Plusieurs questions font alors l’objet d’un débat à la suite des réactions des ‘discutants’ à ces
trois interventions liminaires.
A Guy Carassus pour qui un autre type de développement doit avoir pour visée
l’émancipation humaine et le développement de la personne comme une fin en soi et qui
propose comme mesure de ce développement, le temps libre, Nasser Mansouri objecte que la
question du temps libre ne peut être dissociée de celle du contenu du travail et de
l’organisation du travail permettant l’épanouissement humain, et doute que l’on puisse
considérer comme émancipateur le temps libre des chômeurs ou celui passé dans les
transports. Pour Frédéric Le Baron également, le temps libre ne peut être le seul indicateur de
bien-être. On doit aussi par exemple retenir comme indicateur, l’accès aux organisations
politiques, aux structures associatives, à la culture et à ses différentes formes…tandis que
Gérard Mordillat nous invite à relire ‘le droit à la paresse’ de Paul Lafargue.
Ivelyne Nicholas soulève la question de la croissance économique illimitée, qui a été
privilégiée comme indicateur de progrès depuis les années 50 alors que la question des limites
des ressources était déjà présente chez les néo-classiques. Pour elle, à l’opposé du New Deal
vert que le capitalisme tente d’imposer comme sortie de crise, il faut , au contraire, débattre
de la décroissance. Mais pour Aurélie Trouvé, si on veut réduire les inégalités, on ne peut
remettre en cause la croissance. Ce qu’il faut, c’est ne pas considérer la question écologique
comme un appendice de la question sociale, mais articuler la question écologique, la question
sociale et celle de la démocratie, le développement économique n’étant qu’un outil. Nasser
Mansouri est, lui aussi, en total désaccord avec la notion même de décroissance quand 50 %
de la population mondiale dispose de moins de 2 euros par jour pour vivre. Un nouveau type
de développement suppose que les individus puissent manger à leur faim, vivre dans des
logements décents… et l’avenir ne peut reposer sur le seul développement des services à la
personne. Il défend un impératif de solidarité, un rassemblement autour d’une vision
stratégique et une planification démocratique (un accord sur les orientations politiques pour
les 5 prochaines années). Pour Frédéric Le Baron , enfin, il s’agit surtout de ne pas
s’enfermer dans des débats sur ‘croissance/décroissance’, mais d’arbitrer politiquement sur ce
que nous voulons voir décroître : l’espérance de vie ? les inégalités ?..et Alain Hayot
suggèrera la lecture du dernier livre d’Edgar Morin pour qui il faut bien une croissance de ce
que l’on veut développer, en fonction de la finalité que l’on veut donner au développement
humain.
Alors que Ivelyne Nicholas dénonce l’accaparement des terres agricoles latino-américaines
pour la consommation de viande par les pays développés, avec l’impact négatif de ce mode de
consommation sur l’environnement, Aurélie Trouvé, elle, refuse la responsabilité
individuelle des consommateurs de viande dans la crise écologique. C’est le capitalisme
financier mondialisé, qui, en tant que système porte la responsabilité de la crise écologique.
C’est l’OMC qui, en favorisant des importations massives de soja en provenance d’Amérique
latine, pour faire baisser le coût de production de la viande, a contribué à l’accroissement de
la consommation en viandes. Ce qu’il faut, ce n’est donc pas culpabiliser les consommateurs
mais plus de régulation étatique. Nasser Mansouri partage ce point de vue. Ce qu’il faut c’est
changer le système en partant des intérêts communs à tous les travailleurs, mais aussi à tous
les habitants de la planète
A Gérard Mordillat qui conteste l’analyse d’Aurélie Trouvé d’une population agricole qui
serait le grand témoin des dégâts du capitalisme, alors que, selon lui, la grande majorité des
agriculteurs est plutôt complice du capitalisme industriel en adhérant massivement à
l’économie de marché, Aurélie répond que si les agriculteurs sont effectivement