Le recours à l’inflation peut-il être une stratégie de sortie de crise ?
© Joël Hermet 2010
Sujet d’actualité en 2010 car les plans de relance budgétaire et monétaire exercent et vont
exercer de plus en plus dans le futur une pression à la hausse sur les prix.
Un film sorti en 1982 avec Zabou, dans une parodie de Blanche Neige, s’intitulait « Elle
voit des nains partout » ; à l’instar de Zabou, certains élèves voient de l’inflation partout ! On
rappellera que la période des années 1930 ne fut pas une période d’inflation mais au contraire de
déflation, avec une baisse de 16% des prix aux USA de 1930 à 1940, calcul que l’on peut faire soi-
même sur le site de la FED de Minneapolis http://www.minneapolisfed.org/. De même, la période
1990-2010 au Japon a été marquée par des années de stagnation voire de baisse des prix.
Pour bien délimiter le cadre du sujet, un exercice simple est de le modifier légèrement :
Le sujet n’est pas « L’inflation évite-t-elle les crises ? » car si on évite une crise, logiquement on
n’a pas à en sortir, ni « L’inflation favorise-t-elle la croissance ? » car les effets positifs ou négatifs
de l’inflation en période de croissance, par exemple pendant les 30 glorieuses, sont hors-sujet.
Le sujet n’est pas non plus « Quelle est la vision de l’inflation pour les keynésiens et les
monétaristes ? » car cela dépasse le cadre du sujet (les causes de l’inflation par exemple) même si
la vision de l’inflation par ces deux courants nourrira notre réflexion.
La réponse dépendra de nature de la crise : crise de l’offre ou de la demande ? Le terme
« crise » étant pris dans son sens courant de récession ou dépression.
Pb : face à une crise, doit-on recourir à des politiques qui favorisent ou provoquent de l’inflation ?
I) L’inflation non anticipée peut à court terme entraîner un effet de relance
1) L’inflation permet de restaurer une demande atone :
* hausse de l’emprunt par l’effet de levier, permettant d’accroitre la consommation et
l’investissement privés
* hausse des recettes fiscales du gouvernement et baisse de la valeur réelle de la dette publique
(lien avec le niveau élevé de la dette publique en période de crise) ce qui permet d’augmenter la
demande publique quand la demande privée faiblit
* l’inflation a en outre le grand avantage pour ses partisans d’éviter la déflation qui pointe le bout
de son nez en cas de récession en raison de la baisse de la demande ; Roosevelt a d’ailleurs
pratiqué une politique de reflation en 1933 pour sortir les USA de la déflation.
2) L’inflation permet de diminuer un chômage élevé : Courbe de Phillips
* pour les keynésiens, la politique de relance budgétaire et monétaire permet d’augmenter la
demande globale, de baisser le chômage tout en accroissant l’inflation ; ici l’inflation n’est pas la
solution mais plutôt l’effet secondaire. Cf. l’effet des relances Chirac et Mauroy.
* pour les monétaristes, la relance monétaire entraîne de l’inflation, une diminution des salaires
réels et une hausse des embauches
* pour les néo-keynésiens, l’inflation permet une plus grande flexibilité des salaires réels quand les
salaires nominaux sont rigides, or en Europe cette flexibilité serait un facteur de reprise
3) L’inflation permet de favoriser les agents les plus à même d’entrainer la reprise :
* « L‘inflation facilite la vie de ceux qui empruntent — les jeunes et les créateurs d’entreprise — au
détriment de ceux qui amassent — les créanciers et les détenteurs d’actifs financiers — l’inflation a la
singulière vertu de déstabiliser les situations acquises, de stimuler les désirs et d’exciter les croissances. Ce
n’est pas un hasard si les pays qui affichent aujourd’hui les croissances les plus fortes sont aussi ceux où
l’inflation est la plus élevée » écrivait Jacques Marseille en février 2008 dans le magazine Investir.
* l’inflation permet en outre de masquer certaines contraintes, d’éviter des conflits sociaux, de
satisfaire tout le monde : les autorités peuvent dépenser plus pour les banquiers et les constructeurs
automobiles sans dépenser moins pour les agriculteurs, les routiers, les RMIstes, etc.