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RESUME
La crise des subprimes qui a éclaté à l’été 2007 s’est propagée à l’ensemble du système bancaire et
financier, révélant des déséquilibres macroéconomiques majeurs. Cette crise financière a fini par toucher un
an plus tard l’économie réelle, entraînant la plus grave crise économique que le monde ait connue depuis
1929. Les pays développés ont réagi plus ou moins rapidement : stabilisation des systèmes financiers,
rétablissement des liquidités mondiales et déblocage du crédit. Ils ont été moins efficaces pour contrer les
impacts sociaux de la crise : malgré les discours, les gouvernements se sont peu préoccupés de la manière
dont la crise touche leurs populations, notamment les plus vulnérables.
Aujourd’hui, la plupart des experts et commentateurs annoncent une reprise de l’économie. Bien loin des
discours de la fin de l’année 2008, le monde semble être revenu au business as usual.
Mais le retour à la normale n’est pas à l’ordre du jour pour les populations des pays en développement.
Le premier chapitre de ce rapport montre que ces pays ont connu une baisse brutale et soudaine de leurs
taux croissance. L’Afrique subsaharienne et l’Asie du Sud-Est accusent une perte de croissance de six
points. L’Amérique centrale et les Caraïbes affichent une croissance négative de respectivement -0,7% et 0,5%. Les pays de l’Est et l’Asie centrale ont été parmi les pays les plus touchés avec une croissance
négative de -6%. Si ces taux de croissance devraient remonter en 2010, leur niveau restera bien en-deçà
des taux qui prévalaient il y a encore deux ans.
Les flux financiers ont également diminué de presque 25%, touchés par la baisse des exportations (selon la
Banque mondiale, le commerce mondial a diminué d’entre 9 et 10% pour la seule année 2009), la réduction
des envois de fonds des migrants (21 milliards de dollars US) et des investissements directs étrangers (30%), et la contraction de l’aide publique au développement (avec un déficit de financement de 30 milliards
de dollars US par an).
Dans les pays à l’économie peu diversifiée, la chute de la demande mondiale, des prix des matières
premières et des ressources naturelles a eu des conséquences importantes en termes de chômage et de
pouvoir d’achat. Le Bureau international du travail estime que 30 millions de personnes auraient perdu leur
emploi en 2009, essentiellement dans les secteurs d’exportation touchés par la crise. La hausse des prix de
l’alimentation a principalement touché les pays à faibles revenus. Au Bénin, sur les marchés de Cotonou,
Porto-Novo ou Parakou, le prix du kilo de maïs a enregistré une hausse de 67%, celui du kilo de riz une
hausse de 33% et le prix du litre d’huile de palme a augmenté de 80%. Conséquence : 44 millions de
personnes supplémentaires vivaient en situation de malnutrition en 2009.
Alors, quelles conséquences la crise économique mondiale peut-elle bien avoir sur l’éducation de millions
d’enfants ? C’est la question à laquelle cette publication tente de répondre en s’intéressant d’une part à la
capacité de financement de l’éducation des pays en développement, et d’autre part à la capacité des familles
à envoyer leurs enfants à l’école.
Bien sûr, la situation est différente selon les pays. Les conséquences de la crise économique mondiale ne
sont pas les mêmes en Inde (pays émergent), au Burkina
Faso (qui figure dans la liste des pays les moins avancés) ou à Madagascar (qui vit depuis plusieurs mois
une crise politique interne). Mais partout, les effets de la crise économique se combinent à ceux des crises
alimentaire et énergétique pour en renforcer les effets.
Le deuxième chapitre revient sur les expériences des crises passées. Celles-ci prouvent qu’il est possible de
mettre en place des mesures contre-cycliques efficaces, même dans les pays les plus pauvres. Au niveau
national, les programmes de transferts monétaires conditionnels ont fait la preuve de leur efficacité en
termes de protection des secteurs sociaux, notamment de l’éducation. Au niveau international, un
engagement inconditionnel des partenaires du développement est essentiel pour appuyer les pays les plus
fragiles dans la mise en place de ces programmes et pour augmenter le volume et la qualité de l’aide
publique au développement. Même si les réponses diffèrent selon les pays, au niveau local, de nombreuses
initiatives émergent pour protéger l’éducation et la santé des enfants : soutien à l’entreprenariat féminin (les
femmes sont particulièrement touchées par la crise, avec des répercussions en cascade sur leurs enfants),
mise en place de cantines scolaires (pour assurer au moins un repas complet par jour aux enfants),
financement des centres de santé de proximité, prévention des violences domestiques, etc.
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Les informations recueillies montrent une diminution des budgets consacrés à l’éducation, une réorientation
des dépenses en faveur de l’enseignement supérieur et une recherche d’économies en réduisant notamment
les coûts liés aux enseignants. Dans les pays pratiquant une gestion décentralisée de l’éducation, les
subventions allouées aux écoles ont été diminuées, voire supprimées, avec des conséquences sur les
revenus des enseignants, la disponibilité du matériel scolaire ou le maintien des cantines. Dans plusieurs
pays, de grandes réformes concernant à la fois l’accès et la qualité de l’éducation ont été ajournées en
raison du déficit de financement.
Les populations des pays en développement paient le prix de la crise. Les enquêtes menées par Aide et
Action dans huit pays auprès des familles, des enseignants, des élus et aussi des enfants témoignent d’un
quotidien précaire. Déjà affaiblis par les conséquences des crises alimentaire et énergétique, les ménages,
notamment les plus fragiles, orientent la totalité de leurs ressources vers la survie.
Ces enquêtes, rapportées dans le troisième chapitre, montrent une déscolarisation des enfants de ces
familles, notamment des plus âgés, la plupart du temps associée à une recrudescence de leur implication
dans des activités faiblement rémunérées.
Elles révèlent également les impacts de la crise économique sur la santé des enfants, notamment des plus
jeunes. Au total, ce sont entre 200 000 et 400 000 décès supplémentaires d’enfants de moins d’un an qui
pourraient survenir chaque année jusqu’en 2015. L’ensemble du bien-être physique et psychologique des
enfants est en jeu : les enquêtes réalisées montrent qu’ils sont égalementperturbés par le climat de stress et
d’incertitude dans lequel la hausse du chômage et la perte de pouvoir d’achat ont plongé leurs parents. Les
entretiens menés illustrent également l’impact de la crise économique sur la perception que les familles ont
de l’école : celle-ci perd de son attractivité, les perspectives d’emploi étant moins importantes et le coût
d’opportunité augmentant à mesure que le pouvoir d’achat diminue.
Ces dernières données sont particulièrement inquiétantes pour l’avenir, d’autant que l’expérience montre que
le développement humain a tendance à se détériorer plus rapidement pendant les phases de tassement de
la croissance qu’ils ne s’améliorent pendant les phases d’accélération. Par ailleurs, certains impacts ont des
effets irréversibles, notamment en ce qui concerne les jeunes enfants.
En analysant les impacts macroéconomiques de la crise dans les pays en développement, ses effets sur les
capacités de financement des Etats et les conséquences sur les familles, cette étude tente donc de donner
une vue globale des conséquences profondes et complexes de la crise économique dans les pays en
développement, et des changements structurels susceptibles d’être engagés. Ainsi, si cette crise remet en
question de nombreux progrès effectués, à la fois dans le cadre des objectifs du Millénaire pour le
développement et des objectifs de l’Education pour tous, elle constitue également une occasion d’investir
prioritairement en faveur des secteurs sociaux et des populations les plus fragiles. A condition d’accepter de
repenser différemment le monde dans lequel nous vivons.
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