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Éphésiens 1.3-14
3
Béni soit le Dieu eta Père de notre Seigneur Jésus-Christb,
qui nous a bénis, dec toute bénédiction spirituelle dans les lieux célestes end
Christ, 4
en ce qu’il nous a choisis ene lui avant la fondation du monde pour être
saints et irréprochablesf devant lui en amour,
5
nous ayant prédestinés à l’adoption filialeg, par Jésus Christ,
vers Lui,
selon le bon plaisir de sa volonté,
6
pour la louange de la gloire de sa
h
grâce ,
donti il nous a gratifiée par son Bien-Aiméj.
7
En luik, nous avons le rachatl par son sang, la rémission des fautes
selon l’abondancem de sa grâce, 8 qu’il a fait abonder sur nous en
toute sagesse et intelligence,
9
nous ayant fait connaîtren le mystère de sa volonté,
selon sona bon plaisir qu’il s’est proposé en lui-mêmeb
Certains traduisent : « le Dieu, Père… » (LSG, TOB, BFC…) i.e. « le Dieu, [qui est] aussi
Père ». C’est peu probable du point de vue syntaxique (cf. Abel §29 e, Wallace : 274) et
contextuel (cf. 1.17). Dans deux autres passages significatifs (Tit. 2.13, 2Pi 1.1) présentant
la même construction syntaxique (deux substantifs reliés par un kai, le premier étant pourvu
de l’article, et le second en étant dépourvu : construction réputée désigner une seule
personne), TOB et BFC respectent cette fois-ci la règle (Sharp, Granville & Wallace),
tandis que LSG change subitement de méthode de traduction.
b
Doxologie fréquente : Rom. 15.6; 2 Cor. 1.3, 11.31; Col. 1.3 ; 1 Pi. 1.3.
c
Litt. « en ».
d
Ou peut-être « par ». Dans tout le passage 1.3-14, il est difficile de déterminer le sens
instrumental ou non de l’expression ἐν + datif ; cela devient théologie.
e
Litt. « en ».
f
ἁγίους καὶ ἀμώμους : même expression en Col. 1.22.
g
Ou : l’adoption en tant que fils.
h
C’est-à-dire « pour la glorieuse louange de sa gloire ». Cette concaténation de génitifs,
classique en grec, est courante chez Paul (cf. Robertson : 503, BDF §168.2).
i
ἧς : attraction du cas de l’antécédent, comme au v.8, mais à la différence du v. 9.
j
Dans le NT, ce n’est pas en tant que tel un titre du Christ, mais des termes similaires le
désignent ainsi, et la tradition patristique a suivi ce mouvement (cf. Col. 1.13, Mt 3.17,
12.18, 17.15, Mc 9.7, Lc 3.22, 9.35 ; Ep. de Barn. 3.4, etc.).
k
Tout le passage est étroitement parallèle à Col. 1.14. Ici le sujet passage de Dieu à Jésus,
comme l’indique l’indentation. On pourrait traduire : « en ce dernier ».
l
Ou : libération, rémission des péchés. L’apposition qui suit est une périphrase de même
sens.
m
Ou : richesse. Toutefois le verbe qui suit incite à préférer la quantité à la valeur (sans
mutuelle exclusion, naturellement).
n
Ou peut-être nous faisant connaître. En principe, un participe aoriste décrit une action
antérieure à celle du verbe principal (ici ἐξελέξατο). Cependant, quand le participe est relié
à un verbe qui est aussi à l’aoriste, son action peut être contemporaine ou simultanée à celle
du verbe principal (cf. Wallace : 624-625, Burton §139). D’ailleurs, quelques manuscrits
(F, G et la tradition latine) portent γνωρίσαι.
a
1
10
en vue de la gestion de la plénitudec des temps :
récapitulerd toutes choses dans le Christ,
celles qui sont dans les cieux
et celles qui sont sur la terree
en lui
11
En luif nous avons aussi été désignés comme héritiersg,
prévus à l’avance selon le projeth de celui qui réalise toutes choses selon la
décisioni de sa volonté 12 en vue d’être les premiers à espérer dans le Christ.
13
En lui, vous aussi,
après avoir entendu la parole de la véritéj,
l’évangile de votre salut,
en lui,
après avoir aussi placé votre foi,
vous avez été scellésa parb l’Esprit Saint de la promessec, qui
constitue les arrhesd de notre héritage
a
Ou : « le » pour ne pas faire redondance.
Le verbe qui précède est au moyen : Dieu s’est proposé [pour lui-même] ; non qu’il tire un
bénéfice quelconque à avoir des adorateurs, mais c’est sa bienveillance qui lui fait former
son Dessein. Une citation de Tertullien, ainsi qu’un manuscrit du IXe s. portent εν εαυτω,
« en Lui-même ».
c
i.e. « l’accomplissement ». Cf. Ga. 4.4 : τὸ πλήρωμα τοῦ χρόνου.
d
Ou : réunir. C’est-à-dire : mettre tout sous le même joug (étym. la même tête).
e
Il y a plusieurs façons de ponctuer la fin de cette phrase : 1. en faisant précéder εν d’une
virgule (von Soden), d’un point-en-haut (Tischendorf) ou d’aucun signe (comme ici).
Quelques rares manuscrits (et une correction de seconde main) portent τε εν, 2. en le faisant
suivre d’un point (NA26-27) ou d’une virgule (Tischendorf, von Soden). Plusieurs éditions
placent en outre l’expression ἐν αὐτῷ au verset 11 (Westcott et Hort, Texte Reçu). Pour le
sens, la solution la plus logique nous semble de faire précéder ἐν αὐτῷ d’un point-en-haut
(voire d’une virgule) et de le faire suivre par une virgule ou par aucun signe, et de la placer
en tête du verset 11, ce qui donnerait : en lui, en qui aussi… C’est d’autant plus évident que
tout le passage d’Ep. 1.3-14 ne constitue qu’une seule entité structurelle, une seule phrase
(cf. Margot 1979 : 213-214, de Waard & Nida 2003 : 116-117). Il n’y a donc pas de
coupure véritablement justifiable.
f
Il est difficile de traduire le texte tel que ponctué par NA26-27 (la majuscule initiale du
verset 11 est non moins douteuse que le point du verset 10). Ἐν ᾧ signifie « En qui ». En
français, une phrase ne peut commencer ainsi, et en grec la phrase ne commence réellement
pas ainsi (puisque tout 1.3-14 ne fait qu’une seule ‘phrase’).
g
ἐκληρώθημεν (lectio difficilior) : aoriste passif 1MP de κληρόω (hapax legomenon)
désigner par le sort (Carrez : 142, Bailly : 1101, II, BDAG : 548, cf. lat. sorte vocati
sumus). Cela ne fait aucun sens dans la théologie paulinienne (Rm 8.17, Ga 3.29, 4.7, Col
1.12) et biblique en général (cf. Nb 18.20, Dt 3.18, Ps 16.5, Ac 26.18). Il faut préférer
l’autre sens connu : désigner pour héritier (Bailly : 1101, III), attribuer (LSJ : 960), et au
passif être choisi, désigné (DBL ad loc., TDNT III : 764). La notion d’héritage est
clairement explicitée au verset 14 et dans le passage parallèle de Col. 1.12.
h
Notons l’emplois des termes faisant assonance : προορίσας (prédestinés) προέθετο
(proposé), προορισθέντες (prévus…), πρόθεσιν (projet), προηλπικότας (premiers…).
i
Ou : « l’arrêt », « l’avis ».
j
τὸν λόγον τῆς ἀληθείας : on trouve l’expression λόγον ἀληθείας sans article en Ps.
118.43 et chez un certain nombre d’auteurs profanes (26 occ. dans le TLG). Ici il faut donc
traduire la parole de la vérité (voire Vérité) plutôt que la parole de vérité.
b
2
pour le rachat de sa possessione,
pour la louange de sa gloire.
Philippiens 2.5-11
5
Ayez en vous cette penséef, qui étaitg aussi en Christ Jésus,
6
lequel, existanth en forme de Dieui,
n’a pas considéréj
a
Ou : « vous avez été marqués par le sceau de ».
Nouveau cas de datif instrumental. Cf. l’intéressante analyse de Bock & Fanning : 70-71.
c
i.e. « qui avait été promis ».
d
ἀρραβὼν : terme paulinien (2 Corinthiens 1.22, 5.5 et ici), de nature commerciale et
décalque de l’hébreu ‫ע ֵָרבֹון‬, le gage (cf. Moulton & Milligan : 79). Ici, la Vulgate traduit le
terme par pignus (gage, preuve, caution, garantie), et dans la LXX le terme est
généralement rendu par arra (gage, arrhes), ou arrabo (gages, arrhes). Voir l’intéressante
analyse de ce terme depuis les temps antiques jusqu’au NT par Bock & Fanning : 145-153.
e
Ou : « de son acquisition », ou mieux : « de ce qu’il s’est acquis ».
f
τοῦτο φρονεῖτε : plus litt. songez à cela, ayez la pensée de cela…
g
Ou « est », le verbe étant implicite.
h
Le participe peut ici introduire une notion causale (comme, puisque…) ou concessive
(quoique, bien que…). Les deux sont possibles, mais la valeur concessive est plus
vraisemblable (voir 2Co 8.9, BDAG : 659, Wallace : 634-635) et c’est celle qui est
généralement adoptée par les Pères (par ex. Épiphane de Salamine, Ancoratus 45.1 citant
puis paraphrasant le verset, l’introduit par καίπερ ὢν), comme en Hb 5.8.
i
ἐν μορφῇ θεοῦ : il n’y a que trois emplois du terme μορφή dans le NT (Php 2.6,7 et Mc
16.12). En Marc, le terme désigne l’apparence extérieure, tout comme dans la LXX (où il
est interchangeable avec εἰκών, image, cf. Boismard 1999 : 93 ; ce que suggère aussi le
parallèle avec Col. 1.15). Dans la littérature grecque, et sous l’influence d’Aristote (théorie
hylémorphique) on avait tendance à confondre ce terme avec la fusis et l’ousia, ou avec
l’eidos sous l’influence de Platon. Mais rien des spéculations grecques n’éclaire le sens
néotestamentaire, qui se cantonne à l’apparence extérieure, sans préjuger de la nature (bien
qu’il faille avoir une certaine nature pour pouvoir présenter une certaine forme ; par ailleurs
le contexte indique une nuance entre μορφή et σχῆμα). Jésus, quoiqu’il ne fût pas citoyen
romain, n’en fut pas pour autant esclave. Ainsi, le verset 7 confirme le sens de
forme/apparence : Jésus a eu l’apparence d’un esclave, il n’était pas esclave. Certains
rapprochent μορφή des mots hébreux ‫צְ לֵם‬, ‫ ְתמּונָה‬, ‫תֹ אֲר‬, ou ‫מַ ְראֵ ה‬. Le fond araméen où Paul
peut avoir puisé n’est peut-être pas étranger à sa formulation (ainsi Grelot 1973 et 1998,
Fitzmyer 1988). Nonobstant l’arrière-plan araméen, probablement inconnu des Philippiens,
ou judéo-hellénistique (cf. Bockmuehl 1997), l’exégèse contemporaine préfère rapprocher
ἐν μορφῇ θεοῦ de textes comme Jn 17.5 ou Hb 1.3 et voir l’état de gloire (δόξα) du Christ
pré-humain (ex. Wanamaker 1987, O’Brien 1991). Pour une synthèse, cf. Kuen II : 423439.
j
Dans la construction en double accusatif régie par le verbe οὐχ … ἡγήσατο, ἁρπαγμὸν est
l’objet et τὸ εἶναι ἴσα θεῷ est le complément. Ainsi il faut comprendre : « il n’a pas
considéré l’égalité avec Dieu [compl.] (comme) une proie à saisir [obj.] ». Cf. Wallace :
186, 602. Certains (comme Wright) considèrent l’expression τὸ εἶναι ἴσα θεῷ comme
anaphorique de μορφῇ θεοῦ (les deux expressions seraient alors synonymes, ce qui
conditionnerait le sens incertain de ἁρπαγμὸν). Mais elle ne tient pas assez compte de la
construction accusatif : objet-complément (cf. D. Burk, « On the articular infinitive in
Philippians 2 :6 », Tyndale Bulletin 55.2, 2004 : 253-274, D. B. Wallace, « The Semantics
and Exegetical Significance of the Object-Complement Construction in the New
b
3
[comme] une proie à saisira
l’égalitéb avec Dieuc
7
mais il s’est lui-même anéantid
[en] prenant forme d’esclave,
[en] étant devenue en [la] ressemblance des hommesf ;
et, par son aspectg reconnua comme un homme,
Testament », GTJ 6, 1985 : 91-112 ; voir aussi Wallace : 182 sq.) Voir par ex. Php 2.3
(ἀλλήλους ἡγούμενοι ὑπερέχοντας) ou 3.7 (ταῦτα ἥγημαι… ζημίαν).
a
Le sens de ἁρπαγμός fait l’objet de débats animés. J.-F. Collange (1973 : 89) l’explique
ainsi : «Assez rare en grec classique, hapax legomenon biblique, ἁρπαγμός a toujours le
sens actif de ‘saisie’, ‘mainmise’ : il n’a pas considéré l’égalité avec Dieu comme une
saisie, une mainmise… » avant d’ajouter : « Mais sur quoi ? ». Collange distingue ensuite
les deux sens res rapta (chose à laquelle on s’accroche ; certains parlent plus justement de
res retinenda) et res rapienda (chose qu’on veut ravir de force), mais les rejette au profit de
la thèse de Hoover (1971) : quelque chose dont on peut se servir pour son propre avantage
(dans le sens de ἕρμαιον ou εὐτῠχία). Cependant la thèse de Hoover a récemment
sérieusement été mise en doute, voire invalidée (ex. O’Neill, Burk). Quant aux lexiques
(BDAG : 133, TDNT I : 473, EDNT I : 156) ils hésitent entre un sens actif (les substantifs
en –μος décrivent plus volontiers une action que son résultat, cf. Abel §26 a) ou passif
(synonymie avec ἅρπαγμα). Le sens le plus évident reste pour nous un sens actif avec idée
de rapine.
b
τὸ εἶναι ἴσα θεῷ : litt. « le fait d’être égal à Dieu ». Certains estiment que l’emploi d’un
pluriel neutre à valeur adverbiale plutôt que l’adjectif ἴσος « donne à l’expression une
valeur plus juridique » (Collange 1973 : 90, et ainsi Burk, qui parle de « functional
inequality within the Godhead ».
c
On ne peut s’empêcher de penser à Gn 1.26,27 – la création des humains à l’image de
Dieu – et au péché originel, qui a rendu l’humanité comme Dieu (‫כאֹלהִ ים‬
ֵּ‍ֵ ) : Gn 3.5,22. Ce
serait d’autant moins surprenant que Paul, familier de l’intertextualité, appelle Jésus « le
dernier Adam » (1Co 15.45). Toutefois cette allusion est contestée par certains biblistes (tel
Wanamaker 1987), tout comme celle au Chant du Serviteur en Isaïe 52 et 53. Ceci procède
de la volonté à trouver des adéquations explicites quand il n’y a que des allusions implicites
(cf. Bockmuehl : 12sq). Simon Légasse (1980 : 25) résume bien la situation : « Il est
normal de songer à l’Adam créé à l’image de Dieu d’après Gn 1.26. A condition toutefois
de tenir compte du contexte du Nouveau Testament. Car il y a un contexte. Quand nous
lisons dans l’épître aux Colossiens (1.15) que le Christ est ‘l’image du Dieu invisible’ (voir
aussi He 1.3), il est clair que cette image n’est pas perçue comme la simple copie de
l’homme avant la chute. C’est l’image par excellence, de sorte que Jésus peut dire en Jn
14.9 : ‘Qui m’a vu a vu le Père’. »
d
Ou « vidé », « rendu insignifiant » ; ἐκένωσεν : terme strictement paulinien (Romains
4:14, 1Co 1.17, 9.15, 2Co 9.3, et ici) avec le sens de vider [spécialement qqch de son
sens] ou réduire à néant, rendre vain [une qualité, un état].
e
Ou peut-être : « prenant… devenant ». γενόμενος (participe aoriste de γίνομαι, devenir).
Sur la concomitance de l’action : “In Phil. 2:7 γενόμενος is related to λαβών as a participle
of identical action; the relation of λαβών to ἐκένωσεν is less certain. It may denote the same
action as ἐκένωσεν viewed from the opposite point of view (identical action), or may be
thought of as an additional fact (subsequent action) to ἐκένωσεν.” Burton §145, voir aussi
Bertrand §357.
f
Certains manuscrits mettent ce terme au singulier. Ou pourrait traduire toute la proposition
ainsi : « en devenant semblable aux hommes ».
g
σχήματι [datif instrumental] : « figure, aspect, silhouette » (Carrez : 237). Nouveau terme
paulinien, rare (Php 2.7 et 1Co 7.31 ; une occurrence dans la LXX en Is.3.17, dans un
4
8
il s’est humiliéb lui-même,
[en] étant devenu obéissant jusqu’àc la mort,
- et [mêmed] une mort de croix.
9
C’est aussi pourquoi Dieu l’a exaltée
et l’a gratifié du nom
qui est au-dessus de tout nom,
10
pour qu’au nom de Jésusf
tout genou fléchisse
dans les lieux célestes, sur terre et sous terre
11
et que toute langue reconnaisseg queh
« Jésus Christ esti Seigneurj »
à la gloire de Dieu [le] Père.
contexte où le verbe ταπεινόω figure également). Contexte mis à part, le terme signifie
aussi l’attitude (lat. habitus). Cf. DELG II : 393.
a
Litt. « ayant été trouvé ».
b
Ou : « s’est comporté d’une manière humble », « rabaissé ». Certes la mort de croix était
une « humiliation » (au sens moderne) pour les Romains, mais le parcours de Jésus vers ce
sacrifice ultime n’a pas été une humiliation (au sens moderne) mais une preuve d’humilité.
c
L’emploi de μέχρι n’est pas uniquement temporel, mais indique un degré, une mesure
extrême (cf. Robertson : 645, BAGD : 515) ; on pourrait traduire « jusqu’au point de ».
d
Cf. BDF §442(12).
e
Hapax legomenon. Élever outre mesure, exalter (Bailly : 2010, cf. DELG IV : 1164).
f
Cf. Ac 4.12.
g
Ou : « reconnaisse ouvertement », « confesse publiquement » pour rendre la nuance
distinguant ἐξομολογέω de ὁμολογέω.
h
On pourrait s’abstenir de traduire ὅτι et le remplacer par deux points.
i
Certains traduisent « le Seigneur » (cf. Wallace : 270). Au-delà de la construction
syntaxique, c’est douteux pour des raisons historiques. Dans le Martyre de Polycarpe 8.2
par exemple, mention est faite de la « confession » exigée par les Romains aux chrétiens
suppliciés : « Τί γὰρ κακόν ἐστιν εἰπεῖν· Κύριος καῖσαρ » (Quel mal y a-t-il à dire : « César
est Seigneur » ?). De fait Paul, en réaction au culte impérial, désigne ici quelle doit être la
« confession » chrétienne : « Jésus-Christ est Seigneur » ! Ajouter un article devant
Seigneur rendrait étrange la fin de la phrase, et verserait trop dans la théologie.
j
Peut-être une allusion à Is. 45.23.
5
Colossiens 1.12-20
12
remerciant le Père, qui vous a rendus aptesa pour la part du lotb des saints dans la
lumière : 13 ilc vousd a délivrése de l’autorité des ténèbresf et transféré vers le
royaume du fils de son amourg, 14 en qui nous avons le rachat, la rémission des
péchés.
15
Ilh est l’image du Dieui invisible,
premier-néj de toute créaturek
16
car en lui ont été créées toutes les choses
dans les cieux et sur la terre,
les visibles et les invisibles,
17
soitl trônes, soit seigneuries,
soit principautés, soit autorités ;
toutes les choses ont été créées par lui et pour lui,
17
et lui, il est avant toutes choses,
a
Verbe paulinien rencontré uniquement ici et en 2Co 3.6.
τὴν μερίδα τοῦ κλήρου : ou : « la part de l’héritage ». Initialement, κλῆρος désigne l’objet
employé pour tirer au sort. Par extension, il signifie donc le sort, le lot, la part attribuée, et
ainsi, l’héritage. (cf. Bailly : 1101, part. II, Carrez : 142). Cf. par ex. Ac 20.32 qui illustre
cette idée avec le terme κληρονομία.
c
Litt. « qui », « lequel… ».
d
Certains manuscrits lisent « nous ».
e
Ou « arrachés à ».
f
Ou « de l’obscurité », l’expression τοῦ σκότους étant au singulier.
g
i.e. « vers le royaume de son fils (bien) aimé / cher fils ». Nouvelle concaténation de
génitifs, comme en Eph. 1.6.
h
Tout le passage est scindé en deux strophes introduites par ὅς « lequel… », cf. L.
Cerfaux, Le Christ dans la théologie de saint Paul, éd du Cerf, 1951, p. 299.
i
Même expression en 2Co 4.4.
j
C’est l’équivalent de l’hébreu ‫בכור‬.
k
Le terme κτίσις désigne aussi bien l’action de créer, la création, que son résultat, la
créature (Carrez : 147). On peut donc aussi traduire par : « premier-né de toute création »,
mais, quoique consensuelle, cette expression n’a guère de sens. Le terme même
πρωτότοκος ainsi que les emplois pauliniens en Ro 8.39, Col. 1.23, 2Co 5.17, Gal. 6.15 (ou
d’inspiration paulinienne, cf. Hb 4.13) attestent le second sens (cf. BDAG : 572 contra
EDNT II : 326). Cf. Rv 3.14. La tournure arienne d’une telle expression doit être élucidée
par la théologie, et non la linguistique. P. Benoit (traducteur pour la Bible de Jérusalem, qui
rend κτίσις par créature) propose l’explication suivante : « Paul parle bien du Christ dans sa
préexistence ; mais ici, comme toujours (cf. Phil. 2, 6 note c), il le considère dans la
personne historique et unique du Fils de Dieu fait homme » - P. Benoit, Les épîtres de Paul
aux Philippiens, à Philémon, aux Colossiens, aux Éphésiens, éd. du Cerf, 2e éd. revue,
1953, p. 57. Pareillement, pour élucider le sens du terme πρωτότοκος, le NCB (p.1200)
propose : « le mot premier-né doit être compris dans le sens de « suprême », plutôt que
dans le sens temporel de « né avant ». » Cf. Kuen II : 479-486.
l
Le français pourrait faire l’économie des « soit » (εἴτε) dans cette énumération.
b
6
toutes les choses en lui subsistent
18
et lui, il est la tête du corps de l’église.
Il est le commencement,
le premier-né d’entre les morts,
pour qu’il devienne en toutes choses [le] premier,
19
car en lui toute la plénitude a trouvé bona d’habiter
20
et, par lui, de réconcilier toutes les choses pour lui,
ayant établi la paix par le sang de sa croix, [oui] par lui,
soit les choses sur la terre, soit les choses dans les cieux.
Beaucoup de commentateurs pensent que le sujet implicite est ὁ Θεός (comme en Jc 1.12,
4.6). Cela donnerait : « car en lui Dieu a trouvé bon de faire habiter toute la plénitude ». Cf.
2.9.
a
7
Expressions ambiguës
Philippiens 2.6
ὃς ἐν μορφῇ θεοῦ ὑπάρχων
οὐχ ἁρπαγμὸν ἡγήσατο
τὸ εἶναι ἴσα θεῷ,
LSG
lequel, existant en
forme de Dieu, n'a
point regardé comme
une proie à arracher
d'être égal avec Dieu
BFC
Il possédait depuis
toujours la condition
divine, mais il n'a pas
voulu demeurer de
force l'égal de Dieu.
TOB
JER
NBS
lui qui est de condition
divine n'a pas considéré
comme une proie à
saisir d'être l'égal de
Dieu.
Lui, de
condition
divine, ne
retient pas
jalousement le
rang qui
l'égalait à
Dieu.
lui qui était
vraiment divin,
il ne s'est pas
prévalu d'un
rang d'égalité
avec Dieu,
Segond 21
Bayard
Pléiade
Lui qui est de condition
divine, il n’a pas
regardé son égalité avec
Dieu comme un butin à
préserver
Lui-même
forme de Dieu|
n’a pas
pourchassé|
l’égalité avec
Dieu
Qui, possédant
forme de Dieu,
n’a pas regardé
comme une
prérogative
d’être égal à
Dieu
Il est difficile de commenter ici les choix théologiques, car il s’agit plus de choix
sémantiques. Or, une fois pris, ces choix conditionnent le sens (théologique) de
l’ensemble du verset. Cette petite sélection de traductions présente en outre trop de
divergences pour se prêter à une analyse comparative détaillée. On peut
simplement relever que :
le participe présent (idée durative simple) est rendu de diverses manières,
dont une impossible (BFC).
« en forme de Dieu » est rendu par « de condition divine » par TOB, JER,
BFC, S21, ce qui est tout à fait possiblea mais interprétatif. Le cas de NBS
est plus délicat « vraiment divin » : pourquoi modifier le sens par un
adverbe ? signifier que morphè n’est pas qu’apparence ?
Valeur concessive explicitée par BFC « mais ».
le sens de harpagmos est diamétralement opposé entre LSG, Bayard d’un
côté, et TOB, JER, NBS, BFC, S21 et Pléiade de l’autre. Ces dernières
versions considèrent donc que le verset présente une expression
idiomatiqueb. Mais c’est une spéculation. En lui-même, ce terme
C’est peut-être même la seule manière d’exprimer toutes les nuances de l’expression, en
suggérant à la fois forme et mode d’existence, sans insister trop sur l’apparence extérieure
qui n’est, apparemment, qu’une composante de l’expression.
b
Hoover se fonde essentiellement sur Eusèbe pour prouver le caractère idiomatique de
l’expression, et en particulier Fragmenta in Lucam 24.537.39. O’Neill (1988 : 445-449)
a
8
harpagmos (ainsi que le verbe duquel il est dérivé, et tous ses termes
apparentés !) ne suggère en rien ni prérogative, ni butin à préserver, ni rang
à garder, mais très exactement l’inverse : une chose non possédée…à
saisir, volera.
Colossiens 1.15b
πρωτότοκος πάσης κτίσεως
LSG
le premier-né de toute
la création
BFC
Il est le Fils premierné, supérieur à tout ce
qui a été créé.
-
TOB
JER
Premier-né de toute
créature
Segond 21
le premier-né de toute
la création
Premier-né de
toute créature
Bayard
premier-né de
toute création
NBS
le premier-né
de toute
création
Pléiade
le premier-né
de toute la
création
présence (LSG, NBS, BFC, S21, Pléiade) ou absence (TOB, JER,
Bayard) de l’article devant la traduction de πρωτότοκος
majuscule à premier-né (TOB, JER)
choix sémantique quant à κτίσεως
présence (LSG, S21, Pléiade) ou absence (NBS, Bayard) de l’article
devant création
BFC : 1) périphrase interprétative (« supérieur ») tentant d’expliciter
(« Fils ») le terme πρωτότοκος 2) paraphrase interprétative de πάσης
κτίσεως
montre en quoi ce passage ne soutient pas la thèse de Hoover. De fait, Eusèbe fait d’autres
emplois de harpagmos, avec ou sans allusion à Php 2.6-11, dont plusieurs en totale
contradiction avec tout idiotisme : HE V, 2.2 (voir par ex. la traduction de G. Bardy et le
contexte : des chrétiens suppliciés ne voulaient pas s’accaparer un titre (martyr) qu’ils ne
s’estimaient pas dignes de porter. Pour eux, il est évident qu’ils ne possédaient pas le titre.
Voir aussi HE VIII, 12.2.
a
BeDuhn 2003 : 51-62.
9
Traduction lisible de Philippiens 2.6-11
On propose une traduction « lisible » (claire, compréhensive, correcte) qui
permette à un public jeune ou laïc de comprendre immédiatement ce passage, sans
entrer dans les subtilités du vocabulaire théologique ou technique (confesser,
dépouiller, gratifier).
Et ceci :
-
en explicitant les connecteurs logiques,
en ajustant la formulation (v.1) ou l’ordre des mots pour une
compréhension immédiate (v. 7),
- en rendant explicite toute intertextualité (v. 6 et 10) ou allusion
historique (v.11),
- en scindant l’hymne en strophes.
Comme toute traduction, celle qui est proposée fait des choix interprétatifs. Ces
choix concernent essentiellement le sens d’harpagmos et l’objectif de l’hymne
(connecteurs, ton, structure…).
5
Songez de la sorte, à l’instar de Christ Jésus :
Lui, bien qu’il fût dans la « forme de Dieu »
n’a pas envisagé s’accaparer
l’égalité avec Dieu.
6
Au contraire, en prenant la forme d’esclave
et en s’étant fait semblable aux hommes,
il s’est lui-même rendu insignifiant.
7
Ainsi, par son apparence humainea,
8
il s’est lui-même humilié
en se montrant obéissant jusqu’à la mort,
et la mort de croix !
C’est aussi pourquoi Dieu l’a exalté,
et lui a accordéb le nom
qui est au-dessus de tous les noms
10
pour qu’au nom
« Jésus »
« tout genou fléchisse »
dans les cieux, sur terre, et sous terre
11
et que toute langue reconnaisse publiquement :
« Jésus Christ est Seigneur »c
à la gloire de Dieu le Père !
9
Quoique traduit (par l’apposition), le terme εὑρεθεὶς n’a pas nécessairement besoin d’une
contrepartie en français.
b
Ou « bienveillamment accordé », i.e. « gratifié ».
c
Ou : « Le Seigneur, c’est Jésus Christ ».
a
10
Abréviations
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Literature (W.Bauer, rév. F.W.Danker, University of Chicago Press, 1979)
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(Blass, Debrunner & Funk, University of Chicago Press, 1961)
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Clark Ltd, 1990)
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TDNT : Theological Dictionary of the New Testament (Grand Rapids, 1976)
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11
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