incantations et de
momeries, en leur disant qu'il ne faut pas avoir plus que les autres et qu'en cela consiste le juste et le
beau. Mais qu'il se rencontre un homme assez heureusement doué pour secouer, briser, rejeter
toutes ces chaînes, je suis sûr que, foulant aux pieds nos écrits, nos sortilèges, nos incantations, nos
lois toutes contraires à la nature, il se révolterait, se dresserait en maître devant nous, lui qui était
notre esclave, et qu'alors brillerait de tout son éclat le droit de la nature. "
Platon, Gorgias, 483 a-484 a.
DOCUMENT 4 :
« La passion est tenue pour une chose qui n’est pas bonne, qui est plus ou moins mauvaise :
l’homme ne doit pas voir de passions.
Mais passion n’est pas tout à fait le mot qui convient pour ce que je veux désigner ici. Pour moi,
l’activité humaine en général dérive d’intérêts particuliers, de fins spéciales ou, si l’on veut, d’intentions
égoïstes, en ce sens que l’homme met toute l’énergie de son vouloir et de son caractère au service de
ces buts, en leur sacrifiant tout ce qui pourrait être un autre but, ou plutôt en leur sacrifiant tout le reste.
(…)
Nous disons donc que rien ne s’est fait sans être soutenu par l’intérêt de ceux qui y ont
collaboré. Cet intérêt, nous l’appelons passion lorsque, refoulant tous les autres intérêts ou buts,
l’individualité tout entière se projette sur un objectif avec toutes les fibres intérieures de son vouloir et
concentre dans ce but ses forces et tous ses besoins. En ce sens, nous devons dire que rien de grand
ne s’est accompli dans le monde sans passion. »
Hegel, La raison dans l’histoire
DOCUMENT 5 :
La volonté générale doit s'imposer aux volontés particulières
" Chaque individu peut comme homme avoir une volonté particulière contraire ou dissemblable a la
volonté générale qu'il a comme citoyen. Son intérêt particulier peut lui parler tout autrement que
l'intérêt commun ; son existence absolue et naturellement indépendante peut lui faire envisager ce
qu'il doit à la cause commune comme une contribution gratuite, dont la perte sera moins nuisible aux
autres que le payement n'en est onéreux pour lui, et regardant la personne morale qui constitue l'Etat
comme un être de raison parce que ce n'est pas un homme, il jouira des droits du citoyen sans vouloir
remplir les devoirs du sujet ; injustice dont le progrès causerait la ruine du corps politique.
Afin donc que le pacte social ne soit pas un vain formulaire, il renferme tacitement cet engagement qui
seul peut donner de la force aux autres, que quiconque refusera d'obéir à la volonté générale y sera
contraint par tout le corps : ce qui ne signifie autre chose sinon qu'on le forcera d'être libre ; car telle
est la condition qui, donnant chaque citoyen à la patrie, le garantit de toute dépendance personnelle ;
condition qui fait l'artifice et le jeu de la machine politique, et qui seule rend légitimes les engagements
civils, lesquels sans cela seraient absurdes, tyranniques et sujets aux plus énormes abus. "
Rousseau, Du Contrat social, Livre I, chap. 7.
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