PRIVACY AT WORK- ETHICAL CRITERIA, Anders J. Person et Sven Ove Hansson
Idée principale : Les nouvelles technologies ont
certes amélioré les conditions de travail, mais plu-
sieurs d’entre elles contri-buent à la violation de la
vie privée des travailleurs. Ce qui cause un pro-
blème éthique.
Trois groupes principaux de technologies ou de pra-
tiques sont concernés par ce Cas de figure :
- les « drug testing » (tests conçus dans le
but de déceler si un individu a par exemple consom-
mé de l’alcool ou un narcotique) ;
- les « genetic testing » (ou tests génétiques
pratiqués dans le but d’identifier si un individu est
porteur de certains gènes qui pourraient par
exemple nuirent à sa santé au travail) ;
- la surveillance (avec l’usage des minis camé-
ras, la maîtrise de la destination des appels télé-
phoniques…)
Le
genetic testing
est divisé en présélection génétique (
genetic screening
) et en suivi génétique (
genetic monitoring
).
Le but des auteurs est de placer la vie privée au travail dans un contexte général.
Aussi apportent-ils des éléments de réponses aux questions suivantes :
- Quelles sont les différentes pratiques moralement acceptables au travail et sur le lieu de travail qui rendent la
question de la vie privée au travail différente du concept de vie privée en général?
- A quelles conditions, les pratiques sur le lieu de travail qui touchent la vie privée des employés sont-elles
moralement défendables?
1ère idée secondaire : qu’est ce que la vie privée?
Le droit à la vie privée concerne le degré d’information que les gens peuvent avoir sur une personne et la facilité d’accès à
cette information.
Il existe une sphère ou une zone qui permet de délimiter la vie privée : c’est la sphère de la vie privée (
sphere of priva-
cy
).
La sphère de la vie privée est différente de la sphère privée (
private
sphere) en ce sens que :
- la sphère privée est la zone dans laquelle l’individu peut se permettre de prendre ses propres décisions ;
- la sphère de la vie privée est la zone dans laquelle les soucis légitimes des autres peuvent surgir et justifier
une immixtion dans la vie privée (P.61).
Un point important dans la définition de la vie privée est le fait que les limites (frontières) de la sphère de la vie privée
peuvent être influencées par les souhaits et les préférences personnels (P. 61). Aussi existe-il deux points de vue ou
visions :
- la vision strictement non paternaliste (
the strictly non-paternalistic view
) qui prône, le fait que c’est l’individu
qui doit décider des pratiques qui violent son droit à la vie privée;
- la vision strictement paternaliste (
the strictly paternalistic view
) qui stipule que les souhaits et les préfé-
rences d’un individu n’ont aucune influence en ce qui concerne l’accès à l’information le concernant comme trans-
gression à sa vie privée.
Le juste milieu selon les auteurs entre ces deux visions serait de dire que : la sphère de la vie privée est constituée dun
noyau (
core
) qui est composé des droits que les autres doivent respecter même si l’individu les réclame ou ne les réclame
pas ; et d’une partie discrétionnaire (
discretionary part
) qui est un ensemble de droits que les autres doivent respecter si
l’individu l’exige (P.62).
Il existe des arguments intéressants qui réfutent ou acceptent l’idée que le concept de vie privée est normatif.
Ceux qui soutiennent que ce concept est normatif le justifient par le fait qu’il ne semble pas exister une autre façon de
justifier les limites de la sphère de la vie privée, comme des normes qui reflètent des coutumes et des idéaux sociaux.
Ceux qui refusent de traiter la notion de vie privée comme un concept normatif, s’appuient sur l’argument suivant : la vie
privée est toujours un état souhaitable qui rend la discussion éthique sur les revendications sur la vie privée plus difficile.
La solution à ce dilemme selon les auteurs est de reconnaître que la vie privée est un concept chargé de normes (« normati-
vely laden concept ») mais juste au niveau des principes moraux fondamentaux prima facie moral principles »). En
d’autres termes, une définition de la vie privée est une explication sur les normes sociales. ; cependant ce n’est pas un
commentaire concernant le statut normatif absolu et irrévocable mais juste une explication sur les principes de base (les
points fondamentaux) (p.62).
2éme idée secondaire : la relation entre le lieu de travail
et la vie privée : qu’est ce qu’il y’a à l’intérieur d’un
contrat de travail (dans le sens éthique)?
Il existe deux positions extrêmes concernant la relation entre le contrat de travail, le lieu de travail et la vie privée :
- la vie privée n’est jamais influencée par le contrat de travail (ce qui est faut si on prend par exemple le cas
d’un employé qui doit conduire des touristes sur une place. Ici le patron pour les raisons de travail va
s’intégrer dans sa vie privée en s’assurant qu’il n’est pas saoul) ;
- la vie privée disparaît dans le lieu de travail (ceci est également invraisemblable car un employeur n’a pas le
droit de regarder ses employés se changer.
Face à ces deux visions, les auteurs proposent que l’intrusion d’un employeur dans la vie privée de son employé doit
être basée sur ce qui a été conclu au préalable et inclus dans le contrat de travail (P. 64)
3ème idée secondaire : les transgressions légitimes (
legiti-
mate infringements
) du droit à la vie privée sont justi-
fiées par 3 catégories de faits.
La condition de base est qu’ : une intrusion dans la vie privée est moralement permissive si et seulement si elle est basée sur
une justification suffisante qui a plus de poids que la revendication à la vie privée de l’individu.
De plus, les auteurs proposent que ladite justification puisse être donnée si l’intrusion se justifie dans l’intérêt légitime de
l’individu (P. 65).
Pour l’employeur, il y’a trois façons de remplir cette condition :
- ses intérêts vis-à-vis de l’entreprise justifient ses intrusions dans la vie privée de l’employé ;
- les intérêts de l’employé ;
- la protection des intérêts légitimes des tiers.
4éme idée secondaire : les critères de validité de ces
trois ensembles de pratiques.
Les intérêts de l’employeur
Cet argument est valide dans ce cas de figure :
si le produit du travail est intangible comme par exemple la relation avec le client, l’employeur peut contrôler ce que fait
son employé (
checking
), car cette transgression est légitime dans la mesure ou elle permet de sécuriser les propres
intérêts de l’employeur, de s’assurer que le travail est bien fait (base du contrat de travail). Mais les essais de prise de
drogues (drug testing) ne sont pas un argument moral qui justifie l’intérêt de l’employeur.
Cependant pour que l’argument de l’intérêt de l’employeur soit défendable, l’intrusion doit satisfaire 2 attentes : * elle doit
satisfaire le critère du minimum d’intrusion (a criterion of minimal intrusiveness) car seule la moins intrusive des choses
faisables peut être légitimée (par exemple un employeur peut vérifier le niveau des output de ses employés en fin de journée
mais pas toutes les minutes) ; * la condition d’efficacité doit être satisfaite (par exemple le propriétaire d’une sucrerie qui
veut se protéger du vol des sucreries par ses employés, ne peut pas décider de peser ses employés une fois par semaine
pour vérifier s’ils ont pris du poids, cela serait une très faible solution pour régler le problème).
Toutefois, même quand ces deux conditions sont remplies, cela n’implique pas indubitablement que l’intrusion à la vie privée de
l’employé est acceptable.
C’est pourquoi les auteurs proposent ceci. L’intrusion de l’employeur dans la vie privée de son employé est valide si elle
satisfait aux 4 critères suivants :
- l’intrusion est entreprise dans le but de faire en sorte que l’employé effectue bien son travail (performe dans
son travail) et accompli ses responsabilités, qui sont des obligations qu’il a vis-à-vis de son employeur parce
qu’implicitement ou explicitement mentionnées dans le contrat de travail ;
- les solutions (les méthodes) choisies sont efficaces et vont par conséquent permettre d’obtenir l’information re-
cherchée (ou le résultat recherché) ;
- les solutions les moins intrusives pour obtenir l’information recherchée sont choisies ;
- l’intrusion qui est faite dans la vie privée de l’employé n’est pas trop vère (pénalisante) au point d’accroître
les intérêts de l’employeur. (P. 66)
Protéger l’employé
Les pratiques qui peuvent être acceptées comme le résultat d’un compromis légitime entre la perte de la vie privée et les
autres intérêts du travailleur sont les suivantes :
- la présélection génétique peut donner des informations sur les travailleurs qui vont permettre de protéger leur
santé ;
- les tests contre les drogues (
drug tests
), peuvent inciter les travailleurs à éviter les boissons alcooliques, les
narcotiques et de ce fait réduisent les accidents sur le lieu de travail ;
- la surveillance peut faire en sorte que les travailleurs soient plus enclins à suivre les instructions de sécurité.
La vision anti-paternaliste s’oppose à cet argument et soutien que les travailleurs doivent eux-mêmes décider si oui ou non :
ils doivent subir la sélection génétique, subir des tests contre les drogues ou être surveiller.
A cet effet, les auteurs trouvent cette vision trop simpliste dans la mesure ou le contrat de travail inclus la responsabilité
de l’employeur sur la santé et la sécurité au travail (P »66).
Pour être acceptable, cet argument doit obéir comme le précédent aux conditions d’efficacité et d’intrusion minimale.
Cependant plusieurs études récentes ont montré qu’exclure quelqu’un de son travail pour protéger sa santé peut être contre
ses intérêts.
Par conséquent les auteurs proposent que pour que cet argument soit valide il faut que :
- l’intrusion soit faite dans le but de protéger les intérêts personnels de l’employé au point ou l’employeur pour-
rait être jugé moralement responsable, si les intérêts de l’employé n’étaient pas bien protégés ;
- la pratique choisie est efficace pour atteindre ledit objectif ;
- la pratique la moins intrusive pour atteindre ledit objectif est choisie ;
- les mesures prises pour protéger le travailleur le sont dans son propre intérêt (P. 67).
Protéger un tiers, une tierce personne
Cet argument est justifié par le fait que l’employeur a le devoir de protéger les intérêts légitimes des tiers tels que : les
clients, les actionnaires, les fournisseurs, les créanciers, les voisins du lieu de travail…Par exemple, une entreprise de
transport a le devoir de réduire les risques d’accidents de ses clients.
Dans ce cas, les intérêts des tiers sont moralement supérieurs à ceux des employés, au point ou l’intrusion dans la vie privée
de ces derniers peut être légitime si celle-ci vérifie les deux conditions : d’efficacité et d’intrusion minimale.
Une raison pour défendre cet argument est de dire que les sociétés sont responsables des dommages commis par leurs
employés, et que les firmes ont qualité pour faire certaines intrusions dans la vie privée dans le but de remplir ces respon-
sabilités. A contrario, Jennifer Moore soutient que le droit à la vie privée ne doit pas être annulé sous la base de cet
argument.
A cet effet, les auteurs ont jugé la position de Jennifer Moore d’intenable dans un contexte général dans la mesure il
peut arrivé que les considérations de la vie privée deviennent inférieures à d’autres considérations morales. Ceci a donc
amené les auteurs à proposer que pour qu’une intrusion dans la vie privée de l’emplosoit justifiée en vue des intérêts des
tiers, celle-ci doit obéir aux 4 conditions suivantes :
- elle est faite dans le but d’assurer (de garantir) les intérêts des tiers (par exemple la santé et la sécurité)
vis-à-vis de qui l’employeur est responsable ;
- les moyens choisis sont efficients pour atteindre le but qu’on s’est fixé ;
- le moyen le moins intrusif est choisi pour atteindre le but qu’on s’est fixé ;
- l’intrusion dans la vie privée de l’employé n’est pas trop sévère au point d’accroître considérablement les inté-
rêts des tiers.
Conclusion : l’intrusion d’un employeur dans la vie privée
de son employé est acceptable si celle-ci obéit à 4
critères.
Les critères sont :
- l’intrusion est effectuée dans le but : * de s’assurer que l’employé performe les tâches qui lui sont demandées
dans l’entreprise et rempli les responsabilités qui sont explicitement ou implicitement mentionnées dans le contrat
de travail. * de protéger les intérêts de l’employé pour lesquels l’employeur est moralement responsable
(comme la santé et la sécurité). * de protéger les intérêts légitimes des tiers pour lesquels l’employeur est
moralement responsable ;
- l’intrusion se fait à l’aide d’un moyen efficace pour réaliser l’objectif;
- l’intrusion se produit avec les moyens les moins intrusifs qui sont nécessaire pour atteindre l’objectif ;
- l’intrusion dans la vie privée de l’employé n’est pas pénalisante pour ce dernier au point d’accroître considéra-
blement la valeur de réalisation du but.
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