qui serait uniquement fondé sur la mondialisation marchande.
Quand on analyse comme l’ont fait une vingtaine d’économistes récemment dans un ouvrage
préparé par Patrick Wajsman et Henry Lepage, quand des économistes d’opinions diverses se
penchent sur ce qu’a été cette crise de 1997, on va voir que les responsabilités essentielles n’ont rien à
voir avec le marché, et que les responsabilités incombent principalement à ceux qui étaient chargés, ou
qui s’étaient chargés eux-mêmes, de surveiller, de contrôler, ou de réguler le marché, et qui ont été de
mauvais contrôleurs, de mauvais surveillants, de mauvais régulateurs.
Responsabilité numéro 1 : les banques centrales. L’Indonésie, la banque possédée par le
Président de la République, le gendre, la fille du président de la République investissant dans
l'immobilier, faisant des opérations spéculatives avec l’argent de la banque centrale, on a donc
fabriqué de la fausse monnaie pour pouvoir soutenir ces investissements immobiliers, et puis un beau
jour, il est évident qu’on s’aperçoit que tous ces actifs n’existent pas, que tous ces crédits ne sont
gagés sur rien du tout, c’est la faillite de la banque centrale. Est-ce que c’était une banque privée,
marchande ? Non, c’était une banque publique. Elle n’était pas marchande puisqu’elle n’obéissait pas
à la loi du profit, elle n’était pas soumise à un contrôle d’actionnaires. L’actionnaire principal unique
était Monsieur le Président de la République.
Là-dessus, la crise se propage autour ou elle se déclenche dans d’autres pays, avec deux
scénarios possibles : les uns étaient très endettés et ils ont obtenu du Fonds Monétaire International un
soutien permanent et chaque fois que la situation financière de ces pays commençait à se dégrader, le
Fonds Monétaire International était là et en remettait encore une dose, une couche, en demandant bien
sûr des mesures d’ajustement structurel, mais en fait en laissant les mêmes personnes au pouvoir, à la
tête des mêmes entreprises et des mêmes banques. En quoi le Fonds Monétaire International a-t-il
contrôlé, surveillé quoi que ce soit ? Il a au contraire enfoncé un peu plus les pays en difficulté.
Autre cas de figure, la Corée du sud, où il y a un imbroglio (voilà où il serait intéressant de
parler de transparence) de dirigeants politiques, de ministres, de banquiers, de fonctionnaires et
d’entrepreneurs ; où les grands groupes industriels sont en participation croisée avec les
administrations publiques et où, finalement, les gens qui gravitent autour du pouvoir appartiennent aux
mêmes familles et là aussi développent des affaires qui tantôt sont profitables et tantôt ne le sont pas.
Quand c’est profitable, les profits sont immédiatement privatisés et vont dans la poche des gens ;
quand ça ne marche pas bien, les pertes sont socialisées et vont s’inscrire au budget de l’État ou
compromettre la stabilité de la monnaie nationale.
Dans tout cela, il n’y a pas de logique marchande. Dans tout cela, ce n’est pas de marché qu’il
s’agit, dans tout cela, il s’agit de la corruption qui naît de la proximité du pouvoir politique et du
pouvoir économique. Il s’agit de l’absence de liberté et je peux faire circuler dans l’assistance un
graphique qui établit la corrélation sans aucun doute entre le degré de liberté économique, d’une part,
et le niveau de la corruption de l’autre, étant bien entendu que ce sont les pays les moins libres qui
sont les plus corrompus. Je ne veux pas dire qu’il n’y a pas de corruption en Angleterre, en France ou
en Allemagne, mais je veux dire que c’est peu de chose, comparé à ce qui peut se passer dans les
républiques encore socialistes et communistes, dans certains pays d’Amérique Latine, ou d’Asie du
Sud-Est, ou d’Afrique.
Donc, il ne faut pas passer tous ces désagréments, tous ces drames, toutes ces corruptions au
passif de la mondialisation marchande, il faut les mettre là aussi au passif de l’intervention. Nous
sommes encore prisonniers de l’étatisation et de l’intervention et ça nous empêche de voir quelles
seraient les perspectives d’une vraie mondialisation. En d’autres termes, la vraie mondialisation n’est
pas derrière nous, elle est devant nous et elle sera réalisée du jour où le pouvoir politique aura
complètement disparu dans le domaine de l’économie et où les États auront abandonné leur
souveraineté s'agissant des relations économiques internationales. Ce jour-là seulement on pourra
parler de mondialisation.
Et vous voyez naître enfin une autre raison qui oppose certaines personnes à la mondialisation,
c’est qu’elles ont compris que la mondialisation va leur faire perdre le pouvoir qu’ils détiennent, qu’ils
détiennent en tant qu’homme d’État parce que la souveraineté est une manière de se faire valoir, on
protège les nationaux, on protège les citoyens, on protège aussi les groupes de pression. En effet, quels